LIVRE BLANC DE L UPFI



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Transcription:

LIVRE BLANC DE L UPFI Les objectifs prioritaires des producteurs de phonogrammes pour l année 2002 Pour une industrie musicale au service de la diversité Janvier 2002 UNION DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES FRANCAIS INDÉPENDANTS Siret : 39189969700026-APE 911A 22/24 rue de Courcelles, 75008 Paris Tél. 01.53.77.66.40 Fax. 01.53.77.66.44 E-mail : upfi@wanadoo.fr

INTRODUCTION A l occasion du projet de fusion entre Emi-Virgin et Warner Music, mis en échec à l automne 2000 par la Commission Européenne, l UPFI avait décrit, dans un premier Livre Blanc, l état d hyperconcentration atteint dans la filière musicale : concentration de la distribution du disque entre les mains de cinq Majors, tout d abord ; concentration croissante dans les médias et dans la distribution du disque au niveau des détaillants, ensuite. Apparition plus récente d un double phénomène de concentration verticale : l intégration verticale «diffuseur-producteur», dont on a pu mesurer, au cours du dernier trimestre 2001, la logique quasi industrielle mise en œuvre par certains diffuseurs en terme de synergies «antenne-produit-distribution». La concentration dans la distribution des catalogues musicaux sur le marché de la musique en ligne. Avec l arrivée prochaine des plate-formes Pressplay et MusicNet en Europe, c est un véritable duopole qui est en train de se constituer, dont les effets risquent d être redoutables quant au maintien d une concurrence effective sur ce nouveau marché pourtant plein de promesses de départ. Face à ce constat, les Producteurs Indépendants ont décidé de se regrouper au sein d une organisation européenne, IMPALA, pour s exprimer d une même voix. Avec succès, puisque grâce à l intervention conjointe de l UPFI et d IMPALA, il a été possible de mettre un frein au processus de concentration en cours entre les Majors du disque. Mais les problèmes posés restent entiers. Jamais le décalage n a été aussi grand entre la diversité de la production phonographique et la frilosité des médias. Jamais le secteur de la production phonographique n a été autant fragilisé par le phénomène d intégration verticale de la filière musicale. Pour les Producteurs Indépendants, il est temps de tirer la sonnette d alarme. En effet, la bonne santé de la production française (près de 60 % des ventes de disques en France) et la croissance positive du marché en 2001, ne doivent pas masquer la réalité d une industrie en pleine mutation et confrontée à de graves dysfonctionnements. L UPFI formule, dans le présent Livre Blanc, un ensemble de propositions qui ont pour objectif d aborder, de façon complète, l ensemble des problèmes de la filière musicale. Au delà, il s agit de préserver la diversité et le pluralisme dans la création musicale. Diversité de la création musicale, sans quoi l univers de la musique risque un jour de ressembler à Big Brother : un produit uniformisé, standardisé, proposé à tous. Pluralisme des opérateurs : il est fondamental que le secteur de la Production Indépendante puisse se renforcer et que l on assiste à l émergence de plusieurs maisons de disques Indépendantes capables d atteindre la taille critique à l intérieur du marché du disque. C est un enjeu vital, car les indépendants, faut-il le rappeler, sont les garants de la diversité de la création et du renouvellement des genres musicaux, comme ils l ont largement prouvé dans le passé. 2

LES OBJECTIFS PRIORITAIRES DE L UPFI Ë Une priorité absolue : assurer le pluralisme de la programmation musicale et diversifier le paysage radiophonique. Ë Assurer une meilleure exposition de la musique et des variétés à la télévision. Ë Lutter contre les dérives consécutives à l intégration verticale de la filière musicale. Ë Améliorer la distribution du disque en France. Ë Empêcher que le marché émergent de la musique en ligne soit verrouillé au profit de deux grands opérateurs et favoriser le développement des opérateurs indépendants. Ë Supprimer la discrimination dont est victime le disque par rapport aux autres biens culturels en réduisant le taux de TVA applicable au disque. Ë Limiter le champ d application de la licence légale aux services de radiodiffusion sonore traditionnels soumis à autorisation préalable. Ë Renforcer le secteur de la Production Indépendante pour affirmer la vitalité et la diversité de la création musicale en France. Ë Etablir des règles déontologiques afin de revenir aux valeurs fondamentales du métier de producteur de phonogrammes. Ë Etablir des règles de concurrence propres à préserver l égalité des chances en ce qui concerne l accès au marché et aux médias des catalogues indépendants. Pour les professionnels de la culture, la diversité est l un des enjeux majeurs du XXIème siècle. Ce qui est en jeu, c est la liberté du consommateur et la vitalité de la création. 3

1. Une priorité absolue : assurer le pluralisme de la programmation musicale et diversifier le paysage radiophonique Face à l hécatombe du nombre de titres différents diffusés en radio depuis 1995 et à la forte rotation des mêmes titres dans les playlists, l alternative est la suivante : ou bien les radios et les producteurs parviennent à conclure un accord interprofessionnel pour assurer le pluralisme de la programmation musicale, ou bien le législateur devra donner au CSA les moyens d y parvenir. Parallèlement, le CSA doit faciliter le développement des radios qui jouent le plus le rôle de découvreurs de talents et le service public doit mieux incarner la défense et la promotion de toutes les musiques. 4

a) Le constat : L importance vitale du rôle des radios dans la promotion des phonogrammes. - Les réseaux musicaux nationaux sont en position dominante en matière d audience. Les sondages trimestriels auxquels se livre l institut MEDIAMETRIE font ressortir que les réseaux nationaux à caractère musical sont majoritaires sur le plan de l audience cumulée, qui constitue l un des trois agrégats pris en compte pour mesurer l écoute de la radio par les auditeurs. Ainsi, au premier trimestre 2001, les programmes musicaux recueillaient 58,5 % d audience cumulée, confirmant une tendance lourde à la prédominance des radios musicales. - L absence de solution de remplacement susceptible d avoir un effet équivalent pour les Producteurs Indépendants. Il est largement démontré que la diffusion d enregistrements musicaux à la radio reste un moyen essentiel de promotion des disques, y compris pour assurer leur distribution physique dans les réseaux de vente traditionnels. Certes, les producteurs de phonogrammes disposent de solutions alternatives pour promouvoir leurs enregistrements. C est ainsi que la scène (spectacle vivant) et le tour support constituent un excellent moyen de promouvoir des artistes en développement. De même, la production de bandes originales de films et la sonorisation des messages publicitaires par un enregistrement musical constituent un moyen efficace pour promouvoir des artistes. Cependant, seule une programmation radiophonique nationale, permet à un disque de toucher un très large public et de générer de fortes ventes. Une nouveauté qui n est pas diffusée à la radio et qui ne fait pas l objet d une campagne publicitaire agressive, n a pratiquement aucune chance d être référencée dans la grande distribution qui assure, aujourd hui, 56 % des ventes de disques. C est la raison pour laquelle les Majors Companies, en particulier, consacrent d énormes efforts de promotion et de marketing en faveur de la radio. Un resserrement croissant des playlists et une augmentation des rotations des titres diffusés. Depuis 1995, on assiste à une tendance lourde en matière de programmation musicale sur les principales radios (c est à dire les 30 radios dont l antenne était pigée en permanence par IPSOS MUSIC jusqu au 30 juin 2001, et, depuis, par YACAST). 5

En 1995, 56.300 titres différents étaient diffusés sur les principales radios. En 1996, ce chiffre est tombé à 48.000 pour arriver, en 1997, à 38.000, et enfin, à 24.400 en 2000. Ainsi, en moins de 6 ans, le nombre de titres différents diffusés en radio a été réduit de près de 60 %. Durant la même période, le nombre d artistes différents diffusés à la radio a été divisé par deux. La tendance est donc nette avec, d une part, une augmentation corrélative des taux moyens de rotation hebdomadaire (quasi doublement entre 1997 et 2000 ; diffusion d un même titre pouvant atteindre 80 passages par semaine à l antenne 2001), et, d autre part, un nombre de titres différents par semaine en chute libre (aux alentours de 200 pour les formats «jeunes» et de 450 pour les programmes dits «adultes»). Aujourd hui, la playlist des grands réseaux est limitée à 30-40 titres maximum dont une dizaine bénéficient d une très forte rotation. Le décalage est donc immense entre ce qui est produit et ce qui est diffusé. Une politique de programmation par trop liée aux accords promotionnels et commerciaux passés avec les maisons de disques. Le comportement actuel des radios s explique, en grande partie, par la main mise des Majors sur leur programmation. De nombreux accords de publicité (achat d espaces, accords au rendement, accords de partenariat) entre les Majors et les radios, conduisent à une situation de «pay per play» rampant. Aujourd hui, il est rare qu un producteur envisage la promotion d un enregistrement sans la conclusion d un accord de partenariat avec une radio. Ainsi, il ressort d une étude réalisée par IPSOS MUSIC pour le compte de l UPFI, sur le premier semestre 2001, que 46 des 50 premiers titres diffusés à la radio font l objet de campagnes publicitaires de la part des producteurs. Dans le cadre des accords d échange portant sur l espace publicitaire radiophonique, le diffuseur approché par le producteur accepte de consacrer sur ses antennes un espace publicitaire d un montant brut équivalent à un pourcentage de celui que le producteur envisage de dépenser par ailleurs (en publicité télévisuelle, campagne d affichage, ) en échange de la mise en avant du nom, du logo, de l image de la radio sur tous les supports marketings utilisés. Cet échange d espaces publicitaires sur les antennes s accompagne souvent d un engagement implicite de diffusion des enregistrements promus. Les investissements marketings nécessaires à la promotion d un enregistrement étant de plus en plus lourds, les Producteurs Indépendants, moins susceptibles d investir que les Majors, se trouvent dans une situation d accès limité au marché de l espace publicitaire radio et de manière corrélative à celui de la diffusion des enregistrements. 6

La conséquence de la systématisation des accords commerciaux entre radios et maisons de disques est l extrême difficulté pour les Producteurs Indépendants de voir programmer leurs titres sur les grands réseaux. Ainsi, il suffit d examiner la liste des 50 premiers titres entrés en programmation sur les réseaux Fm au cours de l année 2001 pour constater que pratiquement aucun titre produit par une maison de disques indépendante n a pu avoir accès à la programmation radiophonique. Un paysage radiophonique musical déséquilibré et mal régulé jusqu à ces dernières années. La plupart des professionnels s accordent à considérer qu il y a trop de réseaux «adultes» (Rfm, Chérie Fm, Nostalgie, MFM) et pas assez de réseaux «jeunes» (Nrj, Skyrock, Fun Radio). De ce point de vue, on ne peut que regretter que le CSA ait été incapable, jusqu à une période récente, de réguler convenablement le secteur des radios en laissant s installer une telle situation au cours des dix dernières années. L exemple le plus caricatural est celui de la station Rfm dont le CSA a entériné, sans aucun débat, un changement de format radical dans les années 1995. Cette situation pose un véritable problème en matière d exposition des nouvelles productions et ne facilite pas l émergence des nouveaux talents, alors que la consommation de musique est principalement le fait du public jeune. Ce faisant, le faible nombre de réseaux «jeunes» a eu pour conséquence de concentrer une grande partie des dépenses promotionnelles des maisons de disques sur les mêmes radios et de focaliser sur elles le débat récurrent de l exposition des nouveaux talents. b) Les propositions : La conclusion d un accord interprofessionnel entre les radios et les Producteurs de phonogrammes est une voie à explorer. Comme on l a vu plus haut, le pluralisme musical est aujourd hui menacé par les stratégies de fidélisation du public mises en place depuis plusieurs années par les radios. Ainsi, les réseaux se livrent à une guerre sans merci en matière de réduction des playlists qui tend à se généraliser à l ensemble des radios. Cette tendance semble irréversible, en l absence d un accord interprofessionnel propre à l enrayer, ou, à défaut, de l intervention de l autorité publique. Non seulement, elle met à mal l envie des auditeurs d accéder à davantage de titres diffusés, mais elle prive également les artistes de la possibilité de se faire connaître par le grand public. A terme, cette tendance est porteuse de régression pour la création musicale. A cet égard, force est de constater que le récent aménagement des quotas radiophoniques auquel le Parlement a procédé l an dernier n a rien réglé. 7

Afin de rétablir un nouveau point d équilibre dans les rapports entre la filière musicale et les radios, s agissant des conditions d exposition et de promotion des enregistrements phonographiques à la radio, les conclusions du groupe de travail, présidé par Eric BAPTISTE, Secrétaire Général de la CISAC, issu de la concertation menée entre mai et novembre dernier entre les Producteurs de phonogrammes, les éditeurs de musique et les radios, préconisent la signature d un code de déontologie ou de bonne conduite entre les différentes parties. Bien qu il faille, malheureusement, se montrer relativement circonspect sur les chances de parvenir à un tel accord, la démarche proposée dans ce rapport va dans le sens des préconisations de l UPFI : tenter de résoudre les problèmes par la voie de la négociation contractuelle. C est la raison pour laquelle, l UPFI va demander conjointement au Président du CSA et à la Ministre de la Culture et de la Communication, de réunir, de nouveau, les parties afin de parvenir à un accord interprofessionnel. Toutefois, l UPFI n acceptera de participer à une négociation interprofessionnelle que si celle-ci intervient dans les plus brefs délais, dans la mesure où le groupe de travail a d ores et déjà formulé un constat clair de la situation et proposé des mesures correctives fondées principalement sur la pérennisation de la concertation et de l autorégulation organisée. De ce point de vue, il est tout à fait réaliste d envisager qu une négociation débute au plus tard en mars prochain pour se terminer avant l été 2002. Comme cela figure dans les conclusions du rapport du groupe de travail, il sera nécessaire de profiter du prochain renouvellement général des autorisations des radios en 2004, pour introduire dans les conventions des opérateurs un ensemble de critères objectifs portant sur la programmation musicale et la contribution à sa diversité. Si les radios et les producteurs parviennent à se mettre d accord, notamment sur un système de plafonnement des rotations et sur un nombre de titres minimum que les radios s engagent à diffuser, il serait logique et souhaitable que ces engagements soient repris dans les nouvelles conventions que les radios négocieront en 2004. De leur côté, les producteurs devront s engager à consentir les investissements propres à permettre de maintenir à son plus haut niveau, en terme de volume, la production musicale au plan national. A défaut d accord interprofessionnel, le législateur devra intervenir pour assurer les conditions d une programmation plus diversifiée. A l exception des quotas, la loi du 30 septembre 1986 modifiée ne contient aucune disposition précise qui assortisse le renouvellement des autorisations d émettre d engagements propres à assurer le respect de la diversité et du pluralisme en matière de programmation musicale de la part des radios. 8

L UPFI propose de rajouter un troisième alinéa à l article 28 de la loi de 1986, ainsi rédigé : La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants : 3 Les dispositions propres à assurer, dans le respect de la programmation musicale des services de radiodiffusion sonore autorisés par le CSA, des garanties en matière de diversité et de pluralisme dans le nombre de titres musicaux diffusés, y compris aux heures d écoute significatives. L UPFI propose que le pluralisme musical de la programmation d une radio soit mesuré simultanément par deux chiffres : - Le taux de rotation hebdomadaire moyen (total des titres différents / total des diffusions de titres). Mais ce chiffre seul ne suffit pas car ce n est l intérêt ni des maisons de disques, ni des radios de diffuser faiblement un grand nombre de titres. - La part dans le total de la diffusion des 40 titres les plus diffusés chaque semaine. La diminution de ce pourcentage provoquerait de façon mécanique un élargissement des playlists. En conséquence, il appartiendrait au CSA de prendre l initiative de demander aux radios de s interdire de recourir à un taux de rotation hebdomadaire moyen supérieur à un niveau qui serait à déterminer et de limiter strictement la diffusion hebdomadaire des 40 titres les plus diffusés (en part de la diffusion totale de musique). Ces mesures devront, en toute hypothèse, faire l objet d une étude de préfiguration en concertation avec les radios. Face aux radios privées qui s opposent à toute mesure de régulation en invoquant le principe de liberté de communication, l UPFI rappelle que les fréquences hertziennes appartiennent au domaine public et font l objet d une occupation privative en contrepartie d obligations dont le principe est parfaitement légitime. Diversifier le paysage radiophonique musical en facilitant le développement des radios qui jouent le plus le rôle de découvreurs de talents. Le CSA doit favoriser, de façon naturelle, les radios et les réseaux qui jouent le plus le jeu de la diversité en matière de programmation musicale. Comme indiqué ci-dessus, la diversité doit pouvoir se mesurer au travers du nombre de titres différents, diffusés et de leur rotation. De même, le CSA doit être attentif à l équilibre du paysage radiophonique musical en veillant à ce que tous les genres musicaux soient accessibles aux auditeurs. Cela n a pas toujours été le cas. En effet l on a assisté, au milieu des années 90, à une multiplication des radios golds et adultes, sans que le CSA y ait trouvé à redire (RFM, Chérie FM, Nostalgie, MFM). 9

C est pourquoi il est essentiel que le CSA favorise l émergence de réseaux radiophoniques à destination d un public jeune, fortement consommateur de musique, à condition, bien évidemment, que ces radios jouent la carte de la diversité. Au delà, le CSA doit favoriser le développement des radios qui jouent véritablement le jeu du pluralisme musical. Ainsi, il serait vivement souhaitable de voir émerger des radios de format rock, techno, dance, world ou jazz sous la forme de réseaux multivilles, par exemple. Les producteurs se réjouissent de voir que le CSA s attache à privilégier le développement des formats nouveaux à l occasion des récents appels à candidatures (autorisations délivrées à Radio FG et à Radio Nova en catégorie D dans plusieurs villes). Le service public doit mieux incarner la défense et la promotion de toutes les musiques. Parce que les radios publiques poursuivent, par définition, une mission de service public, celles-ci devraient défendre avec force les notions de diversité culturelle et de pluralisme en matière de programmation musicale. C est encore le cas aujourd hui avec France Inter, Fip ou Le Mouv, encore que l on puisse regretter une tendance au formatage et à la réduction du nombre de titres diffusés (cf l introduction de la notion de playlist dans la programmation de France Bleue et l exposition de plus en plus réduite des artistes français sur l émission Jazz à Fip). Le Mouv, qui s est résolument positionné sur un format Pop-Rock, constitue une véritable offre alternative en matière de programmation musicale, en direction d un public jeune. L UPFI se prononce en faveur du déploiement du réseau Le Mouv sur l ensemble du territoire français à condition que celui-ci ne se fasse pas au détriment du développement nécessaire d un certain nombre de radios privées. 10

2. Assurer une meilleure exposition de la musique et des variétés à la télévision En apparence, jamais l offre musicale à la télévision n a été aussi importante et diversifiée qu aujourd hui, mais au prix d une exposition très contrastée : certes, il n y a jamais eu autant de télévisions musicales, mais elles ne touchent qu un public très restreint alors que les chaînes généralistes jouent de moins en moins le rôle de promotion des nouveaux talents ou d exposition des nouveaux courants musicaux. Pour mieux affirmer la présence de la musique à la télévision, l UPFI préconise d agir dans les directions suivantes : Renforcer les obligations du service public (France 2, France 3, La Cinquième), maintenir les obligations de M6 en matière de programmation musicale, favoriser le développement de la musique sur le numérique hertzien et renforcer les dispositifs existants en matière de financement d émissions musicales. 11

a) Le constat : Un bref survol des conclusions d une étude réalisée par le CSA en janvier 2000, sur la place de la musique à la télévision depuis le début des années 1990 (cf La Lettre du CSA), met en évidence les tendances de fond suivantes : Les émissions musicales à la télévision ont longtemps constitué l un des pôles les plus fédérateurs en termes d audience. Cette position s est progressivement réduite alors que se développait, à partir des années 90, une offre thématique musicale dont la croissance a été accélérée avec, en 1996, l arrivée des bouquets numériques Canal-Satellite et TPS. Cette segmentation de l offre musicale en télévision est comparable au phénomène qu a connu le secteur radiophonique dans les années 1980 avec l ouverture de la bande FM aux radios privées. La télévision subit les conséquences de ce phénomène, ce qui explique les difficultés croissantes auxquelles se trouvent confrontées, aujourd hui, les chaînes hertziennes généralistes. Celles-ci continuent à rechercher aux heures de grande audience des programmes musicaux fédérateurs, alors que l industrie du disque, soucieuse de prendre en compte la segmentation des goûts musicaux, produit moins d artistes capables de réunir plusieurs générations devant le petit écran. Le décalage de plus en plus important constaté entre l offre des éditeurs et la demande des diffuseurs hertziens renvoie à des conflits d intérêts économiques, voire à des politiques commerciales antagonistes, alors même que les chaînes hertziennes sont encore considérées par les producteurs phonographiques comme un des vecteurs essentiels de la promotion du disque. Cette «vitrine» incontournable que représente la télévision concentre la majeure partie des investissements publicitaires de l édition phonographique : 70 % en 1999 (répartis à proportion de 42 % sur TF1 et 34,6 % sur M6). En 2000, l offre musicale représentait 6,9 % de l offre globale des programmes hertziens (contre 8,3 % en 1990) dont 1 % dédié à la musique classique et 5,9 % aux musiques actuelles Reléguées aux tranches horaires d après minuit, les émissions régulières sur le Jazz ou la musique classique qui recueillent de faibles audiences, relèvent fortement de la programmation contrainte liée au respect des obligations réglementaires. Les variétés se sont raréfiées dans le cadre de la rationalisation des coûts de grilles et du constat de l érosion de leur audience, au profit d autres formes de divertissements à caractère musical. TF1 présente la diminution la plus marquante, passant de 279 heures à 27 heures entre 1990 et 2000. France 2 a connu un phénomène inverse (326 heures en 2000). M6, malgré son format à dominante musicale, ne possède qu un seul programme régulier relevant du genre : «Graines de Stars». Ce genre n est pas représenté sur les autres chaînes thématiques musicales. 12

Les vidéomusiques ont constitué, sur la période, un élément de programmation minoritaire des chaînes généralistes hertziennes. M6 diffuse en moyenne 97 % des vidéomusiques proposées sur l ensemble de ces chaînes mais a considérablement diminué son offre en volume horaire entre 1990 et 2000 au profit de programmes construits à dominante musicale, sans réduire pour autant le nombre de titres proposés. En revanche, sur les chaînes thématiques, de musiques actuelles, les vidéomusiques constituent en moyenne plus de 50 % de la programmation et sont généralement proposées sous la forme de programmes dédiés à un genre musical (on peut prendre pour exemple le découpage thématique des programmes de vidéomusiques proposés par MCM : Total Rap, MCM Tubes, Total Club, Total Electro, Total Groove, Total Rock, Total Métal). b) Les propositions : Renforcer les obligations du service public (France Télévision). A regarder la part consacrée à la musique sur France Télévision, on en vient à se demander si celle-ci a encore sa place sur le service public ou si ce dernier ne joue plus son rôle dans ce domaine. Il est vrai que les obligations musicales définies dans le cahier des charges de France 2 et de France 3 sont extrêmement succinctes. A partir de ce constat mille fois formulé, il est temps que le Gouvernement renforce sérieusement les obligations de France 2 et de France 3 en matière de programmation d émissions musicales et de variétés. La refonte du cahier des charges de France Télévision, prévue pour l année 2002, est l occasion où jamais de définir la place que doivent occuper les émissions musicales sur France 2, France 3 et La Cinquième. L UPFI souhaite que des engagements précis soient définis non seulement en terme de volume de diffusion annuelle, de présence minimale des émissions de variétés, de classique et de jazz, concernant la part occupée par les documentaires et les émissions de flux, ainsi que la place consacrée à la musique aux heures d écoute significatives, mais également en matière de dépenses et d investissements consacrés à la production et à l achat d émissions musicales. Toutefois, l UPFI est résolument disposée à ouvrir une concertation avec France Télévision afin de s accorder sur des objectifs précis auxquels France 2, France 3 et La Cinquième pourraient s engager de façon pluriannuelle en matière de programmation musicale sur leurs antennes. Maintenir les obligations de M6 en matière de programmation musicale. Sur ce point, l ensemble des acteurs de la filière musicale sont unanimes : le rôle joué par M6 en matière d exposition de la musique est primordial. Il est donc hors de question d envisager la moindre révision à la baisse des engagements de M6 en matière de programmation musicale tant que la profession et le public ne disposeront pas d une fenêtre de diffusion équivalente à M6. 13

Affirmer la nécessité d une présence forte de la musique sur le numérique hertzien. L appel aux candidatures pour la délivrance d autorisations d émettre à des chaînes émettant en numérique terrestre va permettre de redéfinir le paysage audiovisuel musical. Pour les producteurs de phonogrammes, il est indispensable que la musique, qui reste le premier loisir des jeunes, occupe toute la place qu elle mérite sur le numérique hertzien : non seulement par la présence d au moins une chaîne musicale, voire deux (à condition, étant donné l équation économique redoutable du numérique hertzien, que l une soit diffusée gratuitement, et l autre par abonnement), mais également par une exposition minimale de la musique et des variétés sur les autres chaînes qui seront nouvellement autorisées. C est pourquoi, l UPFI a adressé un courrier à Dominique BAUDIS, Président du CSA, pour lui indiquer que les représentants de l industrie musicale souhaitent être entendus par le CSA sur la place de la musique dans le numérique hertzien et participer ainsi à ce débat afin d y prendre toutes leurs responsabilités. En tout état de cause, il est fondamental que la délivrance d une autorisation d émettre soit subordonnée au respect, par le ou les opérateurs qui seront désignés par le CSA, des principes essentiels de diversité et de pluralisme en matière de programmation musicale. L UPFI a ainsi attiré l attention du Président du CSA sur la nécessité de ne pas aggraver le phénomène de concentration déjà constaté au sein des médias musicaux au regard de l occupation de l espace public du numérique hertzien par le ou les opérateurs qui seront choisis par le CSA. Les Producteurs de phonogrammes seront extrêmement vigilants quant à la prise en compte de ce critère par les membres du CSA. Enfin, l UPFI estime indispensable, que la musique occupe une part d antenne plus ou moins importante s agissant d un grand nombre de chaînes thématiques qui auront vocation à émettre en numérique terrestre. C est ainsi que la musique a toute sa place sur La Cinquième, chaîne éducative par excellence, mais aussi sur une chaîne de cinéma où une émission régulière pourrait être consacrée à l histoire des bandes originales de films ou bien à l actualité de la musique au cinéma. Renforcer les dispositifs existants en matière de financement d émissions musicales. Un dispositif plus incitatif en faveur des émissions et documentaires musicaux dans la gestion du compte de soutien de l industrie des programmes audiovisuels (COSIP) pourrait être développé. Le FCM, qui gère déjà deux programmes d aides en faveur de l audiovisuel musical, pourrait ainsi jouer un rôle de guichet central dans ce domaine, en liaison avec le CNC. 14

De plus, il y a lieu de s interroger sur les critères d attribution des aides du CNC aux programmes musicaux quand on sait que l émission Popstars a bénéficié du soutien financier de cet organisme alors que le programme court «CD Aujourd hui», qui permet d exposer au public des artistes professionnels, ne bénéficie d aucune aide. Musique et télévision : l exemple de la musique classique La revue Diapason a publié, en octobre 2001, une enquête sur la présence de la musique classique à la télévision. Il ressort de cette étude que, si jamais la télévision n a autant filmé la musique classique, jamais non plus, elle ne l a, à ce point, enfermée dans de petites cases. En volumes horaires, le temps consacré à la musique classique ne s est pas réduit au cours des 20 dernières années. Près de 350 heures de concerts, opéras, ballets, documentaires et magazines sont diffusés en France chaque semaine. En éliminant les rediffusions et multidiffusions, on approche encore les 50 heures hebdomadaires de programmes frais. Mais, comme l offre télévisuelle a elle-même été multipliée par près de 100 en 20 ans, le pourcentage représenté par la musique classique doit être en légère régression. D autre part, 95 % de cette offre est le fait des chaînes thématiques Mezzo et Muzzic (aujourd hui fusionnées), reçues aujourd hui par moins de 4 % de la population française. A ce titre, il est juste de dire que la part accordée au classique par les chaînes présentes dans la majorité des foyers a fondu probablement des deux tiers. Ce sentiment de disette est aggravé par la mauvais exposition des programmes à des heures très tardives. (Source : Diapason octobre 2001). 15

3. Lutter contre les dérives consécutives à l intégration verticale de la filière musicale La concentration verticale au sein de la filière musicale, c est à dire l investissement des diffuseurs dans la production phonographique est un grave sujet de préoccupation pour l ensemble des producteurs traditionnels. La promotion, par les chaînes de télévision, des disques qu elles produisent ou coproduisent est au cœur de cette question. Les synergies «antenne-produit-distribution» développées par les diffuseurs-producteurs doivent faire l objet d un encadrement juridique afin de limiter les effets pervers de l intégration verticale au sein de la filière musicale. Pour y parvenir, ou bien les diffuseurs et les producteurs parviennent à conclure un code de bonne conduite permettant de réguler les pratiques constatées, ou bien le législateur devra intervenir pour interdire à un diffuseur d exercer l activité de producteur phonographique. 16

a) Le constat : Depuis 1988, l on voit se multiplier la création de filiales de production musicale de la part des diffuseurs : ce phénomène a commencé par la télévision (création de Une Musique en 1988, puis de France Télévision Distribution et de M6 Interactions dans le courant des années 90) pour s étendre, aujourd hui, aux radios (création de NRJ MUSIC en 1999, RTL Interactions en 2001). Les problèmes posés par l émergence de ces nouveaux acteurs sont de divers ordres : - Indépendamment de leur activité de producteur, ces sociétés ont pour vocation de conclure des partenariats avec les producteurs de disques (opérations d été, promotion d albums via des campagnes publicitaire, etc ). En contre partie de leurs apports, les producteurs-diffuseurs ont tendance à se faire rémunérer sous forme de royalties sur la vente de disques (accords au rendement). Critiqués par une grande partie de la profession pour les pressions qu ils exercent sur les maisons de disques à l occasion de la négociation de ces accords, les producteurs-diffuseurs se défendent en excipant du fait que les accords au rendement sont avantageux pour les Producteurs Indépendants qui n ont pas les moyens de promouvoir un album par le biais d une campagne publicitaire à la télévision, limitant ainsi leur prise de risque. - Les producteurs-diffuseurs profitent des meilleures conditions tarifaires qu offrent les chaînes de télévision pour accéder aux écrans publicitaires mais également des bandes annonces promotionnelles dont l espace est mis largement à leur disposition sans compter l exposition de leurs artistes sous forme de vidéoclip ou de prestations dans l une ou l autre des émissions de variétés qu elles diffusent. Cet accaparement de l espace tant au niveau publicitaire que de l antenne de la part des producteurs-diffuseurs n a, jusqu à présent, fait l objet d aucune remontrance de la part du CSA ou du Conseil de la Concurrence. La seule injonction faite par le CSA, dans ce domaine, a concerné la durée d un clip produit par Une Musique et diffusé sur TF1, dans le cadre d une opération d été. Le CSA a demandé à TF1 de ne pas diffuser ce clip en dessous de 30 secondes pour éviter toute assimilation à un message publicitaire. Les avantages dont disposent les producteurs affiliés à un diffuseur national sont tellement considérables qu aucun Producteur Indépendant, voire aucune Major, n est de taille à rivaliser avec eux. A telle enseigne que certains parlent même d un phénomène de concurrence déloyale à leur égard. Soyons clairs. Le rôle des producteurs a toujours été de développer des carrières d artistes. De leur côté, les médias jouent un rôle essentiel dans la promotion et dans l exposition des artistes. Les uns et les autres sont donc tout naturellement des partenaires complémentaires. Malheureusement, la volonté à peine déguisée de certains médias d occuper dorénavant une position de référence dans la production phonographique dans le seul but d optimiser leurs profits grâce à une politique de produits dérivés, est en passe de déséquilibrer complètement la filière musicale. Plusieurs entreprises indépendantes sont aujourd hui menacées directement dans leur existence par cette stratégie de diversification menée à une échelle quasi-industrielle par certains diffuseurs-producteurs. 17

L exemple le plus récent est fourni par la sortie des albums et des singles issus des émissions Star Academy et Popstars. A eux deux, les singles enregistrés dans le cadre de ces deux émissions ont représenté, sur la première partie du mois de décembre 2001, 38 % des ventes de singles en France, prenant ainsi une place considérable sur le marché du disque au détriment de l ensemble des productions faisant l objet d un réel travail de développement artistique et de promotion de la part des maisons de disques. b) Les propositions : La promotion par les chaînes de télévision des disques qu elles produisent, coproduisent ou exploitent doit faire l objet d un encadrement juridique afin de limiter les effets pervers de l intégration verticale diffuseur/producteur. L UPFI propose de conclure un accord interprofessionnel entre les organisations professionnelles représentatives des producteurs et chacun des diffuseurs/producteur concerné. Ce code de déontologie permettrait d encadrer et de limiter la place qu occupent aujourd hui les enregistrements produits ou coproduits par les diffuseurs. A défaut, il serait souhaitable que le législateur intervienne et interdise à un service de communication audiovisuel, public ou privé, soumis à autorisation préalable, bénéficiant d une desserte nationale, de détenir directement ou indirectement une participation dans une entreprise de production phonographique ou d édition musicale et d exercer ainsi une telle activité. Rappelons, sur ce point, que dans le passé, quand ils l ont jugé nécessaire, les américains n ont pas hésité à obliger les Majors du cinéma à choisir entre leurs films et leurs salles, puis interdit aux réseaux de produire les programmes qu ils diffusaient. 18

4. Renforcer la diversité dans la distribution du disque Face à un réseau de distribution qui se réduit comme une peau de chagrin, et dont la tendance est à la réduction du nombre de références proposées au consommateur, il convient d innover dans la distribution du disque. Il est encore possible de créer de nouveaux disquaires, à condition de remplir certaines conditions. Il est également possible d assurer la présence d une offre limitée et spécialisée de disques dans d autres circuits de distribution. Au delà, les conditions de mise en œuvre de la loi Galland sur l interdiction de revente des disques à des prix abusivement bas doivent être sérieusement révisées. 19

a) Le constat : A l heure actuelle, les sociétés françaises de Production et de Distribution Indépendantes sont arrivées aux constatations suivantes : Les disquaires indépendants ont quasiment disparu. Ils étaient 2000 en 1979, ils sont 150 à 200 aujourd hui. Ces chiffres indiquent l ampleur de la concentration de la distribution. La production des labels indépendants est pratiquement absente des grands réseaux radiophoniques, ce qui a pour conséquence d interdire l accès des disques concernés aux réseaux de la grande distribution (hypermarchés, supermarchés, etc ). Le nombre de magasins avec lesquels travaillent le plus régulièrement les labels indépendants (producteurs et distributeurs) se limitent à une centaine de points de ventes (magasins FNAC, Virgin-Extrapole, Starter ). De plus, certaines chaînes auxquelles appartiennent ces magasins réduisent de plus en plus la surface de vente consacrée au classique et au jazz, tout en mettant en place une gestion des stocks qui réduit le nombre de références présentes dans les magasins. La situation actuelle due à la concentration de la programmation musicale dans les radios et au faible nombre de points de ventes spécialisés en France, place les Indépendants dans une situation économique critique et risque de conduire, à terme, à la marginalisation puis à la disparition de la Production et de la Distribution Indépendantes en France. b) Les propositions : Quelles sont les mesures à prendre pour améliorer la distribution du disque en France et, singulièrement, l exposition de la Production Indépendante? Innover dans la distribution du disque en France. Une étude récente réalisée par le CREDOC, pour le compte du Ministère de la Culture, ouvre un certain nombre de pistes intéressantes. Tout d abord, cette étude expose, d une façon générale, les évolutions de fond de la consommation et de la distribution : - Mouvement d individualisation de la consommation : Avènement du surmesure de masse. - Personnalisation de la consommation : au delà du consommateur, nécessité de toucher l individu singulier. - Développement de la relation de service qui structure le monde de la consommation. - Vieillissement de la population qui a un impact sur le marché du disque. - Interaction entre ce qui relève du global et du local. - Poids croissant de l immatériel dans la structure de consommation. - De nouveaux rapports à l espace et au temps (impact des 35 heures). 20

Ces tendances de fond font peser un double défi à la distribution, en particulier à la grande distribution : - Nécessité de faire face à l épuisement des concepts traditionnels. - Répondre aux mutations de la consommation. En «front office», l on constate des innovations dans : - La segmentation des clientèles et des marchés : c est la reconnaissance de la segmentation et de la demande. - L exploitation des seconds marchés délaissés jusque là : c est la redécouverte du potentiel du centre ville. En «back office» : - Innovation dans l organisation et la logistique : vers une logistique de flux tendus - Innovation dans les relations avec les fournisseurs : évolution vers des relations partenariales. A partir de ces constats, le CREDOC préconise d améliorer l exposition des Productions Indépendantes sur la base des recommandations suivantes : (1) Re-innover dans les circuits des disquaires traditionnels. (2) Développer des circuits alternatifs aux réseaux traditionnels. (3) Renforcer la présence des Productions Indépendantes dans les GSA (Grandes Surfaces Alimentaires). (1) Ré-innover dans les circuits des disquaires traditionnels : Il est encore possible, selon le CREDOC, de créer de nouveaux points de ventes à condition de respecter un certain nombre de règles fondamentales : - Développer, au travers de ces magasins, une approche «communautaire» grâce à une offre cohérente et ciblée des styles musicaux généralement mal traités dans les grands réseaux. - Développer une approche très sélective dans la localisation géographique des magasins : favoriser une présence dans l hypercentre des grandes agglomérations. - Assurer la viabilité du modèle par l obtention de conditions favorables de la part des distributeurs et par une minimisation des stocks et des retours. A cet égard, le CREDOC préconise le développement d une politique de soutien aux disquaires indépendants : - par l octroi de remises qualitatives, - par l allongement de la durée du crédit-fournisseur, - par l ajustement de l offre à la spécificité de la clientèle. 21

(2) Il est tout à fait possible d assurer la présence d une offre limitée et spécialisée de disques dans d autres circuits de distribution : Le CREDOC identifie deux types de circuits avec lesquels les Producteurs Indépendants pourraient travailler : - Les librairies, les musées ainsi que les salles de spectacles, - Les enseignes de la distribution non alimentaire qui représentent un potentiel de développement important. La réussite de cette diversification passe par le respect de certaines conditions : - Nécessité d implanter des «corners», des présentoirs, des bornes d écoute ou encore des écrans vidéo dans les magasins. - Offrir une sélection limitée et parfaitement étudiée par rapport à l univers de chacune des enseignes de la distribution non alimentaire potentiellement intéressées. - Etudier toutes les opérations de partenariat. - Opérer une mutualisation des moyens entre producteurs Indépendants afin d abaisser au maximum les coûts logistique et de distribution. Le CREDOC estime, enfin, qu il serait souhaitable d implanter des bornes d écoute dans les cafés afin de favoriser la consommation de musique, la découverte d artistes et l achat d impulsion. (3) Renforcer la présence des catalogues indépendants en GSA en s appuyant sur la volonté de certaines enseignes de développer le rayon disques : Selon le CREDOC, les conditions à réunir sont les suivantes : - Nécessité d aborder les centrales d achat en ordre groupé. - Effectuer une sélection rigoureuse de l offre. - Améliorer la logistique de la distribution indépendante. Renforcer la loi Galland sur les prix abusivement bas. En ce qui concerne le prix unique du disque, une occasion a été manquée au début des années 80 et le contexte actuel n est plus favorable à une telle mesure. L idée d imposer un coefficient de marge minimale sur les nouvelles productions a été débattue dans les années 90. Elle a été rejetée par les Pouvoirs Publics en raison d un risque d éviction d une partie du public. La Loi Galland qui interdit aux détaillants de revendre des disques à des prix abusivement bas est totalement inefficace car les conditions de mise en œuvre de ce texte sont très difficiles à réunir. Faute d instaurer un système de prix minimum, l UPFI souhaite un renforcement de la loi sur les prix abusivement bas et une simplification des conditions de mise en œuvre de ce texte, notamment par la suppression de la nécessité de prouver un effet d éviction du marché. 22

Améliorer les mécanismes d aides à la distribution de détail. L Etat doit faciliter les possibilités de collaboration entre les producteurs de disques et les librairies. Le dispositif du FESAC, qui ne fonctionne pas de façon satisfaisante, doit être sérieusement amélioré si l on veut faciliter la création de nouveaux points de ventes. Au delà, le rapport sur l économie du disque, publié en 1999, avait souligné l intérêt qu il y aurait à ce que les DRAC, qui aident déjà les librairies, puissent être autorisées à subventionner des projets incitant les librairies à élargir leurs activité à la vente de phonogrammes. 23

5. Empêcher que le marché émergent de la musique en ligne soit verrouillé au profit de deux grands opérateurs En dépit des promesses du marché de la musique en ligne, la constitution d un duopole, au travers de Pressplay et de MusicNet, risque d éliminer toute forme de concurrence effective en matière d offre de contenus musicaux en ligne. C est la raison pour laquelle il est impératif que la Commission Européenne prévienne tout risque de concentration incompatible avec le marché commun concernant l exploitation de la musique sur les réseaux en ligne et qu elle établisse des règles de concurrence propres à assurer un accès équitable à tous les fournisseurs de contenus. 24

Tous les analystes s accordent à considérer que la révolution numérique va bouleverser profondément l industrie du disque, au même titre, sinon davantage, que les autres industries culturelles, car la musique enregistrée se prête parfaitement à toutes les formes d utilisation immatérielle. Cette révolution numérique constitue une chance pour l industrie du disque. Pour les créateurs, auteurs et artistes, elle offre la possibilité de nouveaux débouchés et de nouvelles sources de revenus. Pour les Producteurs Indépendants, en particulier, elle offre la possibilité d améliorer la distribution de leurs enregistrements et d accéder à un marché extrêmement large. Plus précisément, la possibilité d atteindre des publics de plus en plus diversifiés et lointains, la diminution des coûts de distribution offerts par la dématérialisation des supports ou encore la possibilité d offrir des contenus spécifiques à des groupes très ciblés constituent une chance extraordinaire pour les Producteurs Indépendants de s affranchir pour partie des goulots d étranglement auxquels ils sont confrontés dans le marché traditionnel. Mais le risque de concentration rapide des tuyaux et l assujettissement des contenus à ces mêmes tuyaux, avant même le décollage réel du commerce électronique sur Internet dans le domaine de la musique enregistrée, constituent une réelle menace pour le pluralisme de la création, de la production et de la distribution de la musique enregistrée. De ce point de vue, la constitution d un duopole, au travers de Pressplay et de MusicNet, risque d éliminer toute forme de concurrence effective en matière d offre de contenus musicaux en ligne. Comme cela a été souligné en conclusion du colloque sur «les industries culturelles et la révolution numérique» qui s était tenu les 11 et 12 septembre 2000 à Lyon, il faut faire en sorte que la révolution numérique serve la diversité culturelle. Lors du colloque qui s était déroulé le 20 juin 2001 à l Assemblée Nationale, le Député Patrick BLOCHE avait, de son côté, souligné que la concentration du marché de la musique en ligne posait des problèmes au moins aussi importants, sinon davantage, que les questions liées à la piraterie ou à la responsabilité des hébergeurs ou des fournisseurs d accès. Les distributeurs-détaillant de musique en ligne (Fnac.com, Vitaminic, ) et les Producteurs Indépendants sont ainsi confrontés au même problème. Les premiers rencontrent d énormes difficultés pour avoir accès aux catalogues de Majors Companies, qui refusent bien souvent de négocier tout accord de licence, empêchant ainsi ces enseignes de développer leur offre musicale en ligne auprès des consommateurs. Les seconds se voient proposer des conditions financières totalement inéquitables de la part de Pressplay sur le plan contractuel. C est la raison pour laquelle il est impératif que la Commission Européenne prévienne tout risque de concentration incompatible avec le marché commun concernant l exploitation de la musique sur Internet et qu elle établisse des règles de concurrence propres à assurer un accès équitable à tous les fournisseurs de contenus sur Internet. L UPFI et IMPALA ont ainsi saisi la Direction Générale de la Concurrence de la Commission Européenne pour lui demander de vérifier si le développement des plateformes Pressplay et MusicNet ne contrevient pas au droit européen de la concurrence et n est pas constitutif d un abus de position dominante. 25

6. Supprimer la discrimination dont le disque est victime par rapport aux autres biens culturels en réduisant le taux de TVA applicable au disque Les produits culturels doivent bénéficier du même taux de TVA, soit 5,5 %, pour la France. La Directive Européenne sur la fiscalité va être réexaminée au cours de l année 2002. C est, de nouveau, l occasion pour la filière musicale, de saisir la Commission Européenne afin d aboutir, enfin, à une solution positive. 26