Cheminement onirique Notre projet était d'illustrer le cheminement du rêve ; la lettre à la manière de Diderot est adressée à Sophie Volland dans le but de lui raconter son songe artistique. Les photographies sont personnelles et prises au cours de notre propre pérégrination. Laura-Lynn DE COSTER Cassandra GELUS Lycée Paul Valéry SETE 2 e 5
Sophie, Lors de ma dernière balade au bord du canal royal, je contemplais les hauteurs de cette merveilleuse ville qu'est Sète, admirant les bateaux, les voitures, la population. Alors plongé dans mes pensées profondes, me remémorant mon enfance au bord de l'eau, un homme m'aborda. Je le regardais, sans même le reconnaître. Il était vêtu d'un long manteau gris, des cheveux longs et blancs. Il m'invita à le rejoindre aux Beaux Arts. Surpris d'une telle proposition, je le regardais dans les yeux, il me rappelait quelqu'un, je ne sus dire qui sur l'instant mais, après quelques secondes, je compris qui il était ; Henry, mon ami d'enfance, qui m'a fait goûter à l'art, était devant moi. Sans craintes, j acceptai sa proposition, il me guida, je ne me souvenais plus bien du chemin, ça faisait tellement de temps que je n'y étais pas retourné. Je le suivis donc dans le lieu favori de notre jeunesse. Après avoir longé le canal puis grimpé la colline, nous nous retrouvâmes devant le grand portail gris des Beaux Arts. Il y avait eu des changements, une allée avait été créée, je pouvais apercevoir deux ou trois voitures garées au loin. Les Beaux Arts étaient là, devant moi. Je n'y étais pas retourné depuis ma tendre enfance, j'étais empli de joie, de souvenirs, d'émotions... Curieux, je m avançais dans l'allée en constatant les nouvelles œuvres et les nouvelles plantes. Un arbre avait pris le temps de grandir, une petite pièce d'eau avait vu le jour. Des bancs avaient été installés durant ma longue absence. Il n'y avait pas grand monde ce jour- là. Tandis que nous nous dirigions vers l intérieur, je perdis de vue Henry. Je ne cherchais point à le retrouver. Je me sentais chez moi, j avançais dans les couloirs sombres du rez de chaussée, je m introduisis dans une pièce où quelques personnes discutaient, une impression m envahit dans ce lieu magique... rempli de surprises. Mon regard se posa sur un tableau assez surprenant, j'avais l'impression que la femme représentée se déplaçait, peut-être était-ce une illusion d'optique. J'étais absorbé par cette représentation, je la voyais de plus en plus bouger, se déhancher devant moi. Elle était si magnifique! Je me retournai pour m'informer à propos de cet impressionnant tableau, je voulais connaître l'auteur. Je fit signe à un homme, il vint à moi. Je le trouvais atypique ; il était vêtu d'un tablier blanc, les cheveux en pétard, je lui demandai comment l œuvre avait été réalisée, il me répondit assez bizarrement, il m expliqua quelque chose que j eus du mal à comprendre. Il sous-entendait que cet endroit était extraordinaire ; un lieu unique où toutes les œuvres prenaient vie. Je l'écoutais sans trop me soucier du reste. L'homme s éloigna. Alors que je m apprêtais à regarder l'exposition d'un œil critique, les tableaux de la pièce où je me trouvais commencèrent à prendre vie. Je les contemplais sans trop me poser de questions, comme si tout cela était d'une normalité sans faille. Peut-être était-ce dû au fait que ce lieu était mon repaire lors de ma jeunesse. Je me dirigeais vers la pièce voisine, où se trouvait un couple d'artistes, je vis leur peinture s'élever dans les airs ; je reconnus l'aigle royal à son envergure. Je me précipitai ensuite dans le somptueux jardin où j aperçus les sculptures géantes entreposées tout le long des pierres qui se baladaient telles des êtres vivants. Je surpris le cheval de pierre parcourir les allées, la dame de fer s'entretenir avec son ami le pigeon, une réplique de la Joconde discutait de la pluie et du beau temps accompagnée d'un homme chevauchant un escargot gigantesque... Henry me retrouva sur un banc où, ébahi, je contemplais ce fabuleux spectacle. Il me parlait de sa femme, Anne, qui habite à Paris. Ne la connais-tu pas? Je lui fis ton portrait, je lui décrivis ton doux visage blanc, tes cheveux dorés, tes courbes parfaites. Il avait l'air envieux. Nous bavardions du bon temps, lorsque nous avions vingt ans, et de nos aventures communes ici même. Je lui demandai si ce
phénomène existait depuis longtemps, est-ce que l'art prend vie dans ce lieu depuis longtemps? Il me répondit que lors de l'enfance, notre imagination est sans limites, la barrière du réel et de l'irréel n'est pas. C'est donc la raison de la fragilité de souvenirs de cette époque, en grandissant les limites se fixent et la mémoire disparaît. Lorsque notre imagination et nos souvenirs de jeunesse reviennent, la magie opère à nouveaux. Ce miracle a toujours lieu d'être, depuis la nuit des temps. Nous nous dirigeâmes vers l'allée centrale, je demandai à mon ami où il était durant cet étrange événement. Henry achevait sa sculpture, il souhaitait me la présenter. Je le suivis dans une pièce reculée, le papier au mur, bleu, donnait une impression de profondeur, les grandes rosaces au sol étaient couvertes de peinture, de ciment et de bloc de marbre. J aperçus la sculpture d'henry, faite de marbre blanc, elle représentait une femme. Elle avait des cheveux incroyablement longs, un visage rond, des courbes généreuses. Elle avait été créée avec une grande précision, les détails étaient si impressionnants qu'elle paraissait réelle. Henry me demanda de me concentrer sur son œuvre, de me concentrer sur l'irréel. Soudain, la femme commença à bouger ses doigts, puis ses mains, puis ses bras. En quelques secondes elle prit entièrement vie. Je constatai qu'elle avait le don de parler, elle se présenta, elle me dit qu'elle était la femme d'henry, Anne. Je ne sus quoi dire à part que j'étais Denis, un vieil ami d'henry. Elle me paraissait douce et polie, elle me fit penser à toi. Une cloche retentit au loin, c'était mon réveil qui me tira de mon sommeil. A ma chère amie, Sophie.