JEAN-PAUL BERNARD LES PERCUSSIONS DE STRASBOURG LE RYTHME DANS L ESPACE
RENCONTRE AVEC JEAN PAUL BERNARD LE 3 DECEMBRE 2003 AU MANEGE DE REIMS «L emploi de la percussion aura été le signe de la musique du XX eme siècle, jusqu à l incarner. ( ) L invasion des percussions, qui caractérise la musique d après guerre, confirma un attrait dont témoignait déjà l aube du siècle. ( ) Le nombre des œuvres nouvellement créées par les Percussions de Strasbourg confirme la permanence du pouvoir d attraction de la percussion.» ( Alain Galliari De peaux, de bois et de métaux in «Résonance n 4, juin 1993 Ircam- Centre Georges-Pompidou - ce document est fourni en annexe) Jean-Paul Bernard est directeur artistique des Percussions de Strasbourg, nous avons profité de leur venue au Manège de Reims avec leur création «Le Noir de l étoile» pour proposer à Jean-Paul Bernard une rencontre avec les enseignants dans le cadre des après-midi POP (Portes ouvertes aux Professeurs) en partenariat avec l Education Nationale. L atelier que nous a proposé Jean-Paul Bernard s est articulé autour de trois notions essentielles : -Prise de conscience de la pulsation -Acquérir des notions de polyrythmie -Prise de conscience de la spatialisation du son PROPOSITION D EXERCICES : 1.Le but de la première série d exercices est de travailler sur l écoute, de faire de la musique d ensemble à partir de petits exercices rythmiques simples. Il s agit également de travailler sur l espace, de spatialiser les sons et de prendre conscience des effets que cela produit à la fois sur nous-même et l espace. 1.Les participants sont assis en rond si possible à égale distance l un de l autre. L animateur donne une pulsation régulière ( en tapant dans ses mains). A un moment défini préalablement il transmet cette pulsation à son voisin et ainsi de suite. Chaque participant marque une pulsation et la transmet à son voisin. La consigne est de conserver le tempo (sans variation de rythme, de vitesse ou d intensité) de l un à l autre. 2 Dans un deuxième temps on reprend cet exercice mais en sonorisant une pulsation sur deux, en revanche on accompagne, tous ensemble, d un mouvement des mains la pulsation silencieuse de façon à garder le tempo. Le son est toujours transmis au voisin, c est à dire qu une personne sur deux sonorise successivement le tempo. 3.On élargit le cercle le plus possible et on continue à se passer cette pulsation de l un à l autre comme un relais, en tâchant de garder le tempo. (reprise de l exercice 1 mais dans un cercle élargi.) 4.On garde le rythme et à un moment on ferme les yeux, le son doit toujours circuler en cercle sans ralentissement ni accélération. 1
Il s agit ici d une véritable prise de conscience du rythme. S opère une réelle intégration du rythme dans le corps et une spatialisation de celui-ci. Se développent de façon évidente des qualités d écoute et une prise en compte de l autre, de son tempo, de sa place dans l espace. 2. Une fois acquises et expérimentée ces notions de rythme et d écoute, on envisage d expérimenter la polyrythmie avec des contraintes que l on ajoute progressivement en fragmentant peu à peu le groupe de participants. 1.On reste en rond et le groupe marque 5 pulsations en même temps en accentuant la première et le cinquième. 2.Cette fois-ci on accentue la première, la troisième et la cinquième Cet exercice apparemment simple pose parfois problème car il présente une asymétrie. En effet en occident le système métrique repose sur quatre temps (rock, jazz, variété). Ce rythme asymétrique et complexe typique des musiques africaines ou indienne est inhabituel pour un occidental et l on constate souvent que les élèves d origines étrangères intègrent plus rapidement l exercice. 3. On constitue 2 groupes (l ensemble reste toujours en cercle.) Toujours sur cinq temps, le premier groupe sonorise les première, troisième et cinquième pulsations en tapant des mains. Le second groupe sonorise les seconde et quatrième pulsations en se tapant sur les genoux. 4. On conserve les deux mêmes groupes, mais lors du troisième temps le premier groupe marque un silence. 5. On constitue cette fois trois groupes. Le premier marque de la même façon que précédemment les pulsations 1 et 5, le second groupe marque de la même façon que précédemment les pulsations 2 et 4, le troisième groupe marque la troisième pulsation en battant des pieds. 6. On constitue cette fois quatre groupes Le premier marque la pulsation 1 en tapant des mains et la pulsation 4 en tapant des pieds. Le second marque la pulsation 2 en tapant des mains. Le troisième marque la pulsation 3 en faisant claquer sa chaise. Le quatrième marque la pulsation 5 en claquant des doigts. 3. On propose un exercice de lecture de partition simple à partir de la partition de «Clapping music» de Steve Reich. (cf annexe) La partition est de lecture aisée mais les participants expérimentent ici une des caractéristique de l écriture de Steve Reich : le décalage. Le tempo reste exactement le même mais le rythme se décale peu à peu, ce qui donne une impression d accélération ou de ralentissement. 2
1.Lecture tous ensemble de la partition en respectant l ordre ( des lignes 1 à 10.) Les losanges indiquent un bruit ( claquement de mains, de doigts ) Les points indiquent un silence. 2. On constitue deux groupes. On reprend la lecture comme précédemment mais en décalé, le second groupe commence une mesure plus tard, les deux groupes jouent en canon 3. On poursuit cet exercice jusqu à constituer quatre, cinq, six, voire autant de décalages en canon que de participants 4. Le rythme ne sera plus abordé ici d un point de vue strictement musical. Nous proposons une découverte du rythme dans le corps, dans le mouvement, dans l espace. Le dernier exercice de l atelier permet une exploitation transdisciplinaire des exercices proposés ci-dessus. L approche du rythme, du décalage, de l écoute sera ainsi déclinée dans les domaines de la musique, du théâtre, de la danse 1.Les participants ont été séparés en 5 groupes, chaque groupe choisit quelques phrases de la partition de «Clapping music.» Les consignes étaient les suivantes : Deux groupes doivent proposer une lecture de ces phrases uniquement gestuelle. Il s agit de lire la partition sans sonorisation et de proposer à plusieurs une gestuelle pour les silences, pour les pleins. Celle-ci peut être chorale ou particulière à chacun des membres du groupe. Deux groupes doivent proposer une lecture sonore de ces phrases avec des instruments improvisés (chaise, table, feuille, velcro, trousse, clés ) Un groupe propose une lecture sonore de ces phrases en utilisant uniquement la voix ou le corps pour émettre des sons. Chaque membre du groupe s attribue un rôle (à partir d une phrase, d une mesure, d un temps ), le groupe se les répartit comme au sein d un quatuor. 2.Les propositions furent très différentes Le premier groupe a proposé cinq démarches différentes à partir de la même phrase musicale et une démarche à l unisson. Le second groupe s est imaginé dans une salle d attente où chacun s était attribué un bruit ou une gestuelle manifestant l ennui, l impatience ou l énervement. 3
Le troisième groupe s est imaginé dans une salle de spectacle. L un était sur scène et tentait de jouer un morceau, il était interrompu par deux spectateurs bruyants et une autre qui tentait de faire taire ses voisins. L ensemble en suivant strictement les quatre premières lignes rythmiques de la partition. Le quatrième groupe a proposé une lecture purement musicale des quatre premières lignes de la partition en n utilisant uniquement des bruit de gorges ou de bouche. Chaque groupe avait 15 minutes pour préparer et présenter une petite forme. On peut imaginer un travail plus long à partir des résultats observés, une forme de plus grande ampleur en approfondissant les propositions dans les domaines de la musique, du théâtre ou de la danse. On peut imaginer un travail sur la notion personnage en reprenant les propositions du deuxième et du troisième groupe, éventuellement commencer à insérer un dialogue tout en conservant la ligne rythmique. On peut approfondir d un point de vue chorégraphique la proposition du premier groupe en conservant la ligne rythmique mais en ajoutant des consignes faisant varier la qualité ou la vitesse du mouvement de chacun. Nicolas Monteil Responsable du service éducatif du Manège de Reims 4