MIGRATION SECONDAIRE DES PROBLEME PARODONTAL ET SECONDARY MIGRATION OF THE MAXILLARY INCISORS: PERIODONTAL AND AESTHETIC PROBLEM Frédéric Delorme Docteur en Chirurgie dentaire Assistant hospitalo-universitaire Département de Parodontologie Faculté d ododontologie de Lyon Laurent Morgon Docteur en Chirurgie dentaire Spécialiste qualifié en Orthopédie dento-faciale Assistant Hospitalo-universitaire Département d Orthopédie dento-faciale Faculté d ododontologie de Lyon L apparition de diastèmes entre les incisives supérieures est un motif fréquent de consultation, qui révèle bien souvent la présence d une parodontite ayant généré perte d attache et alvéolyse. Des forces occlusales augmentées parfois par des édentations postérieures non compensées, ou une pulsion linguale vont provoquer la migration en éventail des incisives moins bien soutenues parodontalement. La prise en charge de ces patients doit se faire selon une chronologie bien précise, que l on peut résumer ainsi : assainir, fermer les espaces, contenir. La collaboration et la compréhension entre le parodontiste et l orthodontiste doit être totale afin de réduire les risques inhérents au fait de déplacer des dents dans un parodonte réduit. Le type de contention final doit impérativement être envisagé avant le début du traitement, et à cet égard, l attelle en U de Genon et Abjean nous paraît répondre parfaitement aux critères de simplicité et de fiabilité que nous recherchons. Nous sommes ainsi en mesure de proposer des plans de traitement simples, même s ils s inscrivent dans la durée, et sont accessibles au plus grand nombre. Résumé Mots clés Migration Parodontite Orthodontie Contention Spaces appearing between the maxillary incisors often lead patients to consult, and this opportunity will at many times reveal a periodontal disease, with loss of attachment, pockets, and a reduced heigt of alveolar bone. Occlusion, posterior edentation, pression of tongue will initiate this migration that cannot be avoid by periodontal tissues weak by periodontitis. Treatment of this patients must be realised according to a very accurate chronology that can be summarized by these three keys: periodontal therapy, orthodontic therapy, retainer. Collaboration and understanding between periodontist and orthodontist must be total, in order to reduce the risk inherent in mooving teeth with a weak periodontium. The type of final retainer has to be decided before starting the treatment, and in this respect, the U splint described by Abjean and Genon is a good answer to the wishes of simplicity and reliability we are looking for. In this way, we are able to offer treatments that are quiet simple, even if they are quiet long, and accessible for most of the patients. Abstract Keywords Migration Periodontitis Orthodontics Retainer 12 LES CAHIERS DE L ADF - N 5-2 e trimestre 1999
INCISIVES SUPERIEURES : ESTHETIQUE La migration des incisives maxillaires, secondaire à une atteinte parodontale profonde est un motif fréquent de consultation, et nécessite dans bien des cas une prise en charge globale associant la parodontologie, l ODF, et parfois la prothèse. Le patient ou la patiente consulte après avoir constaté l apparition, depuis quelques semaines ou quelques mois (voir quelques années), de diastème(s) au niveau maxillaire antérieur. CAS CLINIQUE TYPE Le cas souvent rencontré est un patient d une cinquantaine d année, âge où la parodontite de l adulte non prise en charge commence à faire sentir ses effets. Des patients beaucoup plus jeunes consultent bien entendu pour des problèmes identiques, et la vigilance du praticien doit être en alerte devant toute apparition de diastème antérieur. C est en effet un élément déclenchant la consultation, et plus ce problème survient tôt, plus le risque parodontal sera alors élevé. Un interrogatoire bien conduit permettra généralement d objectiver les signes cliniques des parodontites : inflammations et saignements gingivaux, rétentions alimentaires, impression de mobilité dentaire, dents qui s allongent, mais le signe qui domine l inquiétude du patient et le pousse à consulter est l écartement des dents antérieures qui n existait pas auparavant. Plus rarement, ces migrations secondaires sont ignorées, ou occultées par le patient qui en prend seulement conscience à l interrogatoire. D où l importance de cet entretien avant l examen clinique. L examen clinique intra-oral associé à un examen radiographique confirme les signes subjectifs décrits par le patient : pertes d attache, poches parodontales, alvéolyse significative classiquement décrites dans les parodontites sont ici la plupart du temps associées à des étiologies secondaires : perte de calage postérieur, malocclusion, pulsion linguale, déglutition atypique ou parafonction qui vont initier la migration en éventail des incisives, le support osseux affaibli ne pouvant durablement s y opposer (Fig. 1, 2 et 3). 1 2 Fig. 1. Patiente de 48 ans consultant rapidement après avoir constaté l apparition d un petit diastème médian. Fig. 2. L examen clinique confirme la présence de signes des parodontites : perte d attache et poche. Fig. 3. L examen radiographique montre une alvéolyse significative. 3 LES CAHIERS DE L ADF - N 5-2 e trimestre 1999 13
Fig. 4. Patiente de 50 ans consultant tardivement après les migrations, la mobilité importante altère la fonction. Fig. 5. Après assainissement parodontal, un traitement orthodontique simple est entrepris. Sur un parodonte aussi réduit, des irrigations de chlorhexidine sont effectuées régulièrement (toutes les 3 à 4 semaines). LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT Devant ce cas clinique type, le traitement comportera trois volets successifs : la stabilisation parodontale, la réduction ou la fermeture des diastèmes, et enfin la contention. Cette chronologie habituellement retenue (traitement parodontal, puis traitement d orthopédie dentofacial, puis contention) saura souffrir quelques exceptions dans des situations particulières de grande mobilité avec perte de fonction, où une contention sera souhaitable avant un abord chirurgical. Un arc neutre est alors placé par l orthodontiste, dans le seul but de contenir, et ne sera activé qu après cicatrisation. La restitution des calages postérieurs altérés fait également partie intégrante de cette chronologie. Fig. 6. En fin de traitement, les diastèmes ne sont pas totalement fermés, mais bien répartis, et permettent la mise en place des cavaliers avant la dépose du multibague. La stabilisation parodontale comporte, elle aussi, trois étapes : - mise sous contrôle de l infection (antibiotiques, antiseptiques, contrôle de plaque), - réduction des poches parodontales et élimination du tartre supra et infra-gingival (surfaçage radiculaire, chirurgie à lambeaux), - maintenance régulière. Le propos de cet article n est pas d argumenter sur les indications respectives des antibiothérapies, ni sur les critères de choix d un traitement chirurgical ou non chirurgical. L objectif du praticien sera de stopper durablement les pertes d attache, idéalement de régénérer l attache, dans le but de passer à l étape suivante : le traitement orthodontique. Les cas traités non chirurgicalement où la réduction des poches est moins radicale, Fig. 7. Le bilan radio en fin de traitement montre l importance de l alvéolyse et les cavaliers en place. reçoivent des irrigations sous gingivales de chlorexidine durant toute la suite du traitement, toutes les trois semaines environ (Fig. 4, 5, 6 et 7). La réduction ou la fermeture des diastèmes : orthodontie de l adulte Celle-ci ne pourra se faire que sur un parodonte assaini, de manière à ne pas aggraver les pertes d attache. Lindhe a montré chez le chien que les déplacements dentaires en présence de plaque provoquent des lésions osseuses angulaires. Dans certains cas, cette fermeture des diastèmes interviendra spontanément dans les semaines qui suivent le traitement parodontal et rendra inutile la suite du traitement. Les auteurs ayant décrit ces réduc- 14 LES CAHIERS DE L ADF - N 5-2 e trimestre 1999
tions spontanées s accordent pour dire qu elles se produisent rapidement, et concernent des dents dont la fonction a été peu altérée. Pour la grande majorité des patients, le recours à l orthodontie sera nécessaire, et la finalité de cette étape contraignante chez l adulte sera double : - recréer une fonction antérieure, plus ou moins fortement altérée par la version des incisives et canines, - permettre la mise en place aisée d une contention, afin de prévenir la récidive. En effet, aucun type de contention simple et fiable ne peut être placé sur des dents à distance les unes des autres. À ce stade, le parodontiste et l orthodontiste doivent avoir les mêmes objectifs : il nous paraît en effet inopportun de fixer des objectifs fonctionnels et esthétiques très ambitieux (sauf demande particulière d un patient). Le parodontiste demandera à l orthodontiste un traitement simple visant à fermer les espaces, si un surplomb existe et permet donc un recul des incisives maxillaire sans traitement mandibulaire. Dans le cas contraire, nous nous contentons souvent de répartir les espaces, sans les supprimer totalement, de manière à faciliter la mise en place de la contention. Parfois un traitement plus complexe des deux arcades sera indispensable, et nécessitera d autant plus de compréhension et d acceptation de la part du patient (Fig. 8, 9, 10 et 11). La faible hauteur d os n est pas une contre-indication au déplacement dentaire, elle intervient seulement dans la biomécanique mise en œuvre. Les boîtiers céramiques sont préférés aux bagues scellées car moins rétentifs de plaque dentaire, les techniques actuelles de collage permettant une adhésion sur les couronnes céramiques et métalliques. L alvéolyse entraîne une modification du rapport couronne/racine avec un déplacement du centre de résistance de la dent en direction apicale. La force étant appliquée par l intermédiaire du boîtier à distance du centre de résistance, le moment qui en résulte sera augmenté. Lors de la phase de retraction des incisives, il faut conserver un rapport moment/force constant pour obtenir un mouvement de gression pure, le plus favorable aux réactions tissulaires. Chez l adulte au parodonte affaibli, les règles biomécaniques à respecter sont une force légère et des fils développant des rapports charge/flexion et charge/torsion faible. Avant l apparition des nouveaux alliages, on graduait l intensité de la force développée par l arc en variant la section des fils utilisés, c est l orthodontie à section variable. Aujourd hui, les arcs à module variable conservent une section relativement constante, mais l alliage est choisi en fonction des impératifs cliniques. En modifiant les matériaux plutôt que la section, on obtient chez l adulte un meilleur contrôle du déplacement dentaire, qui permet de diminuer la durée globale du traitement qui n excédera pas 9 mois (en moyenne 4 à 6 mois). La mobilité dentaire induite par le traitement est élevée, ce qui impose la mise Fig. 8. Patiente de 50 ans consultant tardivement après les migrations : la fonction est altérée par une mobilité importante. Fig. 9. Après assainissement parodontal, le traitement orthodontique intéresse les deux arcades du fait de l absence de surplomb, et de l indication d avulsion de 31. Fig. 10. Mise place des cavaliers avant dépose du multibagues. Fig. 11. Résultat un an après traitement. L esthétique des dents naturelles, satisfaisante, est conservée. LES CAHIERS DE L ADF - N 5-2 e trimestre 1999 15
en place d un système de contention avant la dépose de l appareil muiltibague, car dans le cas contraire, la récidive serait très rapide. Fig. 12. Patiente de 55 ans : en fin de traitement parodontal, l esthétique est fortement altérée par les migrations et la récession parodontale généralisée. Fig. 13. Le traitement orthodontique permet de fermer les espaces. Fig. 14. La prothèse fixée de grande étendue, prévue au départ, assure la contention et rétablit l esthétique. La contention Indispensable en fin de traitement orthodontique, elle concernera au minimum le secteur de canine à canine, et sera souvent étendue aux premières dents concernées par l occlusion (premières voir deuxièmes prémolaires). Le type de contention retenu sera directement influencé par l état initial des dents, et par les désidératas et/ou les possibilités du patient. Nous distinguerons trois situations de départ très différentes : dents saines et esthétiquement satisfaisantes, dents délabrées et/ou inesthétiques, avec prothèse fixée non souhaitée ou impossible, dents délabrées et/ou inesthétiques avec prothèse fixée souhaitée et possible. Dans la troisième situation, le grand bridge de contention permettra de régler à la fois les problèmes esthétiques et fonctionnels (Fig. 12, 13 et 14). Cette solution ne peut être adoptée sans réunir de nombreuses conditions nécessaires : souhait et possibilités financières du patient, faisabilité, pronostic valable etc. C est pourquoi nous nous trouvons plus souvent dans un des deux premiers cas de figure, pour lequel le type de contention devra être nécessairement moins invasif et plus abordable : l attelle en U type cavaliers décrite par Abjean et Genon remplit parfaitement ce cahier des charges. Il s agit d un système fiable et universel, utilisable dans presque toutes les situations, et qui présente en outre l avantage considérable d être discontinu, donc réparable facilement, à l inverse de bien d autres systèmes collés continus. Il se révèle fiable à long terme, notre expérience d une dizaine d année en la matière n ayant pas entamé notre enthousiasme. Pratiquement, la société Nichrominox (Lyon) commercialise depuis peu un coffret (Fig. 15) contenant les fraises et forêts nécessaires à la préparation des cavités ainsi que des cavaliers de largeurs différentes (huit tailles entre 2,25 et 4,00 mm). Cet ensemble se révèle très efficace, et permet de gagner en temps et en précision par rapport à une préparation manuelle des attelles avec fil d acier et pince cou- 16 LES CAHIERS DE L ADF - N 5-2 e trimestre 1999
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