I Généralités sur les titrages 1 Objectifs et principe L objectif : on possède un volume V 0 connu (appelé échantillon) d une solution contenant l espèce X 0 (dont on connaît la formule chimique) de concentration C 0 inconnue. L objectif premier du dosage (ou titrage) est de déterminer C 0. On verra qu il peut y avoir d autres applications selon le type de dosage. Le principe : on fait réagir l espèce X 0 avec une autre espèce T, dont on connaît la concentration C, selon une réaction totale, ou du moins quantitative, appelée réaction de dosage (ou titrage) : ax 0 + bt produits X 0 est appelée espèce titrée, T est appelée espèce titrante ou titrant. Le titrant est versé progressivement dans l échantillon de titré avec une burette graduée, permettant de mesurer précisément le volume V de titrant versé. Le but est de repérer le moment où on a versé juste suffisamment de titrant pour que tout le titré X 0 ait disparu, c est-à-dire de repérer l équivalence. 2 L équivalence Définition : On est à l équivalence lorsque qu on a versé juste le volume équivalent V e d espèce titrante T permettant de faire disparaître entièrement l espèce titrée, c est-à-dire, lorsque l espèce titrée et le titrant ont été mélangés en proportions stoechiométriques. Attention : cette équivalence n est atteinte que si la réaction est totale ou du moins quantitative. Il faut donc vérifier que ce soit le cas. A l équivalence, la quantité de titrant versé est n e = CV e. Puisque les deux réactifs ont été versés en proportions stoechiométriques, on a le tableau d avancement suivant : On a donc ξ max = ne = n 0 b a ax + bt Produits t=0 n 0 n e t n 0 aξ n e bξ t = t max n 0 aξ max n e bξ max = ε ε La relation entre les quantités de matière à l équivalence est donc n e b = n 0 a 1
avec n 0 = C 0 V 0, la quantité de matière initiale de titré dans l échantillon et n e = CV e la quantité de matière de réactif titrant introduite à l équivalence. On en déduit donc la relation entre les concentrations : 3 Les points particuliers C 0 = a b Il est souvent utile pour comprendre le comportement du système au cours du dosage de connaître l état du système avant, après et à l équivalence. Remarque : En plus de l équivalence, il peut être utile d étudier le milieu réactionnel pour certaines valeurs particulières de V : CV e à la demi-équivalence : c est-à-dire pour V = Ve 2 parfois, à la double-équivalence : c est-à-dire pour V = 2V e V 0 On peut reporter ces points dans un tableau de suivi dosage permettant de connaître la composition du milieu réactionnel pour chaque volume V de titrant versé. Attention : on établit toujours ce tableau en quantité de matière puisque le volume du milieu réactionnel varie au cours du dosage. il ne s agit pas vraiment d un tableau d avancement, puisque le temps n est pas un paramètre : on ne représente dans ce tableau que la situation du milieu réactionnel lorsque l on a versé le volume V et que la réaction est terminée, c est-à-dire que seuls les états finaux y sont inscrits. volume de T versé qté de T versé ax 0 + bt produits V = 0 0 C 0 V 0 0 V < V e CV C 0 V 0 a CV b ε V e (équivalence) CV e C 0 V 0 a CV b e ε ε V > V e (plus de réaction) CV ε C(V V e ) Remarque : ε désigne une très petite concentration car la réaction n est jamais rigoureusement totale. Pour comprendre comment remplir ce tableau, faisons un tableau d avancement pour chacun de ces volumes (il faudra cependant savoir remplir le tableau sans passer par cette étape par la suite). Avant l équivalence 2
ax + bt Produits t=0 C 0 V 0 CV t C 0 V 0 aξ CV bξ t = t max C 0 V 0 aξ max CV bξ max = C 0 V 0 a CV b ε C est le réactif titrant qui est le réactif limitant, ξ max = CV b. A l équivalence ax + bt Produits t=0 C 0 V 0 CV t C 0 V 0 aξ CV bξ t = t max C 0 V 0 aξ max CV bξ max = ε ε Les réactifs sont dans les proportions stoechiométriques ξ max = CVe = C 0V 0 b a Après l équivalence ax + t=bt Produits t=0 C 0 V 0 CV t C 0 V 0 aξ CV bξ t = t max C 0 V 0 aξ max CV bξ max = ε = CV b C a 0V 0 = C(V V e ) C est le réactif titrant qui est le réactif limitant, ξ max = C 0V 0 x. 4 Choix d un titrant Le choix du titrant T est guidé par trois contraintes essentielles : T doit réagir avec X 0 de manière quantitative. En effet, si ce n est pas le cas, X 0 ne disparaît jamais entièrement, quelle que soit la quantité de titrant versée. Il n y a donc pas d équivalence possible. En particulier, on choisit T en fonction des propriétés chimiques de X 0. Par exemple : on fait un dosage acido-basique lorsque : X 0 est un acide et T est alors une base ou X 0 est une base et T est alors un acide. on fait un dosage redox lorsque X 0 est un oxydant et T est alors un réducteur ou X 0 est un réducteur et T est alors un oxydant. 3
de même, il existe des dosages par précipitation si T et X 0 peuvent précipiter... A retenir : Une réaction convient pour un dosage si sa constante d équilibre est supérieure ou égale à 10 4 (cette convention est arbitraire). la réaction de dosage doit être rapide : si, lorsque l on verse le titrant, la réaction met plusieurs minutes à se faire, le dosage sera interminable, ou alors fait rapidement et donc faux. la réaction de dosage doit être unique : si dans la solution à titrer, plusieurs produits réagissent avec le titrant (ou inversement), le dosage sera faux. II Repérer l équivalence C est le point essentiel d un titrage. Il y a plusieurs méthodes dont le détail est donné ci-dessous. 1 Dosage colorimétrique L équivalence est repérée par un changement de couleur du système. Si X 0 (ou T ) est coloré et qu il se transforme en un produit d une autre couleur, la couleur initiale de la solution changera au moment où X 0 aura disparu, c est-à-dire à l équivalence. Mais de nombreuses solutions sont incolores : on utilise alors des indicateurs colorés dont la couleur change au moment de l équivalence. Le choix de l indicateur suppose que l on ait quelques connaissances a priori sur l équivalence. Cette méthode est rapide, mais peu précise. Il faut être sûr de l indicateur coloré employé. Par ailleurs, elle ne permet de repérer que l équivalence et ne fournit aucune indication sur l évolution de la solution au cours du dosage. Indicateur Zone de virage Couleur acide Couleur basique Bleu de bromothymol (BBT) 6,0-7,7 Jaune Bleu Rouge de Méthyl 4,2-6,3 Rouge Jaune Phénolphtaléine 8,2-10 Incolore Rose Méthyl orange (hélianthine) 3,1-4,4 Rouge Jaune Jaune d alizarine 10,1-12 Jaune Rouge orangé 2 Dosage conductimétrique a. Principe On relève la conductivité de la solution pour chaque volume de titrant versé. b. Repérage de l équivalence Dans un titrage par conductimétrique, l équivalence est repérée par un changement de pente de la courbe σ(v + V 0 ) = f(v ) (ceci sera revu dans le TPSA2). 4
Cette méthode est très rapide et permet une détermination précise de l équivalence. Elle ne permet pas de déterminer d autres grandeurs. Elle ne nécessite pas d avoir plus de points au voisinage de l équivalence. 3 Dosage phmétrique a. Principe On suit le dosage en mesurant pour chaque volume de titrant versé le ph de la solution (une fois l équilibre atteint). On trace ensuite la courbe ph = f(v ) sur laquelle on détermine le volume équivalent. La courbe permet également de déterminer les constantes d acidité ou de basicité le cas échéant. b. Le ph-mètre La ph-métrie est un cas particulier de la potentiométrie, qui consiste à mesurer une différence de potentiel entre deux "électrodes" ou demi-piles (cf cours SA3 sur les équilibres redox). Un ph-mètre est constitué d un millivoltmètre et de deux électrodes particulières : une électrode de référence (électrode au calomel - Hg 2 Cl 2 - saturé : ECS) dont le potentiel est constant (il ne dépend que de la température). E ECS = E 0 = 0, 2458 V à 25C une électrode, particulière à la ph-métrie, dont le potentiel varie en fonction du ph de la solution dans laquelle elle trempe (électrode de verre) et de la température : E verre = A(T ) + B(T ).ph Notons que ces deux électrodes peuvent être séparées ou combinées dans une seule électrode (ce sera notre cas). Le ph-mètre mesure donc la tension entre les deux électrodes (qui constituent une pile : cette tension est la f.e.m E de la pile) : E = A(T ) + B(T ).ph E ECS (T ) = C(T ) + D(T )ph On a donc une fonction affine entre la f.e.m. mesurée et le ph. Le ph-mètre mesure E et fait lui-même l opération pour indiquer la valeur du ph. Il a besoin pour cela des valeurs de C et D qui dépendent de la température. Il faut donc étalonner le ph-mètre (étalonnage à deux points, puisqu il faut déterminer deux constantes : la procédure d étalonnage est indiquée dans le mode d emploi). c. Repérage de l équivalence L équivalence d un dosage phmétrique est repérée par un saut de ph. 5
4 Dosage potentiométrique a. Le principe Dans un dosage rédox, l espèce titrée est un oxydant ou un réducteur d un premier couple rédox Ox 1 /Red 1. Le titrant est donc respectivement soit un réducteur soit un oxydant d un deuxième couple rédox Ox 2 /Red 2. La réaction de dosage est donc une réaction d oxydo-réduction (si on dose Red 1 par exemple) : β 1 Red 1 + α 2 Ox 2 = α 1 Ox 1 + β 2 Red 2 Il existe donc beaucoup de possibilités pour le choix du titrant. On rappelle que l un des critères essentiels est que cette réaction de dosage puisse être considérée comme quantitative. De manière pratique, si K 0 est la constante de cette réaction, on doit obligatoirement avoir : K 0 > 10 4 Dans le cas contraire, il faut choisir un autre titrant. On suit le dosage en mesurant pour chaque volume V de titrant versé la fem e de la pile formée des deux demi-piles suivantes : à droite, le milieu réactionnel contenant la solution à titrer et le volume V de titrant et dans laquelle trempe une électrode (diverses électrodes sont possibles suivant les couples Redox intervenant dans la réaction de dosage). à gauche, une électrode de référence, idéalement l ESH (électrode standard à hydrogène), mais dans la pratique une électrode dont le potentiel est constant et connu à la température T de la pièce. La plus utilisée est l ECS (électrode au calomel saturé), utilisée ici. D autres électrodes sont envisageables. Un millivoltmètre permet donc de mesurer pour chaque volume V la fem : e = E sol (V ) E ref On trace ensuite e en fonction du volume V et on exploite le graphe. La forme de cette courbe de titrage est analogue à celle d un dosage ph-métrique (qui est un dosage potentiométrique particulier, effectué à l aide d une électrode de verre). On l utilisera pour déterminer : la concentration C 0 du titré, le potentiel standard des couples Ox 1 /Red 1 et Ox 2 /Red 2 b. Repérage de l équivalence L équivalence est repérée par un saut de potentiel. Remarque : Avec les méthodes potentiométriques et phmétrique on peut déterminer non seulement C 0, mais également des constantes d équilibre (constantes d acidité, constante de solubilité...) ou des potentiels standards, ce qui constitue un avantage sur les autres méthodes. 6
III Application à l étude particulière des dosages acido-basiques On utilise le logiciel simulwin pour simuler des dosages par phmétrie et interpréter les courbes de dosage obtenues. 1 Dosage d un acide fort par une base forte Manipulation Simuler le dosage de H 3 O + par HO. On prendra V 0 = 10 ml, un volume de 25 ml dans la burette et une concentration de 0, 1 mol/l pour chacune des espèces. Superposer 3 autres courbes avec des concentrations de 1, 00.10 2 mol/l, 1, 00.10 3 mol/l et 1, 00.10 4 mol/l (en gardant toujours la même concentration pour la solution titrée et le titrant, de sorte à ne pas changer le volume équivalent). Interprétation Écrire la réaction de dosage et calculer sa constante d équilibre. Que dire de l effet des concentrations en acide et en base? (3 constatations) Que dire du ph à l équivalence? Justifier qualitativement. Quel indicateur coloré pourrait-on choisir pour effectuer ce dosage par colorimétrie? Pourquoi? 2 Dosage d un acide faible par une base forte Manipulation 7
Simuler le dosage de CH 3 COOH par HO avec les paramètres suivants : V 0 = 10 ml, C 0 = C = 0, 1 mol/l. S il n est pas dans la base de données, on pourra créer le couple CH 3 COOH/CH 3 COO dont le pk a vaut 4,7 (voir comment créer un réactif ci-dessous). Avec le logiciel utilisé, il est possible de créer un nouveau réactif et de lui attribuer un pk a. On peut ensuite faire afficher une famille de courbes dont on fait varier un des paramètres comme le pk a. Simuler le dosage d un acide AH par HO avec C 0 = C = 0, 1 mol/l, V 0 = 10 ml et un pk a allant de 5 à 13 par pas de 2. On crée un nouveau réactif de le menu "ajouter un réactif". Commencer par crée l ion A puis définir l acide AH qui lui est associé et le pka du couple. On coche ensuite "famille [de courbes]" puis on précise dans "constante d équilibre" les variation de pk a que l on souhaite. Interprétation Écrire la réaction de dosage et calculer sa constante d équilibre. Comment varie le saut de ph en fonction de la force de l acide? Justifier. De quelle nature est le ph à l équivalence? Justifier qualitativement. Vers quelle valeur tend le ph? Pourquoi? Que vaut le ph à la demi-équivalence (utiliser la première simulation pour répondre à cette question)? Justifier. 8
Quel indicateur coloré faut-il choisir pour ce dosage? Pourquoi? 3 Dosage d une base faible par un acide fort Manipulation Simuler le dosage de NH 3 par H 3 O + avec les paramètres suivants : V 0 = 10 ml, C 0 = C = 0, 1 mol/l. Le pk a du couple NH + 4 /NH 3 vaut 9,3. Interprétation Écrire la réaction de dosage et calculer sa constante d équilibre. De quelle nature est le ph à l équivalence? Justifier qualitativement. 9
Vers quelle valeur tend le ph? Pourquoi? Que vaut le ph à la demi-équivalence (utiliser la première simulation pour répondre à cette question)? Justifier. Quel indicateur coloré faut-il choisir pour ce dosage? Pourquoi? 4 Cas des polyacides On cherche à présent à observer l influence de l écart entre les différentes constantes d acidité dans le cas d un polyacide. Le polyacide sera noté AH 2, ses deux acidités pk a1 (couple AH 2 /AH ) et pk a2 (couple AH /A 2 ). La difficulté du dosage provient de l existence de 2 réactions (notées I et II) de dosage : AH 2 + OH = AH + H 2 O AH + OH = A 2 + H 2 O La deuxième réaction peut avoir lieu dès que la première commence à fournir AH. Deux situations sont alors possibles : ces deux réactions de dosage peuvent être successives ou simultanées. Manipulation Simuler le dosage de SO 2 par OH avec V 0 = 10 ml, C 0 = C = 0, 1 mol.l 1, pk a1 = 1, 9 et pk a2 = 7, 2. Superposer à la courbe les % des différentes espèces SO 2, HSO 3 et SO 2 3 ("Courbes", "représentation"). Recommencer la simulation avec l acide oxalique C 2 O 4 H 2 (pk a1 = 1, 2 et pk a2 = 4, 3). Superposer les courbes des % des différentes espèces. Recommencer la simulation avec l acide l acide tartrique (créer ce réactif, avec pk a1 = 3 et pk a2 = 10
4, 3). Superposer les courbes des % des différentes espèces. Interprétation Déterminer, dans chacun des cas si les dosages sont successifs ou simultanés. Que dire des différentes espèces présentes au cours du dosage? A quelle condition sur les constantes d acidité les dosages sont-ils simultanés? 11