Enfantines Collection de brochures écrites et illustrées par les enfants

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Transcription:

PUBLICATION MENSUELLE MAI 1949. Enfantines Collection de brochures écrites et illustrées par les enfants Loms CHAUFFIER (11 ans) ECOLE DE BRUMAS - BUSSIÈRE-GALANT (Haute-Vienne) fani Fami Ile 1!, N 143 EDITIONS DE L'IMPRIMERIE A L'ÉCOLE CANNES (Alpes-Maritimes) C. C. Marseille 115.03

Editions de l'ecole Moderne Française --, C. FREINET, CANNES (Alp.-Mar.),. Chèques postaux Marseille : 115-03. COLLECTION DE BROCHURES EN FANTI NES Abo:i nemen t d ' un an................ 90 fr. FASC ICULES P ARUS ET 1. H istoire d ' un petit garçon dans la mon tag ne. 2. L es deux petits rétameurs. 3. Récréations. (Poè mes d ' en- /an is). 4. La mine et les mineurs. 5. /1 était une fois.., 6. H istoire d e bêtes. 7. La si grande fête. 8. Au pays d e la soierie. 9. Au coin du feu. 10. Fra nçois, le petit berger. 11. L es ch arbonniers 12. L es aven tures d e 4 gars. 13. A travers mon en fa nce. 14. A ln r.,::,inte de Trévignon. 15. C ontes du soir. 16. A l'institution M od erne. 17. L e journal du malade, 18. La m ort d e Toby. 19. Gais compagnons. 20. La peine d es enfants. 21. Y ves, le petit m ousse. 22. c.migrants. 23. Les petits pêcheurs. 24. Quenouilles et fu seaux, 25. L e petit chat qui ne veut pas mourir, 26... Malin et demi, 27. Métayers. 28. Bibi, l'oie périgourdine 29. La bête aux sept têtes'. 30. Au pays de l'antimoine. 31. Maria Sabatier. 32. Que sais-tu? 33. En forêt. 34. L'oiseau qui fut trouvé mort. EN V ENTE 35. Diables. 36. Le Tie nne. 37. Corbeaux. 38. Notre Coopérative. 39. Barbe-Rousse. 40. Chômage. 41. Pétoule. 42. Pierre-la-Chique. 43. Le mariaoe de Nik,o. 44. H istoire d u Çhanvre. 45. La farce d u pay san. 46. La f a mille L oiseau - L oueaa en 1830. 47. L a M isè re (contes). 48. Les contrebandiers. 49. Un dé m énagement compliqué. 50. A rrière, les ca nons / 51. La p laine est vaste comme une mer. 52. Musicien de la Famine (contes). 53. Dans la mare du Beau Rosier. 54. La Fleur d' Argent. 55. Au Pays des Neiges. 56. Le Pec. 57. L 'Ecole d'autrefois. 58. Histoire d e Blanchet. 59. Bêtes sauvages. 60. Les Louées 61. Firmin. 62. La N aissance dea /ours (con/es). 63. Anes et Mulets. 64. Sans Asiles... 65. Ecoule, Pépée...

Loms CHAUFFIER (11 ans) EcoLE DE BRUMAS - BussIÈRE-GALANT (Haute-Vienne) SANS FAMILLE ( Tant que je vivrai, je me souviendrai de mon enfance. Nous étions six à la maison, quatre garçons et deux filles. Quand papa vivait, je m'en souviens à peine, nous habitions une grande ferme. J'allais ramasser du. trèfle pour mes deux bœufs limou- /

2 -sins, Cadet et Rousset. L'été, je tuais les taons qui se posaient sur leur pelage fauve. Un jour, l'un des bœufs me donna un coup de corne au front. J'en garde la cica trice ineffaçable. Deux paires de vaches limousines : Bouquet, Rose, Blonde et Chabrol complétaient l'étable et pouvaient s'atteler pendant les gros travaux. La «brète» ( 1) nous fournissait le lait. Un jour, elle revint du pré, écornée, elle avait dû se battre avec les limousines. Elle fut si mal soignée que les asticots se nichèrent sur sa corne malade. Lorsque papa revenait des champs, il lui arrivait souvent de «jurer», it se fâchait car les repas n'étaient pas préparés. Il prenait la poêle, allumait le feu, faisait cuire deux œufs, puis repartait aux champs. Mais papa mourut. Il fallut quitter la ferme pour une pauvre maisonnette où il n'y avait pas d'électricité. Les - 1 murs en étaient soutenus par des pieux piqués en terre, il manquait bon nombre de carreaux aux fenêtres et le vent n'avait aucune peine à passer à _travers la porte. Nous. avions amené trois ou quatre poules, les dernières qu'il nous restait. Maman les a toutes.,tuées et nous les avons (1) Va che laitière.

mangées. Nous n'avions plus rien, ni cochon, ni lapin, pas dé jardin, rien à manger. Nous faisions à peu près ce que nous voulions, et il fallait nous voir gambader dans la campagne, pieds nus, déguenillés, sales, avec des cheveux longs, touffus sur les oreilles... - Pauvres petits! disaient ceux qui nous rencontraient. D'autres chassaient à grands coups de balai cette marmaille piaillante qui, à la queue leu leu, rôdait autour des basses-cours. Quelles b_elles parties de pêche nous avons faites dans 3 '

4 l'étang de Lachèze! Munis d'un sac, avec parfois l'eau jusqu'au ventre, nous poursuivions une petite friture insaisissable. Lassés, nous passions au ruiss~au qui remontait derrière les joncs de l'étang d'où s'enyolaient en caquetant de superbes poules d'eau. Le ruisselet regorgeait d'écrevisses qui grouillaient sous les pierres. Que faisions-nous de nos captures? Le soir, en rentrant à la maison, le plus souvent déserte, il nous fallait allumer le feu. Maman, attardée chez quelques voisines, rentrait. Les marmots s'accrochaient à ses jupes. - Il faut encore faire de la soupe!. disait-elle. Le couvert était vite mis, chacun assis à terre «. piochait >> avec sa cuillère dans la marmite.. Qu'importe si nous nous disputions! Lourds de sommeil, malgré le ventre vide, nous nous couchions dans cette unique pièce qui possédait deux lits de coin, une table et quatre chaises pour tout mobilier.. En hiver, les c_orvées de bois étaient devemtes un supplice. Tous les jours, mes frères et moi nous faisions chacun un gro~ tas de bois. Aussitôt arrivés à la maison, nou~ allumions le feu car nous avions très froid. Maman nous disait : - Il faudra y revenir demain.

- Pourquoi ne veux-tu jamais venir avec nous, ma: man? - Vous êtes bien assez nombreux! - :ru n'as pas froid, toi, dans la maison, et si nous n'y étions pas, que ferais-tu? Et nous repartions, une corde sur l'épaule, les uns derrière les autres, en soufflant sur nos doigts. Mais, quelquefois fatigués, nous allions chez grand-mère. Tu ne vas pas ramasser le bois mort? me disait-. elle.

6 - Il fait trop froid, grand-mère! Ma mère a-t-elle eu un nécessaire à ouvrage? Je l'ignore, je ne me rappelle pas lui avoir vu une aiguille ou un tricot à la main. Arrjvait-il qu'une voisine charitable nous donnât une blouse ou un vêtement convenable, nous le portions jusqu'à complète usure, -sans qu'il connût l'odeur du savon, ni sans qu'aucune reprise lui fût faite... Nous mangions des topinambours ; la faim nous obligeait à marauder les pommes du père Cadirou, le voisin. Bien souvent, la mère Cadirou nous donnait du pain et bien souvent aussi, ma pauvre grand-mère me donnait une galette et me disait : - Mange-la, tout seul! J'allais à l'école avec, dans mon sac, _un simple petit morceau de pain qu'il me fallait manger à midi, sur un banc. Notre détresse dut, à la longue, devenir insupportable à notre institutrice qui signala notre cas au maire de la commune. Un matin, une ~uto arriva à l'école avec maman, mon frère. Roger, mes sœurs Suza_nne et Monique. Je montai avec eux et nous voilà partis à!'hospice de Limoges.

C'était en 1942, mon frère Roger avait quatre ans, ma petite sœur Suzanne deux ans, Monique six mois, et moi j'avais cinq ans et demi. Mes frères André et René pouvaient travailler. L'un est resté chez ma grand-mère, l'autre chez ma tante et nous, les quatre petits, nous sommes partis à Limoges. Lorsque maman nous a quittés, je me suis mis à pleurer à chaudes larmes. Elle essuyait ses-: yeux en nous disant : - Mes petits! mes pauvres petits!. Je reviendrai voui chercher. 7

-8 Puis elle nous quitta. Je ne l'ai jamais plus revue. Tous les jours, je demandais à la gardienne : - Maman va-t-elle bientôt venir? - - Pauvre petit! Ta maman ne vous veut plus, me répondait-elle.. Tête basse, silencieux, je regagnais le groupe de mes petits camarades s'amusant dans un coin de la cour. Le repas avait lieu dans un grand réfectoire glacial, aux murs blancs, sur deux rangées de tables parallèles bordées de bancs. Nous entrions en nous bousculant, en criant et parfois la surveillante intervenait sévèrement pour ramener un peu d'ordre dans cette bousèulade. On remplissait mon assiette, mais la ration était pente, je mangeais vite et je tapais à la porte : - Que veux-tu, mon petit? - Y a-t-il un peu plus de soupe? Ma petite sœur Suzanne buvait du lait. Je l'attendais pour descendre s'amuser dans la cour. Je la tenais pàr la main pour qu'elle ne tombe pas. Je prenais soin d'elle. Nous restions longtemps assis à faire des pâtés, à dessiner sur le sol. Le soir, la cloche nous renvoyait au lit, un petit

9 Jit blanc, à barreaux de fer, qui me paraissait très beau... Le 1... avril 1942, lorsque Mme Jouhaud est venue me chercher, j'étais malade, l'ennui me fatiguait, pourtant je voulais bien m'en aller. j'étais couché dans un petit litcage. Je _me suis dressé. Mme Jouhaud, que j'appelle ma grand-mère, me dit : - Je reviendrai bientôt te chercher.

10 Le 14 avril, elle est revenue ; que j'étais content de. la suivre! Plus d'hôpital, plus de petits camarades qui. ne pensaient qu'à eux. J'allais revenir à la campagne, au milieu: des champs et des bêtes que j'aime tant. J'avais de grands cheveux qui tombaient s1;1r le cou;. tout comme une petite fille ; il y avait peut-être six mois que maman ne me les avait coupés. J'avais un petit tablier bleu tout déchiré. Je l'avais quand j'étais avec maman et je l'ai gardé à Limoges. Je portais aussi deux petits sabots avec des brides. Ils étaient à moitié cassés. et tout déferrés. C'est à peine si je pouvais y mettre les pieds. Grand-mère m'acheta des galoches fourrées pour tenir mes pieds chauds. Et je quittai Limoges en sa compagnie. - Tu verras, tu seras plus heureux que lorsque tu étais avec ta mère, dit-elle. Je montai avec l\'lme Jouhaud dans le train qui nous conduisit à Lafarge. En revenant de la gare, ma grand-mère, en me voyant gratter"" la tête, me demanda : - As-tu des poux? - ' Non, lui dis-je. Et elle ajouta :

- Madame Mayéras va t'emmener sur sa bicyclette. Je monte sur le porte-bagages et grand-mère ne cesse.de me demander si j'ai des poux. Je n'ose pas le dire e.t je réponds toujours non. Arrivés à la Tenaille, ma grandmère regarde en détail mes cheveux. Elle voit un pou, puis deux. Qu'ils étaient nombreux. à se promener sur ma tête! 11 faut faire le grand nettoyage. Grand-mèr:e me rase les cheveux, me débarbouille bien avec du savon et de l'ealt chaude, je suis propre et plus à l'aise. 11

12 Plus de poux! Que je suis content! Je ne me gratte plus! J'étais si malheureux, j'avais tant de démangeaisons! Je me suis vite habitué à vivre avec mes gardiens, M. et Mme Jouhaud, de là Tenaille de Bussière-Galant. Ils n'ont pas d'enfants et m'élèvent comme leur petit-fils. Au début, j'avais honte, mais au bout de huit jours, j'étais tout à fait apprivoisé et je leur parlais comme si c'était m011 père et ma mère. Je leur racontais combien j'avais été malheureux dans ma courte enfance. Il y a deux ans, M. l'inspecteur de!'assistance publique est passé le soir, il était presque nuit ; pressé, il reg~rda à peine mes cahiers. Il partit vite, car il avait sans doute peur de manquer le train ; il n'écouta même pas grandmère qui lui offrait de partager son souper. L'année dernière, lorsqu'il repassa, je ne pouvais pas marcher ; un furoncle qui se trouvait sous mon pied me faisait cruellement souffrir. Je venais de m'habiller, le matin, quand il entra. Ma grand~mère lui dit que je n'avais plus d'habits de laine. Il m'a envoyé depuis un pull-over et une paire de galoches. Cette année, il est venu me rendre visite à l'école. En entrant, il a demandé l'élève nommé Louis Chauffier. ' ;

13 Il vérifiait mes cahiers en me disant que je pourrais un peu mieux m'appliquer. Il a regardé mes mains : - Travailles-tu? - J'aide mon grand-père, les j'ëudis et les dimanches, pour m'apprenpre à travailler quand je serai domestique chez les gens. J'aime beaucoup travailler au jardin. J'ai reçu un colis de l'assistance, le 29 janvier. Il renfermait un sac de bonbons qui étai~nt fondus, quinze bou-

14 les et cinq boulets, des petits chevaux de toutes couleurs et un tube de pâte dentifrice pour me laver les dents à l'école. Sur une lettre, l'inspecteur me demandait si j'avais fait un bon Noël avec mes parents nourriciers. J'étais très content, j'ai remercié l'inspecteur par lettre. C'est lui qui s'occupe de moi, de mon entretien et de mon instruction. Je ne suis pas mal habillé. Je fréquente l'~cole de Brumas où, depuis sept ans, le.même maître s'efforce de m'instruire. J'ai appris à lire, à écrire, mais le calcul ne me plaît pas beaucoup. J'aime beaucoup retrouver mes petits camarades, nous jouons aux. boules pendant les récréations. En classe, je suis assis sur une belle chaise et, devant moi, j'ai une table en chêne ciré dont je prends bien soin. Elle reluit comme un miroir. Au signal du chef d'équipe, nous nous rassemblons autour de la casse pour composer ; nous sommes très habiles et le maître nous dit que nous arrivons à composer vingt lignes toutes les dix minutes. De temps en temps, j'ai un texte élu. Le dernier avait pour titre «Petite vendange». Je racontais comment nous avions fait quelques bouteilles de vin avec les raisins de notre treille. A midi, je regagne la Tenaille, village à cinq_ cents mètres de notre école. Grand-mère, à mon arrivée, me questionne :

15 - As-tu été puni? Pourquoi es-tu en. retard? Nous mangeons la soupe chaude et le morceau de salé aux choux. Je suis pressé, je repars à l'école où les jeux m'appellent. Les jours de congé, je garde les vaches. En été, j'aide à la fenaison et à la moisson. Grandmère m'encourage : - Allons, Louis, demain nous aurons fini../

16 Quand j'aurai quatorze ans, je n'aurai aucune peine à gagner de l'argent comme domestique de ferme. Les bêtes, la terre, ça me connaît. Pourquoi voulez-vous que je ne sois pas heureux?

66. Grand-mère m'a dit.. 67. Halte à la douane!... 68. Histoires de marins., 69. Longue queue, plume d'or. 70. Grèves. 71. Au bord de l'eau. 72. Les Deux Perdreaux. 73. La petite fille perdue dan la montagne. 74. Coryte d' une petite fille qui s'était cassé la jambe. 75. Sur le Rhône, ï 6. Christoph" 77. Péître en Auvergne. 78. Les Hurdea. 79. Nou velles aventures de Coco. BO. Au bord du lac. 81. 1-/is:oire de Porsogne. 82..Six r,etits enfants allaient chercher des figues... 83. En gardant. 84. Barbichon. le lièvre malin. 85. Saute-Rocher, le petit cha. mois rle la montagne. 86. Petit réfugié d' Espag.,e. 87. Nomades 88. Vacher du Lozère. 89. Les Enfants de Coco. 90. Ils jouaient... 91. Fatma raconte. 92. Les Montagnettes. 93. Joie du monde. 94. Crimes. 95. Diouf Sambou, enfant du Sénégal. 96. La Mer. 97. Houilles ou la découverte de la houille, 98. Le Ramadan. 99. Biquette. 100. Tim el Grain d'orge. 101. Ame d'enfant. 102. Les aventures de cinq Marcassins. 103. Lettres du Sénégal. 104. Mer/in-Merlat. 105. Les ti1t-ards des Bérudièrea. 106. L'Exode. 107. Goupil le Renard. 108. L'occupation. Suite des fascicules parus 109. Conte de la For2t. 110. Des bombes sur la Fran~. 111. La fontaine qui ne ooa/ait plus couler. 112. Chantons le Mai. 113. Rosée du matin. 114. En faisant rouler aa noix. 115. Purs mensonges. 116. Pike la Perche. 117. Déportés. 118. La Mésange Bleutée. 119. Le Maquis Enfantin. 120. L 'Escargot Jaune et Gru. 121. P remier A vrli. 122. Au temps des Berger. 123. Vercors. 124. Marie-Fraise des Boia. 125. Les Triolets. 126. Bour, le petit éîne lunatique. 127. Ah Ile petit lapin. 128. Le pauvre Benjamin. 129, La nuit de Noël. 130. Marguise. 131. La Pocera. 132. Au temps or) les fleura volaient 133. Romain. 134. F/of/o /'Ecureuil. 135..Saisons (poèmes). 136. Kriska le pêcheur. 137. Long-Museau. 138. Roy Louys Unziesme. 139. Saïd le berger. 140. L'imprudente petite tulipe. La collection complète 1 remise 5 % l 1 ~, 111 M l 111 [ A L t C01.. I

l, Le gérant : FREINET. IMPRIMERIE «fegitna COOPÉRATIVE ÜUVRllRII 27, RUE jean-jaurt.s, 27 CANNES (ALPES-M~RITllll:II)