DECISION DCC 15-189 DU 27 AOÛT 2015



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Transcription:

. DECISION DCC 15-189 DU 27 AOÛT 2015 Date :27 août 2015 Requérantes : - Elisabeth Marie YEHOUESSI - Justine ADJAÏ Contrôle de conformité Atteintes à l intégrité physique et morale Arrestation et garde : (Application de l article 6 de la Charte africaine des droits de l Homme et des Peuples) Pas de violation de la Constitution Traitements inhumains et dégradants Loi fondamentale : (Application de l article 18 de la Constitution) Violation de la Constitution La Cour constitutionnelle, Saisie d une requête du 12 mars 2015 enregistrée à son secrétariat le 20 mars 2015 sous le numéro 0605/042/REC, par laquelle Madame Elisabeth Marie YEHOUESSI forme un recours contre l inspecteur de police Soumaïla ASSOUMA et le commissaire de police Thibaut BOKO du commissariat central d Abomey-Calavi pour «coups et arrestation arbitraire» ; Saisie d une autre requête du 12 mars 2015 enregistrée à son secrétariat le 20 mars 2015 sous le numéro 0606/043/REC, par laquelle Madame Justine ADJAÏ forme un recours aux mêmes fins ; VU la Constitution du 11 décembre 1990 ; VU la loi n 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ; VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ; Ensemble les pièces du dossier ;

Ouï Madame Lamatou NASSIROU et Monsieur Akibou IBRAHIM G. en leur rapport ; Après en avoir délibéré, CONTENU DES RECOURS Considérant que la requérante Elisabeth Marie YEHOUESSI expose : «Le jeudi 12 mars 2015 dans la matinée, alors que ma voisine d en face, Justine ADJAÏ, qui est comme un enfant pour moi, était venue me faire les cheveux, Monsieur Louis FIDEGNON fit son apparition et s était mis à demander ce que Justine faisait dans la maison, qu il avait interdit qu on vienne me rendre visite. Du coup, il a appelé la police qui a fait irruption. Ils se sont jetés sur nous. L inspecteur de police ASSOUMA nous a bastonnées. Le produit défrisant était encore sur ma tête. Je demandais à voir le mandat qui les autorisait à arrêter ma voisine. Ils nous tapaient dessus. Mon pagne était tombé. J étais tombée sur mon genou. Ils ont menotté Justine et ils l ont emmenée avec eux. Je me suis rendue au commissariat où j ai attendu jusqu après 18 h 30 Suite à des interventions sans cesse, elle a été libérée. Sauf erreur ou omission de ma part dans la narration des faits, je vous prie de bien vouloir prendre ce problème à cœur pour que justice soit rendue à qui de droit.» ; Considérant qu elle a joint à sa requête un certificat médical délivré le 16 mars 2015 par le Docteur Josiane AZE, Médecin traitant, de la Médecine interne de l hôpital de zone d Abomey- Calavi/Sô-Âva ; Considérant que pour sa part, la requérante Justine ADJAÏ expose : «Le jeudi 12 mars 2015, je me suis rendue chez une voisine du nom de Elisabeth Marie YEHOUESSI. C est une dame qui vit seule et que j aide dans ses travaux domestiques. Elle est comme une mère pour moi. J ai commencé par m intéresser à son travail et elle a commencé par m initier. Avant même qu elle n ait des problèmes avec son mari, je fréquentais déjà la maison. J étais allée la voir pour l aider à 2

défriser ses cheveux quand Monsieur Louis FIDEGNON qui n habitait plus la maison fit irruption. Il s était mis à me demander ce que je faisais dans la maison. J ai continué à défriser les cheveux à la dame quand subitement la police est rentrée. Il y avait l inspecteur de police ASSOUMA et trois autres agents. Dame Elisabeth Marie YEHOUESSI a essayé en vain de leur faire entendre raison. L inspecteur de police ASSOUMA a dit qu il est venu sous les ordres du commissaire BOKO pour m arrêter. Tout à coup, l inspecteur de police ASSOUMA et ses agents se sont mis à me tabasser au point où dame Elisabeth Marie YEHOUESSI est tombée. J ai reçu des coups au point où je ne suis même plus en mesure de tourner la tête. Ils ont failli même la dénuder. Ils se sont jetés sur moi pour me menotter et me conduire au commissariat où l inspecteur de police ASSOUMA a continué à me battre encore. J ai été gardée toute la journée D intervention en intervention, ils ont fini par me relâcher à 18 heures 30 minutes. Sauf erreur ou omission de ma part dans la narration des faits, je vous prie de bien vouloir prendre ce problème à cœur pour que justice soit rendue à qui de droit.» ; Considérant que dame Justine ADJAÏ a également joint à sa requête un certificat médical délivré le 16 mars 2015 par le Docteur Josiane AZE, Médecin traitant de la médecine interne de l hôpital de zone d Abomey-Calavi/Sô-Ava ; INSTRUCTION DES RECOURS Considérant qu en réponse aux mesures d instruction de la Cour, l inspecteur de police Soumaïla ASSOUMA et le commissaire de police Thibaut BOKO déclarent : «Le 08 mars 2015, nous étions de service quand dame Elisabeth YEHOUESSI a alerté le commissariat d une agression à son domicile, précisant que l agresseur, après avoir posé des actes de vandalisme sur sa clôture, tentait de fracturer la serrure de son portail. Une équipe de cinq (05) fonctionnaires de police dirigée par l inspecteur Soumaïla ASSOUMA s est transportée sur les 3

lieux avec le véhicule immatriculé et sérigraphié police pour lui porter secours. Nous avons été accueillis par dame Elisabeth YEHOUESSI affirmant qu une fois l alerte donnée, l individu serait précipitamment reparti sans toutefois indiquer qu il s agissait de son époux. L équipe est repartie après les constatations d usage en demandant à dame Elisabeth YEHOUESSI de rappeler dès que les menaces vont se répéter. Dans la soirée, vers 20 heures précisément, elle a rappelé pour signaler que le même individu est revenu à son domicile. Diligemment, nous nous sommes portés de nouveau sur les lieux, où un individu a été retrouvé au portail, celui-ci a décliné son identité en se présentant comme Maître FIDEGNON, avocat au barreau béninois. Pendant ce temps, le portail et les portes de l immeuble étaient fermés. L individu s est montré coopératif, puis nous a déclaré : "c est ma maison et ma compagne tente de m empêcher l accès en changeant régulièrement les serrures, ce qui est inacceptable". Nous avons invité Maître FIDEGNON, très en colère, au sang-froid Sur insistance de la police, dame Elisabeth YEHOUESSI qui a alerté la police a finalement accepté d ouvrir les portes de l immeuble et du portail. Et sous notre conduite, Maître FIDEGNON a pu prendre quelques effets vestimentaires dans sa chambre à laquelle il n a pu accéder depuis 2013 en raison des agissements de dame Elisabeth YEHOUESSI. En sortant de l immeuble, nous avons constaté la présence de dame Justine ADJAÏ, habitant une maison en face, dans la cour Maître FIDEGNON a déclaré : "Inspecteur, demandez à cette dame de quitter ma maison, ni ma compagne ni moi n avons aucun lien de parenté avec elle. Mais, toutes les fois que j ai une dispute avec ma compagne, elle se présente spontanément dans la maison puis, elle me profère des injures publiquement." Le temps que le sieur FIDEGNON ne termine sa phrase dame Justine ADJAÏ murmurait déjà : "Quel avocat! Dans ma famille, j ai magistrat et avocat, je serai toujours derrière ta femme". 4

Nous avons demandé à dame Justine ADJAÏ si elle a un antécédent avec Maître FIDEGNON? Elle m a répondu négativement. A la question de savoir de quel droit elle s est arrogée pour se présenter dans une maison d autrui pour proférer des injures contre le propriétaire, elle m a indiqué qu elle a répondu à l appel de dame Elisabeth YEHOUESSI. C est en ce moment que cette dernière qui nous a pourtant appelés au secours s est retournée contre nous dans une arrogance sans nom. Nous avons précisé à dame Justine ADJAÏ d éviter de remettre les pieds dans la maison parce que le couple a actuellement une relation conflictuelle et son attitude de parti pris ne fera qu envenimer la situation. Maître FIDEGNON a accepté nous suivre au commissariat, quant à dame Elisabeth YEHOUESSI, elle a été invitée le lendemain 09 mars 2015. Le temps du trajet, Maître FIDEGNON s est complètement apaisé, puis il est reparti avec la promesse de cesser les actes de violence.» ; Considérant qu ils poursuivent : «Le lendemain 09 mars 2015, associé au commissaire de police Thibaut BOKO pour recevoir le couple, il a été demandé à dame YEHOUESSI d éviter de lui empêcher l accès de la maison. Le 12 mars 2015, le commissariat a été cette fois-ci alerté par Maître FIDEGNON qui est venu nous signaler que dame Justine ADJAÏ a fait irruption dans son salon et à son habitude a commencé par lui proférer des injures. Après une plainte régulière dans le registre de main courante, une équipe de fonctionnaires de police s est de nouveau transportée dans la maison. A notre arrivée, nous avons effectivement constaté la présence de dame Justine ADJAÏ dans le salon du requérant, mais voyant la police arriver, elle s est emparée d un produit défrisant prétendant que c est dame Elisabeth YEHOUESSI qui lui a fait appel en dépit des conseils qui lui ont été prodigués le 08 mars 2015. Nous avons invité dame Justine ADJAÏ à sortir de la maison, mais dame Elisabeth YEHOUESSI s y est opposée en proférant des injures contre les fonctionnaires de police et revendiquait son droit de co-propriété sur la maison au même 5

titre que Maître FIDEGNON. Nous avons beau donné des explications à dame YEHOUESSI, elle a farouchement opposé une résistance à la police. Fort de cela, dame Justine ADJAÏ s est permise également de proférer des injures contre nous, nous demandant d aller faire face aux bandits qui tuent nos collègues dans la rue. En voulant sortir dame Justine ADJAÏ du salon, dame Elisabeth YEHOUESSI a eu le culot d empoigner au collet deux fonctionnaires de police dont moi-même devant Maître FIDEGNON. Nous avons gardé notre sang froid et dame Justine ADJAÏ a été embarquée dans le véhicule de la police et conduite à notre unité. Aucun fonctionnaire de police n a touché à un seul cheveu de ces dames pour répondre aux multiples provocations. Conduite au commissariat, dame Justine ADJAÏ a été placée en garde à vue pour violation de domicile et outrage à agent. Après compte rendu téléphonique, le procureur de la République nous a instruits de procéder à son interrogatoire et de la relaxer. Dame Elisabeth YEHOUESSI à la tête d une horde de femmes s est spontanément présentée au commissariat en vociférant dans mon bureau au cours de l interrogatoire de la nommée Justine ADJAÏ. Après avoir tenté en vain d interrompre l interrogatoire, elle a fait interdiction à dame Justine ADJAÏ de signer le procès-verbal prétextant qu elle va nous nuire. Durant tout le temps que dame Justine ADJAÏ est restée au commissariat, soit six heures d horloge, Madame Elisabeth YEHOUESSI a fait montre d une arrogance peu ordinaire et prête à transformer le commissariat en champ de bataille alors que la police est intervenue dans la maison pour lui porter secours. Mais, à ses yeux, nous avons eu tort d avoir été professionnels et d éviter la manipulation...» ; ANALYSE DES RECOURS Considérant que les deux recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ; 6

Considérant que l article 6 de la Charte africaine des droits de l Homme et des peuples stipule : «Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans les conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement» ; Considérant qu il ressort de l analyse du dossier que suite à une plainte de Maître Louis FIDEGNON, dame Justine ADJAÏ a été interpellée, puis placée en garde à vue au commissariat central d Abomey-Calavi pour violation de domicile et outrage à agent de police ; que l intéressée a été gardée à vue pendant six heures et libérée le même jour après interrogatoire ; qu il en découle que son arrestation intervenue dans le cadre d une enquête judiciaire et sa garde à vue ne sont ni arbitraires ni abusives et ne constituent pas une violation de la Constitution ; Considérant que s agissant des coups et violence allégués, les certificats médicaux du 16 mars 2015 établis par le Docteur Josiane AZE, médecin traitant, de la médecine interne de l hôpital de zone d Abomey-Calavi/Sô-Âva indiquent pour dame Justine ADJAÏ «des douleurs et limitation des mouvements du cou et des douleurs au bras entraînant une incapacité de travail de sept (07) jours» ; pour dame Elisabeth Marie YEHOUESSI, «une boiterie à la marche ainsi qu une limitation des mouvements de la hanche entraînant un repos sanitaire de cinq (05) jours» ; qu il résulte de ces constations que ces traumatismes ainsi relevés sont consécutifs des traitements infligés à Mesdames Elisabeth Marie YEHOUESSI et Justine ADJAÏ le 12 mars 2015 ; que dès lors, il y a lieu de dire et juger que l inspecteur de police Soumaïla ASSOUMA et le commissaire de police Thibaut BOKO ont violé l alinéa 1 de l article 18 de la Constitution qui énonce : «Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices corporels ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.» ; D E C I D E : 7

Article 1 er.- L arrestation et la garde à vue de Madame Justine ADJAÏ ne sont ni arbitraires ni abusives. Article 2.- Il y a violation de la Constitution. Article 3.- La présente décision sera notifiée à Mesdames Elisabeth Marie YEHOUESSI et Justine ADJAÏ, à Monsieur l Inspecteur de police Soumaïla ASSOUMA, à Monsieur le Commissaire de police Thibaut BOKO, à Monsieur le Directeur général de la police nationale et publiée au Journal officiel. Ont siégé à Cotonou, le vingt-sept août deux mille quinze, Messieurs Théodore HOLO Président Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président Simplice C. DATO Membre Bernard D. DEGBOE Membre Madame Marcelline-C GBEHA AFOUDA Membre Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre Madame Lamatou NASSIROU Membre Les Rapporteurs, Lamatou NASSIROU.- Akibou IBRAHIM G.- Le Président, Professeur Théodore HOLO.- 8