Université de la Méditerranée Année universitaire 2002-2003 Faculté des Sciences de Luminy Département de Biologie Maîtrise de Biologie Cellulaire Module optionnel "Dynamique Cellulaire" Première session (Janvier 2003) Durée de l'épreuve: 3 heures. (Pas de documents autorisés) Vous voudrez bien traiter sur deux copies séparées les deux sujets suivants. Vous remettrez obligatoirement deux copies en fin d'examen. Sujet 1 (8 points). Pathologies des cils et des flagelles, et kinésines. Sujet 2 (12 points). La migration cellulaire nécessite la réalisation de plusieurs étapes comme : 1/ la formation d extensions cellulaires (lamellipodes et parfois filopodes) et 2/ de nouvelles structures d adhérence au substrat (matrice extracellulaire [MEC]) appelés complexes focaux dans la région du front de migration (ces structures d adhérence sont différentes des points focaux, cf 4/); 3/ la contraction du corps cellulaire ; 4/ la destruction de points focaux d adhérence dans la région «arrière» de la cellule en migration. Ces différentes étapes doivent être coordonner afin de permettre une migration efficace. En particulier, l extension du lamellipode est dépendante de la formation de nouveaux complexes focaux. En effet, si l adhérence au substrat du lamellipode est déficiente, ce dernier se rétracte et ne peut servir de moteur à la migration. La formation de lamellipodes est aussi observée chez la plupart des cellules en cours d étalement sur un substrat et la formation de nouvelles structures d adhérence est, là aussi, critique. La formation et l extension du lamellipode sont sous-tendues par la polymérisation de nouveaux microfilaments d actine contrôlée par le complexe Arp2/3. L activité de ce complexe est, dans ce cas précis, activée par la petite GTPase Rac, elle-même activée par des signaux intra- ou extra-cellulaires. La formation des complexes focaux, au cours de la migration ou de l étalement des cellules, implique les intégrines, récepteurs transmembranaires assurant la liaison entre des composants de la MEC et le cytosquelette d actine. La construction de cette interface requiert la présence de plusieurs protéines capables de lier les intégrines ou la F-actine. La taline ou la vinculine, par exemple, capables de lier la F-actine, entrent dans la composition des complexes focaux (ces deux protéines sont également retrouvées dans la composition des points focaux d adhérence). Il est donc possible d imaginer que la coordination des processus d extension du lamellipode et de formation des complexes focaux se fonde sur des interactions entre la voie «Rac- Arp2/3» et la voie «intégrine». Le problème suivant, inspiré de [DeMali KA et al, The Journal of Cell Biology vol 159, 5, Dec 9, 2002, 881-891] traite de l identification et de la caractérisation d une telle interaction. 1/ (2,5 points) Des expériences préliminaires ont montré une interaction physique possible entre le complexe Arp2/3 et la vinculine. Afin de confirmer cette interaction, des co- 1
immunoprécipitations sont réalisées sur des fibroblastes adhérents en culture complètement étalés et sans stimulation (pas de lamellipodes). Dans ce contexte, aucune interaction ne peut être détectée. Dans un deuxième temps, des fibroblastes en culture sont traités par de l EGF (Epidermal Growth Factor) pour stimuler la formation de lamellipodes. Le traitement est interrompu à différents temps et des lysats cellulaires sont alors immédiatement préparés et utilisés pour réaliser des immunoprécipitations (IP) en utilisant un anticorps anti-vinculine (cas de la fig1a) ou anti-taline (cas de la fig1b). Ces immunprécipités sont analysés en Western blot (WB) avec des anticorps anti-vinculine, anti-taline, anti-actine et anti-p34 (fig 1A et 1B ; p34 est une sous-unité du complexe Arp2/3). a/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 1A? b/ Le complexe Arp2/3 activé est capable de se lier aux microfilaments d actine. D après l analyse de la figure 1A, existe t il une corrélation entre cette capacité et l interaction étudiée? c/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 1B? d/ Comment qualifier alors l interaction étudiée figure 1A? Des cellules en cours d étalement sur un substrat présentent des lamellipodes. Afin de déterminer si, dans ce nouveau contexte, il existe également une interaction entre la vinculine et le complexe Arp2/3, des fibroblastes sont ensemencées dans des boîtes dont le fond est recouvert de fibronectine (FN). Des lysats cellulaires sont réalisés à différents temps (de 5 à 30 minutes après l ensemencement) avec des cellules en cours d étalement. Un lysat avec des cellules complètement étalées et stationnaires est également préparé. L analyse est réalisée à partir de ces différents lysats par IP anti-vinculine suivie d une analyse en WB (anticorps antivinculine et anti-p34) (fig1c). e/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 1C? En résumé : f/ Diriez-vous que l interaction entre la vinculine et le complexe Arp2/3 est constitutive ou induite? g/ Quelle hypothèse formulez-vous quant à la localisation sub-cellulaire de cette interaction et les structures avec lesquelles elle est associée? Quel type d expériences mèneriez-vous pour confirmer cette hypothèse? 2/ (3 points dont 1,5 points pour d/) La PI3K (Phosphoinositide 3-kinase) est activée en aval d une stimulation par l EGF ou de l'activation des intégrines lors de l étalement. Des fibroblastes sont traités par l EGF pendant différents temps (de 0 à 30 minutes), en présence ou en absence de la Wortmannine, un inhibiteur de la PI3K. L interaction entre la vinculine et le complexe Arp2/3 est alors analysée comme dans le 1/ (IP anti-vinculine suivie d une analyse en WB) (fig2). a/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 2? Rac peut être activée par la PI3K ainsi qu en réponse à l EGF ou à l activation des intégrines. Des fibroblastes transfectés par un vecteur d expression vide (MOCK) ou par un vecteur codant un dominant-négatif de Rac (N17Rac) sont traités par l EGF pendant différents temps (de 0 à 30 minutes). L interaction entre la vinculine et le complexe Arp2/3 est alors analysée comme précédemment (fig3a) et l activité de Rac est également mesurée (fig3a). Cette 2
même interaction est analysée dans des fibroblastes exprimant un mutant de Rac constitutivement activé (L61) (fig3b). b/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 3? Rac entraîne d une part, la production de PIP2 (phosphatidylinositol-4,5-biphosphate), et d autre part, active le complexe Arp2/3 via l activation de membres de la famille Scar/WAVE des NPFs (Nucleation Promoting Factors). De plus, il a été montré que PIP2 induit un changement de conformation de la vinculine, ce qui augmente la capacité de cette dernière à s associer avec certains de ces partenaires comme la taline par exemple. Des fibroblastes sont incubés en présence de PIP2 exogène ou de GST-VCA (VCA désigne le domaine des NPFs Scar/WAVE responsable de l activation du complexe Arp2/3) et l interaction vinculine-complexe Arp2/3 est analysée par IP anti-vinculine suivie d une analyse en WB (fig4). c/ Quelles conclusions tirez-vous de l analyse de la figure 4? d/ Représentez sous forme d un schéma simple vos conclusions sur les voies envisageables régulant l interaction vinculine-complexe Arp2/3 (données des figures 2, 3 et 4). 3/ (2,5 points) On veut maintenant comprendre comment la vinculine lie le complexe Arp2/3. Pour cela différents fragments chevauchants de la vinculine sont synthétisés et purifiés sous forme de protéines de fusion «GST-fragments» (fig5a). Ces fragments purifiés sont fixés sur des billes microscopiques et ces billes sont incubées en présence d extraits cellulaires bruts (source : plaquettes). Les billes sont ensuite récupérées et rincées puis une analyse en WB des protéines liées aux différents fragments est réalisée en utilisant un anticorps anti-p34. a/ D après l analyse de la figure 5B, indiquez le domaine capable de lier le complexe Arp2/3 (acides aminés x à y). Les extraits cellulaires bruts utilisés ci-dessus contiennent de la F-actine. Un fragment de vinculine pouvant lier la F-actine mais dépourvu de site de liaison au complexe Arp2/3 (fragment 881-1066) ainsi qu un fragment pouvant lier le complexe mais pas F-actine (fragment 811-881) et un fragment ne pouvant lier ni F-actine ni le complexe (fragment 1-398) sont utilisés dans le même type d expérience qu en 3/. L analyse en WB est réalisée avec des anticorps anti-actine et anti-p34 (fig5c). b/ Quel est le but de cette expérience? c/ Quelle est la conclusion de cette expérience? Deux fragments de la vinculine (1-811 et 811-881) fusionnés avec la GST sont synthétisés, purifiés et fixés sur des billes. Chaque fragment ainsi préparé est ensuite incubé séparément en présence de complexe Arp2/3 purifié. Après l incubation, les billes sont récupérées, rincées et une analyse en WB est réalisée en utilisant un anticorps anti-p34 (fig6). d/ Quel est le but de cette expérience? e/ Quelle est la conclusion de cette expérience? 4/ (2 points) Un mutant de vinculine (vin mut ) incapable de lier le complexe Arp2/3 est élaboré. Ce mutant est, tout d abord, exprimé dans des fibroblastes vinculine -/- (ces fibroblastes sont obtenus à partir d embryons de souris chez qui le gène vinculine a été invalidé par 3
recombinaison homologue). On constate alors qu il s exprime à un niveau normal et qu il se localise parfaitement au niveau des complexes focaux. Par ailleurs, ce mutant est capable de recruter les partenaires connus de la vinculine à l exception bien sûr du complexe Arp2/3. a/ D après vous, quelles informations ont été utilisées pour élaborer ce mutant? Les fibroblastes vinculine -/- (vin-/-) présentent des défauts d adhérence sur la FN ainsi que des capacités d étalement très réduites. On observe que ces fibroblastes mutants forment des lamellipodes de taille réduite et en plus petit nombre comparativement à des cellules sauvages. Des fibroblastes vin -/- sont transfectés avec un vecteur d expression vide ou codant la vinculine sauvage ou encore le mutant vinculine vin mut évoqué précédemment. Le comportement d étalement sur FN de ces trois lignées est comparé. Les résultats montrent que les fibroblastes vin -/- exprimant la forme sauvage de la vinculine présente un comportement comparable à celui de fibroblastes sauvages. En particulier, ils forment des lamellipodes normaux et s étalent suivant une cinétique normale sur FN. Au contraire, les fibroblastes vin-/- transfectés avec le vecteur vide ou exprimant vin mut présentent des défauts d étalement et la formation de lamellipodes anormaux de petite dimension. Cependant, les fibroblastes exprimant vin mut présentent une adhérence de type sauvage sur FN. b/ Que montrent les résultats de cette expérience? c/ Que suggèrent ces mêmes résultats? Pour étudier plus avant les mécanismes qui pourraient sous-tendre les défauts d étalement des fibroblastes vin-/- exprimant vin mut, on réalise l expérience suivante : des billes recouvertes de FN sont placées, pendant quelques minutes, au contact de fibroblastes vin -/- exprimant vin mut ou la vinculine sauvage. Le recrutement de la vinculine sauvage ou mutante ainsi que du complexe Arp2/3 au voisinage de la bille est quantifié par immunofluorescence (fig7). La quantification exprime le pourcentage de billes ayant recruté l une ou l autre des protéines considérées (billes positives pour le marquage par un anticorps anti-vinculine ou anti-p34). d/ Que montrent et confirment les résultats de la figure 7? 5/ (2 points) Il a été montré que l activation des intégrines stimule l activité de Rac et que Rac activée peut, dans certains contextes cellulaires, recruter des intégrines de haute affinité dans la région du lamellipode. En tenant compte de ces données et de vos conclusions tout au long de ce problème, proposez, sous forme d un schéma, un modèle de la séquence des évènements conduisant à l étalement d un fibroblaste sur de la FN. 4
Figure 1 Temps en minutes (traitement EGF) WB: anti-actine LYS: lysat cellulaire entier c est-à-dire sans immunoprécipitation +: stimulation par EGF IP: anti-taline puis WB -: absence de stimulation IP: anti-taline puis WB Temps en minutes (après ensemencement) ST: cellules étalées stationnaires Figure 2 Temps en minutes Figure 3 WM: wortmaninne DMSO: diméthylsulfoxide, utilisé pour diluer la wortmaninne -: transfection vecteur vide
Figure 4 -: pas d ajout de EGF, PIP2 ou VCA +: ajout de EGF, PIP2 ou VCA Figure 5 vinculine WB: anti-actine
Figure 6 Figure 7 % billes positives vinculine complexe arp2/3 vin mut