12 EMES JOURNEES NATIONALES



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Transcription:

Rie ku 12 EMES JOURNEES NATIONALES POUR LA PREVENTION DU SUICIDE «Addiction et suicide» Dossier de presse Février 2008 Contacts Presse : Ogilvy PR Caroline Hirsbein Frommer - Tél : 01 53 67 12 64 caroline.hirsbein@ogilvy.com Alexandre Milétitch Tél : 01 53 67 12 81 alexandre.miletitch@ogilvy.com Union Nationale pour la Prévention du Suicide 4-6, place de Valois 75001 Paris Tél : 01 40 20 43 04 Fax : 40 20 43 34 www.infosuicide.org - unps@wanadoo.fr

SOMMAIRE I 12 ANNEES DE COMBAT POUR LA PREVENTION DU SUICIDE ET AUJOURD HUI?.p 4 1 - La prévention du suicide en France : une question de santé publique Le suicide en France : état des lieux 1993 2005 : les faits marquants Les hommes, premières victimes du suicide Une souffrance invisible trop souvent ignorée 2 - L engagement de MACIF Prévention II 2008 : ADDICTION ET SUICIDE, OU FEDERER POUR MIEUX PREVENIR..p 10 1 - Addiction et suicide : un rapprochement nécessaire Addictions et suicide : des problématiques communes aux différents acteurs sur le terrain Mutualiser les compétences pour mieux accompagner les patients et faire reculer le suicide en France 2 - Les comportements addictifs, symptomatiques de l évolution de notre société Les facteurs de risques menant à des comportements addictifs Des comportements addictifs et suicidaires différents selon l âge III LES JNPS 2008 (A PARTIR DU 5 FEVRIER)... p 17 1 - Quand la prévention va à la rencontre du grand public 2 - Le colloque des 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide à Paris IV LES ENGAGEMENTS APRES FEVRIER 2008.... p 20 ANNEXES.... p 21 2

«Envie de la vie» Refuser la fatalité du suicide Après une baisse continue pendant les années 1990, le nombre de décès par suicide ne diminue plus. En 2005, le suicide a de nouveau occasionné plus de 10 000 morts en France. Notre préoccupation est d alerter l opinion et les pouvoirs publics sur la nécessité de poursuivre les efforts de prévention des conduites suicidaires. Car le suicide doit être pris en compte collectivement et ne se résume pas à un acte individuel : lorsqu une personne met fin à ses jours, son entourage la fratrie, les parents et les amis - en subit également l onde de choc dévastatrice. A l occasion des 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide, nous avons voulu montrer que le suicide n arrive pas qu aux autres et qu il n a rien d un comportement marginal. En partenariat avec des associations de prévention des addictions, nous nous mobilisons collectivement cette année autour du thème «Addiction et suicide». Avec une idée en tête : souligner que le risque suicidaire se cache parfois derrière bien des conduites qui peuvent paraître banales voire festives, en famille, entre amis ou au travail. Que la consommation excessive d alcool et de drogue n est jamais anodine. C est également l occasion de dénoncer le manque d études et de recherche sur le lien entre suicide et addiction. Principale explication : la mort par suicide n intéresse pas la direction des hôpitaux, qui considère que la médecine légale ne relève pas de ses attributions. On ne connaît généralement pas le statut toxique immédiat des personnes décédées par suicide, ni leur degré chronique de consommation. En un mot, on ne se donne pas les moyens de mieux connaître le rôle des produits psycho actifs dans le passage à l acte suicidaire. De ce fait, le sujet reste tabou pour l opinion et les pouvoirs publics. C est pourquoi je me félicite de l opération «Message pour la Vie» organisée dans l espace public pour la première fois cette année avec Macif Prévention : elle permettra aussi aux personnes en difficultés d exprimer leur malaise. Nous comptons donc aussi sur vous, journalistes et relais d opinion, pour porter notre message auprès de la population et des pouvoirs publics. Car la prévention du suicide, audelà du rôle des professionnels et des associations, dépend aussi de chacun de nous. PROFESSEUR MICHEL DEBOUT Président de l Union Nationale pour la Prévention du Suicide 3

I 12 ANNEES DE COMBAT POUR LA PREVENTION DU SUICIDE ET AUJOURD HUI? 1 - LA PREVENTION DU SUICIDE EN FRANCE : UNE QUESTION DE SANTE PUBLIQUE Le suicide en France : état des lieux La France est l un des pays industrialisés les plus touchés par le phénomène du suicide. Avec plus de 10 000 décès par an en France, le suicide est la première cause de mortalité chez les 35-44 ans, et la deuxième cause chez les 15-24 ans. Ces chiffres, déjà considérables, ne prennent cependant pas en compte les suicides «déguisés» en accidents chutes et accidents de la route notamment. Chaque année, le Service d Information sur les Causes Médicales de Décès de l INSERM produit et publie la statistique des causes des décès en France. Les dernières données analysées à ce jour sont celles de l année 2005, dont voici les principaux chiffres : Total des décès par suicide : 10 713 - Hommes : 7 829 73% du total des suicides - Femmes : 2 884 27% du total des suicides Tranche d âge de 15 à 24 ans : 567 (5,3% du total des suicides) - Hommes : 439 (4,1% du total des suicides 5,6% des suicides masculins) - Femmes : 128 (1,2% du total des suicides 4,4% des suicides féminins) Tranche d âge de 30 à 59 ans : 6 478 (60,5% du total des suicides) - Hommes : 4 774 (44,6% du total des suicides 61% des suicides masculins) - Femmes : 1 704 (15,9% du total des suicides 59% des suicides féminins) Tranche d âge plus de 60 ans : 3 639 (33,9% du total des suicides) - Hommes : 2595 (24,2% du total des suicides 33,1% des suicides masculins) - Femmes : 1044 (9,7% du total des suicides 36,1% des suicides féminins) Pour les moins de 15 ans, 29 décès par suicide ont été enregistrés en 2005. Pour les 25-29 ans, 435 décès ont été dénombrés. 4

1993 2005 : les faits marquants Alors que les chiffres des décès par suicide ont régulièrement baissé de 1993 à 1999, grâce notamment à la mobilisation des professionnels et des bénévoles pour la prévention du suicide et à l émergence de la question du suicide au sein du débat public, on observe depuis 2000 une stabilisation du nombre des décès par suicide autour de 10 500. Evolution des décès par suicide 1993-2005 12500 12000 11500 11000 10500 10000 9500 9000 12251 10713 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Nombre de décès par suicide Toutes les catégories de population ne sont pas égales face au phénomène du suicide (voir graphiques suivants, «Evolution du suicide de 1993 à 2005 par tranche d âge» et «Taux de décès par suicide hommes/femmes en 2005»). Le taux moyen de suicide, hommes et femmes confondus, a très légèrement diminué, à 16,6 suicides pour 100 000 personnes. C est le taux le plus bas enregistré depuis plus de trente ans, même si la baisse reste très faible sur les cinq dernières années. Les résultats les plus encourageants concernent les jeunes de 15 à 24 ans, dont le nombre de suicides a baissé de façon significative depuis 1993 (baisse de 41%), grâce notamment à la mise en place de structures spécifiques pour les adolescents, alliant le soin et l écoute. Cependant depuis 2000, le nombre de décès chez les jeunes ne diminue plus et s est stabilisé autour de 600 décès par an environ. Malgré une baisse de 13% par rapport à 1993, le nombre de suicides des personnes âgées de plus de 60 ans est remonté en 2005 pour dépasser la barre des 3500. Les 3639 suicides de personnes de plus de 60 ans comptabilisés en 2005 représentent le chiffre le plus important depuis l an 2000. Tout aussi préoccupant, le suicide des adultes n a pas diminué, et continue au contraire d augmenter : près de 6 500 adultes entre 30 et 59 ans continuent à mourir chaque année. En 2005, le nombre de décès des 30 à 59 ans représentait plus de 60% du total des suicides. A noter que la tranche d âge des 40-49 ans enregistre le nombre le plus important de suicides depuis 1995. Il est donc impératif de poursuivre les efforts sur cette catégorie de la population, et de se préoccuper notamment des comportements addictifs qui peuvent avoir un impact sur le risque suicidaire. C est l enjeu des 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide. 5

Evolution du suicide de 1993 à 2005 par tranche d'âge 7000 6000 6201 6478 5000 4000 3000 2000 1000 4221 966 3639 567 15-24 ans 30-59 ans > 60 ans 0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Les hommes, premières victimes du suicide En France, 3 décès par suicide sur 4 concernent des hommes. Le taux de suicide masculin continue à diminuer lentement, pour atteindre 26,3 pour 100 000 hommes en 2005. Le taux de suicide féminin reste stable, à 8,4 pour 100 000 femmes. Taux de suicide hommes/femmes selon l'âge - 2005 90 80 Taux de décès par suicide pour 100 000 habitants 70 60 50 40 30 20 46,4 Hommes Femmes 10 0 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75-79 80-84 Age 6

Différents facteurs peuvent expliquer cette sur-mortalité masculine : - les hommes sont moins enclins que les femmes à exprimer un mal-être ou un état dépressif, - un recours aux soins moins fréquent que chez la femme, - les hommes se suicident de façon plus violente que les femmes. La pendaison et l arme à feu sont les moyens les plus souvent à l origine des suicides masculins. Les femmes utilisent davantage la tentative de suicide comme un appel à l aide, et privilégient le recours aux médicaments, qui laissent une chance de survie plus importante. Il est à ce titre important de noter que les femmes (tous âges confondus) font 4 à 5 fois plus de tentatives de suicide que les hommes. Une souffrance invisible trop souvent ignorée La souffrance qui mène au suicide ne se voit pas, ce qui rend le phénomène suicidaire d autant plus difficile à appréhender et à prévenir. Alors que sont dénombrés environ 195 000 cas d hospitalisation par an liés à une tentative de suicide 1 et qu 1 personne sur 4 déclare avoir été directement concernée par le suicide d un membre de sa famille ou d un ami proche 2, le fait suicidaire est encore sous-estimé par la société française et insuffisamment étudié. Ainsi, le décès par suicide est nettement associé à l adolescence un fait lié à la forte médiatisation des cas de suicides chez les jeunes ces dernières années alors que les 15-24 ans représentent moins de 6% des suicides. De même, la gravité du fait suicidaire chez les hommes de 30 à 59 ans commence seulement à préoccuper l opinion publique. Il existe en fait une réelle différence entre les personnes qui tentent de se suicider et celles qui meurent par suicide : - une différence de sens, la tentative étant le plus souvent vue comme un appel à l aide, - une différence de population : le taux de tentatives de suicide diminue depuis l adolescence jusqu à la vieillesse, alors qu inversement le taux de décès par suicide augmente avec l âge, devenant de cinq à onze fois supérieur après 65 ans comparé aux 15-25 ans. Par ailleurs, les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les femmes, alors que la mort par suicide est trois fois plus fréquente chez les hommes. La mortalité par suicide a cessé de décroître. La préoccupation de l UNPS est d accentuer les efforts de prévention, en particulier sur les populations jusque-là trop négligées que sont les adultes de 30 à 60 ans. 1 Etude menée par la Direction de la recherche, des études, de l évaluation et des statistiques du Ministère de l emploi, de la cohésion sociale et du logement (mai 2006) 2 Source : Enquête UNPS - Macif Prévention - Anacom sur l attitude des Français face au suicide (janvier 2006) 7

2 - L ENGAGEMENT DE MACIF PREVENTION Entreprise solidaire et citoyenne, la Macif s est depuis longtemps engagée dans la prévention du suicide. En 1974, elle devient la première mutuelle d assurances à reconnaître le suicide comme un accident de la vie. Depuis, elle indemnise en moyenne chaque année plus de 700 familles de sociétaires. Cette démarche se poursuit en 2001, avec le partenariat conclu entre la Macif et l UNPS, qui a donné lieu à de nombreuses actions communes. L opération «Un message pour la vie» En 2004 et 2005, sur proposition et en partenariat avec l UNPS, l opération «un message pour la vie» est lancée par la Macif. Elle propose à ses 4,5 millions de sociétaires et à leur entourage d adresser à l UNPS des messages d espoir pour soutenir les personnes tentées par un acte suicidaire. Pour chaque message reçu, la Macif a reversé 1 à l UNPS pour favoriser ses actions de terrain. L objectif final de cette opération était de lever le tabou et le silence qui pèsent sur la question du suicide. Le protocole pour les familles endeuillées En 2005, la Mutuelle signe un protocole d actions en collaboration avec l UNPS, «Familles Endeuillées», avec un double objectif : développer et organiser l accompagnement et le soutien psychologique des sociétaires Macif, traumatisés par le suicide d un proche. Ce protocole se traduit par la mise en place d un réseau national d écoutants bénévoles et de psychologues cliniciens recrutés et formés par l UNPS à la problématique du deuil après un suicide. Ce réseau unique en France a été lancé en 2006 auprès de 4 régions Macif (Centre, Centre Europe, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes). En 2008, il sera opérationnel dans 3 régions supplémentaires : Centre-Ouest Atlantique, Gâtinais-Champagne et Ile-de-France. Le soutien aux familles s effectue de la façon suivante : - après réception d une déclaration de suicide, la Macif informe par courrier les membres de la famille du soutien psychologique dont ils peuvent bénéficier et leur communique un numéro vert dédié, réservé aux sociétaires ou ayants droits Macif, - 9 écoutants bénévoles, issus de 5 associations* affiliées à l UNPS et partenaires du projet sont à la disposition des familles de sociétaires endeuillées par un suicide pour leur apporter une écoute personnalisée et anonyme, - le soutien aux familles endeuillées peut se poursuivre par des consultations chez un psychologue clinicien. A cet effet un réseau a été créé en collaboration avec l'unps. Ces consultations sont prises en charge dans le cadre du contrat familial accident couvrant les accidents de la vie privée (contrat RPFA). Dans le dispositif national, une centaine de salariés habituellement en relation avec les familles endeuillées est sensibilisée à la problématique du suicide afin d optimiser la relation avec le sociétaire. Depuis juin 2007, le centre téléphonique a reçu des appels de 10 sociétaires (4 de la région Nord- Pas-de-Calais, 4 de Centre Europe et 2 de Rhône-Alpes). La moitié des appels a eu lieu dans le mois qui a suivi le sinistre et l autre moitié dans un délai de 2 à 3 mois. Au total, 4 sociétaires ont fait une demande de prise en charge de soutien psychologique. Le guide de conseils pratiques «Envie de la vie» Pour toucher plus largement le grand public et le sensibiliser à la question de la dépression et du suicide, l UNPS et la Macif se sont associées en 2007 pour réaliser un guide de conseils pratiques («Envie de la vie») destiné à la lutte contre le suicide. Ce livret, à la fois pédagogique et optimiste, a pour but d informer le grand public sur les situations à risques et les bonnes attitudes à adopter face à une personne dépressive : - identifier les comportements et signes d alerte chez l adolescent, l adulte ou la personne âgée (tristesse, isolement, distribution d objets personnels, consommation excessive de tabac ou d alcool, ) ; 8

- savoir mettre en place les facteurs de protection (rôle de la famille, des amis, de la parole, investissement dans le travail, reconnaissance de la souffrance, ) ; - adopter le bon comportement : que dire et que faire lorsque l on est confronté à une personne dépressive? A qui se confier quand on est soi-même en dépression? Qui contacter en cas de besoin après la mort d un proche par suicide? Les associations de l UNPS distribuent ce guide lors de leurs actions de prévention du suicide destinées au grand public. Il est par ailleurs téléchargeable sur le site Internet www.macif.fr, rubrique «prévention» et sur le site de l UNPS www.infosuicide.org. * Phare Enfants/Parents, Jonathan Pierres Vivantes, Vivre son Deuil, Courbevoie Ecoutes Jeunes, Relais Famille 78 et bientôt SOS Suicide Phoenix 9

II 2008 : ADDICTION ET SUICIDE, OU FEDERER POUR MIEUX PREVENIR Que ce soit dans le cadre familial ou le milieu professionnel, le malaise qui conduit aux comportements addictifs ou suicidaires est tabou. Il relève d une intimité que les personnes en difficulté ne souhaitent pas dévoiler et dans laquelle l entourage hésite à entrer. La question n est traitée qu au moment où la crise devient visible, à un moment où la personne suicidaire et/ou dépendante est déjà en danger. «Pour permettre une meilleure prévention conjointe du suicide et des addictions, il est primordial d inciter les personnes à parler de ce qu elles ressentent lorsque tout va bien ou quand les premiers signes avant-coureurs apparaissent, souligne Jean-Pierre Couteron, président de l ANIT (Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie). Il ne faut pas attendre d être au bord du gouffre pour contacter une équipe d écoute et de prise en charge.» C est tout l objectif de la démarche de prévention de l UNPS (Union Nationale pour la Prévention du Suicide), de l ANIT (Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie) et de l A.N.P.A.A (Association Nationale de Prévention en Addictologie et Alcoologie) avec les 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide : libérer la parole pour mieux soigner et accompagner les personnes en difficulté. 1 - ADDICTION ET SUICIDE : UN RAPPROCHEMENT NECESSAIRE Les comportements suicidaires sont complexes à appréhender. Les facteurs qui engendrent le passage à l acte diffèrent d une personne à une autre : réaction au produit (drogue, alcool ), présence ou absence de la famille et des amis, antécédents familiaux, problèmes affectifs ou professionnels. Parmi ces facteurs, le niveau d addiction (à l alcool, aux drogues ou au jeu) varie également d un patient à un autre. De plus, certains sont dépendants d une substance, d autres de plusieurs simultanément. Les associations de prise en charge et de prévention des addictions et les structures de prévention du suicide doivent donc réfléchir et travailler ensemble. Addictions et suicide : des problématiques communes aux différents acteurs sur le terrain Les personnes dépendantes, plus exposées au risque suicidaire. Parmi les grandes catégories de comportements addictifs, seront développés ici les trois principales : l alcoolisme, la toxicomanie et la pratique des jeux pathologiques. Les produits psycho actifs, comme l alcool et le cannabis, ont un effet direct sur l acte suicidaire : dans un premier temps, ils provoquent une levée du contrôle de soi. Le consommateur relâche son attention et s habitue progressivement à être constamment sous l emprise de la substance. Dans un deuxième temps, les produits engendrent une désinhibition du consommateur, favorisant ainsi son passage à l acte suicidaire. Ils peuvent aussi avoir un effet immédiat et provoquer le geste suicidaire. Les substances psychoactives produisent également un effet chimique sur le cerveau et la psychologie de la personne qui les consomme. «L effet chimique des produits psycho actifs reste encore mal connu, c est pourquoi il faut continuer la recherche», recommande Michel Debout. Une étude de 1997 a démontré que la consommation conjointe de drogues et de sédatifs multiplie le risque de suicide par 40, tandis que la consommation d opiacés seuls multiplie le risque de suicide par 14 3. Une autre étude, publiée en 2002, a montré que les consommateurs d héroïne enregistrent un taux de suicide 14 fois supérieur à celui des populations non-consommatrices 4. Des recherches menées auprès d héroïnomanes absorbant de la méthadone 3 Harris et Barraclough, 1997 4 Darke et Ross, 2002 : Suicide among heroin users : rates, risk factors and methods 10

montrent qu un tiers d entre eux ont déjà fait une tentative de suicide 5. En France, les données ESPAD (European School Survey on Alcohol and Other Drugs) montrent que le risque de faire plusieurs tentatives de suicide est multiplié par trois chez les consommateurs réguliers de cannabis 6. Le cannabis étant également une des substances la plus souvent consommée par les personnes suicidaires de moins de 35 ans et de moins de 25 ans 7. Une étude menée aux Etats-Unis a constaté que plus de 35% des personnes dépendantes à l alcool souffrent également de troubles d ordre psychopathologique, comme la dépression par exemple 8. Il existe parallèlement une concomitance des risques suicidaires et des risques d addiction, puisqu environ la moitié des suicides masculins se font sous l emprise de l alcool. Certains travaux ont également mis en évidence que l alcoolo-dépendance joue un rôle dans 15 à 40% des suicides 9. De nombreuses études mettent en évidence la corrélation entre addictions et comportements suicidaires. 48 à 70% des joueurs pathologiques envisagent le suicide 10 et entre 13 à 40% d entre eux ont fait des tentatives de suicide 11. Or, ces tentatives, quand elles sont multiples, sont réalisées quand les sujets se sentent déprimés, et sont sous l influence de l alcool ou d autres produits. Le seul facteur qui distingue les joueurs pathologiques ayant eu des idées suicidaires de ceux qui ont fait des tentatives est l abus de substances (cocaïne, stimulants, hallucinogènes, cannabis). La polyaddiction constitue un facteur indéniable d augmentation du risque suicidaire. Les professionnels et les associations de prévention des addictions et du suicide ont donc des préoccupations communes : prévenir, prendre en charge et soigner des personnes en difficulté. Par ailleurs, les publics concernés sont souvent communs aux structures spécialisées dans l addiction et à celles spécialisées dans le suicide. C est pour souligner la nécessité de faire travailler ensemble les différents acteurs que les 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide ont pour thème cette année «Addiction et Suicide». Mutualiser les compétences pour mieux accompagner les patients et faire reculer le suicide en France Souhaité par l UNPS pour les Journées Nationales pour la Prévention du Suicide 2008, ce travail de collaboration entre l'anit, l'unps et l'anpaa pour organiser ces manifestations constitue le premier pas dans la prise en compte de cette problématique. Initié en 2007 par l Etat entre les acteurs spécialisés en toxicomanie et en alcoologie, ce rapprochement a pour objectif d apporter aux personnes en difficulté une prise en charge plus simple, plus efficace et plus cohérente, tout au long du parcours de soin. «Les phénomènes addictifs seront mieux pris en compte par les professionnels de la prévention du suicide, et le risque suicidaire mieux appréhendé par les experts des addictions, commente Michel Debout, président de l UNPS. C est avant tout une question de vigilance des uns à la problématique des autres». Cette étroite collaboration doit permettre de décloisonner les secteurs de l addiction et du suicide pour faciliter les itinéraires des personnes en difficulté, en les orientant vers les bonnes structures au moment adéquat, en fonction de leurs besoins. «Il sera désormais possible de mieux repérer les risques suicidaires chez les personnes victimes d addictions, ce qui rendra plus efficace leur accompagnement», précise Françoise Facy, viceprésident de l A.N.P.A.A. et membre du conseil d administration de l UNPS. 5 Etude réalisée par l ANPAA, en partenariat avec l INSERM (1997) 6 Choquet et coll., 2000 7 Casadebaig et Philippe, 1992 8 Epidemiologic catchment area program du National institute of mental health (1990) 9 Favre, Alcool et suicide: comment comprendre les liens? (23 e matinée de l IREB, 20 mai 2003) 10 Thompson, Gazel et Rickman, 1996 ; Lesieur et Anderson, 1995. 11 DeCaria et al., 1996 ; Frank, Lester et Wexler, 1991 ; Kausch, 2003) 11

Autrement dit, être au plus près des situations réelles, où addictions et conduites suicidaires sont bien souvent associées. «Si l on constate qu une personne suicidaire a besoin de consulter un addictologue, nous serons en mesure de lui indiquer la marche à suivre et de la rediriger vers la structure qui lui correspond le mieux», résume Michel Debout. «Lors de la création de leur dossier, les personnes qui viendront consulter des associations pour des problèmes d addiction seront interrogées sur leurs antécédents suicidaires, et réciproquement, explique Jean-Pierre Couteron, président de l ANIT. Et leurs réponses seront intégrées dans leur prise en charge, ce qui n est pas toujours le cas aujourd hui.» Mais rapprochement ne signifie pas pour autant dilution des compétences des différents professionnels, bien au contraire. Pour Françoise Facy, «chaque structure devra délimiter ses rôles, ses missions et ses partenariats pour que les professionnels puissent mieux exercer leur métier et assurer un meilleur suivi des patients. Pour cela, les professionnels doivent être mobilisés collectivement, et c est tout le sens du rapprochement ANIT-A.N.P.A.A-UNPS et des 12èmes Journées Nationales de Prévention du Suicide». 12

2 - LES COMPORTEMENTS ADDICTIFS, SYMPTOMATIQUES DE L EVOLUTION DE NOTRE SOCIETE La consommation de produits psycho actifs est en perpétuelle évolution. Au cours des deux dernières décennies, le produit droguant (qui renvoie à une démarche de plaisir) a cédé du terrain au produit dopant, qui renvoie à une démarche de performance. Même si ce comportement n est pas nouveau, il ne concerne plus seulement certains étudiants en période d examen. Il s est étendu et concerne désormais d autres catégories de personnes, comme les hommes et femmes d âge moyen. Ce constat est un révélateur des mutations de la société française, qui peuvent lourdement peser sur les individus. Les facteurs de risques menant à des comportements addictifs Depuis plusieurs années, le comportement addictif progresse. Il va désormais au-delà de la toxicomanie et de l alcoolisme. Il concerne désormais le jeu, mais aussi certains comportements d achat. Les scénarios de la vie courante présentant un risque d addiction se multiplient et exposent de plus en plus de personnes aux risques de conduite suicidaire. Une société qui fait la promotion de l individu, mais le rend vulnérable L évolution de la société, qui fait la part belle à l individu (au détriment de la communauté), constitue un premier facteur de risque. Elle fait endosser à l individu une quantité croissante de responsabilités, sans qu il puisse s appuyer sur la communauté pour les assumer. Résultat : les personnes en difficultés se retrouvent désarmées pour régler les problèmes qu ils rencontrent. «Lorsque l individu réussit, il se trouve dans une dynamique de succès personnel très forte, estime Jean-Pierre Couteron. Mais lorsqu il échoue, il est confronté à une dynamique d échec personnel toute aussi forte, ce qui explique la multiplication des conduites addictives qui peuvent amener à des gestes suicidaires.» La quête permanente de la performance : une pression sociale et professionnelle La société d aujourd hui est également marquée par une recherche permanente de performance. La vie de couple, la vie de famille et la vie professionnelle sont toutes les trois impactées par cette nouvelle donne sociale : l individu doit assurer de front le rôle de bon époux, bon père ou mère de famille tout en satisfaisant une exigence permanente de performance au travail. «Pour faire face à ces contraintes, certaines personnes ont recours à une pratique proche du dopage sportif, estime Michel Debout. La consommation de produits psycho actifs ne correspond plus à une recherche de plaisir ou d évasion, mais bien à une recherche de performance pour tenir le coup». Mais bien plus grave encore, la consommation de substances peut agir comme un facteur aggravant. «Les produits jouent un rôle essentiel dans le cycle addiction suicide, détaille Françoise Facy. Une personne en difficulté va consommer des produits pour répondre aux attentes sociales fortes. Or, la réponse apportée par les produits est souvent inadaptée, ce qui accentue encore le malaise. A son tour, ce malaise incite à une consommation de produits en plus grande quantité, qui provoque des accidents à répétition et installe le produit comme seul mode de réponse aux difficultés. La personne se retrouve dans une situation d enfermement et d exclusion sociale, qui la rend plus vulnérable aux problèmes psychopathologiques et, en définitive, aux conduites suicidaires». Inégaux devant les addictions et le suicide Les facteurs de risques relèvent aussi du métabolisme et du réseau social de chacun. Certains ressentent plus fortement les effets du produit que d autres, et la présence d amis ou d une famille peut jouer un rôle primordial pour prévenir les conduites à risque. «Une personne ayant un terrain physique propice aux drogues ou à l alcool, mais qui est bien entourée, sera moins déstabilisée par la consommation des produits, ajoute Jean-Pierre Couteron. En revanche, si cette personne est désocialisée, son risque de dépendance est accru. C est d ailleurs le rôle d associations telles que les nôtres que d épauler et d écouter les personnes en difficulté pour maintenir le lien avec la société qui les entourent.» 13

Le milieu du travail, à la fois facteur aggravant et lieu de parole 33% des salariés et des dirigeants interrogés par l A.N.P.A.A. 12 déclarent être confrontés à des problèmes liés à l alcool. Certaines conditions de travail peuvent en effet inciter à la consommation : rythmes de travail décalés ou difficiles, travail de nuit ou le week-end et/ou pression constante sur les salariés pour une productivité accrue. «Le milieu professionnel est générateur d anxiété, d angoisse, voire de dépression, qui peuvent conduire à des gestes suicidaires, analyse Françoise Facy. Nos études montrent que les responsables des ressources humaines se sentent démunis face aux comportements addictifs et/ou suicidaires de leurs salariés. D où la nécessité pour les entreprises et les médecins du travail de nouer des liens avec les associations spécialisées comme les nôtres». Pour les entreprises, la prise en compte des problématiques de suicide et d addictions n est pas qu une question de santé, c est aussi un enjeu économique. L Inserm estime ainsi que l alcool est responsable de 15 à 20% des accidents professionnels et un pourcentage similaire d absentéisme et d incidents entre salariés 13. D une manière générale, la consommation régulière de produits psycho actifs comme l alcool et le cannabis dégrade les capacités de travail du salarié, ce que l entreprise ne peut ignorer. Fortes de ce constat et sous la pression des règlements introduits dans le droit européen et français, les entreprises ont commencé à mettre en place des démarches de prévention comme des sessions de formation et de sensibilisation. «Les risques suicidaires et psychosociaux au travail doivent être abordés comme une problématique managériale et organisationnelle par les entreprises», recommande Michel Debout. «La hausse des suicides parmi les 30-59 ans peut en témoigner. La mobilisation doit donc être collective : les entreprises doivent mettre en place des protocoles de suivi des risques professionnels et des conditions de travail. Et les associations comme les nôtres pourront les y aider.» Dans le cadre des 12èmes Journées Nationales pour la Prévention du Suicide, un colloque sera organisé à Saint-Etienne le mercredi 6 février sur le thème «Les risques psychosociaux au travail : addictions et suicide» (voir p 30). Cependant, le milieu professionnel peut aussi être un révélateur du mal-être de personnes qui adoptent des conduites addictives pour des raisons familiales ou personnelles. «Il peut ainsi être un lieu d écoute, par l intermédiaire du médecin du travail, qui écoutera et, si besoin, orientera le patient vers les structures de prise en charge.» 12 Résultats de l étude menée par l A.N.P.A.A. auprès de PME-PMI de Midi-Pyrénées (2004) 13 Inserm, Alcool, dommages sociaux, abus et dépendance, 2003. 14

Des comportements addictifs et suicidaires différents selon l âge Il n existe pas un profil-type de personne dépendante, ni un seul profil-type de personne suicidaire. Certaines catégories de personnes ou certains types de comportements se dégagent malgré tout : l âge et le sexe sont en effet des éléments déterminants dans les différentes pratiques addictives et suicidaires. Les adolescents et les jeunes : polyaddictions et surconsommation Les études montrent que les adolescents et les jeunes adultes consomment de plus en plus plusieurs produits simultanément : tabac, alcool ou cannabis (poly consommations). Les consommations peuvent prendre des formes variées, usage simple, usage à risques, usage avec dépendance. Une de ces consommations suscite beaucoup de réactions c'est le "binge drinking" alcoolisation aiguë. La pratique du jeu (jeux de hasard, jeux vidéo) se fait aussi sous des formes variées : une fréquence plus espacée que pour les adultes, mais plus longue et intense. Derrière ce mode de consommation, se cachent deux logiques bien différentes : - la consommation comme recherche de plaisir ou de sensations fortes. Les adolescents qui la pratiquent sont particulièrement exposés au risque suicidaire, car ce type de consommation a pour but la désinhibition et la perte de contrôle, qui peuvent être à l origine d un passage à l acte suicidaire. - la consommation pour écarter des idées noires, la peur de l avenir. Grâce aux produits, l adolescent s extrait des problèmes qu il rencontre (manque d argent, solitude, sentiment d incompréhension ). Mais dès qu il interrompt sa consommation, les problèmes réapparaissent, souvent aggravés car l adolescent a dû se procurer plus d argent pour acheter ses substances (dans les cas extrêmes, vol, prostitution) et a menti à son entourage pour cacher sa dépendance, creusant davantage le fossé de la désocialisation. Cet engrenage ne fait qu aggraver l image négative qu il a de lui-même et sa culpabilité, ce qui peut le conduire au suicide. «La prévention des comportements addictifs et suicidaires des jeunes passe d abord par un dialogue à l intérieur du cercle familial, commente Jean-Pierre Couteron. Et pour les cas où le dialogue est rompu, les associations comme les nôtres sont des lieux qui permettent de renouer l échange et d éviter la rupture parent-enfant.» Âge moyen : la vie active au cœur des risques addictifs et suicidaires. Chez les personnes d âge moyen (entre 30 et 60 ans), on constate plutôt une forte consommation de tabac ainsi qu une consommation de vin quotidienne (même si elle a fortement baissé depuis plusieurs décennies). Dans cette tranche d âge, les comportements addictifs sont davantage le fait des hommes que des femmes, en particulier ceux liés à l alcool. «Ces personnes sont souvent confrontées à des problématiques professionnelles, explique Françoise Facy. En fonction de leur âge, elles rentrent sur le marché du travail ou souhaitent y consolider leur statut. La consommation de produits psycho actifs s inscrit donc dans une recherche de performance. De plus, dans certains cas, l alcool fait partie de la vie professionnelle, à travers les repas d affaires ou les pots d entreprise. Ce qui fait des salariés concernés une catégorie de population particulièrement exposée au risque suicidaire.» Des personnes âgées qui peinent à trouver leur place Enfin, les plus de 60 ans souffrent d addiction aux médicaments psychotropes (en particulier les femmes) et/ou à l alcool (surtout les hommes). Les personnes âgées constituent une population exposée au risque d addiction et de suicide : elles peinent à trouver leur place et s en trouvent fragilisées. Cette perte de repères est de nature professionnelle, avec un taux d emploi de seulement 38% pour les 55-64 ans en France 14, mais aussi familiale, dans la mesure où certains se sentent comme un poids pour leur famille. Elle est enfin sociale, avec une société de l individu et de la performance qui ne correspond pas aux valeurs des personnes âgées. L allongement de la durée de la vie, qui est parfois synonyme d incapacité physique et/ou intellectuelle, rend encore plus fragiles les personnes âgées. 14 Source : EUROSTAT, 2006 15

III Les JNPS 2008 (à partir du 5 février) 1 - QUAND LA PREVENTION VA A LA RENCONTRE DU GRAND PUBLIC A l occasion des Journées Nationales pour la prévention du suicide, l UNPS et Macif Prévention organisent une opération inédite afin d aller à la rencontre des Français. Le 5 février prochain de 9h à 18h, cinq espaces «Envie de la vie» seront mis à la disposition du grand public dans deux villes sur des lieux de grand passage : o o à Paris : Gare du Nord, station du RER A «Auber», Place Edmond Michelet près de Beaubourg et à la médiathèque de la Cité des Sciences à Brest : sur les campus de l université (UFR de Lettres) L objectif est de montrer que le suicide ne doit pas être tabou : en donnant pignon sur rue aux problématiques du suicide le temps d une journée, le dispositif met tout en œuvre pour renforcer la proximité nécessaire entre le public et les acteurs de la prévention. Ces espaces ouverts au grand public se présenteront sous forme de chapiteaux. Ils permettront aux personnes qui le souhaitent de s'informer sur la prévention du suicide en rencontrant des représentants de l'unps et de Macif Prévention, ou en se procurant le guide «Envie de la Vie». Une borne interactive sera disponible sous chaque chapiteau. A partir de celle-ci, le grand public pourra réaliser plusieurs tests : - "Connaître l'état de votre humeur", qui permet d évaluer son degré de «dépressivité» à l'aide d'un questionnaire de 20 questions - "Evaluer votre consommation d'alcool " (9 questions) - "Evaluer votre tendance addictive au cannabis" (6 questions) Ces questionnaires ont été élaborés sérieusement par des professionnels > les citer, voir avec Michel Debout Après la saisie des réponses, le questionnaire sort imprimé. L interprétation des résultats peut être immédiatement donnée par le psychologue présent sur place. Les entretiens se déroulent dans un espace discret du chapiteau et aménagé à cet effet afin respecter toute confidentialité Ces mêmes bornes serviront également à saisir des messages pour la vie. Le grand public aura enfin la possibilité d écrire un message sur un leaflet disponible sur place et le déposer ou l envoyer par voie postale à l adresse suivante : Opération «Un message pour la vie» UNPS 4-6 Place de Valois 75001 PARIS 16

2 - LE COLLOQUE DES 12EMES JOURNEES NATIONALES POUR LA PREVENTION DU SUICIDE REUNISSANT DES PROFESSIONNELS A PARIS. Le 5 Février 2008, au Conseil Régional d Île-de-France (57, rue de Babylone 75007 PARIS) 8H30 : ACCUEIL DES PARTICIPANTS 9H00 : OUVERTURE ALLOCUTION D OUVERTURE par : Roselyne BACHELOT NARQUIN*, Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports Jean-Paul HUCHON*, Président de la Région Île-de-France INTRODUCTION DE LA JOURNEE par : Michel DEBOUT, Président de l Union Nationale pour la Prévention du Suicide ETAT DES LIEUX "Addiction et suicide : données épidémiologiques " présenté par Françoise FACY, Directeur de Recherche INSERM, épidémiologiste -UNPS Avec la participation de : Éric JOUGLA, Directeur, Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès - INSERM Représentant(e) de la DREES 10H00 : ADDICTION ET SUICIDE : LES ADULTES PROJECTION DU FILM «La Promotion» TABLE RONDE : "Consommation d alcool et risque suicidaire", animée par Nadia CHERKASKY, Vice-présidente de l UNPS Avec la participation de : Michel CRAPLET, Psychiatre, Alcoologue Hôpital Saint Cloud, ANPAA Vincent de GAULEJAC, Professeur de sociologie, Université Paris 7, Directeur du Laboratoire de Changement Social Éric HISPARD, Médecin, Alcoologue, ANPAA TABLE RONDE : "Jeux et tentation suicidaire", animée par Pierre SATET, Vice-président de l UNPS Avec la participation de : Albert AZOULAY, Auteur de «Brûlures d un flambeur» Céline BONNAIRE, Psychologue, Centre Départemental d Aide aux Toxicomanes 78 - ANIT Marc VALLEUR, Psychiatre, Addictologue, Chef de service Hôpital Marmottan de Paris 14H30 : ADDICTION ET SUICIDE : LES JEUNES PROJECTION DU FILM «Marie» TABLE RONDE : "Toxicomanie et suicide", animée par Thérèse HANNIER, Vice-présidente de l UNPS Avec la participation de : Roselyne CRÉTÉ, Directrice de l Association «La Corde Raide», ANIT Jean-Michel DELILE, Psychiatre, Directeur du Comité d Étude et d Information sur la Drogue Bordeaux, ANIT Marie-Pia HUTIN, Avocate, Présidente du Droit à l enfance, Jeux en ligne et Internet Denis VALLEE, Psychiatre, Thérapeute familial, Coordinateur du CSST au Centre Monceau 17

PERSPECTIVES TABLE RONDE : "Politiques santé mentale, santé publique : stratégies et actions territoriales, nationales et européennes" Animée par Jean-Pierre SOUBRIER, Psychiatre, Expert OMS, UNPS GEPS Avec la participation de : Pénélope KOMITES, Conseillère technique chargée de la santé, Région Île-de-France Représentant(e)de la Direction Générale de la Santé Représentant(e) de la Commission européenne Santé mentale 17H00 : CONCLUSIONS Jean-Pierre COUTERON, Président de l'association Nationale des Intervenants en Toxicomanie Alain RIGAUD, Président de l Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie Michel DEBOUT, Président de l Union Nationale pour la Prévention du Suicide L échange avec la salle est prévu à l issue de chaque table ronde Deux films, créés pour inviter à la réflexion et au débat, seront diffusés pour dynamiser les échanges : La Promotion et Marie. Ils abordent respectivement les questions de la consommation d alcool liée au milieu professionnel et de la polyaddiction à l alcool et aux produits stupéfiants au moment de l adolescence. - La Promotion (2008) Durée : 11 mn Suite à une promotion, Patrick doit quitter le Qatar pour rejoindre un poste à haute responsabilité au sein de la société mère. Promotion ou désillusion? Ce film est suivi d une table ronde réunissant Jean-Claude Aguerre, psychanalyste et thérapeute familial, Muriel Delhomme-Machard, médecin du travail et Eric Hispard, médecin alcoologue. «Tout le monde a un jour ressenti les mêmes angoisses, les mêmes doutes que Patrick, le personnage que j interprète. En interprétant ce rôle, j ai ressenti l écart qui peut exister entre la force qu une personne dégage et le malaise qu elle ressent réellement. J ai moi-même vécu des suicides dans mon entourage proche, donc j étais réticent à participer au film La Promotion. Mais j'ai finalement accepté en espérant aider les personnes en souffrance.» Alexandre Gallicot, comédien, interprète de Patrick. - Marie (2008) Durée : 10mn Confrontée à des problèmes familiaux, Marie se réfugie dans les paradis artificiels. Fuite ou autodestruction? Ce film est suivi des réactions de Nadia Cherkasky, psychologue clinicienne, et de Frédéric Rouillon, professeur en psychiatrie. «Le rôle de Marie comporte peu de texte. Tout a donc été une question de ressenti, de transparence des sentiments. N'ayant pas été confrontée de près à de telles situations, je me suis inspirée de musiques pour travailler l'interprétation. Ca a été un vrai défi pour moi, qui ai essentiellement joué des rôles comiques. Par la même occasion, interpréter Marie m'a permis de réaliser qu'il ne fallait pas minimiser le moindre signe de détresse et que l'écoute était très importante.» Anne-Sophie Picard, comédienne, interprète de Marie. Une version courte de ces deux films est consultable sur le site de l UNPS, www.infosuicide.org 18

IV Les engagements après février 2008 PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS D ACTIONS DE PREVENTION Bien qu ayant beaucoup évolué depuis l époque des premiers réseaux d écoutants bénévoles, il y a 50 ans, la prévention du suicide reste le parent pauvre de la santé publique : alors que 7 millions d euros sont dépensés chaque année pour les campagnes d affichage de la Sécurité Routière, aucune campagne publique de communication n a encore été organisée pour la prévention du suicide. L année 2006 a cependant vu une avancée importante dans la prévention du suicide en France, avec la création en octobre 2006 du Comité d observation et de prévention du suicide, sous l égide du Ministre de la Santé et des Solidarités, Monsieur Xavier BERTRAND, de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l Evaluation et des Statistiques et de la Direction Générale de la Santé. Ce comité, composé des Directions concernées, de représentants de l UNPS et de personnalités qualifiées, a pour mission de contribuer à une meilleure connaissance du fait suicidaire en France : quelles sont les personnes qui passent à l acte, quel est leur parcours de vie médical et social et quels événements ont pu les conduire à accomplir ce geste? Mais les efforts de prévention doivent être poursuivis ; en 2008, l UNPS renouvelle son souhait d inscrire la prévention du suicide comme priorité de santé publique, autour de trois grandes propositions : Créer un observatoire des violences et de leurs effets sur la santé. Le rapport de l OMS intitulé «Rapport mondial sur la violence et la santé», paru en 2002, qualifie la violence de «défi planétaire» dont le coût serait considérable en termes de répercussion sur la santé des victimes et de fardeau pour les établissements de santé. Aujourd hui, on ne dispose pas en France de sources d informations permettant de quantifier globalement l impact de la violence en termes de santé publique. Cet observatoire rassemblerait des médecins légistes et psychiatres, des associations d aide aux victimes, des associations d écoutants et des familles. Il s intéresserait à l ensemble des violences criminelles, accidentelles et suicidaires, intimement liées. Doté des outils épidémiologiques, sociologiques, anthropologiques et cliniques nécessaires à ses investigations, il pourrait mettre en œuvre les recherches et les thèmes d actions utiles aux politiques de prévention. Consacrer 1 million d euros par an au développement du réseau de prévention (professionnels de santé, associations d écoutants et de familles) et aux recherches en lien avec l Observatoire des violences. Inviter les Ministères de la Santé, de la Justice et la Sécurité Sociale à réfléchir à une harmonisation des pratiques des parquets et des services de médecine légale en cas de suicide, de façon à préciser les examens et études à réaliser en cas de mort par suicide (dosage toxicologique notamment). A l encontre des recommandations du Comité expert de l INSERM concernant l autopsie psychologique après une mort par suicide, les pratiques pénales actuelles privilégient le seul point de vue judiciaire et ne permettent pas de réaliser une épidémiologie du suicide. Il est par ailleurs impératif de souligner l importance de la prise en compte des familles après le suicide d un proche, par les différents acteurs : policiers, gendarmes, procureurs, médecins légistes, et tous les professionnels amenés à intervenir dans ces situations. Lutter contre la «dépressivité sociale» vécue par nombre de nos concitoyens, ne pas se résoudre à une société qui n arrive pas à répondre au désarroi : voici la priorité de l UNPS. Le suicide ne doit plus être la traduction de la souffrance de la société ; nous pouvons tous contribuer à donner à chacune et à chacun, jeune ou moins jeune, l envie de la vie. 19

L UNPS continue par ailleurs d appeler de ses vœux la mise en place de mesures qui ont fait leurs preuves dans d autres pays : Des mesures matérielles visant à restreindre l accès aux moyens létaux : - construction de barrières anti-saut sur certains ponts, dispositifs de protection dans les transports en commun, à l exemple de la ligne 14 de la RATP, - réduction de l accessibilité aux armes à feu, - contrôle de la diffusion des médicaments psychotropes. Des mesures ciblées à destination des adultes : la tentation suicidaire intervient souvent lorsque la personne est dans une situation de rupture (licenciement, divorce, surendettement ou deuil). Des actions communes avec les structures en charge de ce type de situations maisons pour l emploi, ordre des avocats, commissions de surendettement et mutuelles ont déjà été engagées pour aller à la rencontre de ces «populations à risque». 20