LUC LEGRÈS est ingénieur de recherche dans le laboratoire UMR S728 Inserm/Université Paris-Diderot, à l Institut universitaire d hématologie à Paris



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Transcription:

32 LUC LEGRÈS est ingénieur de recherche dans le laboratoire UMR S728 Inserm/Université Paris-Diderot, à l Institut universitaire d hématologie à Paris depuis 1999. Il est lauréat du Prix Innovation 2008.

Grand Prix Innovation Prix LUC LEGRÈS Luc Legrès aime transmettre et communiquer. Difficile quand vous le rencontrez d imaginer qu il ait pu être très timide. Il parle avec aisance, et dit tout ce qu il a à dire avec une certaine franchise. Il s implique dans de nombreux domaines, et jamais à moitié. Travailler dans une bonne ambiance est primordial à ses yeux, et il tient aussi à ce que l ensemble du personnel participe à tous les travaux de recherche et puisse évoluer professionnellement. Si le monde de la recherche est sa passion, il s en découvre une autre, l écriture de poèmes, en 2002. «J écris spontanément en réaction à quelque chose qui me dérange ou m intéresse, sur ce que je vois dans la vie de tous les jours ou même à l hôpital.» Une production d une cinquantaine de poèmes par an, tout de même! C est dans des locaux en cours de rénovation que nous nous entretenons avec Luc Legrès, un hyperactif du travail. Rencontre. Un long parcours avant la titularisation Dans sa famille proche, ni médecins, ni scientifiques pour l inspirer. Une mère commerçante et un père qui travaille au ministère de la Santé l accueillent le 29 juillet 1958, à Versailles. Il poursuit sa scolarité au lycée Marcel-Roby, à Saint- Germain-en-Laye, où il réside pendant près de 25 ans. La biologie l intéressait, les mathématiques et la physique beaucoup moins. 33

34 Il s oriente donc vers un bac D, qu il obtient en 1977. Il aurait souhaité être vétérinaire, mais son lycée n étant pas assez coté, il renonce à se présenter à une prépa véto. Deux choix s imposent à lui : médecine ou sciences. «Le programme de médecine ne me plaisait pas, il y avait des maths et de la physique. J ai donc décidé de m inscrire en fac de biologie, et là... j ai fait des maths et de la physique!» lâche-t-il en riant. Il plébiscite finalement cette pluridisciplinarité, «on sort de la fac avec une bonne culture générale en géologie, physique, chimie, physiologies animale et végétale. On apprend à comprendre. Le défaut du système, c est qu il faudrait être opérationnel dès la sortie de la fac, or elle ne forme pas à un métier.» C est à l université d Orsay, «le campus dans toute sa splendeur», dit-il, qu il effectue son cursus universitaire : deug B, licence de biochimie et maîtrise de physiologie animale. C est à partir de la licence que l envie de devenir chercheur le tenaille. Il ne fera pas de DEA, qu il juge trop fondamental, et s inscrira à un DERBH (Diplôme d études et de recherche en biologie humaine). L avantage de la formule : deux années complètes de pratique en laboratoire, un bonheur pour cet homme qui rêvait de recherche appliquée. À cette époque, déjà, il doit suivre un enseignement d introduction à l anatomie pathologique, une mise à niveau imposée aux étudiants scientifiques s orientant vers une filiale plus médicale. «Nous étions une trentaine, j étais le seul scientifique et les professeurs étaient tous médecins. Je n étudiais plus dans des livres, mais à partir des publications de ces médecins montrant les applications et les résultats de leurs études cliniques.» Luc était au cœur de la recherche, avec les aspects techniques d un côté et les applications cliniques de l autre. «J étais aux anges!» En 1986, il commence sa thèse à l unité Inserm 327, qu il effectuera en deux temps et soutiendra en 1992, après une formation à la biologie moléculaire et un séjour d un an en Allemagne, à Aix-la-Chapelle. Après deux post-doctorats à l Institut Gustave-Roussy, il est titularisé sur un poste d ingénieur de recherche en 2000. Cela lui a apporté une grande stabilité, professionnelle bien sûr, mais aussi psychologique : plus besoin de chercher des financements, l esprit plus libre pour se consacrer à la recherche.

Sortir de sa coquille Au fait, comment s est-il affranchi de sa timidité? En présentant ses travaux devant une grande assemblée? Non. En suivant des cours de théâtre? Non. En pratiquant un sport collectif en parallèle de ses études universitaires, le basket! «J étais très sportif, j en faisais près de vingt heures par semaine : joueur (à l université et dans un club sportif), entraîneur et arbitre au niveau départemental. À la fac, l entraîneur m a donné carte blanche pour organiser des tournois internationaux les prémices des journées Biotech que j organise aujourd hui. Ça m a sorti de ma timidité.» Assurer la logistique de l organisation de ces tournois, communiquer dans une autre langue, séjourner en Allemagne lui ont été profitables. La microdissection laser En 1999, Luc doit monter le service de pathologie des modèles animaux, afin «d apporter une expertise histopathologique aux laboratoires du site qui étudient les mécanismes déclenchants ou déclenchés dans une maladie humaine». En relation directe avec de nombreuses autres structures, ce laboratoire est notamment correspondant du CEA à Grenoble. Luc aime cette transversalité, ces passerelles entre la recherche, la formation, l enseignement et la clinique. «Ici, les responsables de services hospitaliers sont aussi directeurs de labos de recherche.» Dans le laboratoire, Luc est également responsable d un microdissecteur laser. Il nous offre une démonstration de cet appareil de haute technologie, comme il le fait à celles et ceux qui souhaitent se former à son utilisation. Car Luc encadre : depuis 2001, d ailleurs, il organise des réunions pour optimiser cette nouvelle technologie, en partenariat avec les industriels qui se confrontent alors aux requêtes et améliorations souhaitées par les utilisateurs de leur technologie. «Avec cette approche, on peut aller au fond de la cellule.» Ainsi prélevées et microdisséquées, les cellules sont récupérées et leurs produits dérivés (ADN, ARN ou protéines) extraits et soumis à une analyse moléculaire. Bien sûr, la qualité de la microdissection dépend de celle du prélèvement tissulaire et de sa conservation. Les tissus prélevés sont en général congelés et intégrés à une tumorothèque. «Il faut une haute qualité de préparation des tissus. On a besoin de savoir si le tissu a été congelé dix minutes ou une heure après son prélèvement. Il est important de congeler les prélèvements le plus rapidement possible, afin de conserver l intégrité des ARN, notamment, une des conditions de traçabilité importante à considérer pour obtenir des résultats reproductibles et interprétables en biologie moléculaire. Le temps ischémique avant congélation est donc noté.» Luc effectue également des prestations externes, afin «d apporter des solutions aux difficultés rencontrées sur d autres tissus, que j appliquerai finalement sur ce qui nous intéresse au labo». Les «Journées de biotechnologie», et d autres casquettes encore Depuis 2004, Luc organise des rencontres scientifiques sur deux jours, «Les Journées de biotechnologie de l Institut». Ces manifestations alternent présentations orales et pauses-café au cours desquelles sont proposées des rencontres avec des industriels. Le financement nécessaire, il le trouve auprès d instances scientifiques, comme le Consortium national du réseau des génopôles (CNRG) en 2004 et 2006, l Institut national du cancer (INCa), le Cancéropôle Ile-de-France et l ADR Paris-Nord de l Inserm, ainsi qu un certain nombre de partenaires industriels. «Le travail avec les industriels est du domaine 35

36 de la coopération. Je leur expose les problèmes rencontrés, on retient leur attention et la réflexion commune permet une amélioration de leur système. Il nous est arrivé d être référent, notamment pour la microdissection laser. Ces rencontres sont indispensables pour améliorer l utilisation que nous faisons des technologies existantes.» Lors de la deuxième édition de ces journées en 2006, l auditoire a pu assister, au travers d une retransmission en direct par visioconférence, à une biopsie pratiquée sous échographie chez deux patients ayant donné leur accord, dans de Service de radiologie de l hôpital Saint-Louis. Le geste précis conduisant au prélèvement tissulaire, mais aussi et surtout la prise en charge (conditionnement, traçabilité et préservation) du matériel biologique ont été exposés, et commentés en direct par un radiologue présent au séminaire. En étroite colaboration avec le service communication de l ADR Paris-Nord, Luc a conçu et réalisé en 2004 une plaquette d information destinée aux patients, intitulée : «Du diagnostic à la recherche : que devient votre prélèvement?» Ce document explique les différentes étapes menant du prélèvement tissulaire au diagnostic ou, dans le cas d un protocole de recherche, l utilisation qui est faite de ce prélèvement. Ce document est disponible à l hôpital Saint-Louis dans les services et consultations concernés. Depuis 4 ans, Luc Legrès participe également aux projets de l Association pour la promotion des sciences et de la recherche, présidée par le professeur Ali Saïb. Cette association loi de 1901 favorise l accueil par des chercheurs de deux élèves, l un en 3 e, l autre en 1 ere, un après-midi par mois durant une année scolaire. L objectif : leur faire appréhender le milieu de la recherche en les encadrant dans la réalisation d un travail qu ils devront présenter lors d un mini-congrès. Ce qui lui plaît dans ce projet, entraînant dans son sillage certains de ses collègues de l unité, c est «d être confronté au regard candide et aux questions, pas si innocentes que cela, de ces jeunes. Il ne s agit pas d en faire des chercheurs, mais de leur montrer que l on travaille dans le respect de certaines règles, de les sensibiliser au problème de l éthique, notamment en matière d expérimentation animale». Enfin, chaque année, depuis 1999, il ouvre les portes du laboratoire lors de la Fête de la Science. «C est un juste retour des choses aussi que de montrer au public l utilisation que nous faisons des fonds publics. Des étudiants viennent nous voir, mais aussi d anciens patients, soignés à l hôpital et à qui j explique, un peu comme dans la plaquette, le cheminement de leurs prélèvements aboutissant au diagnostic de leur maladie ou sur un protocole de recherche. Il s agit là d un important travail de vulgarisation, et les questions qui me sont posées, là aussi, peuvent m ouvrir des perspectives. On fonctionne parfois avec des œillères dans cette profession. Il est donc important de communiquer avec des non-scientifiques, pour, parfois, changer de direction et envisager une autre voie d investigation!»

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