Fellow Ashoka Belgique
Ashoka : Et si vous commenciez par me parler un peu de votre famille et de l endroit où vous avez grandi? Marjan : J ai grandi dans un petit village de la Flandre occidentale. C était petit et convivial, mais j ai ressenti très tôt le désir de connaître le vaste monde. Je suis née d un père scientifique et d une mère engagée dans le social. Mon jeune frère a suivi les traces de mon père en choisissant de travailler comme chimiste dans l industrie, alors que j ai suivi celles de ma mère en devenant psychologue. Il semble cependant que, de plus en plus, nous voyions le monde de la même façon, et aussi bien mon frère que moi-même adorons toujours aller visiter le vaste monde! Ashoka: Quelles sont quelquesunes de vos expériences personnelles qui, depuis votre enfance, ont influencé votre vision du monde? Marjan : Après la sécurité douillette de mes années d enfance, Gand, la ville où j étudiais, a été une révélation! J y ai trouvé l espace, la diversité, la créativité, les plaisanteries étudiantes, etc Certains expériences à l école, où des amis qui ne répondaient pas aux exigences requises étaient rejetés par le système - ce qui ne faisait qu empirer leurs résultats et leurs problèmes personnels avec le temps - me mettaient vraiment en colère. Ajouté au fait que je Balles anti-stress Touché me sentais devenir impuissante contre le système, cela m incita à trouver un emploi dans lequel je pourrais faire quelque chose pour les gens, et peut-être être capable, en même temps, de changer le système.
Marjan : Après une formation intéressante - bien que plutôt décevante pour devenir psychologue, puis plus tard psychologue médicolégale (ce qui m a permis de devenir «une experte en problèmes humains»), j ai eu la chance de suivre un cours appelé «Thérapie focalisée sur les solutions». C était exactement ce qu il me fallait, et ceci m a rendue capable de redonner aux gens leur propre liberté de choix, la chance d accroitre leurs forces, d avoir confiance en l avenir, etc, et m a donné l inspiration de créer «Touché», un organisme focalisé sur les solutions. Au cours d un séjour à l hôpital, j ai fait connaissance avec le monde médical, et j y ai remarqué quelle incroyable influence l attitude des gens que vous rencontrez dans ce monde (personnel infirmier, médecins) peut avoir sur votre processus de guérison. Mon état empirait lorsqu ils s occupaient trop de moi, et je faisais par contre beaucoup plus de progrès et je parvenais à quitter de moimême mon lit de malade quand une infirmière m abandonnait à mes problèmes. J adore aller voir des matches de football, aussi bien pour l atmosphère qui règne au stade, que parce que je suis absolument fascinée par le comportement des gens dans une telle situation pas seulement les joueurs, mais aussi les entraîneurs et les supporters. Par exemple, arriver à séparer en deux camps un large groupe de personnes, à dresser ces deux camps l un contre l autre, jusqu à ce qu ils deviennent de vrais ennemis. Je trouve également vraiment fascinant ce que je ressens moi-même au cours d un match. Je constate la même chose à mes cours de boxe et de tango: une tentative de réconcilier des différences, tout en laissant pourtant ces différences exister, afin d apprendre à tirer le meilleur parti de votre propre énergie, ainsi que de celle de votre partenaire de boxe ou de danse, etc
Ashoka: En quoi votre approche est-elle distincte et originale? Que faites-vous de différent des autres acteurs pour remédier à ce problème? Marjan : L agressivité est une chose qui incite la plupart des gens à fuir, une chose qu ils essaient d éviter, qu ils tentent de supprimer en la condamnant et en la punissant sévèrement, etc. C est parfaitement compréhensible quand vous savez combien de dégâts la violence peut causer. D un autre côté, l agressivité fait partie de nous-mêmes. Et c est précisément parce que nous trouvons si pénible de la voir, ou que nous refusons de l admettre, que nous en faisons un tel problème pour nous-mêmes. Accepter et affronter l agressivité, afin de découvrir d abord comment la gérer, et peut-être ensuite la mettre à profit, fonctionne bien mieux et apporte plus de succès. Les prisons produisent le même effet. Les murs d une prison nourrissent notre illusion qu il existe une séparation impénétrable entre les personnes bonnes et les personnes mauvaises, et que ces murs nous protègeront, nous les gentils, contre ceux qui se trouvent derrière ces murs, les méchants. Avec «Touché» nous regardons non seulement par-dessus les murs, mais nous les rendons transparents à ceux qui se trouvent de chaque côté de ces murs, dans l espoir de pouvoir les démolir un jour. Avant-première de BINNENINZICHT au cinéma du Sphinx à Gand
Marjan : L approche de Touché focalisée sur les solutions permet aux gens de redevenir maîtres de leur propre vie, capables et libres de faire leurs propres choix. Ceci ne signifie pas que tous ceux qui travaillent avec nous peuvent s installer dans un confortable travail d experts, à faire des rapports de diagnostic ou des évaluations de risques. Au lieu de cela, ils doivent plutôt être curieux des gens qu ils rencontrent à Touché, curieux d apprendre ce que ces gens recherchent dans leur vie, ce dont ils ont besoin, quels sont leurs rêves, etc Donc tous ceux qui travaillent à Touché doivent être capables d apprendre à gérer leur propre peur et leur propre colère, à les repousser, les contrôler et les canaliser afin qu elles ne soient pas un obstacle, mais qu elles puissent même, éventuellement, avoir une utilité. Programme pour transformer l agressivité en une force positive Le respect de soi est la clé pour nous permettre de changer les choses à Touché. Traitez quelqu un avec respect et il/elle ressentira davantage de respect pour lui-même/elle-même, et sera plus enclin(e) à traiter les autres avec respect. Quelqu un qui utilise la violence blessante pèche contre cela, c est certain, mais quelqu un qui enferme les gens, les exclut et les punit seulement, est également «un pécheur». Afin de créer un cercle vertueux de respect de soi, nous devons y inclure tous ceux concernés. C est pourquoi nous ne choisissons pas seulement de «réhabiliter les offenseurs», «soutenir les victimes» ou «protéger la société», mais de faire tout cela en même temps et tous ensemble. Ce n est pas toujours la façon la plus facile, mais c est la seule façon par laquelle nous pourrons accomplir un réel.
Ashoka : Comment faites-vous pour communiquer vos idées aux autres et les inspirer à partager votre vision? Pourriez-vous donner des exemples où votre travail a inspiré ou habilité des individus à devenir des agents de? Marjan : Touché est à présent une équipe qui possède un soutien grandissant, considérée par beaucoup comme étant nous. Des amis ont organisé des campagnes de la part de «Touché», des personnes sont allées dans les prisons et y ont rencontré des gens, les gens réfléchissent sur ce que nous faisons pour ceux qui commettent des erreurs, etc. Ils parlent de ce que nous faisons, de ce que nous vivons, observons et pensons. Les gens deviennent automatiquement, de façons variées et souvent à leur grand étonnement, des acteurs du lorsqu ils ont un rôle dans l histoire de «Touché». Par exemple, un groupe de prisonniers est maintenant engagé dans un travail préventif rigoureux pour les jeunes.
Ashoka : Qu est-ce qu un agent de pour vous et comment le devient-on? Marjan : Je pense qu un ensemble de qualités et de compétences permettent d être un acteur du : - Ne pas se contenter de ce qui est généralement accepté, mais penser que le est possible partout, à tout moment. - S irritez-vous contre l injustice et tout ce qui n est pas bien, et essayer de faire quelque chose à ce sujet, plutôt que d en ressentir de l amertume et de la frustration (j ai eu moi-même un véritable moment Eureka, une inspiration à propos de ça, après le énième jour dans une prison où je n avais pas été autorisée à faire ce que je voulais, et que je sentais que je devais le faire : je me suis assise en exprimant ma frustration sur cette journée à un collègue qui était dans le même bateau. Et j ai soudain réalisé que je ne voulais pas accepter cela. Fuir n était pas une solution non plus, car alors je me serais sentie vraiment lâche. J ai donc décidé de faire quelque chose. Et ce quelque chose est devenu ce que Touché est aujourd hui, et continue de devenir. - Voir des solutions et des possibilités plutôt que des problèmes. - Anticiper ce qui ne s est pas encore produit, avant même que vous puissiez le voir (là où d autres ne voient principalement que des obstacles). - S entourer de personnes avec lesquelles vous pouvez concrétiser vos idées. - S engager dans des actions très ordinaires, mais fondamentales (telles que traiter les personnes comme des personnes). - Avoir la volonté de changer un système malsain, et trouvez des opportunités pour le faire, plutôt que d être engloutis par lui (et donc d en être vous-mêmes infectés) ou de le fuir (en sachant que d autres en souffrent). - Etre capable de créer de l espoir. Le prix ALFRED 2013 a été décerné à Touché
Ashoka : Pourquoi votre idée ou votre travail vous tient-il tant à cœur? Marjan : Parce que je ne peux pas imaginer de savoir comment sont les choses aujourd hui dans notre système pénitentiaire et dans notre société en général, sans tenter d y faire quelque chose. Parce que je ne peux pas simplement voir les idées passer ou stagner. Parce que ce qui se passe entre les gens à «Touché» est quelque chose de vraiment bien, et de touchant! Ashoka : Quel soutien le réseau Ashoka a-t-il apporté à votre parcours? Marjan : Le professionnalisme d Ashoka et de son réseau aide et inspire pour progresser et devenir soi-même plus professionnel. Le questionnement favorable, intéressant et critique nous force à formuler des réponses. Rencontrer des personnes qui n auraient, autrement, sans doute jamais croisé mon chemin n est pas seulement un immense plaisir, mais est aussi, bien souvent, très révélateur. Et surtout le fait que nous ayons, finalement, tous le même objectif - améliorer le monde - est quelque chose d unique et d émouvant, qui renforce le sentiment que nous pouvons réussir. Merci beaucoup Marjan!