Conception d une Machine Haute Vitesse / Haut Rendement à Coût Maitrisé pour des Applications de Type Compresseur A. Gilson Moving Magnet Technologies, 1 Rue Christiaan Huygens, 25000 Besançon Département ENERGIE, Université de Franche-Comté, Institut FEMTO-ST, 90010 Belfort adrien.gilson@movingmagnet.com RESUME Ce papier présente la conception et la réalisation d une machine à aimants en surface de 3 kw à 80 000 tr/min. La méthode est détaillée et des indications générales sont données pour maitriser les coûts de production en conservant un rendement élevé. Un prototype est réalisé et des résultats expérimentaux sont donnés avec en particulier une comparaison entre les pertes mesurées et simulées. ABSTRACT This paper presents a 3 kw 80 krpm surface-mounted permanent magnet motor for compressor applications. The design procedure is presented and the paper aims to give general indications to provide a cost-efficient solution. A prototype is built and first experimental results are given. In particular a loss comparison between simulation and measurement is presented. MOTS-CLES Conception de machine, machine haute vitesse, machine à aimants permanents. 1. Introduction Les machines haute vitesse à aimants permanents sont de plus en plus utilisées dans une grande variété d applications. On peut citer par exemple les broches de machines-outils, les turbines à gaz ou encore les compresseurs de manière générale [1 3]. La densité de puissance importante de ces machines ainsi que leur fiabilité sont deux facteurs déterminant dans ces applications exigeantes. Dans les applications automobiles, les compresseurs de piles à combustibles [4] et les turbocompresseurs assisté électriquement sont particulièrement situés dans des environnements à haute température et/ou nécessite un niveau d intégration important. Par conséquent, la demande pour des machines à haut rendement et haute vitesse devient significative. Cependant, ce domaine d applications nécessite de pouvoir maitriser les coûts de production dans un milieu très concurrentiel. Dans ce but, des compromis doivent être trouvé pour pouvoir concilier haut rendement et industrialisation facilitée. Ce papier présente le dimensionnement et la réalisation d une machine haute vitesse à haut rendement dédiée à la compression d air. Par la suite, les simulations réalisées sont présentées ainsi qu un bilan des pertes. Enfin, les résultats expérimentaux obtenus sont présentés. 2. Conception de la machine La topologie de la machine a été définie pour remplir au mieux les conditions de fonctionnement à haute vitesse en conservant des caractéristiques adaptées à une industrialisation facilitée. Ainsi, le nombre de phases est de 3 pour permettre une compatibilité avec les onduleurs standards. Une bague d aimant 1 paire de pôles a été choisi pour permettre une aimantation aisée du rotor et pour réduire la fréquence de pilotage. Un faible nombre d encoches a été choisi pour faciliter le processus de bobinage. 6 encoches ont été préférées plutôt que 3 pour empêcher l apparition de forces tournantes qui pourraient s avérer problématique pour le dimensionnement des guidages à haute vitesse. Enfin, une tension d alimentation élevée de 400 V est utilisée pour correspondre aux standards des véhicules électriques à piles à combustibles (FCEV) et véhicules hybrides (HEV). 2.1 Stator Comme présenté dans la Figure 1, le stator est constitué de 6 dents indépendantes bobinés séparément et assemblées par la suite. Ce bobinage permet de : Simplifier l opération de bobinage ; Maximiser le taux de remplissage en cuivre, même avec des encoches semi-fermées ;
Les courtes têtes de bobines assurent une excellente compacité. Pour les tôles statoriques, la nuance NO20 a été choisie. Bien que des nuances plus économiques soient préférables, les vitesses de rotations importantes et la recherche d un bon rendement nous ont orientés vers ce type de tôle. 2.2 Rotor Le rotor du prototype réalisé est présenté Figure 2. L aimant est constitué d un seul anneau en NdFeB aimanté diamétralement. Bien que la segmentation soit un moyen de réduire considérablement les pertes rotoriques [5], les simulations présentées par la suite montrent que cette opération couteuse se révèle inutile. Le frettage de l ensemble rotor est nécessaire pour empêcher la centrifugation des aimants. Pour réaliser cette fonction, on utilise habituellement les matériaux suivant : des superalliages à base de nickel/cobalt, des alliages de titane, des aciers amagnétiques ou de la fibre de carbone/verre. Un alliage de titane TA6V a été choisi pour cette application pour sa limite élastique élevée et sa faible masse volumique. L épaisseur de la frette a été calculée selon [6] pour limiter les contraintes mécaniques dans la bague d aimant en acceptant 20% de survitesse. Idéalement, son épaisseur doit être minimisée pour limiter l inertie additionnelle et conserver une bonne réponse dynamique. 2.3 Conception générale Le guidage du rotor est assuré par des roulements à billes céramiques. La simplicité d intégration de ces éléments et leurs coûts modérés en font une solution préférentielle. Dans les applications haute vitesse, des paliers magnétiques ou à air peuvent aussi être utilisés mais requièrent respectivement une électronique de contrôle dédiée et un dimensionnement complexe très spécifique. Un circuit de refroidissement liquide est intégré dans une chemise en aluminium enserrant le stator permettant ainsi d atteindre des densités de courant plus importante. Figure 1 : Stator du prototype Détails du bobinage concentré Stator assemblé. Figure 2 : Rotor. Rotor assemblé partiellement (sans roulements). Bague d aimant en NdFeB.
3. Dimensionnement de la machine et évaluation des pertes Le calcul du rendement de la machine est effectué en utilisant les modèles de pertes présentés dans la suite de cette section. Les données d entrées pour ces calculs sont essentiellement issues des simulations par éléments finis réalisées avec le logiciel Flux2D. Dans cette étude, les paramètres géométriques suivant ont été sélectionnés : la valeur de l entrefer, l épaisseur d aimant, la largeur de dent et de la culasse statoriques, le diamètre extérieur et la longueur de la machine. Bien qu une optimisation complète n ait pas été réalisée, la large étude paramétrique effectuée nous amène à penser que la structure finale est proche d un optimum en termes de rendement. 3.1 Pertes fer Les pertes fer sont calculées par (1) en utilisant le modèle de Bertotti [7]. ( ) (1) Où est le facteur de foisonnement et, et respectivement les pertes par hystérésis, courants de Foucault et supplémentaires. Pour une induction sinusoïdale, ces pertes sont données par (2), (3) et (4). Où et représente les coefficients de pertes par hystérésis et supplémentaires, la valeur crête de l induction, l épaisseur de la tôle utilisée, la conductivité du matériau et sa masse volumique. Nous admettrons dans notre cas que les pertes supplémentaires peuvent être négligées. Par conséquent, la valeur de sera déterminé en utilisant les données du fabricant. Les pertes rotoriques sont calculées avec le logiciel éléments finis. L ouverture d encoche étant faible et l entrefer important, les pertes induites par la variation de perméance due au passage des dents sont limitées. Cependant, les harmoniques d espace de la force magnétomotrice peuvent conduire à des pertes importantes dans les aimants et la frette et seront par conséquent systématiquement évaluées. La Figure 3 présente la distribution de la densité de courant dans le rotor au couple et vitesse nominal. 3.2 Pertes Joule La machine est connectée en étoile-série et la tension d alimentation élevée permet d utiliser un fil de diamètre raisonnable. Par conséquent, l effet de peau s avère négligeable et l utilisation de fil de Litz n est pas nécessaire. Les pertes Joule sont calculées simplement avec (5) : (2) (3) (4) Où est la résistance électrique d une bobine seule et la valeur efficace du courant. (5) Figure 3 : Densité de courant dans le rotor à couple et vitesse nominal
3.3 Pertes mécaniques Elles se composent des pertes dans les roulements à billes des pertes par friction aéraulique. Ces dernières peuvent être calculée avec (6) et (7) selon [8][9]. Où représente le coefficient de frottement, la masse volumique du fluide, le rayon du rotor, la vitesse de rotation et la longueur du rotor. Le coefficient est obtenu grâce à (7) : (6) ( ) (7) Où est le nombre de Reynolds. Les autres nombres présents dans cette équation sont déterminés expérimentalement. Pour la géométrie de machine retenue, ces pertes s élèvent à environ 3 W. Enfin, les pertes dans les roulements ne seront pas évaluées à priori et seront mesurées sur le prototype. Selon [9], on peut écrire ces pertes sous la forme (8) : Où et sont des constantes déterminées expérimentalement. 3.4 Résultats des simulations Les simulations réalisées nous ont conduits à retenir une géométrie de machine dont le bilan des pertes est présenté dans le Tableau 1. Il est important de remarquer que la majorité des machines calculées ayant un rendement satisfaisant présentent des pertes Joule et fer relativement similaires. Comme indiqué précédemment, les pertes dans les roulements ne sont pas modélisées ici. Ces pertes sont supposées indépendantes de la machine calculée et ne sont donc pas nécessaires à la comparaison des différentes structures. Le rendement ainsi affiché est supposé supérieur de quelques pourcent au rendement réel. 4. Résultats expérimentaux 4.1 Présentation du posage de mesure Les mesures ont été réalisées en utilisant deux méthodes. La première consiste à utiliser un frein à courants de Foucault tel que présenté dans la Figure 4. La rotation d un aimant fixé en bout d axe moteur induit des courants dans une pièce conductrice solidaire d un couple mètre. Ces courants provoquent un couple de freinage en créant un champ qui s oppose à celui créé par l aimant. Deux montages possibles sont présentés dans la Figure 4, le montage a été choisi pour cette campagne de mesures. La deuxième méthode consiste à réaliser des tests d accélération à vide. En relevant la position du rotor à chaque instant, on peut en déduire la vitesse puis l accélération du moteur. On en déduit ensuite le couple grâce à la relation (9) : (9) Où est l inertie du rotor et le couple moteur. Cette méthode suppose une connaissance précise de l inertie et de la position du rotor. Pour cela, des essais ont été menés avec et sans inertie additionnelle (dont la valeur est connue précisément). La différence entre les deux temps de réponse mesurés nous permet de remonter à la valeur de l inertie du rotor. Contrairement à la méthode précédente, cet essai ne nous permet pas de déterminer le rendement du moteur. (8) Tableau 1. Pertes calculées dans la machine à vitesse et couple nominal Paramètre Notation Valeur Unité Pertes fer stator 39 W Pertes dans la frette 1,6 W Pertes dans les aimants 1,4 W Pertes dans la culasse rotorique ~0 W Pertes Joule 46,6 W Rendement 97,1 %
4.2 Résultats La totalité des mesures expérimentales n a pas encore été réalisée et le comparatif entre les pertes simulées et mesurées à couple et vitesse nominale n est pas présenté dans cette partie. Cependant, la Figure 5 présente le couple, la puissance et le rendement (c) atteint pour plusieurs tensions d alimentation. On observe une bonne corrélation entre mesures et simulations mais l écart s accentue avec la montée en vitesse. Le rendement maximum obtenu pour la plus faible tension d alimentation est d environ 91%. La Figure 5 (d) présente les mesures de pertes jusqu à 72 000 tr/min en fonctionnement à vide. Si on ôte les pertes Joule (qui sont faibles dans ce cas), cette courbe représente alors la somme des pertes fer (rotor et stator) et mécaniques (aéraulique et par friction dans les roulements). En extrapolant cette courbe jusqu à 80 000 tr/min, on obtient 111 W de pertes. Figure 4. Posage de mesure avec frein à courants de Foucault. Version radiale avec cloche en aluminium. Version axiale avec plaque en cuivre. (c) (d) Figure 5. Résultats expérimentaux. Couple. Puissance mécanique. (c) Rendement. (d) Pertes à vide.
5. Conclusion La conception d une machine haute vitesse à haut rendement a été développée dans ce papier. La méthode est présentée et des recommandations sont proposées pour maitriser les couts de production : Des bobinages concentrés sur dents ; Un aimant bague sans segmentation ; Des tensions d alimentation élevées pour diminuer les diamètres de fils et limiter l effet de peau Les mesures et comparatifs ont été réalisées jusqu à 72 000 tr/min à vide et jusqu à 30 000 tr/min en charge. Le rendement a été évalué jusqu à la vitesse de 18 000 tr/min et présente un maximum d environ 91%. Les futures étapes de ce travail sont les suivantes : Dimensionner un frein à courants de Foucault permettant la mesure au point de fonctionnement nominal ; Séparation des pertes. L évaluation des pertes rotoriques et des pertes mécaniques permettraient d en déduire la valeur des pertes fer au stator permettant un comparatif complet. La comparaison entre le mode de pilotage 2 phase-on et vectoriel et son influence sur les pertes statoriques et rotoriques. Références [1] A. Borisavljevic, Limits, Modeling and Design of High-Speed Permanent Magnet Machines, 2013 edition. Berlin; New York: Springer, 2012. [2] N. Bianchi, S. Bolognani, and F. Luise, Potentials and limits of high speed PM motors, in Industry Applications Conference, 2003. 38th IAS Annual Meeting. Conference Record of the, 2003, vol. 3, pp. 1918 1925. [3] C. Zwyssig, J. W. Kolar, W. Thaler, and M. Vohrer, Design of a 100 W, 500000 rpm permanent-magnet generator for mesoscale gas turbines, in Industry Applications Conference, 2005. Fourtieth IAS Annual Meeting. Conference Record of the 2005, 2005, vol. 1, pp. 253 26. [4] F. Dubas, C. Espanet, and A. Miraoui, Design of a high-speed permanent magnet motor for the drive of a fuel cell air-compressor, in Vehicle Power and Propulsion, 2005 IEEE Conference, 2005. [5] M. R. Shah and A. M. EL-Refaie, Eddy-Current Loss Minimization in Conducting Sleeves of Surface PM Machine Rotors With Fractional-Slot Concentrated Armature Windings by Optimal Axial Segmentation and Copper Cladding, IEEE Transactions on Industry Applications, vol. 45, no. 2, pp. 720 728, Mar. 2009. [6] S. P. Timoshenko and J. N. Goodier, Theory of elasticity. McGraw-Hill Kogakusha, Ltd. 1970, ch. 4. [7] D. Eggers, S. Steentjes, and K. Hameyer, Advanced Iron-Loss Estimation for Nonlinear Material Behavior, IEEE Transactions on Magnetics, vol. 48, no. 11, pp. 3021 3024, Nov. 2012. [8] J. E. Vrancik, Prediction of windage power loss in alternators. 1968. [9] P.-D. Pfister and Y. Perriard, Very-High-Speed Slotless Permanent-Magnet Motors: Analytical Modeling, Optimization, Design, and Torque Measurement Methods, IEEE Transactions on Industrial Electronics, vol. 57, no. 1, pp. 296 303, Jan. 2010.