L'Association Santé Environnement France (ASEF) est une fédération nationale d'associations de santé environnement constituée et dirigée par des professionnels de santé. Cette fédération rassemble aujourd'hui près de 1500 médecins en France et se propose de promouvoir l'information aux populations et la formation aux médecins sur les problématiques de santé environnementale. Née en 2008 à l'occasion d'une étude d'imprégnation nationale sur la pollution des fleuves aux PCB aux côtés du WWF, elle a rendu publique en 2009 une étude nationale sur la qualité de l'air intérieur des crèches. En tant que médecins, ses membres considèrent qu il est de leur devoir de demander la mise en place de politiques de prévention. Dans cette démarche, l ASEF appelle à agir pour faire entrer la société dans la voie de la santé durable et amener les populations à ne plus être spectatrices de leur santé, mais actrices de celle-ci. En ce qui concerne la problématique de la téléphonie mobile, les propositions de l ASEF se résument en 10 points : 1. Ne pas attendre d avoir une certitude scientifique pour mettre en place un code de la téléphonie mobile semblable au code de la route Notre démarche ne consiste pas à trancher la controverse scientifique. A notre sens, il n y a pas lieu de débattre de la nécessité de la téléphonie mobile puisqu il s agit d un débat déjà tranché par le public. Notre objectif est de définir comment le faire à bon escient conformément au «mieux disant» sanitaire. En tant que médecins, nous ne savons que trop bien qu un portable peut sauver des vies. Mais, il n est pas pour autant acceptable qu il en détruise. Le temps nécessaire aux études ne doit pas nuire aux populations comme ce fut le cas notamment avec l amiante. Notre histoire nous a montré que le progrès doit être maîtrisé. En France, il est indispensable que l Etat reprenne la main. En faisant un bref parallèle avec le code de la route, on s aperçoit que l Etat a là un rôle important à jouer. En effet, on pourrait tout à fait rouler à 200 kilomètres heures sur autoroute. Pourtant l Etat et l ensemble de la société qui le rend légitime ont décidé qu il était plus prudent de limiter la vitesse à 130 kilomètres heure pour éviter de trop nombreux accidents. Pourquoi ne pas adopter une logique similaire sur la question de la téléphonie mobile? ASEF - Page 1
Aujourd hui, il nous paraît indispensable de se donner des moyens d évaluation pour se servir intelligemment du progrès. En l absence de vérités révélées, demandons-nous à qui doit bénéficier le doute? Nous souhaitons répondre à cette question de façon à ce que demain, nous ne regrettions pas nos actes d aujourd hui. En considération des éléments de doutes concernant l impact sur l environnement et la santé publique des ondes électromagnétiques et des «bains d ondes», nous demandons l application du principe de précaution, c est à dire : le lancement et la poursuite de recherches publiques (sur ce sujet, nous attendons avec intérêt l avis de l AFSSET) des mesures provisoires de limitation des émissions reçues par les citoyens (respectant ainsi l article 1 de la Charte de l environnement adossée à la Constitution). 2. Repartir de l humain avec une limitation du bain d onde subi à 1V/m Aujourd hui, on a de cesse de parler des antennes elles-mêmes. Et finalement, on parle bien plus du polluant que du pollué. Pourtant, en tant que médecins de terrains, il nous parait indispensable de s intéresser en priorité à l homme et aux effets que ces champs électromagnétiques cumulés peuvent avoir sur sa santé. Nous vivons dans un bain électromagnétique qui n a cessé de croître ces dernières années notamment avec le développement des technologies sans fil. Plutôt que de focaliser notre attention sur la question des niveaux d émission des antennes, il vaudrait mieux envisager de façon globale un seuil de «bain électromagnétique» (ou «electrosmog») auquel nos concitoyens sont soumis. Actuellement, 1 volt/mètre semble être une valeur raisonnable d exposition. Cette mesure serait tout à fait conforme à l esprit de l article 5 de la Charte de l environnement: «Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.» 3. Prendre des précautions particulières pour les populations les plus vulnérables Il nous paraît également important d insister sur le fait que chaque individu est différent. Certains sont plus fragiles que d autres de part leur sensibilité (exemple des personnes électro-sensibles), leurs antécédents médicaux (appareils d électrostimulation), leur durée d exposition (exemple des travailleurs ASEF - Page 2
exposés à un bain d ondes permanent) ou de part la période de leur vie (exemple des enfants ou des femmes enceintes). Ainsi, il semblerait raisonnable de réduire l'exposition aux ondes des personnes les plus vulnérables et d envisager des mesures de protection pour les travailleurs les plus exposés. Certains pays européens, comme la Grèce, la Suisse ou encore l Italie, ont d ailleurs déjà mis en place des restrictions sur des «lieux dits sensibles». Ainsi, ils évitent de mettre des antennes relais à proximité des endroits recevant des enfants, des malades ou encore des personnes âgées. 4. Instaurer la transparence et l accessibilité des mesures pour tout un chacun Pour connaître la puissance à laquelle nous sommes soumis, il convient de la mesurer de façon transparente. Seul l Etat dans sa mission de service public peut répondre à cette exigence. Si on se pose une question sur la qualité de l air à Paris, nous sommes en mesure de nous informer par nos propres moyens pour savoir quelle est la qualité de l air. Il en va de même pour la qualité de l eau. Quid de la puissance du bain d ondes? Si la confiance sociétale veut être retrouvée, il nous paraît capital de permettre un accès transparent à l information. Cette transparence clairement demandée dans l article 7 de la Charte de l environnement, nous paraît réellement essentielle. Nous saluons bien sûr l initiative de Chantal Jouanno de lancer sur le site de l INERIS un service national d assistance sur les champs électromagnétiques (www.ondes-info.fr) ayant pour vocation d informer les particuliers et les collectivités sur cette question. Mais, nous appelons à faire plus. La transparence se fonde sur l accès pour tous aux informations relevées, mais aussi sur la séparation clairement établie entre l organisme de mesure et l opérateur. Une image valant mieux qu un long discours, voici ci-dessous la photo d un panneau d information à FREIBURG. ASEF - Page 3
5. Imposer la consultation effective des locataires avant d installer une antenne En ce qui concerne l exposition aux ondes électromagnétiques, la différence de traitement entre propriétaire et locataire est particulièrement évidente. Certains locataires d immeubles, notamment ceux qui vivent au dernier étage ou directement en face du lobe principal de l antenne, subissent les nuisances liées parfois à des dizaines d antennes accumulées sur leur toit, sans qu'ils n aient eu leur mot à dire (Cf. Photo ci-dessous). La création de citoyen de «seconde zone sanitaire» est insupportable pour la majorité de la population. A ce titre, la Charte de l environnement, adoptée et annexée à la Constitution en 2005, reconnaît le droit de «vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé» comme étant un principe de liberté fondamentale. De ce point de vue, il nous semble raisonnable et démocratique que les locataires soient informés et consultés lors de la pose d une antenne sur le toit de leur immeuble. 6. Ancrer l initiative française dans le cadre européen Le sentiment d inégalité de traitement suivant les pays d Europe est également une donnée susceptible d accentuer la crise de confiance. En effet, l absence d harmonisation européenne entraîne un sentiment de cacophonie. Si l on regarde nos voisins européens, ils continuent bien de téléphoner et pourtant les normes d émission de leurs antennes relais sont en deçà des nôtres (Cf. Tableau récapitulatif ci-dessous). En France, la norme oscille entre 41 et 61 volts/mètre, alors qu une grande partie de nos voisins européens ont adopté des normes entre 3 et 6 volts/mètre. La région de Salzbourg en Autriche étant ASEF - Page 4
même à 0.6 volt/mètre. Cette initiative d harmonisation serait en droite de ligne de l article 10 de la Charte de l environnement. Pays (ou régions) France Allemagne Suède Royaume Uni Italie Pologne Russie Suisse Belgique Luxembourg Valence Salzbourg (Autriche) Normes 41 v/m à 61 v/m 41 v/m à 58 v/m 41 v/m à 58 v/m 41 v/m à 58 v/m 6 v/m 6 v/m 6 v/m 4 v/m 3 v/m 3v/m 0.6 v/m 0.6 v/m Liechtenstein 0.6 v/m (Horizon 2012) 7. Proposition de reforme structurelle La question de la dissociation des infrastructures et de leur exploitation résulte d'une approche française des services publics et mérite d être abordée ici. En effet, les trois opérateurs sont la cible d une vindicte pouvant s apparenter à une attitude schizophrène demandant couverture maximale et gestion sanitaire exemplaire. Proposer de découpler l émission et l opérateur du contenu (appel téléphonique, MultiMedia ) irait dans le sens de cette dissociation. Dans d autres domaines, il a été décidé en France, mais aussi dans de nombreux autres pays européens, de procéder à cette dissociation. Il s agit donc de disjoindre les infrastructures de base relevant de l'etat ou d'une entreprise publique et fondées sur des investissements publics, et l'exploitation de ces mêmes infrastructures par des opérateurs (privés ou publics). Cette exploitation est soumise à une régulation, relevant elle-même de l Etat, via une autorité dite indépendante. Voici ci-après, des exemples de ce qui existe déjà en France : Chemins de fer A partir du démantèlement de la SNCF, on a mis en place d un coté RFF (Réseau Ferré de France) et de ASEF - Page 5
l'autre la SNCF, Veolia, La Compagnie des wagons-lits, des compagnies d autres pays comme la DB, etc. Ces opérateurs louent à RFF le réseau, afin de permettre à RFF de rembourser ses emprunts et d'assurer l'entretien du dit réseau. Télévision A partir du démantèlement de l'ortf, on a mis en place d'un coté TDF (Télé Diffusion de France) et de l'autre les différentes chaînes de télévision hertzienne tant publiques (A2, FR3, Arte,...) que privées (TF1, M6, etc.). Celles-ci ont été placées sous l égide d une autorité de régulation, aujourd hui appelée le CSA. Electricité A partir du démantèlement d EDF, on a mis en place d un coté RTE (Réseau de Transport d'electricité), qui construit et gère les lignes THT, et de l'autre des opérateurs d énergies publics comme EDF ou privés comme Poweo. Tout ceci est placé sous l égide d une autorité de régulation nommé la CRE (Commission de Régulation des marchés de l'energie). Téléphonie filaire A partir du démantèlement de France Télécom, on a mis en place d un côté France Télécom, qui construit et gère le réseau filaire, et de l'autre les opérateurs publics comme Orange (filiale de France Télécom) ou privés comme Free. Tous sont placés sous l égide d une autorité de régulation nommé l'art. La dissociation permettrait aux opérateurs de revenir à leurs cœurs de métier. Quant à l Etat, il pourrait par un organisme de régulation exercer sa mission de service public en maintenant une haute exigence sanitaire. En dissociant l'infrastructure "émissions" et son utilisation/exploitation, on clarifie les fonctions et facilite le jeu des responsabilités. 8. Remettre le maire au centre de la problématique Premier magistrat de la ville, élu de terrain, premier officier de police judiciaire, le maire est, de part toutes ses fonctions, intéressé par les questions de salubrité publique, mais aussi par les questions d aménagement urbain (PLU). A ce titre, le maire devrait pouvoir demander l'élaboration d'un règlement municipal de l'installation des antennes. Ce dernier pourrait d'ailleurs être annexé au PLU et donc soumis à enquête publique. Il deviendrait ainsi opposable aux tiers, c'est à dire qu il permettrait au maire de refuser un permis de construire en s'y référant. ASEF - Page 6
Le maire pourrait alors prendre des arrêtés régulant le positionnement des d'antennes, soit au regard de l'article 5 de la Charte de l'environnement de la Constitution, soit au regard du règlement municipal luimême. Ce rôle des maires face à ce sujet pourrait être étudié en liaison avec le Ministère en charge des collectivités locales, le MEEDDAT, le Ministère de la santé et l'amf (Association des Maires de France). L'objectif serait d'étudier le cadre juridique actuel et de proposer l'élaboration d'un guide-cadre pour des règlements locaux d'implantation des antennes. 9. Appel à l innovation Sous l impulsion publique, il est souhaitable de mobiliser la recherche publique et privée dans une démarche de recherches médicales et épidémiologiques sur les bains d ondes reçus par les citoyens et leurs conséquences sur la santé, mais aussi sur de nouveaux appareils et systèmes d antennes-relais. Cette démarche s inscrit dans le cadre des articles 5 et 9 de la Charte sur l environnement. 10. Comité de pilotage et de suivi De notre point de vue, ces tables rondes marquent le «début» d une gouvernance et ce, conformément à l esprit du «Grenelle de l environnement» qu il convient de poursuivre. Dans cette démarche, différents acteurs ont été mobilisés au rang desquels l Etat, les collectivités territoriales, les entreprises (fabricants de matériels, opérateurs), les syndicats et les associations (citoyens, consommateurs, médecins, etc.). Les tables rondes ont pour but d amener les différents partis à la concertation afin de mettre en place des actions coordonnées. Afin que celles-ci ne restent pas lettre morte, nous proposons de mettre en place un comité de pilotage et de suivi, constitué de représentants des différents partis en présence, qui aura une double fonction. Tout d abord, il veillera à ce que les décisions prises lors de ces tables rondes disposent des conditions suffisantes pour pouvoir être mises en place de façon optimale. Dans un deuxième temps, le comité exercera une fonction de suivi. Ainsi, il s attachera sur le long terme à informer les différents acteurs des avancées de chacune des mesures proposées et actées lors de ces journées de réflexion. Ce système de veille a pour but de garantir à tous les participants que ces tables rondes ont bien l objectif de faire changer les choses et non de simplement procéder à un échange verbal de plus. Dr Halimi Patrice Secrétaire Général de l ASEF ASEF - Page 7