La réponse des nuages et de leurs



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Changement climatique La Météorologie - n 69 - mai 21 Résumé Après avoir brièvement rappelé les propriétés des nuages et leurs effets sur le bilan radiatif de la Terre, cet article aborde la question de leurs évolutions au cours de ces dernières décennies. Il fait un tour d horizon des difficultés rencontrées dans l observation, qu elle soit terrestre ou par satellite. Pour les études de climat global, la principale difficulté rencontrée pour analyser le rôle des nuages est qu il faut documenter de manière stable et suivie des variations minimes de paramètres. Les systèmes d observation actuels, mis en place initialement pour les besoins de la prévision météorologique, n y sont pas bien adaptés. Abstract Trends in observed cloudiness and Earth s radiation budget. What do we not know and what do we need to know? After a brief description of clouds properties and their effects on Earth s radiation budget, this article investigates the question of their changes during the last few decades. The difficulties encountered with terrestrial and satellite measurements are discussed with. For global climate studies, the main difficulty to analyse clouds effect is that very small changes in clouds parameters need to be documented, with stability and in the long run. Current observation systems, initially designed for the need of weather forecasting, are not well fitted for doing it. Tendances observées sur les propriétés des nuages et le bilan radiatif de la Terre Ce que nous ignorons et ce que nous avons besoin de savoir Joel R. Norris (1) et Anthony Slingo (2) (1) Scripps Institution of Oceanography, San Diego, La Jolla, Californie, États-Unis (2) Environmental Systems Science Centre, université de Reading, Reading, Royaume-Uni Ndlr La Météorologie remercie Joel R. Noris et The MIT Press pour leur autorisation à publier cette traduction, faite par Anne Guillaume, du chapitre 2 de l ouvrage Clouds in the perturbed climate system: their relationship to energy balance, atmospheric dynamics, and precipitation, coédité par Jost Heintzenberg et Robert J. Charlson et publié par The MIT Press en 29. La photo 1 et l encadré ont été ajoutés par la rédaction. La réponse des nuages et de leurs propriétés radiatives au réchauffement global demeure un domaine important d incertitude dans notre compréhension du changement climatique. À l heure actuelle, on ignore si des modifications liées aux nuages vont amplifier, atténuer ou n avoir que peu d impact quant à l augmentation de température globale due au forçage radiatif des gaz à effets de serre anthropiques. Une autre incertitude de taille porte sur l ampleur du forçage radiatif qu auront les nuages du fait des aérosols anthropiques qui modifient leurs propriétés. Les modèles de climat global ne permettent pas de se faire une idée suffisamment précise de ces questions, car ils ne sont pas capables de paramétrer correctement ni de représenter autrement les processus de petite échelle, convectifs, turbulents et microphysiques, qui contrôlent les propriétés des nuages. Il est donc crucial de documenter et d évaluer, à l échelle globale et régionale, les variations à long terme que les nuages et les flux radiatifs ont eu au cours des dernières décennies, période marquée par un accroissement rapide de la température et par une évolution des émissions anthropiques d aérosols. Cela permettra d estimer, à partir d observations, comment le réchauffement global et l évolution des aérosols affectent les nuages et quels sont les effets sur le bilan radiatif. De plus, un ensemble de données d observation fiables fournira une bonne base de référence pour les simulations faites par les modèles de climat. Même si les chercheurs se sont attelés à documenter les variations multidécennales de nombreux paramètres nuageux et radiatifs, aucun résultat probant n est actuellement disponible. Les problèmes rencontrés sont multiples : du nombre restreint de mesures de surface à l échelle globale à la mise en place très récente de l observation par satellites ; de l incapacité à déterminer correctement les propriétés des nuages et des aérosols à partir des données fournies par les satellites aux différentes sortes d hétérogénéités rencontrées dans les séries d observations ; jusqu au manque de précision des mesures de petites variations dans les propriétés des nuages et le rayonnement, lesquelles pourraient pourtant avoir des impacts importants sur le climat de la Terre. Beaucoup de ces imperfections résultent de l absence d un système d observation conçu pour surveiller la variabilité des nuages et leurs effets sur le bilan radiatif à des échelles de temps pertinentes pour le climat. Pour y remédier, il faut rassembler des observations faites par un système initialement conçu pour la prévision du temps.

1 La Météorologie - n 69 - mai 21 Même si l on ne peut pas remonter dans le temps pour y refaire d avantage d observations de meilleure qualité, on doit toutefois améliorer le traitement des enregistrements anciens existants afin d en atténuer les hétérogénéités, d en mieux extraire des paramètres liés aux nuages et aux aérosols, et reconstruire des séries d observations plus longues. Il est essentiel de construire parallèlement un système d observation avec une stabilité et une longévité suffisantes pour mesurer, avec une précision et une fiabilité bien meilleures, la variabilité à long terme des nuages et du bilan radiatif. Actuellement, il n y a malheureusement que peu d espoir de voir s enrichir le système d observation en place ; au contraire, le risque est grand de le voir se détériorer puisqu il n y a, à ce jour, aucun engagement ferme pour remplacer, à la fin des missions spatiales en cours, plusieurs instruments indispensables. Nuages et bilan radiatif de la Terre Le rôle des nuages Les nuages ont un impact important sur le bilan radiatif de la Terre [Earth s Radiation Budget ou ERB, en anglais] car ils réfléchissent vers l espace le rayonnement solaire incident d ondes courtes et diminuent l émission vers l espace du rayonnement thermique d ondes longues (photo ci-dessous). Une mesure conventionnelle de cet effet radiatif est appelée forçage radiatif des nuages. Celui-ci est défini comme la différence entre le flux radiatif réel au sommet de l atmosphère et ce qu il serait s il n y avait pas de nuages (Ramanathan et al., 1989). Une terminologie plus appropriée serait «effet radiatif des nuages», puisque le terme «forçage» est d habitude réservé aux perturbations externes au système climatique plutôt qu aux composantes qui lui sont propres. Quoi qu il en soit, nous suivrons les habitudes et utiliserons la terminologie forçage radiatif des nuages dans cet article. Le forçage radiatif des nuages en ondes courtes (solaire) est presque toujours négatif, puisque la réflexion par les nuages entraîne une perte d énergie pour le système climatique, tandis que le forçage en ondes longues (thermique infrarouge) est presque toujours positif puisque les nuages réduisent en général la quantité de rayonnement émis vers l espace et induisent donc un gain d énergie pour le système climatique. Plusieurs facteurs influencent le forçage radiatif en ondes courtes des nuages : le flux d énergie solaire incident ; l extension horizontale des nuages ; le contenu en eau du nuage (c est-à-dire le contenu en eau condensée du nuage intégré sur la verticale), la taille, la forme et la phase des particules nuageuses. Le contenu en eau et les caractéristiques des particules contribuent conjointement à l épaisseur optique du nuage et à son albédo, et le contenu en eau joue un rôle dominant. La variabilité de la couverture nuageuse Photo 1 - Les nuages ont un impact important sur le bilan radiatif de la Terre car ils réfléchissent le rayonnement solaire incident d ondes courtes et diminuent l émission vers l espace du rayonnement thermique d ondes longues. Si l on enlevait tous les nuages en même temps, on diminuerait de moitié environ le pouvoir réfléchissant de la Terre et augmenterait de 15 % environ la quantité de rayonnement émis en ondes longues. ( Météo-France, P. Taburet) affecte ce forçage beaucoup plus que ne le fait l albédo du nuage. Comme de plus l amplitude de ce forçage varie linéairement avec l insolation, ce sont les changements nuageux au cours de la journée, au cours de l été, et aux basses latitudes qui ont l impact le plus grand sur le bilan radiatif de la Terre. Si l on enlevait tous les nuages en même temps, on diminuerait environ de moitié le pouvoir réfléchissant de la Terre, ce qui illustre l importance des nuages sur le rayonnement en ondes courtes. L eau condensée et les propriétés des particules dans le nuage affectent aussi l émissivité du nuage dans la partie ondes longues du spectre. Seule une faible partie du rayonnement thermique venant du sol traverse les nuages de forte émissivité (faible facteur de transmission). Et d habitude, les nuages émettent moins de rayonnement que la surface, car leur température est plus froide. Une vaste étendue de nuages à sommets élevés réduit ainsi notablement le flux thermique qui s échappe dans l espace. En général, le forçage radiatif des nuages en ondes longues est davantage influencé par la variabilité d extension horizontale des nuages au niveau haut que par les variabilités d altitude elle-même ou d émissivité de ces nuages. Si l on enlevait tous les nuages en même temps, la quantité de rayonnement émis en ondes longues augmenterait d environ 15 %. En moyenne globale, la perte de rayonnement en ondes courtes est plus grande que la capture en ondes longues et, par conséquent, les nuages ont un effet de refroidissement net dans le système climatique actuel. Les grandes lignes de la distribution géographique et des variations saisonnières des rayonnements réfléchis d ondes courtes et émis d ondes longues sont bien observées et bien comprises. Des informations existent aussi sur leur variabilité interannuelle, en particulier pour les grandes perturbations du bilan radiatif de la Terre qui résultent du phénomène El Niño/Oscillation australe [Enoa] (figure 1). Celles-ci sont étroitement liées à des changements de positionnement dans la distribution spatiale des nuages à sommets élevés, qui sont générés principalement par de la convection profonde. Un aspect intéressant, qui pourrait avoir des conséquences de grande portée pour la stabilité climatique, est que les forçages radiatifs en ondes courtes et en ondes longues ont tendance à s annuler sur les

2 La Météorologie - n 69 - mai 21 a) N S Anomalies de flux radiatif Ceres rapportées à Erbs Janvier 1998 moins janvier 1985-1989 Ondes courtes Les stratocumulus océaniques de basse altitude et les nuages frontaux d été aux latitudes moyennes ont un effet particulièrement important sur le forçage radiatif des nuages, et diminuent le bilan radiatif de la Terre car, à l inverse des nuages tropicaux de convection profonde, ces nuages captent beaucoup plus de rayonnement incident d ondes courtes qu ils ne réduisent le rayonnement émis en ondes longues (Ramanathan et al., 1989). b) N S 9 E 18 9 W 9 E 18 9 W Figure 1 - Flux radiatifs sortants : différence entre les données Ceres de janvier 1998 (pic d un très fort phénomène Enso) et la moyenne de janvier des données Erbe 1985-1989, (a) en ondes courtes ; (b) en ondes longues. zones tropicales de convection profonde. On fait parfois actuellement valoir que c est une propriété fondamentale de l atmosphère tropicale qui imposerait que la rétroaction radiative des nuages tropicaux de convection profonde soit proche de zéro lors d un changement climatique (Hartmann et al. 21 ; Bretherton et Hartmann, 29). Les petites modifications sont importantes et difficiles à mesurer Le climat global est très sensible, même à des changements pourtant minimes des propriétés des nuages et de l intensité du rayonnement ; on a donc besoin de mesurer avec beaucoup de précision les variations de ces paramètres. À titre d exemple, un doublement instantané du CO 2 (augmentation de 1 %) produirait une réduction de flux radiatif sortant d environ 4 W.m -2, ce qui représente moins de 2 % des 25 W.m -2 de la moyenne globale du flux sortant. Puisque, en quelques décennies, l évolution de la concentration en CO 2 est beaucoup plus faible qu un doublement, le flux radiatif va proportionnellement très peu diminuer, ce qui est donc d autant plus difficile à détecter. En revanche, il se peut que tel écart minime de l équilibre radiatif Ondes longues -1-8 -6-4 -2 2 4 6 8 1 Anomalie de flux radiatif (W.m -2 ) perçu comme insignifiant, une fois consolidé sur des décennies, puisse conduire à des changements de température globale et de climat suffisants pour avoir des impacts substantiels sur la société humaine et les écosystèmes naturels. Un deuxième obstacle pour la mesure est que, à l inverse des gaz à effet de serre qui ont une durée de vie longue, les flux radiatifs ont peu de cohérence spatiale et qu il faut les mesurer depuis l espace en beaucoup d endroits pour obtenir une moyenne globale qui ait un sens pour le bilan radiatif de la Terre. Il faut le faire avec des satellites, et ces derniers ont l inconvénient de ne pouvoir observer l intensité radiative sortante que dans une direction, en un point de la Terre. De plus, un modèle radiatif doit être utilisé pour convertir leurs observations en flux radiatifs. De petits changements affectant les nuages sont importants car ils peuvent avoir un effet de levier plus important sur le bilan radiatif de la Terre que des changements équivalents portant sur les gaz à effet de serre. Par exemple, on estime qu une augmentation relative de 15 à 2 % dans la quantité de nuages bas contrebalancerait le forçage radiatif causé par un doublement du CO 2 (Slingo, 199). Au contraire, les nuages fins de haute altitude augmentent le forçage radiatif des nuages, car ils réduisent fortement les émissions d ondes longues tout en laissant passer les émissions d ondes courtes. Comme les différents types de nuages ont des effets radiatifs différents à tout point de vue, il n est pas facile de déterminer uniquement l impact global total des changements liés aux nuages, et chaque type de nuage et chaque régime climatique doivent être examinés de manière particulière. De plus, même si la quantité de nuages ne change pas, les altérations de leur albédo, de leur émissivité, et de leur altitude peuvent affecter le bilan radiatif de la Terre. Et comme l insolation a des effets importants sur l amplitude du forçage radiatif en ondes courtes, des décalages dans la latitude et le cycle saisonnier des nuages peuvent changer le bilan radiatif, même si, en moyenne, les propriétés des nuages et leur quantité ne changent pas. Si l on veut détecter des variations à long terme des propriétés et des effets radiatifs des nuages, il faut les surveiller avec précision et en tout point du globe. Simulation des nuages et sensibilité climatique des modèles de climat global Au cours des deux dernières décennies, des générations de modèles de climat global ont été ajustées à des bilans radiatifs, à des forçages radiatifs des nuages et à d autres données de nuages pour assurer qu ils représentent au moins, et aussi bien que possible, les effets actuels des nuages. En dépit de cet ajustement empirique, de nombreuses études portant sur la comparaison de nuages simulés avec des nuages observés ont conclu que, quand on les évalue à partir de quantités sur lesquelles ils n ont pas été explicitement ajustés, les modèles de climat représentent

La Météorologie - n 69 - mai 21 médiocrement les nuages. En fait, les modèles de climat reproduisent souvent en moyenne temporelle le bilan radiatif observé uniquement par compensation des erreurs (comme une couverture en nuage trop faible avec une épaisseur optique de nuage trop forte). Les relations observées entre nuages et paramètres dynamiques sont particulièrement mal simulées par les modèles de climat (voir Norris et Weaver, 21 ; Tselioudis et Jakob, 22) alors qu elles sont vraisemblablement plus pertinentes pour les questions de changement climatique que la production de climatologies réalistes de nuages et de rayonnement. Une des raisons principales qui fait que les modèles de climat produisent des simulations aussi fausses et aussi inconsistantes pour les nuages et le rayonnement est qu ils n ont pas la résolution spatiale suff isante pour représenter correctement les processus microphysiques, turbulents, et nonlinéaires d échelle fine qui contrôlent les propriétés des nuages, et que ceux-ci doivent alors être paramétrés de manière grossière. On définit conventionnellement la sensibilité climatique comme la variation de température moyenne de surface suite au forçage radiatif induit par un doublement du CO 2 dans l atmosphère une fois l équilibre atteint. Des intercomparaisons récentes de modèles de climat global montrent que ce sont les nuages océaniques de basse altitude qui contribuent le plus à la dispersion de la sensibilité climatique entre modèles (Bony et Dufresne, 25). Cela a été confirmé dans les résultats du 4 e rapport du Giec (Randall et al., 27). Certains modèles suggèrent que la couverture en nuages bas sur les océans aux basses latitudes va augmenter suite à l augmentation de température, alors que d autres suggèrent le contraire. Il se pourrait que la modification des cumulus d alizés (occupant une petite fraction du ciel et de forçage radiatif cumulé légèrement négatif) ait plus d importance que la modification des stratocumulus océaniques (occupant une grande fraction du ciel avec forçage radiatif cumulé fortement négatif) car les premiers couvrent une partie plus grande de l océan. L ampleur de la couverture en cumulus d alizés et en stratocumulus est notoirement difficile à prévoir dans les modèles de grande échelle parce que le forçage dynamique est faible et que des variations légères dans ce forçage, tout comme dans les propriétés de la couche limite, peuvent avoir un impact important sur l humidité relative moyenne et donc sur la couverture nuageuse. Il est à noter que le fait que les nuages de la couche limite sur mer ont une importance sur la sensibilité climatique des modèles de climat n implique pas nécessairement que ces mêmes nuages aient une même importance sur la sensibilité réelle du climat, pas plus qu il n est nécessaire que ce soit sur les régions où le forçage radiatif des nuages est actuellement le plus élevé qu on ait les modifications de forçage les plus grandes. Toujours est-il que les nuages de basse couche sur mer peuvent potentiellement avoir une influence radiative plus importante sur le système climatique que tout autre type de nuages. Deux questions clés Comment les nuages répondent-ils au réchauffement global? On sait depuis longtemps qu il est crucial pour comprendre le changement climatique de déterminer comment les nuages ont répondu au réchauffement climatique global et comment ils vont se comporter dans le futur. Vont-ils exacerber, atténuer ou avoir peu d impacts sur l augmentation de température de la Terre due aux gaz anthropiques à effet de serre (Randall et al., 27)? Les problèmes persistants rencontrés par les modèles de climat justifient d étudier les données observées faites au cours des dernières décennies. Malgré la présence d une variabilité naturelle dans les séries de données anciennes de nuages et de bilan radiatif de la Terre, il est possible qu un signal de changement climatique apparaisse, en particulier au cours des quarante dernières années, période d accroissement substantiel du forçage radiatif anthropique et de température globale. Relier les variations multidécennales des propriétés des nuages et du bilan radiatif aux changements de température et de circulation atmosphérique donnerait une idée de la rétroaction des nuages sur le système climatique et fournirait une base de référence utile pour les simulations climatiques des modèles. Notre capacité à documenter et interpréter les données observées est malheureusement entravée pas les limitations et les faiblesses du système global d observation, qui a été développé pour surveiller le temps plutôt que le climat. Comment les nuages répondent-il aux aérosols anthropiques? Une deuxième question clé est de savoir comment les changements de concentration et de composition des particules d aérosols anthropiques ont modifié les nuages et le forçage radiatif qu ils créent. En l absence de rétroaction dynamique sur la macro physique du nuage, une augmentation du nombre de particules hygroscopiques engendre un plus grand nombre de petites gouttelettes dans le nuage, et donc augmente son albédo. On subodore aussi que des changements affectant les particules dans le nuage, comme leur taille, leur phase ou leur concentration en nombre, ont une influence notable sur les processus microphysiques et précipitants du nuage, affectant ainsi potentiellement l eau condensée du nuage, la durée de vie du nuage et la fraction du ciel qu il occupe. Même si l on a observé pour les nuages des changements locaux d albédo et des changements régionaux du diamètre des gouttelettes, comme les interactions avec les conditions météorologiques environnantes sont importantes, on n a pas encore mis en évidence, sans ambiguïté, que les aérosols anthropiques ont une influence à grande échelle significative sur l albédo des nuages et sur la fraction de ciel occupée. Et comme le transport des aérosols est fortement corrélé à la dynamique de l atmosphère, il n est pas simple de distinguer, dans les propriétés des nuages, celles liées aux effets des aérosols anthropiques de celles liées à des influences météorologiques normales. Une autre complication vient du fait qu un fort réchauffement radiatif de l atmosphère associé à un fort refroidissement radiatif de la surface par les aérosols pourrait changer la configuration de la circulation régionale et donc affecter la couverture nuageuse au travers d un mécanisme autre que microphysique (voir Menon et al., 22). Des travaux portant sur les évolutions à long terme des propriétés des nuages, dans les régions où des évolutions en aérosols sont avérées, pourraient révéler la nature exacte de l influence des

4 La Météorologie - n 69 - mai 21 aérosols sur les nuages et donner une base de contrôle aux simulations des modèles de climat global. Il est toutefois nécessaire de vérifier avec précaution si les conditions météorologiques ont changé et de déterminer si le réchauffement radiatif des aérosols a modifié la circulation régionale. Dans les longues séries de mesures par satellite, il convient aussi d identifier correctement, et de faire la part, entre impacts radiatifs spécifiques aux aérosols, aux nuages, aux interactions aérosol-nuage, ce qui est difficile car les nuages fins ressemblent optiquement à une brume d aérosols (voir Charlson et al., 27 ; Koren et al., 27). Les séries d observations Observations visuelles des nuages Les séries les plus longues sur les nuages proviennent des relevés synoptiques faits par des observateurs aux stations météo sur terre, et sur les bateaux pour l océan. On y trouve la fraction du ciel occupée par tous les nuages, par les seuls nuages du niveau le plus bas, ainsi que les types morphologiques des nuages des niveaux bas, moyen et haut. L archive Eecra [Extended Edited Synoptic Cloud Reports Archive, Archive des relevés synoptiques corrigés et complétés] est la plus grande archive d observations synoptiques de nuages (Hahn et Warren, 1999). Les effets radiatifs dus aux variations d albédo, d émissivité et d altitude des nuages (sans compter les variations différentielles de couverture nuageuse entre niveau bas et élevé) sont plus faibles, et on ne peut pas les estimer à partir des observations visuelles de nuages. En de nombreux endroits du monde et aux échelles de temps interannuelle et décennale, les anomalies de rayonnement en ondes courtes et longues estimées à partir des observations de couverture nuageuse rapportées sur une grille correspondent en grande partie aux mesures par satellite des forçages radiatifs des nuages pour chacune de ces catégories d ondes (Norris, 25a). Dans les régions où l échantillonnage est défaillant, comme pour certaines zones terrestres de la bande tropicale et sur la majeure partie des océans tropicaux et d hémisphère Sud, l accord est bien moins bon. Les informations limitées qui sont obtenues à partir des observations de surface des nuages ont cependant une valeur car elles fournissent les seuls relevés d échelle quasi globale avant l emploi des satellites. Pour la période où l on a les deux, les mesures par satellite de la couverture et du rayonnement thermique de la couche nuageuse supérieure sont en accord avec les données d observations de surface, suggérant que ces dernières puissent aussi être fiables avant l ère des satellites (Norris, 25a). À titre d exemple, les séries temporelles d anomalies de couverture de la couche nuageuse supérieure obtenues à partir des observations Eecra et des données du Projet international de climatologie des nuages observés par satellite [ISCCP, International Satellite Cloud Climatology Project] (Rossow et Schiffer, 1999) coïncident bien (figure 2, haut), sauf pour la période 1991-199 pendant laquelle l éruption volcanique du mont Pinatubo a conduit à identifier incorrectement des nuages de niveau élevé comme des nuages de niveau bas dans ISCCP (Luo et al., 22). Dans les données d observation de surface, la couverture nuageuse de niveau haut a globalement décliné au cours des dernières décennies (figure 2), et cela a conduit à une diminution du forçage radiatif des nuages en ondes longues au cours du temps. Même s il apparaît que cette décroissance à long terme de la couverture nuageuse de niveau haut se soit abruptement inversée en octobre 21, l augmentation indiquée par les données ISCCP est en fait un artefact. En effet, l utilisation d un coefficient de calibration incorrect pour le satellite en orbite polaire NOAA 16 a produit une sous-estimation des températures du sommet des nuages (Knapp, 28), qui a causé une augmentation consécutive de la couverture nuageuse au niveau haut. Les données d observations de surface et par satellite ne concordent pas sur les tendances en couverture nuageuse totale, ni en couverture de nuages de niveau bas (figure 2), ni en quantité de rayonnement réfléchi d ondes courtes. Les données d observations de surface indiquent qu au cours dernières décennies il y a eu un accroissement important dans la quantité de nuages de niveau bas, en particulier des cumulus sur les océans tropicaux. Une telle augmentation de couverture nuageuse Plusieurs études, pour certaines régions du monde, ont mis en évidence que la variabilité interannuelle et les tendances des nuages observés au sol sont physiquement en accord avec les tendances et la variabilité des paramètres météorologiques associés (voir Norris 2a, 25b ; Park et Leovy, 2 ; Sun et al., 21). Même si les observations visuelles de nuages manquent d information quantitative sur le rayonnement, on peut toutefois, en appliquant linéairement des coefficients empiriques estimés localement, obtenir des informations utiles (mais incomplètes) sur les modifications du bilan radiatif de la Terre. Cela vient du fait que ce sont les anomalies mensuelles de couverture nuageuse, paramètre le mieux quantifié à partir des relevés synoptiques de nuages, qui contribuent principalement aux anomalies de bilan radiatif. Anomalie de couverture nuageuse (%) a) Surface terrestre quasi globale (6 S-6 N) b) Surface océanique quasi globale (6 S-6 N) Haut Total Bas Cu Bleu = ISCCP Rouge = EECRA 195 196 197 198 199 2 195 196 197 198 199 2 Haut Total Bas Cu Bleu = ISCCP Rouge = EECRA Figure 2 - Évolution temporelle des anomalies de couverture nuageuse, au total, au niveau haut, au niveau bas, et en cumulus d après le satellite ISCCP (en bleu) et d après l archive des données surface Eecra (en rouge) moyennées entre 6 S et 6 N : (a) sur terre ; (b) sur les océans.

La Météorologie - n 69 - mai 21 5 conduirait à une diminution physiquement peu vraisemblable du rayonnement en ondes courtes absorbé, à moins que cela n ait été accompagné d une diminution proportionnée de l albédo (un paramètre qui ne peut pas être quantifié dans les observations visuelles de nuages (Norris, 25a). L origine de cet artefact apparent n est pas encore identifiée. Mesures du rayonnement de surface L Archive globale de bilan d énergie [Global Energy Balance Archive ou Geba, en anglais] contient des mesures de rayonnement incident en ondes courtes à la surface qui ont été faites en divers points du globe au cours des dernières décennies, principalement en Amérique du Nord et en Eurasie, mais seulement sur terre (Gilgen et Ohmura, 1999). Toutes les stations ne sont pas fiables, plusieurs enregistrent des variations interannuelle et décennale de flux solaire d ampleur irréaliste, en particulier aux États-Unis et dans les pays émergents. De plus, la dégradation des capteurs peut conduire à une réduction erronée du rayonnement solaire observé (M. Wild, communication personnelle). Néanmoins, plusieurs études ont porté sur des stations de haute qualité et mis en évidence une baisse largement répandue du rayonnement solaire à la surface depuis les années 196 jusqu au milieu des années 198, suivie d une augmentation depuis les années 199 (Wild et al., 25). On parle couramment d un «assombrissement global» et d un «éclaircissement global» même si ces deux effets n ont pas nécessairement concerné toute la planète. Les tendances mises en évidence représentent probablement des modifications moyennes de rayonnement solaire entrant au niveau régional plutôt que global, et beaucoup souffrent de biais urbains (Alpert et al., 25). On a avancé plusieurs arguments pour expliquer ces effets d assombrissement et d éclaircissement «globaux», y compris des modifications dans la couverture nuageuse et dans l épaisseur optique. La cause d ordre général la plus plausible est toutefois une augmentation, suivie d une baisse, de la quantité des aérosols anthropiques. Selon ce scénario, la brume créée par la combustion de carburants fossiles et de biomasse augmentant depuis le milieu du XX e siècle a conduit à un accroissement des pouvoirs réfléchissant et d absorption du rayonnement en ondes courtes de l atmosphère («assombrissement global»). Les lois promulguées dans certains pays pour maîtriser la pollution de l air, au cours des années 198 et par la suite, ont réduit cette brume, permettant alors au rayonnement solaire de mieux atteindre le sol («éclaircissement global»). En Europe, un autre facteur qui a certainement aussi joué un rôle dans cet «éclaircissement» est l arrêt des sources de combustion de carburant fossile suite à l effondrement du communisme en Europe de l Est. Dans des pays en voie de développement, tels que l Inde, l «assombrissement global» continue et l on n observe pas d inversion de tendance vers un «éclaircissement global» (Wild et al., 25). À partir des données de l archive Geba, qui n offre typiquement que des moyennes mensuelles du flux direct cumulé au flux diffus, il est difficile de distinguer les effets liés à une modification des nuages de ceux liés à une modification des aérosols. Jusqu à maintenant, comme on n a pas les moyens d isoler les périodes avec et sans nuages dans les séries temporelles, on ne sait pas distinguer les effets dus aux propriétés radiatives des nuages de ceux liés à une éventuelle présence d aérosols en un ciel clair. Cet inconvénient est en partie levé dans les données du réseau BSRN [Baseline Surface Radiation Network, Réseau de mesure du rayonnement de fond à la surface], qui met à disposition depuis 199 et toutes les minutes des mesures de rayonnement entrant en ondes courtes et longues, mais pour un petit nombre de stations (Ohmura et al., 1998). Pour l archive Geba plus étendue et plus longue, on peut, à partir des relevés synoptiques de nuages faits au sol, estimer avec fiabilité comment les variations de couverture nuageuse affectent le rayonnement solaire à la surface. Les travaux récents de Norris et Wild (27) mettent en évidence que, pour l Europe, ce sont les variations de couverture nuageuse associées à des régimes de temps et de circulation atmosphérique qui ont été la principale cause des anomalies interannuelles de rayonnement solaire à la surface, mais que cela n explique pas les tendances à long terme. Lorsque la contribution de la couverture nuageuse est enlevée des séries temporelles de rayonnement solaire, on voit apparaître des tendances à l obscurcissement et à l éclaircissement de manière plus distincte que dans les études précédentes. Plusieurs programmes satellitaires mettent à disposition diverses composantes du budget radiatif à la surface (par exemple, Gupta et al., 1999 ; Zhang et al., 24) ; cependant, il faut faire attention en les utilisant car une quantité non négligeable de modélisation a été employée pour obtenir ces produits. À peu près une vingtaine de sites de surface bien instrumentés (par exemple BSRN) fournissent une référence, à la fois pour les paramètres extraits des satellites et pour la majorité des autres sites de surface dont l instrumentation est limitée. Il ne faut pas oublier que les signaux d une augmentation de l effet de serre seront beaucoup plus grands à la surface qu au sommet de l atmosphère. Les mesures directes à la surface auront ainsi un rôle important pour la détection et l attribution du réchauffement global. Une nouvelle méthode prometteuse pour surveiller les évolutions de l albédo global de la Terre pourrait être l observation de «la brillance de la Terre» (Pallé et al., 24). Cette approche utiliserait un réseau de télescopes en surface pour mesurer, d une part les variations de brillance de la partie de la Lune non éclairée par le Soleil, puis la quantité de rayonnement solaire réfléchie par la Terre vers la Lune et réfléchie en retour. Mesures par satellite du bilan radiatif de la Terre L entrée dans l ère satellitaire a permis les premières mesures globales et directes des nuages et du bilan radiatif de la Terre avec des instruments simples montés sur Explorer 7 en 1959, puis Tiros en 196. La série des satellites Nimbus, culminant avec les observations du radiomètre à balayage de Nimbus 7, a fourni le socle de la vaste campagne Erbe [Earth Radiation Budget Experiment, Campagne d étude du bilan radiatif de la Terre] qui a duré de 1985 à 199. Dans le cadre de la campagne Erbe, on a placé deux instruments à large bande de balayage sur deux satellites météorologiques opérationnels et sur un satellite dédié, Erbs, placé sur une orbite à précession faiblement inclinée capable d échantillonner tous les moments de la journée au cours de son cycle orbital de soixante-douze jours. Après la campagne Erbe, d autres radiomètres à balayage ont été embarqués, sur les missions ScaRaB [Scanner

6 La Météorologie - n 69 - mai 21 Observation des nuages à partir du radiomètre imageur Severi de Météosat 9 Le radiomètre imageur Severi [Spinning Enhanced Visible and Infrared Imager] fonctionne sur douze bandes de fréquences qui lui permettent d observer des réflectances (dans le visible) et les températures de brillance (dans l infrarouge). Il est embarqué sur les satellites Meteosat de seconde génération (MSG). a b c Le 25 mars 21 à 11 h UTC sur l Europe : (a) Composition colorée «Red-Green-Blue (RGB) day natural colors». Les nuages à gouttes fines sont en blanc, ceux de neige et de glace en bleu. La végétation est en vert, le sol nu en marron et l océan en noir. (b) Composition colorée «RGB day solar». Les nuages de fines gouttelettes d eau sont en jaune, ceux de cristaux de glace en orangé, et en rouge lorsque la grosseur des cristaux augmente. La neige au sol est en rouge vif, les déserts en bleu, la surface des océans en noir et la végétation en vert kaki. (c) Composition colorée «RGB day microphysical». Les nuages qui ne précipitent pas sont en blanc et ceux qui précipitent en rose. Les nuages très froids sont en jaune, les nuages froids et de grande épaisseur optique en rouge lorsque leurs sommets comportent de gros cristaux de glace (exemple, les cumulonimbus), et en orangé quand ces cristaux sont petits. Les stratocumulus océaniques sont en bleu. Les nuages fins sont en vert clair lorsqu ils sont composés de petites particules de glace et en foncé lorsque celles-ci sont grosses. ( Eumetsat) Pour en savoir plus sur ce type de composition colorée obtenue directement à partir des réflectances et des températures de brillance, voir Lensky et Rosenfeld, 28 : www.atmos-chem-phys.net/8/679/28/acp-8-679-28.pdf. Accès en temps réel aux images sur le site d Eumetsat : http://oiswww.eumetsat.org/ipps/html/msg/rgb/ Anne Guillaume for Radiation Budget], de 1994 à 1995, puis de 1998 à 1999. C est avec les capteurs du programme Ceres [Clouds and the Earth s Radiant Energy System, Nuages et énergie rayonnante du système Terre], embarqués sur les satellites TRMM, Terra et Aqua du système d observation de la Terre de la Nasa [National Aeronautics and Space Administration], que l on a atteint les meilleures conditions de mesure précise (Wielicki et al., 1996). La plupart des satellites que nous venons de mentionner étaient, ou sont, en orbite synchrone solaire et échantillonnent peu la nuit. Ceres a surmonté cette difficulté en incorporant d autres données issues de satellites géostationnaires aussi utilisés par le Projet international de climatologie des nuages observés par satellite [ISCCP]. Les satellites Erbs et TRMM, tout comme les satellites russes qui ont embarqué les instruments ScaRaB, ont des orbites à précession qui assurent sur la durée de leur cycle orbital une couverture complète en termes d heure locale. Cependant, en un point donné, l échantillonnage temporel reste limité. À ce jour, les seuls radiomètres à large bande en orbite géostationnaire sont les capteurs Gerb embarqués sur Meteosat 8 et Meteosat 9. Ils fournissent des enregistrements d une durée de 15 minutes pour toute la partie du disque qu ils observent, une aire géographique certes limitée, mais ayant pourtant une importance climatique reconnue (Harries et al., 25). Toutes les données de ces instruments à spectre large fournissent une masse d information sur les répartitions géographiques et sur toutes les variabilités, qu elles soient diurnes, saisonnières et interannuelles, du bilan radiatif de la Terre, effets des nuages compris. C est possible car on a affaire à des signaux importants (typiquement quelques dizaines de W.m -2 ou plus, comme on le voit figure 1) qui sont observés bien au-delà du bruit instrumental et des incertitudes de calibration. C est ainsi que les variations multiannuelles de bilan radiatif de la Terre liées à El Niño/La Niña ou à l éruption volcanique du mont Pinatubo de 1991 apparaissent nettement sur les séries satellitaires de moyennes de rayonnement en ondes longues (thermique) au niveau des tropiques (figure ), mais il est beaucoup plus difficile d étudier les variabilités sur des périodes multidécennales, voire plus longues, et de trouver des tendances associées au changement climatique. On doit pour cela demander beaucoup plus aux mesures, qui, à de rares exceptions, n ont pas été prévues pour cela. Quelques signes plaident en faveur de l existence d une variation multidécennale du bilan radiatif tropical, en particulier à partir des observations des capteurs à grand champ de visée [WFOV, wide-field-of-view] du satellite Erbs ; cependant, la détection de telles variations est entravée par divers artefacts d observation. Plusieurs ont été découverts après la publication de Wielicki et al. (22) qui a fait état en premier de ces variations, comme l existence d un faux cycle semiannuel dû à la distorsion du cycle diurne par l orbite à précession du satellite. Une première correction a été apportée aux données Erbs pour prendre en compte une évolution erronée de flux radiatif suite à une baisse d altitude continue du satellite, puis une deuxième pour prendre en compte une dégradation de la transmission solaire au travers du dôme, qui n avait pas été répertoriée auparavant. Ces deux petites corrections sur les données Erbs ont réduit d un facteur 4 le flux en ondes courtes et ont inversé le signe de l évolution du rayonnement net, par rapport à l étude initiale (Wong et al., 26). Les résultats les plus récents font état d une légère tendance à l augmentation des émissions en ondes longues (en accord avec l affaiblissement du forçage radiatif des nuages

La Météorologie - n 69 - mai 21 7 1 CERES/TRMM SC ScaRaB/Meteor SC ScaRaB/Resurs SC Nimbus 7 NS ERBE/ERBS NS ERBE/ERBS SC CERES/Terra SC campagne Erbe [Earth Radiation Budget Experiment]. Et il est clairement important de mettre à disposition des informations complémentaires sur les aérosols. Anomalie en ondes longues (W.m -2 ) 5-5 Éruption d'el Chichon 82/8 El Niño 86/87 El Niño 88/89 La Niña 1979 1981 198 1985 1987 1989 1991 199 1995 1997 1999 21 pour ces ondes) et d une tendance plus marquée à une diminution du rayonnement solaire réfléchi de manière à induire un gain net d énergie par la Terre. Les mesures de contenu en chaleur océanique sont en cohérence avec un gain net d énergie au cours des deux dernières décennies (Wong et al., 26). Il est intéressant de noter que, à tort ou à raison, les modèles de climat ne reproduisent pas l amplitude de la variation décennale en ondes courtes et en flux de rayonnement sur les périodes couvertes par Erbs, 1985-199 et 1994-1999 (Wong et al., 26). Pour étudier des variations de bilan radiatif sur des périodes plus longues que celles couvertes par les capteurs WFOV du satellite Erbs, il faut mettre bout à bout de multiples enregistrements satellitaires (figure ). Les améliorations de précision qu il conviendrait d apporter aux données climatiques, telles que listées par Ohring et al. (25), et l analyse des erreurs produites par les capteurs actuels de Ceres faite par Loeb et al. (27) viennent confirmer l ampleur des défis que pose le changement climatique. Ohring et al. (25) évaluent à, W.m -2 par décennie, la contrainte de stabilité nécessaire sur la mesure du flux net en ondes courtes au sommet de l atmosphère si l on veut identifier les rétroactions dues aux nuages bas au cours du changement climatique. Loeb Retour à la normale après Pinatubo Éruption du Pinatubo Année 91/92 El Niño 97/98 El Niño 98/1 La Niña Figure - Évolution temporelle des anomalies de rayonnement en ondes longues, moyennées de 2 N et 2 S, pour les données non-scanner obtenues avec Erbs, version Edition_Rev1 (trait plein rouge), et Nimbus 7 (tiretés verts), et les données scanner obtenues avec Erbs (trait plein bleu), Ceres/Terra FM1, version ES4 Edition2_Rev1 (tiretés bleus), Ceres/TRMM, Edition2 (cercles bleus), ScaRaB/Meteor (triangles verts) et ScaRaB/Resurs (cercles verts). Les anomalies sont calculées à partir de la période de référence 1985-1989 (d après Wong et al. 26). et al. (27) montrent que, sur la base de l instrumentation actuelle de Ceres, il faudrait 1 à 15 ans de données avant de pouvoir faire émerger une tendance d une telle amplitude par rapport à la variabilité naturelle. Clairement, on ne peut y arriver que si l on continue à faire voler des capteurs aussi bien mis au point, capables de fournir des séries temporelles ininterrompues à partir desquelles on puisse déduire les rétroactions des nuages. Le problème principal est d identifier une tendance aussi faible face à une variabilité interannuelle ou décennale, qui, comme le montre la figure, peut être bien plus grande que les, W.m -2, au moins régionalement. Face à une variabilité naturelle plus importante, il est nécessaire d allonger la durée d observation pour détecter une tendance d ampleur donnée. La puissance des mesures de bilan radiatif (dans la fourniture d une information sur le bilan net de tous les constituants actifs dans le rayonnement pour le réchauffement et le refroidissement de la planète) peut aussi être vue comme une faiblesse. Sans information supplémentaire, il est difficile de cerner où sont les impacts. Pour étudier les effets radiatifs des différents types de nuages et leurs contributions aux variations de bilan radiatif qui ont lieu, par exemple, au cours de phénomènes Enso [El Niño Southern Oscillation], il a fallu combiner les paramètres relatifs aux nuages extraits des données de satellites avec les données de la Mesures des nuages par satellite Projet international de climatologie des nuages observés par satellite Le jeu de données de nuages le plus communément utilisé pour les études de climat est l ISCCP [International Satellite Cloud Climatology Project, Projet international de climatologie des nuages observés par satellite] (Rossow et Schiffer, 1999). Prévu à l origine pour fournir une climatologie des nuages et des données pour étudier les processus liés aux nuages aux échelles synoptiques, ISCCP utilise les données de radiance à spectre étroit fournies par les satellites météorologiques pour en extraire la fraction du ciel occupée par les nuages ainsi que d autres propriétés des nuages sur une grille de maille 28 km couvrant le globe, cela toutes les trois heures. Un modèle de transfert radiatif est appliqué pour obtenir ces données nuages. Il prend en compte les aérosols stratosphériques observés et inclut une modélisation des aérosols troposphériques pour produire des flux sur un spectre large ondes courtes et ondes longues, au sommet de l atmosphère, à la surface et sur plusieurs niveaux intermédiaires (Zhang et al., 24). Il est intéressant de noter que les variations annuelles et décennales des données flux ISCCP ressemblent à celles mise en évidence par Erbs (figure 4), deux jeux de données extraits de manière indépendante des données des satellites. Avec les données ISCCP, on rencontre beaucoup plus de difficultés pour maintenir une homogénéité et une stabilité dans le temps qu avec celles de Erbs puisque l on utilise des données issues d une longue suite de satellites pour lesquels il n était pas prévu de maintenir une calibration à bord, ni d assurer une continuité entre satellites. Le traitement ISCCP procède à l intercalibration des satellites géostationnaires (source principale des données) en utilisant un satellite à orbite polaire qui vole en dessous de chacun d eux, et qui lui aussi doit être calibré au cours du temps. Un des problèmes rencontrés est la calibration continue des satellites polaires

8 La Météorologie - n 69 - mai 21 Anomalie de rayonnement (W.m -2 ) 6-6 14 7 ISCCP AVHRR ISCCP AVHRR HIRS ERBS/NS ERBS/NS Ondes longues Ondes courtes 14 7-7 -14 cours du temps de l angle de visée moyen du satellite. Un satellite géostationnaire voit les pixels près de la limite extérieure de sa zone de visée avec un chemin plus oblique qu il ne voit les pixels dans le centre de cette zone de visée (par exemple, à proximité du nadir). Aux longueurs d onde visibles, les nuages fins au niveau bas apparaissent ainsi optiquement plus épais avec le chemin le plus oblique et sont donc plus faciles à détecter par les méthodes à seuil employées par ISCCP. Puisque seulement trois satellites géostationnaires étaient disponibles au début de l acquisition ISCCP contre cinq satellites géostationnaires à la fin, des endroits, qui étaient au début vus sous un angle élevé par le satellite, se sont retrouvés observés à des angles faibles. Cela fait que des nuages optiquement très minces qui étaient détectés au début ne l ont plus été, d où la diminution de couverture nuageuse signalée. -7 ISCCP AVHRR ERBS/NS NET -14 1985 1987 1989 1991 199 1995 1997 1999 Année Figure 4 - Évolution temporelle des anomalies de rayonnement net, en ondes longues et en ondes courtes moyennées de 2 N à 2 S pour les jeux de données Erbs, non-scanner WFOV Edition_Rev1 (en rouge), ISCCP FD (en bleu), Hirs Pathfinder OLR (en rose), et AVHRR Pathfinder ERB (en vert). Les anomalies sont calculées à partir de la période de référence 1985-1989 (d après Wong et al., 26). L artefact d angle de visée a moins d impact sur le calcul des flux radiatifs de courte et de grande longueurs d onde ISCCP qu il n en a sur la quantité de nuages parce que la réduction artificielle de la couverture nuageuse est compensée par l amélioration artificielle concomitante de l épaisseur optique des nuages. En outre, les nuages qui ne sont plus identifiés sont ceux les plus proches du seuil de détection, et donc les moins importants d un point de vue radiatif. successifs de façon à ne pas avoir de modifications artificielles des propriétés de nuages à la transition entre satellites, comme ce fut le cas dans les données originales, ISCCP-séries C (Klein et Hartmann, 199). Comme il se trouve que la surface de la Terre est plus stable au niveau radiatif que le système actuel d observation par satellite, le traitement pour les données ISCCP-séries D inclut un ajustement des mesures satellitaires au cours du temps de manière à ce que les moyennes globales de température et de réflectance (en incluant les effets des aérosols troposphériques) ne changent pas au cours du temps (Brest et al., 1997). Même si cette dernière méthode réduit largement les hétérogénéités dans les séries ISCCP, elle ne permet évidement pas d utiliser ces données pour étudier comment varient les propriétés de surface au niveau global. De plus, la méthode introduit un artefact dans les données de nuages commensurable au changement global moyen rencontré à la surface. Néanmoins, il est en théorie possible d étudier les variations relatives aux propriétés des nuages, et les travaux relatifs à ISCCP indiquent qu il y aurait eu en moyenne une décroissance globale de la couverture nuageuse au cours des deux dernières décennies (figure 5), due principalement à une diminution de la quantité de nuages bas aux basses latitudes. En dépit des nombreuses couches de calibration et d ajustement des données ISCCP, cette tendance dans la couverture moyenne globale semble totalement erronée. La structure du champ de corrélation entre séries temporelles de moyenne globale et séries temporelles en chaque maille de la grille ressemble davantage à celle des champs visuels circulaires des satellites géostationnaires qu à celle d un vrai champ géophysique. De plus, la tendance de la structure spatiale des tendances locales devient fortement négative quand on s approche du bord du champ de visée des satellites géostationnaires. Evan et al. (27) attribuent ce fait à une évolution systématique au Même quand les artefacts liés à l angle de visée et relatifs aux changements de nombre et de position des satellites géostationnaires sont statistiquement enlevés, d autres phénomènes de variabilité apparemment erronée demeurent. À titre d exemple, pour un satellite géostationnaire, on retrouve des variations identiques de couverture nuageuse dans toute sa zone de visée (Norris, 2b). Il n y a aucune raison qui permette d expliquer une corrélation aussi étroite entre des anomalies de nuages se produisant dans des hémisphères et au cours de saisons opposés (et aussi sur terre et sur mer) en dehors d artefacts non identifiés dans les mesures satellitaires, ou d erreurs dans la calibration utilisée (voir Norris et Wild, 27). Autres ensembles de données sur les nuages Un autre jeu de données sur les nuages d une durée multidécennale vient du radiomètre AVHRR [Advanced Very

La Météorologie - n 69 - mai 21 9 High Resolution Radiometer] du projet Patmos [Pathf inder Atmosphere] (Jacobowitz et al., 2). Les propriétés liées aux nuages et au rayonnement solaire de Patmos sont obtenues à partir du capteur AVHRR embarqué sur des satellites météorologiques en orbite polaire. Même si elles ne sont pas affectées par les fluctuations d angle de visée d un satellite géostationnaire, comme l étaient celles d ISCCP, les satellites en orbite polaire de position nominale héliosynchrone qui ont participé à Patmos ont eu une dérive orbitale conséquente au cours de leur mission, se traduisant par un passage à l équateur local de plus en plus tard dans la journée. Cela signifie que le cycle diurne des propriétés relatives aux nuages a subi un biais systématique qui se traduit par une tendance à long terme (à titre d exemple, s il y a davantage de nuages le matin que l aprèsmidi, il va sembler que la couverture nuageuse ait diminué au cours du temps). a) Anomalie journalière de quantité totale de nuages (%) b) c) jeu de données Hirs est construit en comparant les radiances de plusieurs canaux infrarouges qui observent des couches différentes de l atmosphère. C est particulièrement bon pour détecter les nuages optiquement minces au niveau haut. Année (température, humidité et vent) que nous devons les étudier, puisque c est suite à des processus dynamiques et thermodynamiques que les nuages se forment, et puisque les aérosols apportent une perturbation aux processus de formation et de dissipation tout autant qu aux propriétés radiatives et physiques des nuages qui sont formés. Les réanalyses dans le cadre de la prévision numérique du temps fournissent la source la plus cohérente de données, et maintenant elles incluent aussi des champs de sortie relatifs au bilan radiatif et aux nuages. Elles sont donc une ressource importante pour les études de climat ; cependant, si la représentation du bilan radiatif de la Terre en ciel clair est bonne, il y a encore des erreurs significatives dans la simulation des nuages et du bilan radiatif de la Terre intégré sur tout le ciel (Allan et al., 24). Une réanalyse de qualité climatique utilisant un modèle couplé océanatmosphère, et prêtant attention aux cycles radiatif et hydrologique, serait une avancée significative et devrait être une priorité (Bengtsson et al., 27). Patmos corrige cette dérive diurne par régression statistique afin d éliminer la tendance à long terme, opération qui doit être répétée pour chaque satellite successif dans la série. Supprimer les tendances de cette façon limite l utilisation de ces données pour les études du climat à long terme, étant donné que toute tendance vraie sur les nuages peut être éliminée en même temps. Une meilleure méthode consisterait à observer le cycle diurne d un satellite géostationnaire, puis à ajuster la dérive diurne sur cette base. Les séries temporelles Patmos présentent aussi des variations très grandes qui semblent être liées aux transitions entre satellites (figure 4). Un troisième jeu de données multidécennales relatif aux nuages est basé sur le sondeur radiomètre infrarouge à haute résolution Hirs [High Resolution Infrared Radiometer Sounder] embarqué sur des satellites météorologiques en orbite polaire (Wylie et al., 25). Ce Figure 5 - (a) Évolution temporelle de la quantité de nuages en moyenne globale obtenues par ISCCP ; (b) corrélation entre séries temporelles de moyenne globale et séries temporelles en chaque maille de la grille ; (c) tendance linéaire de la quantité de nuages en chaque point de grille. Comme Patmos, Hirs souffre de dérive orbitale et d hétérogénéités lors des transitions de satellite. Les séries temporelles de rayonnement en ondes longues émis au niveau des tropiques à partir d Hirs (Mehta et Susskind, 1999) ne semblent pourtant pas être en accord avec celles de données flux d ISCCP pas plus qu avec les séries temporelles Erbs (figure 4). Défis pour le futur Il est essentiel d éviter de traiter les observations de nuages, de rayonnement et d aérosols isolément. Au contraire, c est dans leur contexte météorologique Plusieurs bases de données de nuages et de bilan radiatif indépendantes suggèrent qu une diminution de la couverture nuageuse de haute altitude pourrait avoir eu lieu au cours des dernières décennies et aurait réduit le forçage radiatif d onde longue des nuages au cours du temps. Les bases de données de flux Erbs et ISCCP et les mesures de contenu en chaleur dans l océan indiquent que ce léger effet de refroidissement a récemment été contrecarré par un effet de réchauffement plus important causé par une diminution du forçage radiatif d onde courte des nuages. Si l on considère toutes les corrections qui ont été apportées aux données, pouvons-nous conclure avec confiance que ces tendances sont réelles? Si elles le sont vraiment, sont-elles liées à un changement climatique anthropique ou résultent-elles tout simplement d un cycle décennal naturel? Comment l observation de ces tendances liées aux propriétés des nuages

4 La Météorologie - n 69 - mai 21 et au bilan radiatif nous aide-t-elle à comprendre la sensibilité du climat? Pour répondre à ces questions avec assurance, il va falloir réexaminer et retraiter à fond les différents types de données qui existent pour reconstituer la meilleure base de données relativement à ce que nous savons des variations passées de la couverture nuageuse et du bilan radiatif et voir comment elles sont associées avec d autres paramètres du système climatique. En particulier, il faudrait que le savoir acquis à partir des mesures satellitaires récentes, globales et détaillées soit utilisé pour améliorer les enregistrements plus anciens. Lorsqu une calibration empirique est inévitable, des quantités mieux connues doivent être utilisées pour contraindre les quantités moins bien connues, et des modèles physiques meilleurs doivent être développés pour s attaquer à des problèmes tels que la variation en fonction de l angle de visée de l épaisseur optique des nuages perçue par les satellites. Comme, relativement à la variabilité réelle des nuages et de leurs propriétés radiatives, l ampleur des artefacts systématiques est normalement la plus grande aux échelles les plus grandes, il est possible que le comportement des changements régionaux soit plus robuste que celui des changements globaux. En particulier, les recherches devraient porter sur l étude des tendances régionales relatives à la couverture nuageuse et au bilan radiatif qui seraient vraisemblablement associées au réchauffement climatique anthropogénique ou aux aérosols. Considérant les nombreuses imperfections des séries de données anciennes, on pourrait penser qu il soit préférable de les abandonner et, à la place, de seulement consacrer nos efforts à en faire de plus précises, globales et stables pour le futur. À notre avis, ce serait une erreur, puisque de nombreuses années seront nécessaires pour pouvoir distinguer un signal de changement climatique d une variabilité naturelle. Et nous n avons pas le luxe d attendre aussi longtemps ; nous devons plutôt mieux utiliser toutes les données que nous avons. Puisqu il y a eu dans les séries de mesures de bilan radiatif passées des interruptions préjudiciables qui empêchent de quantifier la variabilité décennale et d identifier les tendances climatiques, il est essentiel de maintenir pour le futur une meilleure continuité. Toute tendance dans le bilan radiatif va être faible et demandera donc une calibration croisée minutieuse des différents instruments mis en orbite à des périodes différentes, ne se chevauchant pas toujours. Une telle calibration croisée est très difficile, voire impossible à atteindre. Il faut aussi surveiller d autres paramètres indépendants, comme le contenu en chaleur de l océan, afin d apporter une base de contrôle additionnelle au bilan radiatif. À l heure où les signaux du réchauffement global commencent à émerger clairement au-dessus du niveau de variabilité naturelle, un des plus grands défis qu il y a pour tenter d assurer la continuité des mesures de bilan radiatif et d autres paramètres est la difficulté d obtenir un financement adéquat pour les missions de surveillance du climat, en dépit de leur importance évidente. Il est relativement aisé de justifier la continuité des missions pour la prévision numérique du temps, du fait de la demande des agences opérationnelles. Cependant, aucune agence spatiale n a encore été capable d assurer un financement continu pour la surveillance du climat. Du fait des contraintes de financement futur, il y a donc un danger réel de perdre la continuité dans les séries de mesures du bilan radiatif. Les chiffres présentés plus haut suggèrent que l exigence minimale pour surveiller les évolutions du bilan radiatif associées au réchauffement global soit de maintenir la couverture par Ceres ou par des instruments similaires au niveau de qualité actuel. D autres mesures complémentaires qui seraient utiles incluent des mesures de bilan radiatif de la portion éclairée du globe à partir d un satellite placé au point de Lagrange L1. Un projet de grand intérêt qui a été proposé est un observatoire de calibration climatique, qui servirait à la calibration croisée d instruments sur d autres satellites et permettrait de mieux utiliser leurs données en rassemblant ces données sur une échelle de référence commune qui soit compatible avec celle des données Ceres. Remerciements Nous sommes reconnaissants à Richard Allan pour nous avoir fourni la figure 1, à partir des données extraites du Distributed Active Archive Center (DAAC) Langley de la National Aeronautics and Space Administration (Nasa). Les données pour les figures 2 et 5 ont été fournies par le Carbon Dioxide Information Analysis Center de l ONRL et le Goddard Institute for Space Studies de la Nasa. Nous remercions Takmeng Wong pour nous avoir fourni les figures et 4. Une bourse Career de la National Science Foundation (NSF), Atmo2 8527, a soutenu le travail de Joel Norris. Bibliographie Allan R. P., M. A. Ringer, J. A. Pamment et A. 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