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Transcription:

Numéro du rôle : 3045 Arrêt n 90/2005 du 11 mai 2005 A R R E T En cause : la question préjudicielle relative aux articles 20, 39, 1, et 40, 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, posée par la Cour d appel de Gand. La Cour d arbitrage, composée du président A. Arts et du juge P. Martens, faisant fonction de président, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 22 juin 2004 en cause de la s.a. Drukkerij Moderna contre l Etat belge, dont l expédition est parvenue au greffe de la Cour d arbitrage le 1er juillet 2004, la Cour d appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : «Les articles 39, 1, 20 et 40, 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, combinés avec les articles 164, b), 165 et 164bis, a), de l arrêté royal du 4 mars 1965 d exécution du Code des impôts sur les revenus, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution de 1994 en ce qu ils ont pour effet que les contribuables soumis à l impôt des sociétés ne bénéficient, pour les investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989, que de la déduction pour investissement inférieure prévue par l article 20 de la loi du 7 décembre 1988 parce qu ils tiennent leur comptabilité d une manière déterminée, qui porte en l espèce sur la période s étendant du 19 mai 1988 au 31 décembre 1989 qu ils clôturent le 31 décembre 1989, alors que le même type de contribuables bénéficient pour les mêmes investissements de la déduction pour investissement supérieure prévue par l article 42ter du C.I.R. 1964, applicable jusqu à l exercice d imposition 1989 inclus, parce qu ils tiennent leur comptabilité d une autre manière; avec la circonstance supplémentaire, pour les investissements réalisés au cours de l année 1988, qu ils l ont été avant la publication au Moniteur belge de la loi du 7 décembre 1988?». Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Drukkerij Moderna, ayant son siège social à 3550 Heusden-Zolder, Koolmijnlaan 26; - le Conseil des ministres. La s.a. Drukkerij Moderna a également introduit un mémoire en réponse. A l audience publique du 13 avril 2005 : - ont comparu :. Me D. Vandenbulcke, avocat au barreau de Bruxelles, pour la s.a. Drukkerij Moderna;. Me C. Decordier, avocat au barreau de Gand, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Alen et J.-P. Snappe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l affaire a été mise en délibéré. Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d arbitrage relatives à la procédure et à l emploi des langues ont été appliquées.

3 II. Les faits et la procédure antérieure La partie requérante est une société commerciale créée par acte du 19 mai 1988 et, conformément à ses statuts, tient une comptabilité par année civile, qui se clôture au 31 décembre. Son premier exercice comptable s est clôturé, en vertu d une décision de son assemblée générale, au 31 décembre 1989. De ce fait, les résultats de cette période étaient liés à la période imposable rattachée à l exercice d imposition 1990. En 1988 et en 1989, elle a réalisé d importants investissements, pour lesquels elle a demandé l application de la déduction pour investissement. Par suite de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, elle avait uniquement droit à une déduction pour investissement de 5 p.c. pour l exercice d imposition 1990, alors que cette déduction aurait, selon elle, atteint 13 p.c. si sa comptabilité avait été clôturée avant le 31 décembre 1989. La contestation, par la partie requérante, de la cotisation fiscale pour l exercice d imposition 1990, dans le cadre de laquelle l administration a exclusivement appliqué la déduction pour investissement moins élevée à l ensemble des investissements réalisés depuis la création de la société, a donné lieu à plusieurs procédures, notamment à un pourvoi en cassation, qui fut accueilli pour des raisons purement formelles. La procédure subséquente devant la Cour d appel de Gand a donné lieu à la question préjudicielle susmentionnée, après que la Cour eut rejeté d autres moyens quant au fond. III. En droit - A - A.1. La partie requérante devant la juridiction a quo part du constat que les dispositions litigieuses ont effet rétroactif en ce qui concerne les actes juridiques qu elle a posés et les investissements qu elle a réalisés avant l entrée en vigueur de la loi. L article 20 de la loi du 7 décembre 1988 a abaissé les pourcentages de la déduction pour investissement et les a rendus applicables à partir de l exercice d imposition 1990, alors que l article 40, 4, de cette loi a empêché, à partir du 1er janvier 1988, que soit apportée à la date de clôture des comptes annuels une modification mettant à néant les effets dudit article 20. L application conjointe de ces dispositions a pour conséquence de créer un traitement inégal entre les contribuables, selon qu ils ont clôturé leurs comptes annuels au 30 décembre 1989 ou au 31 décembre 1989, auquel cas ils bénéficieront d une déduction pour investissement atteignant respectivement 13 et 5 p.c. Cette différence de traitement ne serait pas susceptible de justification objective et raisonnable. Il ne peut en aucun cas être considéré que ce traitement inégal serait simplement imputable au libre choix mûrement réfléchi de la partie requérante, notamment parce que celle-ci n avait plus la possibilité, vu l article 40, 4, de la loi du 7 décembre 1988, de modifier la date de clôture de ses comptes annuels dans un sens plus favorable que celui qu elle pouvait prévoir lors de sa création sur la base de la législation en vigueur. A.2. Pour justifier le caractère objectif et raisonnable de la mesure, le Conseil des ministres esquisse au préalable la genèse de l article 42ter du Code des impôts sur les revenus, qui a instauré la déduction pour investissement en tant qu exemption, et il précise en particulier l objectif poursuivi par les dispositions litigieuses de la loi du 7 décembre 1988, qui a diminué le volume des déductions pour investissement. Les modifications législatives ont amélioré le régime de la déduction pour investissement en ce sens qu il a été tenu compte de l évolution des circonstances économiques, de la protection de l environnement et des difficultés auxquelles l application du régime avait donné lieu par le passé. La discrimination alléguée dont s estime victime la partie requérante devant la juridiction a quo est la conséquence d un libre choix pour ce qui est de la date de clôture de ses comptes annuels, en particulier la première année d exploitation, qui peut compter plus ou moins de douze mois. Une société sait que la date de clôture est déterminante pour l exercice d imposition au titre duquel les résultats de cet exercice comptable seront imposables à l impôt des sociétés. De par son choix, elle savait - ou elle aurait dû savoir - que le

4 législateur pouvait encore apporter des modifications pour l exercice d imposition au titre duquel ses résultats seraient imposés. Elle ne peut reporter ce risque sur le législateur. Même si l investissement a eu lieu au même moment, les déductions pour investissement différentes relèvent d un régime juridico-fiscal différent, mais cela ne viole pas le principe d égalité et de nondiscrimination au motif que cette situation est le résultat du libre choix de la société. Toute modification que le législateur apporte à partir d un exercice d imposition déterminé à une règle fiscale spécifique en matière d impôt des sociétés a pour conséquence, eu égard à la liberté de choix qui existe en matière de date de clôture de l exercice comptable, que, pour certaines des opérations visées par cette règle qui ont lieu au même moment dans des sociétés différentes, certaines sont concernées par la modification et d autres pas. Mais un tel constat vaut pour de nombreuses modifications législatives, sans qu il soit question, en la matière, d une violation du principe d égalité. Le Conseil des ministres estime dès lors que la question préjudicielle appelle une réponse négative. - B - B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 20, 39, 1, et 40, 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre (Moniteur belge, 16 décembre 1988), qui énoncent : «Art. 20. 1er. Les pourcentages de la déduction pour investissement visés à l article 42ter, 2, du Code des impôts sur les revenus, sont remplacés comme suit : a) le pourcentage de base de la déduction est égal à l augmentation, exprimée en pour cent, de la moyenne des indices des prix à la consommation du Royaume de l année précédant celle de l investissement par rapport à la moyenne des indices des prix à la consommation de l année précédente, arrondie à l unité supérieure ou inférieure selon que la fraction atteint ou non cinquante centièmes, majorée de 3 points sans que le pourcentage ainsi obtenu puisse être inférieur à 5 p.c. ou supérieur à 12 p.c.; b) le pourcentage de base est majoré : 1 soit de 10 points lorsqu il s agit soit d éléments qui tendent à promouvoir la recherche et le développement de produits nouveaux et de technologies avancées n ayant pas d effets sur l environnement ou visant à minimiser les effets négatifs sur l environnement, soit d éléments qui tendent à une utilisation plus rationnelle de l énergie, à l amélioration des processus industriels au point de vue énergétique et, plus spécialement, à la récupération d énergie dans l industrie; 2 soit de 7 points dans les cas visés à l article 42ter, 3, du même Code. Le Roi peut, lorsque les circonstances économiques le justifient, majorer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le pourcentage de base de la déduction, visé à l alinéa 1er, a).

5 2. Ledit article 42ter est également applicable aux profits visés à l article 20, 3, du même Code. 3. Les taux de la déduction pour investissement visés au 1er sont, aux conditions prévues à l article 70 de la loi de redressement du 31 juillet 1984, majorés de 5 points, en ce qui concerne les investissements des sociétés novatrices, visées à l article 68 de ladite loi». «Art. 39. Le titre 1er de la présente loi est applicable : 1 en ce qui concerne les articles 1er à 5, l article 6, 1er, alinéas 1er et 2, et 2 à 7, les articles 7, 9 à 12, 13, 1er, 2, a, et 3, les articles 14 à 20, 22 à 30 et 32 à 35, et 38, à partir de l exercice d imposition 1990; [ ]». «Art. 40. [ ] 4. Toute modification apportée à partir du 1er janvier 1988 à la date de la clôture des comptes annuels est sans effet pour l application du chapitre II du titre Ier de la présente loi». B.2. La juridiction a quo demande à la Cour si ces dispositions, lues en combinaison avec les articles 164, b), 164bis, a), et 165 de l arrêté royal du 4 mars 1965 d exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), violent les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu elles ont pour effet que le montant de la déduction pour investissement se rapportant aux investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989 diffère selon le mode de comptabilité, avec la circonstance particulière, pour les investissements réalisés au cours de l année 1988, qu ils ont été effectués avant la publication de la loi du 7 décembre 1988 au Moniteur belge. Les dispositions litigieuses doivent être lues en combinaison avec les dispositions de l arrêté royal précité du 4 mars 1965, qui déterminent la période imposable pour, entre autres, l impôt des sociétés, et qui énoncent : «Art. 164. La période imposable coïncide avec l année précédant celle dont le millésime désigne l exercice d imposition, pour l application : [ ]

6 b) de l impôt des sociétés ou de l impôt des non-résidents établi conformément à l article 148 du même Code à charge de contribuables visés à l article 139, 2, du même Code, lorsque les intéressés ne tiennent pas de comptabilité ou tiennent une comptabilité par année civile; [ ]». «Art. 164bis. La période imposable coïncide avec l exercice social ou comptable précédant l année dont le millésime désigne l exercice d imposition, pour l application : a) de l impôt des sociétés ou de l impôt des non-résidents établi conformément à l article 148 du Code des impôts sur les revenus, à charge de contribuables visés à l article 139, 2, du même Code, lorsque l exercice social ou comptable se rapporte à une période inférieure ou supérieure à un an et que les intéressés clôturent leurs écritures au 31 décembre de l année; [ ]». «Art. 165. La période imposable coïncide avec l exercice social ou comptable clôturé pendant l année dont le millésime désigne l exercice d imposition, pour l application de l impôt des sociétés et de l impôt des non-résidents établi conformément à l article 148 du Code des impôts sur les revenus, à charge des contribuables visés à l article 139, 2, du même Code, lorsque les intéressés tiennent une comptabilité autrement que par année civile». B.3. Les motifs de la décision de renvoi et les arguments développés par les parties font apparaître que ce n est pas la diminution de la déduction pour investissement à l article 20 de la loi du 7 décembre 1988 qui est en cause, mais bien la disposition de cette loi qui, eu égard à son entrée en vigueur, réglée à l article 39, 1, empêche qu une société modifie encore ses statuts pour éviter la diminution de la déduction pour investissement qui découle de cette loi, diminution qui est la conséquence du choix de la société, lors de sa création, d étaler le premier exercice comptable de son activité sur une période dépassant un an, d une part, et de fixer statutairement au 31 décembre la date de clôture de sa comptabilité, d autre part. B.4. Lors des travaux préparatoires de l article 20 de la loi du 7 décembre 1988, il a été considéré ce qui suit : «L article 20, 1er, du présent projet ne modifie en rien les règles d octroi de la déduction pour investissement prévue à l article 42ter, C.I.R.; il a essentiellement pour but d adapter les taux de cette déduction en les liant à l index, ceux prévus par ledit article 42ter n étant plus justifiés compte tenu de la baisse récente de l inflation.

7 Désormais le taux de base de la déduction (actuellement 13 p.c.) sera égal à la différence de l inflation constatée par rapport à l année précédente, majorée de 3 points; pour éviter qu à l avenir la mesure devienne soit inopérante soit excessive, des limites inférieure et supérieure sont prévues pour la déduction» (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n 440-1, p. 19). Selon ces mêmes travaux préparatoires, l article 40, 4, «a pour but d obvier à certaines manœuvres qui pourraient être effectuées par des sociétés pour retarder l application de certaines mesures faisant l objet de la présente loi» (ibid., p. 29). Il y fut ajouté en commission des Finances du Sénat : «L article 38, 4, [actuellement l article 40, 4,] tend uniquement à éviter que, via une modification de la date de clôture de leurs écritures comptables, les sociétés n échappent, pour le premier exercice d application, à certaines dispositions qui leurs sont défavorables, notamment en matière de réduction des charges professionnelles déductibles» (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n 440-2, p. 141). B.5. Il appartient au législateur d apprécier si un régime d immunisation fiscale instauré par lui doit être modifié ou non et, ce faisant, de déterminer pour quelle période, dans quelles conditions et selon quelles modalités cette modification est applicable. Le cas échéant, il peut en outre prendre des mesures pour mettre en échec les procédés par lesquels des contribuables obtiendraient le bénéfice d une exonération, comme, en l espèce, le montant de la déduction pour investissement, pour une période non visée par le législateur. S il en résulte cependant une différence de traitement entre des catégories de contribuables, la Cour doit examiner si cette différence peut se justifier objectivement et raisonnablement au regard de l objectif poursuivi. B.6. La différence de traitement entre sociétés, en ce qui concerne l avantage fiscal pour les investissements, selon qu elles ont modifié ou non, à partir du 1er janvier 1988, leurs dispositions statutaires relatives à la date de clôture des comptes annuels repose sur un critère objectif. Ce critère est en rapport avec le souci d éviter que les sociétés qui ont procédé à cette modification continuent de bénéficier de la déduction pour investissement supérieure pour la période pouvant être rattachée à l exercice d imposition 1989, et non à l exercice d imposition 1990, par la clôture anticipée de l exercice comptable.

8 Qu aucune déduction pour investissement supérieure ne soit accordée pour l année comptable rattachée à un exercice d imposition antérieur à l exercice d imposition 1990 par suite d une modification de la date de clôture des comptes annuels est conforme à l objectif poursuivi par l article 40, 4, litigieux et n est pas disproportionné par rapport à celui-ci. La différence de traitement qui existe, quant au montant de la déduction pour investissement, entre les sociétés qui ont réalisé des investissements en 1988 et 1989, selon qu elles ont prévu que leur comptabilité se clôture avant le 31 décembre 1989 ou à cette date, résulte d un choix des sociétés elles-mêmes, qui ne peut être reproché au législateur. En étalant le premier exercice comptable sur une période qui dépasse un an et en clôturant la première année comptable au 31 décembre 1989, la partie requérante devant la juridiction a quo a choisi de faire coïncider la première période imposable de son activité avec l exercice d imposition 1990, à propos duquel le législateur pouvait encore légiférer, de sorte qu en l espèce, le régime légal ne peut être réputé avoir été instauré avec effet rétroactif. B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

9 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 20, 39, 1, et 40, 4, de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu ils ont pour effet que le montant de la déduction pour investissement pour les investissements réalisés au cours des années civiles 1988 et 1989 diffère selon le mode de comptabilité. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d arbitrage, à l audience publique du 11 mai 2005. Le greffier, Le président, L. Potoms A. Arts