Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels 56 ème session 21 septembre-9 octobre 2015 Genève



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Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels 56 ème session 21 septembre-9 octobre 2015 Genève Rapport des ONG Maroc : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHARAS LKHIR Juillet 2015

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 2 Sommaire A. INTRODUCTION... 3 B. LES DROITS ECONOMIQUES SOCIAUX ET CULTURELS AU MAROC, LE CONTEXTE NATIONAL ET LES ENGAGEMENTS... 4 C. LES VIOLATIONS PAR LE MAROC DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESC... 6 1- AFFAIRE «IMIDER» :... 6 a- Droit à l autonomie : (Article 1)... 6 b- La Non-Discrimination : (Article 2)... 6 c- Droit au travail : (Article 6)... 7 d- Droit à un niveau de vie suffisant : (Article 11)... 7 Suggestions et recommandations à l Etat marocain:... 8 2- AFFAIRE «TADOUART»... 9 a- Droit à l autonomie : (Article 1)... 9 b- Droit à un niveau de vie suffisant : (Article 11)... 9 Suggestions et recommandations à l Etat marocain :... 9 3- LA LANGUE AMAZIGHE :... 9 a- Le Droit à l éducation : (Article 13)... 10 Suggestions et recommandations à l Etat marocain de :... 11 4- L IDENTITE CULTURELLE :... 11 a- Le Droit de participer à la vie culturelle (Article 15)... 11 Suggestions et recommandations à l Etat marocain :... 12

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 3 A. INTRODUCTION Ce rapport est destiné au Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Il a été préparé par l Organisation Tamaynut, la confédération des associations amazighs du sud du Maroc (Tamunt Iffus) et l association Agharas Lkhir. Il s appuie sur 03 rapports de plaidoyer au niveau national dans les affaires Imider et Tadouart, une charte appelée «AKAL» (Charte de la terre : Annexe I), la note de l organisation sur l officialisation de l Amazighe (Annexe II), la réception de 20 rapports de plus de 60 associations (sections de Tamaynut et associations confondues) ainsi que sur les violations des droits du peuple amazighe autochtone au Maroc déclarées via la rubrique Déclarer un abus accessible à tous les amazighs sur le portail de organisation Tamaynut http://www.tamaynut.ma/. Tamaynut est une organisation qui lutte depuis sa création en 1978 pour la défense et la promotion des droits des autochtones (Amazighe) au Maroc. Elle réunit plus de 28 sections réparties sur le territoire marocain et dotées d'une indépendance administrative et financière. Tamunt Iffus est une confédération qui rassemble plusieurs associations au sud du Maroc (plus de 58 associations). Elle lutte aussi pour la défense des droits des amazighs au Maroc. Agharas Lkhir, est une association locale qui représente dans ce rapport la population du village de Tadouart, menacée de l'expulsion de leur terres, soutenue par sa population et par plusieurs organisations des droits de l'homme au Maroc. Cette association travaille surtout dans le domaine de développement. Tamaynut, Tamunt Iffus et Agharas Lkhir souhaitent mentionner le soutien apporté par le Centre de conseils et d appui pour les jeunes en matière des droits de l Homme (CODAP) et le Centre de Documentation, de Recherche et d'information des Peuples Autochtones (Docip).

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 4 B. LES DROITS ECONOMIQUES SOCIAUX ET CULTURELS AU MAROC, LE CONTEXTE NATIONAL ET LES ENGAGEMENTS Le Maroc a connu plusieurs développements depuis le règne du Roi Mohammed VI, notamment en ce qui concerne la cause amazighe. L Amazighe dans toutes ses formes (identité, culture, langue, civilisation,..) était un sujet très sensible à en discuter depuis l indépendance du Maroc au 1956 et a conduit à des arrestations arbitraires (cas du Maitre HASSAN IDBELKACEM qui a mis une pancarte écrite en calligraphie Tifinagh, transcription des autochtones, sur la porte de son bureau) et aux poursuites policières et judiciaires (cas des détenus de «Tilelli» à Goulmima sud est du Maroc en 1994 suite à leur participation au 1 er mai avec une banderole portant la graphie Tifinagh). Grâce aux actions militantes du mouvement amazighe, aux mouvances populaires, à la volonté et au désir du peuple de vivre dans un Etat de droit et démocratie, l'année 2011 a connu une forte implication des citoyens dans les grèves et marches pacifiques pour améliorer leur vies dans le cadre du mouvement 20 février. Celui-ci a comporté aussi des revendications du mouvement amazighe (officialisation de la langue amazighe dans une constitution démocratique au fond et en forme, objectivité dans la réécriture de l histoire du Maroc qui minimise toujours les Amazighs,..). En réponse à ces revendications militantes, le Maroc a adopté en juillet 2011 une nouvelle constitution qui comprend notamment : - L officialisation de la langue amazighe attachée à une loi organique qui doit la mettre en œuvre ; - La constitution d'un institut des langues et cultures; Pendant l année 2011, l Etat marocain a fixé au gouvernement une durée de cinq ans pour élaborer toutes les lois organiques y compris celle relative à la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe dans les administrations, l enseignement, la justice, la vie publique. Il s agit donc d un grand défi à relever. Depuis 2011 le Maroc a essayé de travailler dans le cadre du respect de la nouvelle constitution et les dispositions de son article 5 notamment dans la transcription des noms de quelques administrations et ministères en Amazighe par l alphabet Tifinagh

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 5 C. LES VIOLATIONS PAR LE MAROC DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESC 1- AFFAIRE «IMIDER» : Sur les hauteurs du mont d alebbane, à 1400 mètres d altitude, à la région «IMIDER» à Tinghir, sud-est du Maroc, persiste le plus long sit-in permanent du monde entier. Quatre ans à compter depuis le début du sit-in des autochtones de la zone d Imider contre l exploitation d une mine d argent par la Société Métallurgique d Imider (SMI). Depuis 1969, celle-ci produit chaque année 300 tonnes d argent. a- Droit à l autonomie : (Article 1) Les manifestants protestent pacifiquement depuis les années 90 contre l abus de la société qui exploite le minerai sans consentement libre, préalable et éclairé de la population autochtone de la région. L Etat s abstient de prendre les mesures adéquates pour sauvegarder l identité culturelle des Amazighs et leur interdit de profiter et d user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles. L Etat marocain utilise ses ressources pour sauvegarder ses intérêts et ceux de la société par : l installation d antennes de gendarmerie et de forces auxiliaires aux alentours de la zone d exploitation ; des répressions et arrestations dans les rangs des Amazighs : cas de Mustapha OUCHTOUBANE (4 ans de prison ferme). b- La Non-Discrimination : (Article 2) En dépit de quelques lignes dans la constitution qui mettent l'accent sur la nondiscimination, les Amazighs demeurent le groupe le plus vulnérable et le plus gravement touché par la discrimination. Le peuple autochtone Amazighe ne bénéficie pas les droits contenus dans le

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 6 ICESCR sur un pied d'égalité. Il est touché par des programmes d'arabisation qui ont participé à la destruction de la culture Amazighe. Dans un Maroc arabisé et dominé par une culture et langue étrangère, la langue Amazighe est handicapée dans l'éducation et absente dans l'emploi, la santé et la justice. Il est aussi important de signaler que le gouvernement touche à la fin de son mandat sans aucune discussion sur la loi organique relative à l officialisation de la langue Amazighe dans la constitution, ni implication ou concertation du mouvement amazighe sur ce sujet. Notre alliance note l'absence de stratégies, visions et programmes concrets de formation des cadres et employés de l'etat en matière de langue Amazighe et des droits de l'homme. De plus, il s avère clair que le Maroc n'a pas répondu aux paragraphes 7, 8, 9 et 10 de la liste de points du comité traitant l article 2 paragraphe 2 au sujet de la nondiscrimination c- Droit au travail : (Article 6) La SMI ne répond pas aux revendications légitimes des Amazighs à «Imider» qui s articulent sur des dossiers sociaux (emploi des jeunes de la région qui ne représentent que 14% des travailleurs du minerai), économiques (la participation inconditionnelle et opérationnelle de la SMI dans le développement de la région et lutter contre l exclusion par l élaboration de projets citoyens et générateur de revenus) et culturels (construction d écoles et de collèges, mise à disposition des bourses et aides aux élèves et étudiants et rétablir leur situation inquiétante, sachant qu ils ont boycotté le système scolaire et ils ont rejoint leur famille en sitin sur le mont d alebbane, d après ce que nous avons constaté lors de nos visites sur terrain). d- Droit à un niveau de vie suffisant : (Article 11) Depuis l année 2004, la SMI a procédé aux travaux de forage et de construction des puits pour pomper de l eau et en fournir à la mine. Le premier résultat n est autre que l affaiblissement du débit de l eau et son épuisement à tel point qu elle ne coule que quelques minutes par jour.

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 7 Les protestataires nous confirment, suite à nos visites, la présence de certains polluants voire de matières toxiques qui menacent la vie et les êtres vivants, à savoir le cyanure qui est utilisé en masse pour l extraction de l argent, et le mercure qui se libère du minerai lors de la récupération de l argent pur. Les conséquences de ces utilisations provoquent des dégâts environnementaux qui impactent la faune notamment via la mort mystérieuse du bétail des habitants de la région et des nomades. La terre du peuple Amazigh et ses ressources nécessaires pour maintenir les formes traditionnelles de culture et de subsistance se polluent et se détruisent pour satisfaire les intérêts particuliers de l Etat et la SMI. Il ressort de cette situation que le droit à l eau comme faisant partie du droit à un niveau de vie suffisant est violé. Cette violation se comprend en se référant à l Observation générale n 12 (1999) et l Observation générale n 15 (2002) du Comité sur le droit à l eau, ces deux références étant les documents qui ont détaillé ce que ce droit sous-entend. Suggestions et recommandations à l Etat marocain: - Respecter le droit des autochtones à «Imider» de disposer eux-mêmes de leurs richesses. - Assurer un climat de dialogue constructif et fructueux entre les manifestants d IMIDER et les représentants de la SMI, dans le cadre d un partenariat tripartite basée sur la loi nationale et internationale, pour répondre aux revendications des protestataires, notamment l accès au travail et à un niveau de vie suffisant pour les habitants de la région ; - Fournir aux Amazighs à «Imider» des ressources leur permettant de concevoir, d assurer et de contrôler leur accès à l eau. - Mettre fin immédiatement à la pollution causée par l extraction minière dans la région d IMIDER. - Mener une étude d impact environnemental pour évaluer les impacts immédiats et sur le long terme de la pollution liée à l extraction minière dans la région d IMIDER. - Revoir le cadre législatif et institutionnel concernant les projets d exploitation

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 8 des ressources naturelles, en consultation avec les Amazighs (peuple autochtone) et de se donner davantage de moyens pour contrôler les sociétés extractives et veiller à ce qu elles n aient pas d effets néfastes sur les Amazighs, leur territoire et leurs ressources naturelles. 2- AFFAIRE «TADOUART» a- Droit à l autonomie : (Article 1) Le droit à l accès à la terre subit encore une fois un coup dur auprès de l Etat marocain. Les Amazighs de la région de «TADOUART», 420 hectares de terres, 4000 habitants et 2000 maisons, située à 20Km au sud-est de la ville d Agadir, sont condamnés à quitter leur propres terres. La spoliation des terres des autochtones par l Etat rentre dans le cadre d un processus de délimitation de plus de 12 millions d hectares de terres des autochtones en faveur de l Etat. L Etat marocain continue de déposséder les Amazighs de leurs terres et propriétés. Par conséquent, les familles immigrent dans les grandes villes où elles vont se fondre, se déraciner et perdre leur identité. L Etat ne respecte pas les valeurs du droit à l autonomie telles qu un engagement significatif, une participation et une reconnaissance politique. b- Droit à un niveau de vie suffisant : (Article 11) L Etat par sa décision judiciaire d expulser plus de 4000 habitants de TADOUART issus du peuple Amazigh autochtone qui se trouvait sur ces terres avant même l existence de l Etat/pays, menace un grand nombre de vies et viole un ensemble de droits garantis par les instruments internationaux dont l article 11 de l ICESCR qui stipule la reconnaissance du droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille ainsi que la sécurité légale de l occupation détaillée dans l Observation générale n 4 au paragraphe 8. Suggestions et recommandations à l Etat marocain: - Compte tenu de la gravité de la situation dans la région de TADOUART, de répondre aux revendications de la population et de créer un climat de discussion constructif pour trouver une solution urgente à l'intention de la population condamnée arbitrairement à quitter ses propres terres.

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 9 - Assurer un niveau de vie suffisant à cette population qui vit sous la menace d'être expulsée de ses terres. - Adopter sans délai les mesures nécessaires, notamment la reconnaissance et la protection juridiques, pour garantir le droit du peuple Amazighe de disposer librement de ses terres, territoires et ressources naturelles. - Prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les Amazighs ne soient déplacés de force des terres et territoires qu ils occupent et leur appartiennent historiquement, comme dans l exemple de TADOUART. - Prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place un mécanisme judiciaire qui permette au peuple autochtone d exercer une action en revendication sur ses terres. 3- LA LANGUE AMAZIGHE : a- Le Droit à l éducation : (Article 13) Nous avons accueilli avec satisfaction l affirmation de l UNESCO qui déclare que l enseignement de l Amazighe aux écoles primaires a permis de réduire le nombre d enfants non scolarisés, selon plusieurs références de presse, ce qui va dans le sens de nos droits et revendications. Pourtant, nous notons l absence d une volonté politique réelle de l Etat marocain de réussir le projet d intégration de la langue Amazighe dans le système éducatif. Le gouvernement marocain ne respecte jamais les quatre principes fondamentaux de l enseignement de l Amazighe à savoir : la généralisation horizontale et verticale, le caractère obligatoire, la standardisation et enfin la transcription en alphabet Tifinagh. Douze ans après le lancement de l enseignement de l Amazighe au Maroc, le gouvernement ne fait rien pour améliorer la situation de cette langue dans le système éducatif. Le rythme de développement est trop faible (1.5%) fondé sur le nombre d établissements qui enseignent la langue Amazighe et le nombre de bénéficiaires par rapport aux objectifs tracés en 2003 qui ont fixé l année 2010 une année de passage de cette langue vers le niveau collégial. En réalité, en 2014, l enseignement de l amazighe n atteint que 14% des élèves du primaire, selon des responsables et chercheurs de l Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), il

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 10 fallait donc attendre un siècle pour généraliser la langue. Par ailleurs, les Amazighs ne sont pas représentés dans la prise des décisions qui touchent leur langue et leur culture. Le Conseil Supérieur de l Enseignement (CSE) décide de l avenir linguistique du Maroc sans aucune représentation des Amazighs (ONG et associations). Le gouvernement n a pas investi dans l éducation de base et l alphabétisation en langue Amazighe. Cette langue demeure encore absente dans les programmes d alphabétisation. L Etat marocain n a pas honoré la recommandation 58 du Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels du 19 mai 2006 ««Le Comité recommande à l État partie de créer des programmes d alphabétisation en langue amazighe. En outre, il l invite à accorder un enseignement gratuit en langue amazighe à tous les niveaux.». Suggestions et recommandations à l Etat marocain: - Respecter la volonté de l'acteur Amazighe (ONG) à l'auto-détermination culturelle et de participer aux plans et programmes de promotion de l'amazighe et des droits de l'homme; - Réviser les recommandations du rapport stratégique du CSE en appuyant sur la valorisation de la langue Amazighe et en respectant les quatre principes fondamentaux de l'enseignement de l'amazighe; - Intégrer l éducation interculturelle dans le système éducatif pour favoriser et renforcer les bases des relations mutuelles entre les groupes culturels ; - Garantir l accès des Amazighs à l éducation par leur langue maternelle et de faire en sorte que cette éducation soit adaptée à leurs besoins spécifiques ; - Adopter des mesures urgentes pour préserver la langue Amazighe et favoriser son emploi ; - Investir un capital financier et humain dans l'amélioration de l'enseignement de l'amazighe au sein du système éducatif.

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 11 4- L IDENTITE CULTURELLE : a- Le Droit de participer à la vie culturelle (Article 15): Le droit des parents de nommer leurs nouveaux nés n est pas protégé correctement par les lois marocaines. La condition d acceptabilité, étant un élément nécessaire à la pleine réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle dans des conditions d égalité et de non-discrimination, n est plus respectée. Plusieurs réclamations reçues par nos sections indiquent le refus des officiers de l état civil d enregistrer des enfants avec des prénoms amazighs. Deux de nos militants ont également trouvé des difficultés et entraves avec l administration à «Inezgan» et à «Casablanca» pour inscrire leurs nouveaux-nés. Le gouvernement marocain a refusé une proposition de loi déposée par l opposition qui avait pour objectif de mettre fin à l interdiction des prénoms Amazighs et d annuler des sobriquets et titres tel que «Moulay», «Lalla» et «Sidi» qui marquent la discrimination et la distinction entre les citoyens sur la base de leur origine. L Etat marocain n a pas honoré la recommandation 59 du Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels du 19 mai 2006, «Le Comité invite l État partie à envisager de consacrer dans la Constitution la langue amazighe comme une des langues officielles. Il l encourage à prendre les mesures nécessaires pour permettre aux parents de donner un nom amazigh à leurs enfants. En outre, il l exhorte à prendre les mesures nécessaires pour garantir pleinement à la communauté amazighe son droit à exercer sa propre identité culturelle, conformément à l alinéa a du paragraphe 1 de l article 15 du Pacte établissant le droit de participer à la vie culturelle». Il s'avère important de noter que l'acteur amazighe (ONG et associations) est toujours exclu du consentement et de la participation à la mise en oeuvre des programmes et des plans qui touchent et qui concernent les Amazighs. A titre d'exemple le Plan d'action national en matière de démocratie et de droits de l'homme 2011-2016.

Rapport des ONG : Organisation TAMAYNUT, Confédération TAMUNT IFFUS et Association AGHRAS LKHIR 12 Suggestions et recommandations à l Etat marocain: - Prendre les mesures nécessaires pour promouvoir véritablement l emploi de la langue officielle Amazighe. - Mettre en œuvre l article 5 de la constitution de 2011 et adopter une loi organique qui reconnait les droits amazighs dans leur globalité, en concertation avec les ONG et la société civile amazighe. - Mettre fin à l'interdiction et au refus de l'enregistrement des prénoms Amazighs et l annulation des sobriquets discriminatoires. - Organiser des cycles de formation pour les cadres et employés de l'etat au sujet du peuple amazighe (langue, culture et civilisation). - Diffuser largement les observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès du peuple autochtone en les faisant traduire dans la langue amazighe.