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Rép.525 N D'ORDRE Risques professionnels ACCIDENT DU TRAVAIL (secteur public) Consolidation L. 3 juil. 1967, art. 4 Enseignement Absences résultant d'un accident du travail, postérieures à la consolidation Compétence matérielle de la juridiction du travail Décret/F 5 juil. 2000, art. 10; C.j., art. 579. COUR DU TRAVAIL DE LIEGE ARRÊT Audience publique du 7 avril 2008 R.G. : 34.771/07 9 ème Chambre EN CAUSE : A. N. Luis, APPELANT AU PRINCIPAL, INTIME SUR INCIDENT, ayant comparu par Maître Jean-Paul BRILMAKER, avocat, CONTRE : LA COMMAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE, représentée par son Gouvernement en la personne de son Ministre-Président INTIMÉE AU PRINCIPAL, APPELANTE SUR INCIDENT, ayant comparu par Maître Benoît LECARTE qui se substituait à Maître Jean-François JEUNEHOMME, avocats.

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 2/10 Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 3 mars 2008, notamment : - le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre parties le 7 décembre 2006 par le Tribunal du travail de Liège, 4 ème chambre (R.G. : 336.931); - la requête formant appel principal de ce jugement, reçue au greffe de la Cour le 12 avril 2007 et notifiée à l'intimée au principal et à son conseil par plis judiciaires expédiés le lendemain 13 avril; - les conclusions de l'intimée au principal, par lesquelles cette dernière interjette appel incident, reçues au greffe de la Cour le 21 août 2007, et les conclusions de l'appelant au principal, y reçues le 15 octobre 2007; - le formulaire conjointement souscrit par les parties demandant la fixation de leur cause à une audience de plaidoiries, reçu au greffe de la Cour le 11 décembre 2007, et l'avis de fixation du 10 janvier 2008 pour l'audience du 3 mars 2008; - les dossiers des parties, déposés à cette audience; 2008. Entendu les plaideurs à ladite audience du 3 mars I. RECEVABILITE DES APPELS Il ne ressort d'aucune pièce ni d'aucun autre élément du dossier de la procédure que le jugement entrepris aurait été signifié. L'appel principal a dès lors été interjeté en temps utile. Il a par ailleurs été régulièrement formé par requête. Il est donc recevable. L'appel incident, quant à lui, a été régulièrement formé par conclusions de la partie intimée. Il est pareillement recevable.

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 3/10 II. OBJET DES APPELS Monsieur A.N. a été victime, le 26 septembre 2002, d'un accident du travail régi par la loi du 3 juillet 1967 relative à la prévention et à la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. Par son appel principal, il critique le jugement déféré du 7 décembre 2006 : - en ce que celui-ci entérine le rapport d'expertise judiciaire déposé par le docteur Michel Godfroi le 29 septembre 2004 et, partant, statue sur le fond conformément aux conclusions de ce rapport, - alors qu'il y avait lieu, comme le demandeur l'a sollicité en ses propres conclusions du 23 juin 2006, d'inviter l'expert à actualiser son rapport en raison de l'évolution péjorative, observée entretemps, de l'état séquellaire issu de l'accident. Par son appel incident, la Communauté française de Belgique conteste ledit jugement : en ce que ce dernier confie d'office au docteur Godfroi une nouvelle mission d'expertise basée sur le décret du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement, alors que les premiers juges, outre qu'ils ont statué sur une chose non demandée par les parties, étaient incompétents ratione materiae pour connaître de l'application de ce décret. III. SUR L'APPEL PRINCIPAL Monsieur A.N. est né le 22 juin 1953. Il a obtenu une licence universitaire en philologie romane. Depuis 1980, il est professeur de français à l'institut Don Bosco de Liège, établissement de l'enseignement libre subventionné par la Communauté française. Le 26 septembre 2002, alors qu'il éprouvait des difficultés à maintenir la discipline dans sa classe, il a reçu sur la tête le capuchon d'un stylographe lancé par un élève, tandis qu'il était insulté par un autre. Il a vécu ces circonstances, sous les rires des étudiants, comme une humiliation. Il n'a plus repris, depuis lors, son travail d'enseignant.

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 4/10 Par jugement non contesté du 22 avril 2004, le Tribunal a reconnu l'existence, le 26 septembre 2002, d'un événement accidentel soudain ayant consisté dans "la réception d'un objet en plastique dur lancé à la tête du demandeur". Puis il a confié une mission d'expertise classique au docteur Michel Godfroi, neuropsychiatre. Celui-ci, en son rapport déposé le 29 septembre 2004, a expliqué que le patient, à la suite d'une agression peu violente mais survenue dans un contexte ressenti comme outrageant par une personnalité rigide, avait développé un sentiment dépressif, objectivé par des tests, ultérieurement aggravé par l'attitude, jugée déplacée par l'intéressé, de sa direction, de certains collègues et de l'administration. Ainsi l'expert a-t-il noté que "l'incapacité actuelle repose manifestement plus sur le vécu relatif aux faits postérieurs, mais demeure partiellement en relation avec les faits constitutifs de l'événement soudain du 26.09.2002 " (rapp., p. 10). Au terme de son rapport, le docteur Godfroi a considéré que Monsieur A.N. avait présenté une incapacité temporaire totale de travail du 26 septembre 2002 au 31 août 2004 et qu'il restait atteint, depuis la consolidation fixée au 1 er septembre 2004, d'une incapacité permanente de travail de 6 %, taux correspondant, comme de droit, à la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché général du travail. Il semble bien que ce taux a été retenu par l'expert en concertation avec les médecins-conseils des deux parties. Il paraît en avoir été de même pour la date de la consolidation, qui s'inscrivait dans une perspective de reprise par l'intéressé de son activité d'enseignant à partir de la rentrée scolaire 2004-2005. Après un temps d'arrêt dans le déroulement de la procédure judiciaire, Monsieur A.N., assisté d'un nouvel avocat, a déposé le 23 juin 2006 des conclusions dans lesquelles il signalait qu'il n'avait "pu reprendre le travail à l'institut Don Bosco vu le sentiment éprouvé de ne pas être pris au sérieux par la direction, malgré l'intervention de la délégation syndicale". Il ajoutait que "cette situation a eu pour effet de (le) plonger ( ) dans un «stress post-traumatique grave» selon le médecin qui le soigne, le docteur (neuropsychiatre) J.-M.Gernay". Il déposait une lettre rédigée le 28 juin 2005 par ce dernier, attestant de l'évolution péjorative de la santé psychique du patient. Mais il versait aussi à son dossier une lettre datée du 1 er mai 2006 du même médecin qui considérait l'état de l'intéressé comme désormais consolidé et qui remerciait d'avance son avocat de l'aider à reprendre son métier d'enseignant. Enfin, Monsieur A.N. produisait un échange de correspondances avec le pouvoir organisateur de l'institut, qui refusait d'accéder à sa demande d'être muté, en vue d'une reprise effective de ses activités, dans un autre établissement du réseau catholique. Dans le dispositif de ses conclusions du 23 juin 2006, Monsieur A.N. demandait alors au Tribunal, "Avant dire droit, de désigner à nouveau le docteur Godfroi avec la mission complémentaire de prendre

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 5/10 connaissance des pièces que lui soumettra le docteur Gernay afin de voir si la situation ne s'est pas aggravée depuis son rapport du 29/08/2004, de fixer le nouveau taux d'ipp, ainsi que la date de consolidation et les périodes d'it ". Par le jugement entrepris du 7 décembre 2006, le Tribunal ne donne pas suite à cette demande et entérine le rapport d'expertise du fait qu'il ne voyait, dans les documents fournis et les arguments avancés, "aucun élément permettant de remettre en cause la consolidation et le taux d'ipp fixés par l'expert ". C'est en cela que ce jugement est critiqué par l'appelant au principal. La Cour ne peut suivre l'analyse des premiers juges. Monsieur A.N. a le droit de faire examiner l'évolution de son état jusqu'à la décision judiciaire définitive et il se prévaut notamment de la lettre de son médecin neuropsychiatre induisant que son état psychique a continué à se dégrader après le 1 er septembre 2004. Il y a là une situation invoquée que seul un expert de la même spécialité est réellement en mesure de vérifier. Certes, il se trouve que le docteur Godfroi, chargé par le jugement entrepris d'une autre mission d'expertise (dont il sera question ci-dessous), a déposé le 14 février 2007 un nouveau rapport. Il ne s'agit pas pour la Cour de statuer sur ce dernier. Mais les parties s'y réfèrent en tant qu'élément d'information supplémentaire apporté dans la procédure d'appel. Il est loisible d'y lire que "Force est de constater que la situation (du patient) ne semble guère s'être modifiée". Cette observation tend à plaider pour la confirmation de la consolidation telle qu'elle a été initialement constatée, encore que la formulation choisie par l'expert soit relativement prudente. Ce dernier ajoute aussi : "Les éléments en rapport avec l'agression sensu stricto apparaissent de plus en plus ténus; le conflit avec le pouvoir organisateur prend de plus en plus de place". A la lumière de ce qui précède, une mise au point s'impose. Il faut d'abord rappeler que la notion de consolidation est médicale avant d'être juridique : elle désigne une stabilisation des lésions et/ou de l'affection issues au moins partiellement de l'accident, en manière telle qu'il est permis de déterminer à quel taux s'élève l'incapacité dont, suivant les prévisions que permettent les sciences médicales, la victime souffrira toute sa vie. En l'espèce, s'il se vérifie que l'état physique et/ou psychique de Monsieur A.N., tel qu'il a découlé au moins partiellement de l'accident du 26 septembre 2002, n'a plus évolué après le 1 er septembre 2004, nonobstant par exemple la dégradation de ses relations avec le pouvoir organisateur pour des raisons liées aux suites de l'accident, il y aura lieu de confirmer la consolidation à cette dernière date.

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 6/10 A l'inverse, s'il est avéré que cet état a continué à évoluer après le 1 er septembre 2004, par exemple dans le sens de la péjoration, et pour autant que ce soit pour des motifs ayant un lien au moins partiel avec l'accident, telle la dégradation des relations avec le pouvoir organisateur en raison des suites de cet accident, il s'imposera de revoir la date de la consolidation et, si cette dernière est à nouveau ultéieurement acquise, le taux à attribuer à l'incapacité permanente de travail. Il se révèle donc opportun, dans les circonstances assez particulières de la cause, d'interroger à ce sujet un expert, lequel doit être le docteur Godfroi (comme l'appelant l'a confirmé en sa plaidoirie plus clairement qu'en ses conclusions d'appel). Il suit que l'appel principal est fondé. IV. SUR L'APPEL INCIDENT Le décret de la Communauté française du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement (M.B. 18 août 2000) est entré en vigueur le 1 er septembre 2000. Ce décret prévoit la mise en disponibilité du personnel enseignant visé, avec un traitement d'attente réduit et dégressif, après épuisement d'un nombre déterminé de jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité. Mais il prévoit aussi en son article 10 que, par dérogation, "Le congé pour cause de maladie ou d'infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu'il résulte d'un accident du travail, d'un accident survenu sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle". En son jugement du 7 décembre 2006, le Tribunal a pris l'initiative de confier au docteur Godfroi, par référence à l'article 10 précité, une mission complémentaire afin qu'il dise "si l'absence au travail de la partie demanderesse, postérieure à la consolidation, a résulté de l'accident du travail du 26.09.02 ( ) ". La Communauté française de Belgique, par son appel incident, critique cette dernière décision. A l'appui de son appel, elle tire moyen de l'incompétence matérielle de la juridiction du travail pour connaître de l'application du susdit décret, lequel est étranger à la loi du 3 juillet 1967 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans le secteur public. En réalité, selon l'article 579 du Code judiciaire, les juridictions du travail sont investies d'une compétence générale en matière de "demandes relatives à la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles".

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 7/10 C'est dans ce cadre, défini par le législateur en termes larges, que ces juridictions sont compétentes pour connaître de la mise en œuvre de l'article 10 du décret du 5 juillet 2000 en cas de litige concernant l'application de cet article (cf. C.T. Liège, 9 ème ch., P./Cté frç., 17 janv. 2005, R.G. : 31.488/03, et les réf. cit.). l'appel incident. Il faut donc déclarer non fondé le moyen à l'appui de Cela étant, la Communauté française de Belgique, rejointe d'ailleurs à cet égard par Monsieur A.N., considère que, par la disposition contestée, le jugement déféré statue sur une chose non demandée par les parties. Néanmoins, il appartiendra à ces dernières, à la suite de la réponse qui sera apportée par le docteur Godfroi à la mission complémentaire à lui confiée par le présent arrêt, d'apprécier s'il leur conviendra ou non de confirmer la mission d'expertise litigieuse décidée par les premiers juges. PAR CES MOTIFS, Vu la loi du 15 juin 1935 concernant l emploi des langues en matière judiciaire, notamment son article 24, LA COUR, après en avoir délibéré et statuant contradictoirement, RECOIT l'appel principal, le déclare FONDE, RECOIT l'appel incident, déclare NON FONDE le moyen à l'appui de cet appel, tiré de l'incompétence matérielle de la juridiction du travail pour connaître de l'application de l'article 10 du décret de la Communauté française du 5 juillet 2000 fixant le régime de congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement, Réformant le jugement déféré du 7 décembre 2006 en ce qu'il refuse de donner suite à la demande d'expertise complémentaire telle que sollicitée par le demandeur originaire, Avant de statuer sur le fond de la demande en réparation des dommages résultant de l'accident du travail du 26 septembre 2002, Confie au docteur Michel GODFROI (rue du Ponçay, 39 à 4020 LIEGE-Bressoux) la mission d'expertise complémentaire ci-

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 8/10 dessous, à accomplir conformément aux articles 966 et suivants du Code judiciaire, tels que modifiés et complétés par la loi du 15 mai 2007 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'expertise : - prendre connaissance des motifs et du dispositif du présent arrêt, ainsi que relire son rapport d'expertise médicale daté du 28 septembre 2004 et déposé le lendemain au greffe du Tribunal du travail de Liège, - noter que la Cour renonce, avec l'accord des parties, à la tenue en chambre du conseil d'une réunion d'installation, - dans la huitaine à compter de la réception du présent arrêt, et sauf refus motivé de la mission, fixer les lieu, jour et heure du début des travaux d'expertise et en aviser les parties elles-mêmes par lettres recommandées à la poste, ainsi que la Cour et les conseils des parties par lettres missives, - recevoir, dès le début des travaux d'expertise, les notes de faits directoires établies par les parties et leurs dossiers inventoriés, constitués de tous les documents pertinents, - interroger et examiner l'appelant au principal, si possible dans le délai de six semaines à compter de la réception du présent arrêt, - engager la rédaction d'un rapport écrit qui, notamment, relate la présence des parties aux travaux, leurs déclarations verbales et leurs réquisitions, et qui contient le relevé des notes et documents qu'elles ont remis, - envoyer ses constatations préliminaires, avec un avis provisoire, à la Cour, aux parties et à leurs conseils par lettres missives, et accorder aux parties et à leurs conseils un délai raisonnable, évalué en considération de la nature du litige, pour formuler leurs observations, - recevoir ces dernières avant l'expiration du délai fixé, puis les acter et y répondre, sans tenir compte des observations adressées tardivement, - EN CONCLUSION DU RAPPORT ET APRES MOTI- VATION ADEQUATE : 1) dire si l'état physique et/ou psychique de l'appelant au principal, tel qu'il a résulté, à tout le moins partiellement, de l'accident du travail du 26 septembre 2002 et qui a été considéré comme consolidé à la date du 1 er septembre 2004, a continué à évoluer après cette dernière date dans le sens de la péjoration et ce, pour autant que cette évolution ait découlé, à tout le

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 9/10 moins partiellement, de facteurs liés, à tout le moins partiellement, à cet accident, 2) dans l'affirmative, dire si l'état du patient s'est ultérieurement consolidé et, - si oui, fixer : a) la date de cette consolidation, b) le taux de l'incapacité temporaire de travail ou les taux des incapacités temporaires de travail successives, appréciées au regard de l'aptitude du patient à exercer son métier habituel d'enseignant, c) le taux de l'incapacité permanente de travail, appréciée en considération de la diminution du potentiel économique de l'intéressé sur le marché général du travail, - sinon, fixer le taux de l'incapacité temporaire de travail ou les taux des incapacités temporaires de travail successives, - clôturer le rapport d'expertise dans les SIX MOIS de la réception du présent arrêt (délai qui ne pourra être prolongé, le cas échéant, que par la Cour sur demande préalable et motivée de l'expert), puis dater ce rapport et le signer sous la reproduction du texte du serment légal, - le même jour, déposer au greffe de la Cour la minute du rapport, avec les documents et notes des parties, ainsi qu'un état de frais et honoraires détaillé, établi conformément à l'article 990 du Code judiciaire, et envoyer la copie de ce rapport et de cet état aux parties par lettres recommandées à la poste et à leurs conseils par lettres missives, Réserve les dépens. AINSI ARRÊTÉ par la NEUVIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, composée de : M. Jean-Claude GERMAIN, Conseiller présidant la chambre, M. Jean DEVILLERS, Conseiller social au titre d'employeur, Mme Maria-Rosa FORTUNY-SANCHEZ, Conseiller social au titre de travailleur salarié, qui ont participé aux débats de la cause, assistés de Mme Monique SCHUMACHER, Greffier adjoint, lesquels signent ci-dessous :

N D'ORDRE R.G. : 34.771/07 10/10 ET PRONONCE en langue française et en audience publique, en l extension du palais de justice de Liège, située à Liège, rue Saint-Gilles, 90 C, le LUNDI SEPT AVRIL DEUX MILLE HUIT, par M. Jean-Claude GERMAIN, assisté de Mme Monique SCHUMACHER, qui signent ci-dessous :