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Numéro du rôle : 1969 Arrêt n 139/2001 du 6 novembre 2001 A R R E T En cause : la question préjudicielle relative à l'article 15, alinéa 4, de l'arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 réglementant les prêts hypothécaires et organisant le contrôle des entreprises de prêts hypothécaires, confirmé par la loi du 4 mai 1936, posée par la Cour d'appel de Mons. La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges L. François, R. Henneuse, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Snappe, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du président émérite H. Boel, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 16 mai 2000 en cause de L. Malengreaux et autres contre S. Cavaliere et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 24 mai 2000, la Cour d'appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante : «En ce qu il prévoit que si une partie intervenante ou un tiers reconstituant font défaut, pour quelque raison que ce soit, l emprunteur est tenu de rembourser au prêteur les sommes que celui-ci n aurait pas pu recouvrer, mais seulement après épuisement de tous les recours que le prêteur pourrait faire valoir contre cette partie intervenante ou ce tiers reconstituant, tant à raison de ses droits propres que de ceux dans lesquels il se trouve subrogé, l article 15, alinéa 4, de l arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 réglementant les prêts hypothécaires et organisant le contrôle des entreprises de prêts hypothécaires, confirmé par l article unique, 75, de la loi du 4 mai 1936, viole-t-il le principe d égalité et de non-discrimination tel que défini par les articles 10 et 11 de la Constitution?» II. Les faits et la procédure antérieure Dans le cadre de diverses affaires jointes opposant, en diverses qualités, L. Malengreaux, notaire honoraire, l'office central de crédit hypothécaire (O.C.C.H.) ainsi que S. Cavaliere, et son épouse M.-F. Aubry, est examiné l'appel d'un jugement du 29 octobre 1996 prononcé par le Tribunal de première instance de Mons. Le juge a quo, à la demande formulée par la partie Malengreaux, pose la question préjudicielle précitée. III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 24 mai 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique. La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 octobre 2000. L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 17 novembre 2000. Des mémoires ont été introduits par : - L. Malengreaux, demeurant à 7340 Pâturages, rue de l'eglise 82, par lettre recommandée à la poste le 4 décembre 2000; - la s.a. de droit public O.C.C.H., actuellement la s.a. de droit public CREDIBE, dont le siège social est établi à 1040 Bruxelles, rue de la Loi 42, par lettre recommandée à la poste le 7 décembre 2000;

3 - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 2000. Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 21 décembre 2000. Des mémoires en réponse ont été introduits par : - L. Malengreaux, par lettre recommandée à la poste le 19 janvier 2001; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 22 janvier 2001. Par ordonnances du 26 octobre 2000 et du 26 avril 2001, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 24 mai 2001 et 24 novembre 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. Par ordonnances du 20 mars 2001 et du 22 mai 2001, la Cour a complété le siège respectivement par les juges A. Alen et J.-P. Moerman. Par ordonnance du 13 juin 2001, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 12 juillet 2001. Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 14 juin 2001. Par ordonnance du 4 juillet 2001, le président en exercice a constaté que le juge J.-P. Moerman était légitimement empêché et remplacé par le juge J.-P. Snappe comme membre du siège. A l'audience publique du 12 juillet 2001 : - ont comparu :. Me T. Cordier, avocat au barreau de Mons, pour L. Malengreaux;. Me M. Van Varenbergh loco Me I. Verhelst, avocats au barreau de Bruxelles, pour la s.a. de droit public CREDIBE, anciennement la s.a. de droit public O.C.C.H.;. Me F. Van de Gejuchte loco Me J.-P. Lagasse, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré. La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. IV. En droit Position de L. Malengreaux - A - A.1. Dans son mémoire, cette partie déclare ne pas critiquer le but poursuivi par la disposition en cause - garantir le prêteur de la défaillance de la partie intervenante ou du tiers reconstituant - mais seulement le moyen

4 employé, à savoir contraindre l'emprunteur à payer une seconde fois, moyen considéré comme disproportionné. Le mémoire relève aussi que la condition à laquelle est subordonnée cette garantie - le fait que le prêteur doit avoir épuisé les recours contre le tiers reconstituant ou la partie intervenante - est irrelevante, et, en outre, largement inopérante en cas de faillite. Enfin, L. Malengreaux souligne que l'emprunteur, à l'inverse du prêteur, ne réalise pas une opération spéculative, de telle sorte qu'il apparaît excessif d'avoir mis à la seule charge du premier le risque de l'opération. Le mémoire allègue ensuite que constitue un motif supplémentaire de violation du principe d'égalité le fait que la disposition en cause violerait un principe fondamental de l'ordre juridique belge, à savoir le fait que les obligations s'éteignent par le paiement, principe d ailleurs expressément consacré par le Code civil en son article 1234. Dans son mémoire en réponse, la partie Malengreaux confirme que, selon elle, le non-respect de ce principe implique nécessairement le caractère disproportionné de la mesure, et donc en soi son incompatibilité avec le principe d'égalité. Position de l'o.c.c.h. A.2. A titre principal, le mémoire souligne que ni la question préjudicielle, ni L. Malengreaux ne précisent avec quelle catégorie de personnes il y aurait traitement différencié; la question devrait dès lors être déclarée «irrecevable». A.2.1. A titre subsidiaire, l'o.c.c.h. expose que c'est avec la situation des débiteurs de prêts hypothécaires «ordinaires sans intervention» que devrait être comparée la situation des débiteurs de prêts hypothécaires «dits par intervention». A.2.2. Il souligne tout d'abord qu'il n'y a pas de discrimination, puisque «le débiteur a le choix du système» et que dès lors la différenciation est «le résultat du système que le débiteur choisit». Il est relevé en outre que le choix entre les différents systèmes est influencé par les avantages comparés de chacun. A.2.3. Le mémoire décrit ensuite la philosophie des prêts hypothécaires par intervention, dont il déduit que, vu le fait que le créancier est étranger aux versements opérés pour reconstitution, l'arrêté royal du 7 janvier 1936 a pu décider que lesdits versements n'avaient pas d'effet libératoire à l'égard du créancier. Il y a lieu, selon le mémoire, de distinguer la situation avant et après l'adoption de l'arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936. A.2.4. Avant l'adoption de cet arrêté, la jurisprudence confirmait, selon le mémoire, que les versements payés par le débiteur, entre la passation de l'acte et l'échéance du remboursement du capital, constituaient une reconstitution et non un amortissement; le prêteur hypothécaire leur était donc, selon le mémoire, «totalement étranger», ces versements ne pouvant dès lors lui être opposés - à défaut de mandat donné par le créancier à la société intervenante -, y compris en cas d'insolvabilité de la société intervenante. A.2.5. Citant ensuite certains extraits du rapport au Roi précédant l'arrêté du 7 janvier 1936, le mémoire en déduit que le Gouvernement a expressément estimé que «le résultat recherché (la garantie du prêteur) ne pouvait être atteint que par le moyen employé (risque de la défaillance de l'intervenant ou du tiers reconstituant porté par l'emprunteur)». Le système a toutefois été équilibré par la condition prévoyant l'épuisement préalable, par le prêteur, des voies de recours; il est relevé à cet égard, s'agissant du prêteur, que «c'est seulement si le plein exercice de ces recours ne lui permet pas de se couvrir de tout ce à quoi il a droit qu'il peut se retourner contre l'emprunteur». De surcroît, le contrôle des entreprises qui se portent habituellement partie intervenante est organisé par l'arrêté en son titre II, de telle sorte que l'emprunteur, selon le mémoire, subirait un risque très faible. A.2.6. Enfin, s'agissant d'une éventuelle violation du principe selon lequel les obligations s'éteignent par paiement, l'o.c.c.h. relève que tel n'est pas le cas puisque les paiements ne sont pas faits à la société intervenante en vertu d'un mandat qui lui serait donné par le prêteur. La disposition est donc conforme au droit commun et, plus précisément, n'est qu'une application des articles 1275 et 1276 du Code civil.

5 Position du Conseil des ministres A.3. A titre principal, le Conseil des ministres, comme l'o.c.c.h. et sur la base de la même argumentation, conclut à l'irrecevabilité de la question préjudicielle, son mécanisme ne pouvant, selon le mémoire, «amener la Cour d'arbitrage à devoir elle-même déterminer préalablement les catégories de personnes à comparer avant de statuer sur la question posée». A.4. A titre subsidiaire, le mémoire conclut à l'absence de violation du principe d'égalité. Sur la base d'un raisonnement très proche de celui développé par l'o.c.c.h. (A.2), le Conseil des ministres expose que, par l'adoption de la disposition en cause, le Gouvernement s'est, effectivement, soucié de la situation des prêteurs, en cas de défaillance du tiers intervenant, mais sans toutefois négliger - contrairement à la situation passée - les intérêts des emprunteurs, vu la condition relative à l'épuisement des recours. Le mémoire souligne également que l'arrêté du 7 janvier 1936 contient diverses dispositions, dont les articles 10 et 33, destinées à ce que, en principe, des capitaux ne puissent être reconstitués auprès de sociétés non contrôlées, et ce notamment par des systèmes, selon le cas, d'inscription ou d'agrément des sociétés et la définition de garanties à apporter par celles-ci. A.5. Le mémoire en réponse, en réaction à la position de L. Malengreaux, d'une part, relève que la Cour n'a pas à apprécier si le législateur eût pu choisir d'autres moyens pour atteindre l'objectif qu'il poursuivait et, d'autre part, conteste que l'opération de prêt en cause puisse être qualifiée de spéculative dans le chef de l'emprunteur. En outre, selon le Conseil des ministres, aucun élément ne vient étayer l'assertion selon laquelle l'article 1234 du Code civil figurerait parmi les principes fondamentaux de l'ordre juridique belge. - B B.1. La question préjudicielle porte sur l article 15 de l arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 réglementant les prêts hypothécaires et organisant le contrôle des entreprises de prêts hypothécaires, confirmé par la loi du 4 mai 1936. Cet article dispose : «Lorsqu'il y a reconstitution du capital prêté, quel qu'en soit le mode, l'échéance du terme du prêt ou de l'ouverture de crédit, l'exercice par le prêteur du droit qu'il s'est éventuellement réservé d'exiger le remboursement anticipatif total ou partiel du capital prêté, l'acceptation par le prêteur, à un moment quelconque, du remboursement anticipatif total ou partiel qui lui est offert par l'emprunteur et l'exercice par l'emprunteur de son droit légal ou conventionnel de rembourser anticipativement tout ou partie du capital prêté,

6 ont pour effet de rendre immédiatement exigible soit le capital reconstitué, soit, en cas de remboursement partiel, la fraction qui doit en être utilisée conformément aux articles 17 et 18. Lorsqu'il y a amortissement ou reconstitution du capital prêté, quel qu'en soit le mode, l'emprunteur n'est pas tenu, au moment où ce capital devient exigible ou remboursable en tout ou en partie, pour quelque raison que ce soit, de verser une somme supérieure, en principal, à celle calculée comme il est dit aux articles 16 et 17. Si la reconstitution du capital prêté s'opère à l'intervention d'un tiers reconstituant, le prêteur est à ce moment de plein droit subrogé dans les droits de l'emprunteur envers le tiers reconstituant désigné ou agréé par le prêteur ou dans ceux de l'emprunteur et de la partie intervenante envers le tiers reconstituant désigné ou agréé par cette dernière. En outre, s'il y a partie intervenante, le prêteur est à ce moment subrogé de plein droit dans les droits de l'emprunteur envers elle. Toutefois, si une partie intervenante ou un tiers reconstituant font défaut, pour quelque raison que ce soit, l'emprunteur est tenu de rembourser au prêteur les sommes que celui-ci n'aurait pas pu recouvrer, mais seulement après épuisement de tous les recours que le prêteur pourrait faire valoir contre cette partie intervenante ou ce tiers reconstituant, tant à raison de ses droits propres que de ceux dans lesquels il se trouve subrogé. L'emprunteur demeure tenu de ses autres obligations et doit continuer entre-temps au prêteur le service de l'intérêt conventionnel sur la partie du capital prêté non encore remboursée ou non encore recouvrée, sauf le recours de l'emprunteur contre la partie intervenante ou le tiers reconstituant. La garantie hypothécaire ou le nantissement fournis par l'emprunteur au prêteur couvrent les obligations qui résultent pour lui de la disposition de l'alinéa précédent.» Seul est en cause l'alinéa 4, disposition à laquelle la Cour limite dès lors son examen. Quant à la recevabilité B.2. Le Conseil des ministres et l'office central de crédit hypothécaire contestent la recevabilité de la question préjudicielle au motif que celle-ci ne précise pas la catégorie de personnes dont la situation devrait être comparée à celle des emprunteurs que vise l'article 15, alinéa 4, de l'arrêté royal du 7 janvier 1936. Le Conseil des ministres souligne en outre que «le mécanisme du renvoi préjudiciel ne peut amener la Cour d'arbitrage à devoir elle-même

7 déterminer préalablement les catégories de personnes à comparer avant de statuer sur la question posée». B.3. Le contrôle des normes législatives au regard des articles 10 et 11 de la Constitution qui est confié à la Cour exige que la catégorie de personnes dont la discrimination est alléguée fasse l'objet d'une comparaison pertinente avec une autre catégorie. Si la formulation de la question préjudicielle ne fait pas apparaître à quelle autre catégorie de justiciables doivent être comparées les personnes auxquelles s applique la disposition en cause, il est possible en l espèce de déduire la différence de traitement soumise à l appréciation de la Cour des éléments de fait de la cause et des motifs qui fondent la décision de renvoi. B.4. En effet, les faits qui sont à l origine de l instance principale et l argumentation empruntée par le juge a quo à la partie qui a conduit à poser la question préjudicielle - en particulier concernant la disproportion prétendue entre le but de la disposition en cause, qui est d assurer une garantie au prêteur en cas de défaillance du tiers reconstituant, et le moyen employé, à savoir faire de l emprunteur le seul garant, de sorte que le remboursement au tiers reconstituant n a pas d effet libératoire - font apparaître que le rapport juridique résultant de la disposition litigieuse doit être comparé avec le rapport juridique existant entre le prêteur et l emprunteur hypothécaire ordinaire. La Cour observe du reste que, dans leurs mémoires, les parties intervenantes, l Office central de crédit hypothécaire et le Conseil des ministres, ont considéré la différence de traitement précitée. L exception d irrecevabilité est rejetée. Quant au fond B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

8 L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. B.6. Il existe une différence objective entre les catégories à comparer de contractants d un prêt hypothécaire. Les parties ont en effet le choix d opter pour une convention de crédit hypothécaire ordinaire ou pour une convention de crédit hypothécaire avec une partie intervenante ou un tiers reconstituant. Il appartient aux parties intéressées à de telles conventions d apprécier librement si elles optent pour l une ou l autre forme, en connaissance des droits et obligations ainsi que des avantages et des inconvénients liés à chacune d elles. B.7. La mesure contenue dans l article 15, alinéa 4, de l arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 vise expressément à protéger le prêteur et fait en définitive porter le risque d une éventuelle défaillance de la partie intervenante ou du tiers constituant par l emprunteur, qui peut être appelé de ce fait à payer une seconde fois sa dette. La Cour doit toutefois vérifier si cette mesure, qui atteint l objectif poursuivi, n est pas disproportionnée à celui-ci. D une part, l emprunteur est seulement tenu au remboursement des sommes que le prêteur n a pu recouvrer lorsque celui-ci a épuisé tous les recours qu il pourrait faire valoir contre la partie intervenante ou le tiers reconstituant, à raison tant de ses droits propres que de ceux dans lesquels il se trouve subrogé. D autre part, des mesures de contrôle suffisantes ont été prévues dans le titre II de l arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 et dans l arrêté royal du 30 juin 1936 «portant règlement général du contrôle des entreprises de prêts hypothécaires» qui s y rattache, limitant à un minimum, sans toutefois pouvoir l exclure totalement, le risque de l emprunteur. Compte tenu de ces garanties, la mesure critiquée ne peut pas être considérée comme disproportionnée par rapport à l objectif poursuivi. B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

9 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L article 15, alinéa 4, de l arrêté royal n 225 du 7 janvier 1936 réglementant les prêts hypothécaires et organisant le contrôle des entreprises de prêts hypothécaires, confirmé par l article unique de la loi du 4 mai 1936, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d arbitrage, à l audience publique du 6 novembre 2001. Le greffier, Le président, L. Potoms M. Melchior