Cour du travail de Liège. Arrêt. Division Liège. dixième chambre. N d'ordre. Expédition 2015 / 28 juillet 2015 2015/BL/21



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Transcription:

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 1 Numéro du répertoire 2015 / R.G. Trib. Trav. RCD 15/83/B Date du prononcé 28 juillet 2015 Numéro du rôle Expédition Délivrée à Pour la partie le JGR 2015/BL/21 En cause de : C. G. Cour du travail de Liège Division Liège dixième chambre Arrêt (+) Règlement collectif de dettes : Poursuite d une activité commerciale déficitaire par le conjoint du requérant Non admissibilité transparence patrimoniale Article 1675/2 du Code judiciaire Appel de l ordonnance de non admissibilité du Tribunal du travail de Liège, division Liège, du 05 mai 2015

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 2 EN CAUSE : Monsieur G. C., né le, domicilié à, partie appelante, ci-après dénommé par ses initiales G.C., ayant comparu personnellement, assisté par son conseil Maître Michel REENAERS, avocat à 4000 LIEGE, rue Lonhienne, 26/11 ; I. LES FAITS ET L ORDONNANCE DONT APPEL I.1. La requête en admissibilité Monsieur G.C. a introduit sa requête en admissibilité le 26 janvier 2015. L activité principale de Monsieur C.G. est agent pénitentiaire. Il exerça à partir du mois d août 2010 une activité commerciale complémentaire. Il précisa toutefois ne plus être commerçant depuis le 1 er juillet 2014, son commerce de friterie étant remis à son épouse. Le surendettement résulte d une accumulation de dettes multiples, les créanciers étant notamment des institutions financières, une caisse d assurances sociales et diverses administrations fiscales, mais aussi des fournisseurs du commerce et d énergie ( ). La mensualité hypothécaire de 1.609,31 était en retard de paiement à la date de la requête ( deux mensualités impayées). Il estima que ce surendettement trouvait notamment sa cause dans les conseils comptables qui lui furent donnés. I.2. L instruction faite par le Tribunal du travail de Liège- division Liège Par un courrier du 29 janvier 2015, le Tribunal demanda à être renseigné sur la preuve de la cessation de l activité commerciale, sur les conditions de la remise du fonds de commerce à son épouse, et sur la date et l utilisation du prêt contracté avec BEOBANK. Monsieur G.C. répondit diligemment dès le 3 février. Il prouva avoir effectivement cessé son activité le 1 er octobre 2014, date de la radiation de son inscription à la banque carrefour des entreprises.

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 3 Le prêt BEOBANK servit au rachat du précédent prêt conclu pour acheter le fonds de commerce en vue de bénéficier d un taux plus avantageux. Le fonds de commerce fut ensuite cédé gratuitement à son épouse, en dépit d une valeur d inventaire réelle, estimée à 13.350 1 par le comptable consulté et mandaté par Monsieur G.C.. Aux termes d un acte de cession signé le 1 er juillet 2014, l épouse de Monsieur G.C. acheta le fonds de commerce, le transfert de propriété ne se faisant qu au moment du paiement total, mais la jouissance du bien cédé étant immédiate sans reprise du passif. Le Tribunal poursuivit ses investigations et Monsieur G.C. ainsi que son conseil participèrent diligemment à l instruction de la requête. I.3.L ordonnance de non admissibilité Par ordonnance du 5 mai 2015, le Tribunal du travail de Liège, Division Liège, a déclaré la demande en règlement collectif déposée par Monsieur G.C. non admissible. Le Tribunal rappela les règles applicables à l admissibilité à la procédure de règlement collectif de dettes. Il précisa les circonstances inhérentes à l activité commerciale entamée à titre complémentaire par Monsieur G.C. qui acquit en août 2010 le fonds de commerce de la friterie, avant de remettre celui-ci à son épouse en 2014. Il paya 20.000,00 pour ce fonds de commerce, puis il le transmit gratuitement 2 à son épouse. Le Tribunal releva des incohérences dans les informations comptables rapportées par Monsieur G.C., ainsi que sur l aveu de difficultés financières sans en tirer les conséquences commerciales, laissant supposer sur la base de divers indices objectifs un réel rendement commercial. Il en résulte un manque de transparence. En outre, alors qu il accumula des dettes en relation avec cet établissement, son transfert gratuit à son épouse prive évidemment les créanciers de C.G. d un capital qui eut pu rembourser au moins pour partie ses créanciers. 1 Acte de cession de fonds de commerce du 1 er juillet 2014. 2 plus précisément sans être payé de son prix

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 4 II. LA PROCEDURE DEVANT LA COUR Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 mai 2015, l appelant forme appel de l ordonnance de non admissibilité rendue le 5 mai 2015 (RG RCD 15/83/B). Statuant par application de l article 1675/4 par.1 er du Code judiciaire faisant expressément référence à l article 1031 de ce Code 3, la Cour a instruit la procédure, unilatéralement introduite, en devant conserver son caractère unilatéral 4. L appelant et son conseil ont été entendus en leurs explications à l audience du 5 juin 2015. La cause a alors été prise en délibéré et le prononcé fixé au 14 juillet 2015, cette date ayant été reportée au 28 juillet 2015. III. LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL L ordonnance du 5 mai 2015 a été notifiée le 6 mai 2015. La requête d appel a été déposée au greffe de la Cour le 20 mai 2015 L appel est recevable vu les articles 1675/4 par.1 er et 1031 du Code judiciaire, la requête ayant été introduite dans le délai légal par l appelant lequel a qualité pour interjeter appel, dès lors que l ordonnance dont appel lui a causé un grief. IV. LE FONDEMENT DE L APPEL IV.1. L argumentation de la partie appelante Par sa requête d appel, Monsieur G.C. met en évidence l échec de son projet d activité commerciale accessoire, en relation avec les «très mauvais» (sic) conseils reçus ensuite de son achat trop onéreux d un fonds de commerce de friterie. Monsieur G.C. précise ne pas avoir organisé manifestement son insolvabilité, mais qu en dépit des difficultés financières auxquelles lui et son épouse sont confrontés, il tente de 3 G. de LEVAL, Eléments de procédure civile, Collection de la Faculté de Droit de l Université de Liège, Larcier, 2003, p. 95 4 G. de LEVAL, op.cit,p.95

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 5 maintenir une activité pour celle-ci, et donc un rendement économique nécessaire pour le remboursement des créanciers. Il souhaiterait une réorganisation judiciaire de l activité commerciale pour que celle-ci retrouve un rendement, sur la base duquel Madame C. pourrait alors intervenir dans les charges du ménage, en sorte que lui dégagerait alors des sommes plus importantes pour rembourser ses créanciers. IV.2. Les règles de droit applicables Les conditions d admissibilité sont précisées par l article 1675/2 du Code judiciaire : Toute personne physique (...), qui n'a pas la qualité de commerçant au sens de l'article 1er du Code de commerce, peut, si elle n'est pas en état, de manière durable, de payer ses dettes exigibles ou encore à échoir et dans la mesure où elle n'a pas manifestement organisé son insolvabilité, introduire devant le juge une requête visant à obtenir un règlement collectif de dettes. IV.3. Le principe de la transparence patrimoniale Le surendettement résulte d un déséquilibre durable et structurel entre les rentrées courantes et les dettes. Il faut donc examiner les causes, la réalité et l ampleur de ce déséquilibre sur des bases bien établies. Une transparence de la situation sociale, familiale et patrimoniale est donc requise. IV.4. Appréciation IV.4.1. La bonne foi de Monsieur G.C. La Cour constate l ampleur de l endettement de Monsieur G.C. Celui-ci met lui-même en évidence la mauvaise comptabilité des activités commerciales, et il met en cause les conseils qui lui furent donnés et qu il a suivis. Il n est nullement établi que Monsieur G.C. aurait organisé son insolvabilité. Il semble avoir été crédule et de bonne foi, en suivant les conseils qui lui ont été donnés, ce qu il déplore explicitement dans son acte d appel. La Cour ne considère pas que Monsieur G.C. serait de mauvaise foi. Il s agit d une personne qui semble vouloir sincèrement régler ses difficultés financières.

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 6 IV.4.2. Analyse du processus conseillé à Monsieur G.C. Il faut constater que Monsieur G.C. s est engagé dans une activité commerciale, à titre complémentaire, sur la base de données comptables qu il estime lui-même inexactes, notamment le prix du fonds de commerce qu il acheta. Il est compréhensible que Monsieur G.C. ait tenté de sauvegarder son investissement si onéreux, et donc de maintenir une activité en la transférant à son épouse. Le processus de cession se fit toutefois anormalement, notamment parce que le cédant ne fut payé du fonds de commerce cédé. Les modalités d évaluation de ce fonds de commerce au moment de la cession ne sont pas connues de la Cour, laquelle s inquiète, ainsi que le Tribunal le fit, de l impact réel des dettes antérieures générées par ce commerce. Le processus mis en œuvre est la cause du problème de transparence comptable déjà mis en évidence. Cela ne permet pas de discerner la situation patrimoniale exacte de Monsieur G.C. L admissibilité de Monsieur G.C. ne peut dès lors être admise pour les motifs qui suivent. Il n y a pas transparence patrimoniale. IV.4.3. L absence de transparence patrimoniale La documentation comptable est lacunaire, incertaine, non fiable à défaut d en connaître les soutènements. Comment en effet justifier une valeur du fonds de commerce égale à 13.500 au moment de la cession en 2014, alors que l activité était déficitaire et le demeurerait à telle enseigne qu une réorganisation judiciaire serait demandée? Par ailleurs, la requête en admissibilité est elle-même insuffisante : les charges mensuelles du ménage ne sont pas explicitées. Il est dès lors difficile de vérifier les données précises établissant le déséquilibre financier. Il serait absolument nécessaire de connaître les revenus du commerce exploité par Madame C. La requête en admission à la procédure ne contient aucune information, sauf la mention : «à titre informatif, mon épouse participe aux frais selon les revenus du commerce».

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 7 Cela peut se comprendre dans l expression usuelle. Toutefois, toutes les procédures de règlement collectif de dettes exigent une parfaite transparence de la situation familiale, sociale, patrimoniale. Il n en est rien. IV.4.4. Les conséquences du contexte commercial des difficultés financières Monsieur G.C. semble en effet avoir suivi les conseils qui lui furent donnés : en dépit d une activité commerciale déficitaire, vu ses dettes, il n en tira pas les conséquences commerciales inhérentes à un commerce qui génère des dettes. Selon le processus suivi par Monsieur G.C., l activité se poursuivant au nom de son épouse, ses dettes antérieures eurent dû alors être réglées dans le cadre d un règlement collectif de dettes. Ceci correspond au transfert organisé d un passif lié à un commerce subsistant, vers un passif à régler après l écoulement du délai de six mois prescrit par l article 1675/2 du Code judiciaire, par une médiation de dettes, tout en maintenant une activité qui serait déficitaire. La valeur résiduelle du fonds de commerce, estimée à 13.500 fut ainsi détournée des créanciers de Monsieur G.C., tout en maintenant une activité pour le paiement d autres dettes tel le prêt hypothécaire 5, sans toutefois pouvoir surmonter le surendettement général. Cette façon de procéder se résume à une organisation contraire à l ordonnancement en droit commercial des défaillances de commerces exercés par des personnes physiques. Même si Monsieur G.C. et son épouse sont de bonne foi en ayant suivi le projet incontestablement spéculatif et aléatoire - qui leur fut donné, il est certain que des conseils sans garantie juridique, peuvent entraîner de graves conséquences. Outre l absence d encadrement juridique, la spéculation commerciale est entravée dans ce cas par un manque de fiabilité et de clarté comptable au préjudice des créanciers, mais aussi des débiteurs. 5 Voir en ce sens la lettre adressée le 5 mars 2014 au Tribunal du travail ( pièce 8 du dossier de la procédure du Tribunal)

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 8 Il convient d être compris par Monsieur G.C. IV.4.5. Perspectives et conclusions Son recours en justice en vue d être admis à la procédure de règlement collectif de dettes est compréhensible : il faut évidemment résoudre les problèmes financiers qu il subit avec son épouse. Monsieur G.C. est conscient des difficultés qu il attribue à des conseils imparfaits. Il est clairement établi que son échec commercial ce qui n est pas en soi un reproche a été réglé selon un processus de transfert d activités pour tenter de sauver la mise initiale dans un fonds de commerce sans doute trop onéreux, tout en tentant de régler les dettes anciennes par le règlement collectif de dettes. Ce processus a été mis en œuvre sur la base d une cession non payée du fonds de commerce au conjoint, en lui transférant le capital incertain mais non les dettes. L évaluation de la valeur du fonds repose sur des critères inconnus et le rendement du commerce est tout autant inconnu, tout comme le sont les charges réelles du ménage de Monsieur G.C. Le risque de préjudice posé pour les créanciers de Monsieur G.C. est évident : le capital s il en est est transféré, et les dettes à rembourser demeurent dans le chef de l ancien exploitant du commerce. Né dans le giron du droit commercial, l endettement de Monsieur G.C. doit être raisonné en relation avec l activité commerciale poursuivie par son épouse. Si on s écarte des modes de résolution du droit commercial, on favoriserait un mécanisme juridique de règlement aléatoire des dettes, tout en autorisant la poursuite d activité commerciale par l entremise de l épouse, cessionnaire du fonds sans l avoir payé. Il faut comprendre que cela ne se peut en aucun cas au risque d incohérences : - Si l activité commerciale est rentable, elle le serait parce que les dettes antérieures seraient «réglées» ou «absorbées»par une procédure non commerciale. Il y aurait donc un mécanisme exogène d élimination des dettes du commerce. - Si la poursuite de l activité n est pas rentable, le mécanisme de règlement des dettes permettrait momentanément la poursuite d un commerce devant être réorganisé ou devant cesser à peine d amplifier l endettement.

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 9 Outre l évidence juridique à faire régler par les lois régissant le commerce cette situation, il y a une évidence comptable à dénoncer : les données communiquées à la Cour n ont aucune transparence : - Quel est le rapport exact entre les revenus de Monsieur G.C. et ses dettes, en considérant les charges qu il doit supporter chaque mois avec son épouse? - Quelles sont ces charges? - Quels sont les revenus de son épouse? Sans mettre en cause la bonne foi de Monsieur G.C., il est évident que la situation qu il présente pour être admis à la procédure de règlement collectif de dettes pose des difficultés de cohérence juridique, mais aussi d un manque de transparence patrimoniale par l absence de données comptables rigoureuses et complètes. L intérêt de Monsieur G.C. et de son épouse, ainsi que celui des créanciers, consiste à régler selon le droit commercial la situation de ce commerce, puis sur des bases comptables conformes à la situation réelle, réexaminer le droit éventuel de Monsieur G.C. à être admis à un règlement collectif de dettes. Il y a urgence à agir conformément au droit, en évitant des artifices comptables. Dispositif PAR CES MOTIFS, LA COUR, après en avoir délibéré, Statuant en chambre du conseil par application de l article 1675/4 par.1 er du Code judiciaire, faisant expressément référence à l article 1031 du Code judiciaire, la Cour ayant instruit la procédure, unilatéralement introduite, en lui conservant son caractère unilatéral. vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a été assuré, Déclare l appel recevable et non fondé, en sorte que l ordonnance de non admissibilité rendue par le Tribunal du travail de Liège, division Liège est confirmée. Ordonne la notification de cet arrêt conformément à l article 1675/16 du Code judiciaire.

Cour du travail de Liège, division Liège 2015/BL/21 p. 10 Vu l article 1675/14 par.2 du Code judiciaire, ordonne le renvoi de la cause devant le Tribunal du travail de Liège, division Liège. Ainsi arrêté et signé avant la prononciation par : Mr Joël HUBIN, Conseiller faisant fonction de Président, qui a assisté aux débats de la cause conformément au prescrit légal, assisté de Mme Anita BRITTE, Greffier chef de service, lesquels signent ci-dessous excepté Anita BRITTE, Greffier chef de service, qui se trouve dans l impossibilité de le faire conformément à l article 785, alinéa 2, du code judiciaire, Le Président, et prononcé en langue française à l'audience publique de la 10 ème Chambre de la Cour du travail de Liège, division Liège, en l annexe sud du Palais de Justice de Liège, place Saint- Lambert, 30, le MARDI VINGT-HUIT JUILLET DEUX MILLE QUINZE, par le Président Mr J. HUBIN, assisté de Mme Sandrine THOMAS, greffier, qui signent cidessous, Le Greffier, Le Président,