Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes



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1 DDT 05 Janvier 2011 Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes

page 8 page 10 2 Le contexte du coût de l'énergie dans les Hautes-Alpes La difficulté que rencontre un nombre croissant de ménages à faire face à leur facture énergétique se retrouve aujourd'hui de plus en plus souvent dans les interventions des acteurs publics en France. Le fort renchérissement du coût des énergies fossiles que l'on promet à moyen terme ne peut que rendre cette question encore plus cruciale dans l'avenir. Il s'agit là d'un enjeu de société majeur car une large partie de la population française risque de se trouver, si l'on n'y prend garde, en grande difficulté pour prendre en charge ses besoins en énergie les plus élémentaires. Le département des Hautes-Alpes est, plus que d'autres, concerné par cette question. Bien que bénéficiant de conditions d ensoleillement privi- légiées, son altitude moyenne très élevée lui impose des hivers rigoureux et des températures parfois très basses. De plus, sa population, principalement pour sa partie âgée et rurale, vit souvent dans des bâtiments peu performants en matière énergétique et ne dispose pas de revenus permettant facilement de les améliorer. Il s'agit donc d'un département pour lequel la vulnérabilité énergétique des ménages constitue un enjeu prioritaire et sur lequel l'ensemble des acteurs doit se mobiliser. L'étude présentée ici, après un rappel des données utilisées et de la méthodologie d'analyse, cherche à voir qui est menacé et qui pourrait l'être dans l'hypothèse d'une augmentation du prix de l'énergie. Analyse de la précarité énergétique Page 3 1 2 3 4 Qui est concerné? page 4 Une analyse prospective : qui sera concerné? Conclusion Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes DDT 05 Janvier 2011

3 1 Une analyse de la précarité énergétique Parmi les dépenses jouant sur le budget d'un ménage, il en est qui s'ajustent en fonction des prix. Par exemple, on sait que si le prix de certaines denrées alimentaires augmente sensiblement, les acheteurs vont avoir tendance soit à déplacer leurs achats sur d autres denrées, soit à réduire le volume de leurs achats de cette denrée. Tout se passe comme si les ménages fonctionnaient sur ces achats à budget constant. Ces dépenses, plus nombreuses qu'on ne le croit généralement, sont qualifiées d'élastiques. Par opposition, il existe des dépenses pour lesquelles les ménages n'ont pas la possibilité ou la volonté de les réduire si leurs prix augmentent. Parmi les dépenses à caractère énergétique, certaines offrent nettement un caractère élastique. Par exemple, les dépenses pour les déplacements liés aux congés diminuent quand l'énergie coûte plus cher : les vacanciers partent moins loin ou moins longtemps. A contrario, deux postes de dépenses énergétiques sont très peu élastiques : la consommation énergétique domestique ; les déplacements domicile-travail. Le premier item correspond à un choix ; même si l'énergie augmente, le ménage ne réduira pas (ou peu) le niveau de chauffage de son logement, la puissance de son éclairage domestique, le nombre de ses appareils électriques ou ses habitudes alimentaires. On pourrait débattre sur les raisons de ce comportement, mais aujourd hui il est sociologiquement avéré que ce poste de dépense présente un caractère fort peu élastique. Le second type constitue une dépense quasi contrainte : sauf à déménager ou à changer de type de transport, ce qui n'est pas toujours simple, il est assez difficile de réduire ce poste. L'étude qui suit porte donc sur ces deux postes, potentiellement générateurs de précarité, puisqu'une augmentation du coût de l'énergie se traduirait pour les ménages par une ponction directe sur leur budget, les obligeant à réduire d'autres postes de dépenses ou à rentrer dans la spirale de l endettement. Le recensement de la population de l'insee fournit des données détaillées sur les ménages. Certaines décrivent la typologie du ménage (nombre de personnes, âge, profession, ), d'autres son profil énergétique (déplacements, mode de chauffage, ). On dispose donc d'une base d'une grande richesse couvrant tout le territoire français, pour caractériser les éléments permettant d'estimer la dépense énergétique des ménages. DDT 05 Janvier 2011 Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes

4 Le Centre d Études Technique de l Équipement (CETE) d'aix-en-provence a construit à la demande de la DREAL PACA un outil logiciel permettant d'estimer pour un ménage, le montant financier des deux postes énergétiques évoqués cidessus, en fonction d'un certain nombre de paramètres (altitude du logement, date de construction, type de chauffage, surface, mode de transport, distance domicile travail, ). Une comparaison de ces dépenses avec le revenu moyen des ménages permet d'estimer la part du budget familial consacré à ces postes et ainsi de cerner les risques de précarité énergétique. 2 Qui est concerné? Cette question est en fait double : y a-t-il des territoires plus fragiles que d'autres? y a-t-il des publics plus vulnérables? A. Quels territoires? Les deux cartes ci-dessous permettent de cerner les territoires où le coût énergétique est très élevé. On a aggloméré les chiffres par bassin de vie INSEE, car, même si les données de base sont individualisées au niveau de chaque logement, une analyse ne peut être pertinente que si elle est faite sur un échantillon suffisant. La première carte classe les bassins de vie en fonction du coût moyen en énergie domestique (chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson, éclairage). Coût moyen en énergie par logement par bassins de vie Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes DDT 05 Janvier 2011

5 Une première remarque sur les montants : la dépense moyenne d'énergie domestique s'élève à plus de 2.500 /ménage/an dans le département. Par comparaison, le chiffre moyen en France est inférieur à 1.500, ce qui illustre bien à quel point cette question est cruciale pour un département comme les Hautes- Alpes. Géographiquement, on constate que les secteurs les plus exposés sont les bassins de vie du Champsaur et des Écrins qui cumulent des altitudes élevées, un parc de logement fortement individuel et relativement âgé. Le Briançonnais, bien que plus froid, est un peu moins exposé en termes de coût grâce à un ratio plus important de logements collectifs, par ailleurs plus récents. Les bassins de vie de plus basse altitude (Laragnais, Gapençais, Embrunais) sont plus favorisés sur ce poste de dépense. La seconde carte décrit les dépenses liées aux déplacements domicile-travail. Coût en carburant par ménage se déplaçant en voiture Le département est divisé en 3 tranches, globalement est-ouest. Deux éléments prévalent pour expliquer cette répartition : le Briançonnais et le Guillestrois, plus éloignés par la distance et par la géographie, sont le lieu de déplacements plus courts et en interne ; les déplacements domicile-travail de la frange ouest (Laragnais Serrois Veynois) sont plus importants car influencés par l attraction des pôles d'emploi que sont Gap et Sisteron. Notons que les montants financiers de cette partie déplacements sont 4 à 5 fois inférieurs à ceux de la partie énergie domestique. Donc, même s'il ne faut pas négliger cette question des déplacements dont on connaît l'importance sur le sujet du climat en particulier, la raison principale d'une éventuelle vulnérabilité énergétique doit être recherchée en priorité dans les dépenses énergétiques domestiques. C'est donc exclusivement sur ce poste que porte le reste de l'analyse. DDT 05 Janvier 2011 Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes

6 Une comparaison avec les revenus moyens des ménages permet de chiffrer la part de leur budget consacrée à l'énergie domestique (carte ci-dessous). Part de l'énergie dans le revenu selon les bassins de vie On considère en général qu'un ménage est en situation de fragilité énergétique si la part de budget qu'il consacre aux dépenses énergétiques domestiques est supérieure à 10 %. On voit qu'une partie importante du département est d'ores et déjà dans ce cas. On constate sans surprise que les bassins «moins froids» ou «plus riches» (Gapençais, Briançonnais) s'en sortent mieux, alors qu apparaît nettement une bande vulnérable allant du Serrois au Champsaur. Ce sont sur ces territoires qu'on va trouver les situations les plus critiques alliant rigueur du climat et difficulté à s'en protéger. B. Quels ménages? Tous les ménages ne sont pas menacés de la même façon et les données du recensement permettent de caractériser les ménages les plus concernés. Il faut d'abord noter que, dans le total des dépenses énergétiques domestiques, il en est une qui en représente à elle seule 80 % : le chauffage. Ce poste constitue une forte part de la dépense énergétique des ménages français, mais bien sûr, dans un département de montagne, cette part devient encore plus importante. Les résultats issus de l'outil du CETE d'aix montrent que le montant financier de la dépense énergétique domestique hors chauffage est à peu près constant ; c'est le chauffage qui créé des différences, parfois fortes, entre les ménages. Si on recherche quels sont les ménages qui ont les factures de chauffage les plus élevées, on voit que le critère le plus influant est le type du logement. Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes DDT 05 Janvier 2011

7 Le graphique ci-dessous illustre deux faits bien connus : la facture de chauffage est plus faible à surface égale en appartement qu'en maison individuelle ; les logements les plus anciens sont moins bien isolés que les récents. On peut donc chiffrer les écarts et ceux-ci sont énormes : entre un logement en appartement et une maison individuelle, le rapport est de 1 à 2 à surface égale pour des bâtiments construits récemment ; entre un bâtiment récent et un autre des années 70, le rapport est supérieur à 3. Coût au m² suivant l'âge du logement ^ Et si on fait le calcul non pas au m 2 mais au logement, on constate que les propriétaires ont une facture énergétique nettement plus élevée que les locataires, disposant en moyenne de logements plus vastes. Coût par logement (suivant l'âge de l'occupant) Ceci est particulièrement marqué pour les propriétaires les plus âgés. Cela pose un réel problème, car, dans les Hautes-Alpes, une part importante des propriétaires âgés sont des personnes aux revenus modestes, voire très modestes. Il s'agit de ménages vivant pour la plupart en milieu rural dans des logements anciens, en général mal isolés thermiquement. DDT 05 Janvier 2011 Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes

8 C'est un public qui est souvent mal connu, peu suivi par les acteurs sociaux et qui n'a forcément pas la possibilité de recourir à des aides publiques car la part de financement personnel nécessaire est souvent, aussi minime soit elle, au delà de leurs possibilités financières. Les ménages en situation de vulnérabilité énergétique aujourd hui sont donc très majoritairement dans les Hautes-Alpes des propriétaires âgés, occupant des logements anciens, en milieu rural. Ce sont eux qui disposent des revenus les plus modestes et pourtant ce sont eux qui doivent régler les factures d'énergie les plus élevées. 3 Une analyse prospective : qui sera concerné? L'outil du CETE d'aix permet de faire des constats de la situation actuelle mais aussi de bâtir des scénarios d'évolution. En particulier, il est possible de regarder ce qui se passe si le prix des énergies fossiles augmente. On sait que cette augmentation aura des conséquences diversifiées selon les modes de chauffage des logements ; les chauffages de type fuel subiront la plus forte augmentation, alors que l'électricité (alimentée principalement en France par le nucléaire) ou le bois seront impactés de manière plus indirecte. Les chiffres calculés jusqu'à présent l'ont été à partir d'un prix du baril à 52 (prix pratiqué en 2006). En janvier 2011, celui-ci s'élevait à 72. Nous avons tenté d'analyser les conséquences d'un prix du baril à 208, c'est-à-dire multiplié par 4 (scénario baptisé x4). Une telle hypothèse est loin d'être irréaliste ; beaucoup d'experts la considèrent comme probable à l'horizon de 5 ans. L'intérêt n'est d'ailleurs pas de faire des calculs à partir d'un scénario exact, mais de voir les tendances en terme de vulnérabilité énergétique. Sans surprise, on constate malheureusement qu'en cas d'augmentation forte du prix de l'énergie, les ménages les plus vulnérables aujourd hui le seront encore beaucoup plus demain. La carte suivante permet de voir ces évolutions. Sur chaque bassin de vie, la couleur de gauche représente l'état actuel de la vulnérabilité en % de budget du ménage consacré à l'énergie domestique et la couleur de droite ce que devient ce pourcentage dans le scénario x4. Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes DDT 05 Janvier 2011

9 Évolution de la part de budget consacré aux dépenses domestiques (scénario x4, baril de pétrole à 208 ) Le périmètre Gapençais est le seul à rester aux alentours de 10 % ; tous les autres, sauf peut-être l'embrunais, voient leur part de budget augmenter nettement pour dépasser dans certains secteurs les 16 % en moyenne. A ce stade, on peut véritablement parler de précarité énergétique. DDT 05 Janvier 2011 Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes

10 4 Conclusion L'histoire récente montre qu'une augmentation du prix de l'énergie a toujours des conséquences fortes sur les sociétés industrialisées. Au-delà des contrecoups sur les comportements individuels ou les compétitivités industrielles, cela peut engendrer, au delà d'un certain seuil, des déséquilibres pérennes sur le budget des ménages. Sur un département aussi contrasté géographiquement que les Hautes-Alpes, cela aura pour première conséquence d'exacerber les écarts entre les hauts-alpins et de mettre en grande fragilité financière une part significative de la population. Les solutions à mettre en place pour lutter contre ce phénomène ne sont ni simples ni rapides. Il faut donc se pencher sur ce problème le plus rapidement possible pour espérer ne pas avoir à traiter dans l'urgence de cas qui relèveraient de l'insalubrité énergétique publique. Ce sera dans les années à venir un vrai défi pour les puissances publiques que de définir des modalités pour identifier, informer, convaincre et in fine aider ces personnes à pouvoir continuer à assurer leur indépendance énergétique domestique. Vulnérabilité énergétique des ménages dans les Hautes-Alpes DDT 05 Janvier 2011