Les conditions socio-économiques de la lutte anti érosive à Madagascar

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Les conditions socio-économiques de la lutte anti érosive à Madagascar Simone Randriamanga RATSIVALAKA Université d Antananarivo, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, département de géographie, BP 907 Ankatso, 101 Antananarivo Madagascar. E mail : baratsiv@moov.mg Abstract Différentes institutions étatiques ou privées, Associations ou ONG ont mené des actions de défens et conservation des sols pour répondre au besoin de développement agricole. Mais la pauvreté des campagnes malgaches persiste, d où notre questionnement : quelle est la portée des conditions sociales et économiques dans l efficacité d une politique viable de la LAE? L objectif est d étudier à travers l historique de la mise en place de la LAE à Madagascar, les impacts des actions menées jusqu ici. Les travaux reposent sur une synthèse bibliographique, une série d enquêtes et interviews effectuées dans le cadre de différents programmes de recherche. Les résultats dénoncent les effets néfastes des différents changements de régime connus par le pays freinant la continuité des actions et négligeant toute dimension participative des paysans. Les problèmes fonciers, l ingratitude du milieu et le comportement social et économique du paysan ne sont pas non plus étrangers à la situation. Ce qui fait qu aujourd hui les problèmes de l érosion se perpétuent, le développement rural tant recherché ne s amorce toujours pas.. Key words : Soil and water conservation, Management, Development, Madagascar Introduction L érosion est un phénomène qui affecte les différents pays du monde depuis toujours, y compris Madagascar. Elle se traduit par un processus d accumulation ou par celui d ablation. Son impact sur le plan social et économique est important car l érosion est à l origine des pertes en terres considérables : 500t/ha/an d érosion sur les Hautes Terres malgaches selon le Projet Terre-Tany (1994-1995), 23t/ha sous parcelle expérimentale sans dispositif antiérosif (Randriamanga et al., 2006 et 2007) et 5 à 25t/ha dans le bassin versant d Antsaharatsy, sous bassin de la Jabo, là où les pertes en terres peuvent s amplifier de 1,75 après le passage d un feu (Andrianavalona, 2005). Cela se traduit par des pertes en nutriments, affectant la fertilité des sols, d où le besoin de plus en plus fréquent d apports en fumure dans les champs (Tab.1). Dans la vie courante elle est à l origine de la baisse de la productivité, de l augmentation des coûts de production et en conséquence de la pérennisation de la pauvreté à la campagne. L ampleur des impacts de l érosion hydrique au niveau de l économie locale a été étudiée par Andrianavalona (2005). Il en résulte que les dégâts dus à l érosion tels les canaux obstrués, les rizières envahies par les charges et autres débris végétaux coûtent très chers aux paysans et anéantissent la production de la saison. 1

La destruction d une terrasse maraîchère par éboulement ou excavation d un lavaka portant une parcelle de 20 m 2 produisant en moyenne 20 kg d oignon sec, représente un déficit de 320 000 Ariary soit 128 Euros pour le paysan. Tableau 1 : Engrais utilisés par les exploitations agricoles dans le bassin versant de Maniandro (Andriambelomanga, 2007) Types d engrais utilisés Fumier de parc 57 Fumier de parc + déjection avicole 20 Fumier de parc + NPK et Urée 7 Fumier de parc + compost 3 Déjection avicole 7 Compost 3 Compost + NPK et Urée 3 Total 100 Pourcentages d exploitations concernées % De même le bouleversement du calendrier agricole consécutif aux impacts de l érosion constitue une charge économique supplémentaire. Dans le cas malgache les formes d érosion hydrique en lavaka sont à l origine des grandes excavations dont le volume peut atteindre jusqu à 500 000 m 3 (Brenon, 1952). Ces lavaka sont responsables en grande partie de l ensablement des périmètres rizicoles ou de l envasement des barrages de retenues en particulier dans la cuvette lacustre de l Alaotra, région orientale de Madagascar. De même, la part du ruissellement demeure considérable. Rahamatody (2007) cite une perte en terre de 27,5 à 39t/ha/an dans les parcelles élémentaires de culture. Une grande partie de ces matériaux est entraînée à l aval du bassin. De ce fait plus de 979,5 millions de m 3 d alluvions s accumulent annuellement dans la cuvette du Lac Alaotra. Des pertes en terres de 0,1 à 4,4 t/pluie ont été par exemple relevées pendant la période du 13 décembre 2006 au 16 mars 2007 sur la partie Est du Lac représentant un total de 47,1tonnes pour les 5 mois d observation. Les conséquences sont considérables car on observe un comblement progressif du lac avec un taux d envasement très élevé de l ordre de 2,4mm, correspondant à une épaisseur de boue de plus d un mètre de fond. La diminution de la profondeur du Lac en plus de la pollution de son eau par les cendres qui résultent des feux de végétation de la zone lacustre marécageuse, entraîne une diminution des poissons. Certaines espèces de poissons comme la carpe ne vivent en effet qu en eau profonde. Au niveau des pêcheurs, les prises ont donc baissé presque de moitié, ce qui représente une perte journalière d environ 5 000 à 30 000 Ariary soit environ 2 à 12 Euros, si autrefois le gain atteignait 30 000 à 50 000 Ariary par jour. L apport considérable en sable grossier en provenance des lavaka dans les zones rizicoles a aussi pour effet de faire chuter la production. Une perte en terre rizicole d environ 10 000 ha/an a été observée dans la région du Lac, entraînant une chute dans le rendement. Le rendement moyen était auparavant de 3 à 5t/ha. Il a baissé aux environs de 2,6t/ha, soit une perte annuelle d environ 20 000 tonnes de paddy. Ce chiffre équivaut à 8 millions d Ariary soit 3 300 Euros de pertes pour les paysans. 2

De telles conditions entretiennent la pauvreté des paysans. Face à ce genre de situation, les paysans ont réagi en entreprenant eux-mêmes des mesures correctives de façon instantanée comme pour l usage des terrasses sur les versants, des diguettes ou les canaux d évacuation, pour détourner les eaux de ruissellement. Mais il s agit souvent de techniques rudimentaires qui s avèrent à la longue destructrice pour l agriculture. C est ainsi qu à l instar des paysans et dans l objectif d améliorer les conditions de vie dans les campagnes, que furent entreprises par des institutions étatiques ou privées, Associations ou ONG, des actions en matière de défens et conservation des sols pour répondre au besoin de développement du secteur agricole. Mais les différents changements de régime connus par le pays ont en général freiné la continuité des actions d une part et d autre part les actions entreprises n ont pas satisfait. Ce qui fait qu aujourd hui les problèmes de l érosion se perpétuent, les sols continuent à s épuiser, le développement rural tant recherché ne s amorce toujours pas car le problème des campagnes n est toujours pas résolu. Notre questionnement est de se demander quelle est la portée des conditions sociales et économiques dans l efficacité d une politique viable de la LAE? Notre hypothèse est de considérer que c est la situation d extrême pauvreté des campagnes qui constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre d une politique de conservation et de gestion des eaux et des sols. L objectif de ces travaux est alors d identifier les conditions qui font que la campagne malgache n arrive toujours pas à se défaire de sa pauvreté. A partir d exemples pris dans différents bassins versants des Hautes Terres malgaches : Sahasarotra, Maniandro, Mananara et Jabo tous, situés dans la zone périphérique au nord, nord ouest et nord est d Antananarivo et des régions de la cuvette d Andapa ou du Lac Alaotra dans la partie nord est de Madagascar, cette étude se propose de retracer l historique de la mise en place de la LAE à Madagascar et des impacts des actions de développement menées aussi bien par l État malgache que par les institutions privées ou ONG, pour saisir les atouts et contraintes de la mise en œuvre de la LAE. Trois points principaux seront ainsi développés : Les problèmes de conservation des sols et érosion à Madagascar : Processus, facteurs et formes d érosion. Présentation historique de la LAE à Madagascar : sa définition, ses réalisations, son impact sur le plan social et économique. Les opérations en vue d un développement durable des campagnes malgaches. Les travaux reposent sur une part importante de recherche bibliographique et de revues de presse, sur une série d enquêtes et interview effectués auprès de la population concernée dans le cadre de différents programmes de recherche : enquêtes ouvertes ou aléatoires, enquêtes ménages, enquêtes par la méthode participative. Les personnes cibles sont les paysans, les personnes ressources : les responsables administratifs ou religieux. Dores et déjà, nous pouvons dire que c est au cours des années 1950 que les recherches sur l érosion ont débuté à Madagascar (Chabalier, 2006 et Randriamanga et al., 2006 et 2007). Elles ont été menées successivement par le Bureau des Sols du Service des Eaux et Forêts devenu plus tard : Bureau d Étude du Service des Eaux et Forêts et de la Conservation des 3

sols. Le Centre Technique Forestier Tropical (CFTFT) poursuivra les travaux sur l érosion à la fin des années 50 jusqu en 1974 à travers la Division de Lutte contre l Érosion. Aujourd hui c est le Centre national de recherche pour le développement rural (FOFIFA) qui continue les travaux par le biais du Département des Recherches Forestières et Piscicoles/Programme Conservation des Sols. Le Programme National de Lutte Antiérosive (PLAE) est chargée de la gestion adéquate des bassins versants et assurer une exploitation pérenne des principaux périmètres irrigués (Fontannaz, 2006). Les travaux ont porté sur la caractérisation des différents facteurs de ruissellement et d érosion des grandes zones climatiques malgaches. Les expérimentations ont été menées sur la quantification de l érosion dans des bassins versants expérimentaux à travers la définition des paramètres de l équation de Wischmeier. L influence des impacts sur le ruissellement et l érosion des différents types de végétation a aussi été étudiée. Les recherches ont été menées à l échelle de la parcelle élémentaire, puis au niveau du bassin versant expérimental et au niveau des différents domaines agro écologiques de Madagascar. Aujourd hui la tendance pour l évaluation de l érosion tourne vers l utilisation des Systèmes d Information Géographique (SIG). L ensemble des travaux sur l érosion a été inventorié par le Projet Conservation des Sols (PCS) mené conjointement par le FOFIFA, le CIRAD et l Office National de l Environnement (ONE) en 1996. Le comité d organisation des Journées Scientifiques régionales du Réseau de chercheurs Érosion et Gestion Conservatoire des Eaux et de la fertilité des Sols (EGCES) de l Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), a mis sous forme numérique ces travaux lors du colloque régional d Antananarivo en octobre 2005. L analyse des actions entreprises montre qu il y a souvent inadéquation des actions avec la réalité. Ces actions ont été pour la plupart concentrées dans l amélioration des pratiques agricoles, l entretien et la réparation des infrastructures de production : canaux, barrages et voies de dessertes sans qu elles répondent aux besoins des paysans. C est dans ce sens que s explique le désintéressement des paysans de Mangamila du bassin versant de la Mananara, vis-à-vis de toute action de vulgarisation menée par les organismes étatiques ou privés dans leur périmètre agricole. Les actions entreprises en matière de vulgarisation agricole ont échoué : les paysans ne se sentent pas concernés car ils ont une vocation d exploitants forestiers. Elles relèvent aussi de l ingratitude du milieu physique, de la mentalité paysanne et découlent des problèmes fonciers en campagne ou sont rattachés aux techniques agricoles employées par les paysans. La majorité des sols ferrallitiques des versants dénudés des Hautes Terres malgaches est peu fertile, contrairement aux sols sous couvert forestier de l Est. Les terres fertiles sont situées dans les bas fonds rizicoles ou les terrasses alluviales. Or ces derniers ne suffisent plus aux besoins d une population croissante ou souffrent d un ensablement consécutif aux phénomènes d érosion. Le comportement social et économique du paysan n est pas non plus étranger à la situation. Les agriculteurs ont des difficultés d accès à la terre. Celle-ci s acquière en général par héritage ou relève du droit coutumier : la terre est à celui qui l occupe et la met en valeur. Les terres acquises par voie de succession ne sont pas titrées pour la plupart. Il y a un 4

morcellement extrême des terres alors que les modes d exploitation demeurent traditionnels. On assiste alors à une forte diminution des potentialités car chaque part n arrive plus à nourrir une famille. En conséquence, les paysans émigrent pour avoir un surplus de production. C est une des causes de la pérennisation de la culture sur brûlis. Souvent pour remédier à ce problème, les héritiers s organisent pour laisser la terre à l un d entre eux afin de perpétuer la continuité de la lignée. Les autres émigrent en ville. L accès des paysans pauvres aux intrants agricoles, aux techniques nouvelles de production et aux crédits est très faible. Les actes de banditisme (vol sur pied, actes de vandalisme de toute sorte, vol de zébu ), l absence de gestion font perdurer la situation de pauvreté dans les campagnes. Ainsi plutôt que d aller vers l avant le paysan a tendance à se tourner vers le passé. Ce qui est un handicap pour la marche vers le développement. C est pourquoi les résultats demeurent mitigés et il est toujours difficile de mettre en œuvre une politique de la conservation. Il est par conséquent difficile d introduire des techniques nouvelles, voire des moyens de la LAE sans que les paysans adhèrent et voient à l avance les résultats des techniques préconisées. D où l intérêt des «cultures pilotes» ou des systèmes de «vitrine» C est pourquoi, il faudrait orienter les actions de la LAE vers la sécurisation foncière, l usage des techniques biologiques et l utilisation de matériaux moins chers, accessibles par les paysans. C est dans ce sens que nous pensons arriver à la maîtrise de la gestion des sols, une condition primordiale pour assurer le développement rural. Remerciements Ce travail a bénéficié du concours de l'agence universitaire de la Francophonie (AUF) convention Prog.D-2092RR621. Bibliographie Andriambelomanga E., 2007. La gestion de l eau et de la fertilité des sols dans le terroir d Ambohitsimeloka (sous bassin de Torotosy, bassin versant de Maniandro) Rapport de mission, Fac. Lettres Univ Antananarivo : 100p. Andrianavalona H., 2005. L érosion hydrique et ses implications économiques et humaines : cas du bassin versant de la Jabo, Hautes Terres Centrales, mémoire DEA de géographie (dir. S. Ratsivalaka) Fac. Lettres Univ Antananarivo : 115 p. Brenon P., 1952. Contribution à l étude pétrographique et géologique de terrains cristallins de Madagascar dans les régions de l Antsihanaka, de l Anosimboangy (hauts plateaux) et dans les bassins de la Bemarivo et de la Fanambanana (côte nord-est), thèse, Nancy, 2 tomes : 262 et 273 p. Chabalier P.F., 2006. Bilan et évaluation des travaux et réalisations en matière de conservation des sols avant 1996 à Madagascar, Actes des Journées scientifiques du réseau de chercheurs Érosion et GCES de l AUF, Érosion et Gestion Conservatoire de l eau et de la fertilité des Sols, Antananarivo 25-27 octobre 2005, dir. S. Ratsivalaka, G. Serpantié, G. De Noni et E. Roose : p 33-42 Fontannaz R., 2006. Programme national de lutte antiérosive (PLAE) Madagascar, Actes des Journées scientifiques du réseau de chercheurs Érosion et GCES de l AUF, Érosion et Gestion Conservatoire de 5

l eau et de la fertilité des Sols, Antananarivo 25-27 octobre 2005, dir. S. Ratsivalaka, G. Serpantié, G. De Noni et E. Roose : p 65-69 Projet Terre-Tany, 1994-1995. Terroirs et ressources, Spécial hautes terres centrales, Programme de la coopération suisse au Développement, GDE/GIUB/FOFIFA, Vol. 1 n 2 : 74 p. Ramahatody F., 2007. L érosion et ses impacts sur la cuvette lacustre de l Alaotra, mémoire de maîtrise de géographie (dir. M. Andriamihamina), Fac. Lettres Univ Antananarivo : 98 p. Randriamanga S., Andriamampianina N., Randriamboavonjy J., Andriamihamina M., Mietton M., Puech C., 2006 et 2007. Restauration et gestion de la fertilité des sols sur les Hautes Terres centrales de Madagascar. Le cas du bassin versant de Maniandro, nord d Antananarivo, Rapports scientifiques intermédiaire et de fin de programme, Réseau de chercheurs EGCES/AUF : 49 et 41 p. Université d Antananarivo, FOFIFA, IRD, FSP-FORMA et CIRAD, 2005. Bilan et évaluation des travaux et réalisations en matière de conservation des sols à Madagascar, Projet Conservation des Sols, mars 1997, réédition Journées Scientifiques du Réseau de chercheurs Érosion et GCES de l AUF, Érosion et Gestion Conservatoire des eaux et de la fertilité des Sols, Antananarivo, 25-27 octobre 2005 : CD-ROM 6