LES COMPARTIMENTS DES CELLULES EUCARYOTES



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LES COMPARTIMENTS DES CELLULES EUCARYOTES 20 Contrairement aux bactéries, les cellules eucaryotes sont organisées en compartiments limités par une membrane et fonctionnellement distincts. Les protéines jouent un rôle essentiel dans la compartimentation d'une cellule eucaryote. Elles catalysent les réactions qui se produisent dans chaque compartiment (organite). Elles servent aussi de marqueurs spécifiques de l'organite. La synthèse des protéines commence dans le cytosol, puis chaque molécule néo synthétisée est ensuite transmise spécifiquement au compartiment cellulaire qui en a besoin. I. Généralités. A. Les différents compartiments des cellules eucaryotes. Les principaux compartiments des cellules eucaryotes sont les suivants (Figure 1) : - le noyau, qui contient le génome et où se déroule la synthèse de l'adn et de l'arn ; - le cytoplasme, qui l'entoure, est composé du cytosol et des organites cytoplasmiques qui y sont en suspension ; - le cytosol représente environ la moitié du volume total de la cellule ; il est le site de la synthèse des protéines et du métabolisme cellulaire intermédiaire ; - le réticulum endoplasmique constitue un espace labyrinthique limité par une membrane, dont la surface représente environ 50 % de la surface membranaire totale de la cellule. Des ribosomes peuvent être liés à la surface cytosolique du réticulum endoplasmique ; ces ribosomes interviennent dans la synthèse des protéines membranaires et solubles (présentes dans la lumière des différents organites ou destinées à être sécrétées) ; - l'appareil de Golgi est composé d'un empilement d'organites en forme de disques appelés saccules. Il intervient dans la maturation des protéines et des lipides provenant du réticulum endoplasmique ; - les mitochondries sont responsables de la production d'énergie ;

- les lysosomes sont des organites riches en enzymes hydrolytiques qui dégradent les organites intracellulaires arrivés au terme de leur vie ainsi que les molécules prélevées dans le milieu extracellulaire par endocytose ; - les peroxysomes sont de petits organites vésiculaires utilisés pour un certain nombre de réactions oxydatives ; - la cellule contient également de nombreuses vésicules qui servent de transporteurs entre les organites ou qui communiquent avec la membrane plasmique lors du processus d'endocytose ou d'exocytose. 21 Compartiments intracellulaires (hépatocyte) % du volume total de la cellule Nombre / cellule Cytosol Mitochondries Réticulum endoplasmique rugueux Réticulum endoplasm. lisse + Golgi Noyau Peroxysomes Lysosomes Endosomes 54 22 9 6 6 1 1 1 1 1700 1 1 1 400 300 200

22 Figure 1. B. Etude de la circulation protéique intracellulaire par autoradiographie. Cette méthode a été développée dans les années 60 pour étudier la voie que suivent les protéines sécrétées par les cellules du pancréas dans le milieu extracellulaire. L'avantage de cette cellule est que la plus grande partie des protéines synthétisées est destinée à l'exportation dans le milieu extracellulaire (amylase, lipase, désoxyribonucléase, trypsinogène, chymotrypsinogène). Le principe de la méthode est le suivant : les cellules sont brièvement incubées en présence d'un acide aminé radioactif (tritium : 3 H) qui est éliminé par lavage. Ainsi, après lavage, la seule radioactivité qui reste dans les cellules est celle qui a été incorporée dans les protéines nouvellement synthétisées durant la période d'exposition à l'isotope. Les cellules sont ensuite incubées pendant des temps variés, puis fixées et enfin recouvertes d'une émulsion photographique. La désintégration du tritium active les grains d'argent qui vont apparaître sous la forme de points noirs, visibles en microscopie électronique. Ainsi, en fonction du temps, les grains d'argent activés apparaissent successivement : - sur le réticulum endoplasmique à 3 min, - sur l'appareil de Golgi à 20 min, - dans des vésicules de sécrétion immatures de taille importante situées près du Golgi à 90 min, - et enfin dans des vésicules de sécrétion matures où les protéines sont concentrées.

De nombreuses protéines sécrétées dans le milieu extracellulaire ont été étudiées sur d'autres types cellulaires où elles suivent toutes une voie identique : ribosome réticulum endoplasm. Golgi vésicule secrétoire milieu extracellulaire. 23 C. Les différentes voies de la circulation protéique. Toutes les protéines prennent naissance sur les ribosomes du cytosol et, de là, sont dirigées vers 2 embranchements principaux (Figure 2). Figure 2. Dans le premier embranchement, les protéines sont initialement libérées dans le cytosol après leur synthèse. La majorité de ces protéines va rester dans le cytosol, tandis que d'autres sont exportées vers les mitochondries, le noyau ou les peroxysomes. Le passage des protéines au travers de la membrane des mitochondries ou des peroxysomes se fait grâce à une protéine membranaire de translocation. Le passage des protéines dans le noyau se fait, quant à lui, au travers de pores nucléaires qui ont une perméabilité sélective. Dans le deuxième embranchement, les protéines sont initialement transférées dans le réticulum endoplasmique. Le transfert de ces protéines dans le réticulum

endoplasmique se fait après fixation, sur le réticulum, des ribosomes qui synthétisent ces protéines. La translocation nécessite une protéine de transport. Les protéines transloquées peuvent rester dans le réticulum endoplasmique, ou bien être dirigées vers l'appareil de Golgi. Dans l'appareil de Golgi, les protéines peuvent là encore rester dans ce compartiment, ou être dirigées soit vers les lysosomes, soit vers la membrane plasmique. Le transfert des protéines à partir du réticulum vers les autres organites (Golgi, lysosomes) et la membrane plasmique se fait par l'intermédiaire de vésicules de transport. Il en est de même en ce qui concerne le transport des protéines d'un saccule golgien à un autre. Dans ce type de transport, les vésicules se forment par bourgeonnement du compartiment donneur. Au cours de ce processus, les vésicules ainsi formées s'emparent du matériel présent dans le compartiment donneur et le libèrent dans le compartiment cible, après fusion de la membrane vésiculaire avec celle du compartiment cible (Figure 3). 24 Figure 3. Dans un organite donné, les protéines peuvent se trouver sous forme soluble dans la lumière du compartiment, ou bien être intégrées dans sa membrane. Dans un

transport de type vésiculaire : les protéines sécrétées dans le milieu extracellulaire et celles présentes dans la lumière des saccules golgiens ou des lysosomes proviennent à l'origine de protéines libérées dans la lumière du réticulum endoplasmique ; les protéines intégrées dans la membrane de ces organites (Golgi, lysosomes), ou dans la membrane plasmique, proviennent de protéines ancrées dans la membrane du réticulum endoplasmique. Le tri des protéines vers les différents embranchements doit être parfaitement sélectif. Le mécanisme de tri est complexe et dépend en partie de signaux de tri (ou d'adressage) présents dans les protéines, qui sont reconnus par des protéines réceptrices spécifiques. Une protéine à destinée nucléaire possède un signal de tri qui est reconnu par une protéine réceptrice associée au complexe du pore nucléaire. Une protéine qui doit être transférée au travers d'une membrane possède un signal d'adressage qui est reconnu par une protéine de translocation située dans la membrane. Enfin, les protéines qui doivent être retenues dans certains organites ou encore être transportées dans des vésicules de transport possèdent également des signaux de tri spécifiques reconnus par des protéines membranaires. 25 D. Les signaux de tri. On distingue 2 types de signaux de tri, les peptides signal et les régions signal. 1. Les peptides signal (Figure 4). Ils sont constitués d'une séquence continue d'acides aminés (15 à 60 résidus). Lorsque le processus de tri est terminé, ces peptides signal sont le plus souvent clivés de la protéine mature par une signal peptidase. Les peptides signal sont utilisés pour le transport des protéines du cytosol vers le réticulum endoplasmique, les mitochondries, les peroxysomes et le noyau, et sont aussi impliqués dans la rétention des protéines dans le réticulum endoplasmique. Séquences typiques de peptides signal : - Importation dans le réticulum endoplasmique : peptide situé à l'extrémité aminoterminale de la protéine, comportant une séquence centrale de 5 à 10 acides aminés hydrophobes.

- Maintien dans le réticulum endoplasmique : séquence de 4 acides aminés spécifiques à l'extrémité carboxy-terminale de la protéine. - Importation dans la matrice mitochondriale : peptides signal situés à l'extrémité amino-terminale de la protéine, possédant des acides aminés chargés positivement (Lys, Arg) et alternant avec des acides aminés hydrophobes. - Importation dans le noyau : séquence d'acides aminés chargés positivement au sein de la protéine. 26 Figure 4. Segments contribuant à la région signal L'importance de ces peptides signal a été démontrée par des expériences de recombinaison génétique, à l'aide de protéines de fusion. En effet, si l'on place le peptide signal d'importation dans le réticulum endoplasmique à l'extrémité aminoterminale d'une protéine cytosolique, on observe que cette protéine est alors transportée dans le réticulum endoplasmique. 2. Les régions signal (Figure 4). Elles correspondent à un arrangement tridimensionnel particulier de la molécule. Les acides aminés qui forment une région signal peuvent être très distants les uns des autres sur la molécule déployée. De telles régions signal sont impliquées dans le transport des protéines du Golgi vers les lysosomes. E. Un exemple de mécanisme de tri : le transport des protéines vers les mitochondries. Chez l homme, 13 protéines seulement sont codées par le génome mitochondrial. La majorité des protéines mitochondriales (1000 à 1500) est codée dans l ADN du

noyau, synthétisée sous forme précurseur dans le cytosol et acheminée en 1 à 2 min dans la mitochondrie. L importation des protéines mitochondriales est donc posttraductionnelle. Ces protéines ont plusieurs localisations finales : la membrane mitochondriale externe (MME), l espace intermembranaire, la membrane mitochondriale interne (MMI) ou la matrice mitochondriale. Elles ont un signal d adressage différent selon leur localisation dans la mitochondrie. Le mieux connu est le peptide signal des protéines destinées à la matrice mitochondriale ou de certaines protéines ancrées dans la MMI qui est constitué d acides aminés chargés positivement (Lys, Arg) alternant avec des acides aminés hydrophobes et situé à l extrémité amino-terminale de la protéine. Beaucoup de protéines destinées à la mitochondrie comporte un peptide signal interne à la molécule. Le processus d'importation des protéines mitochondriales comporte plusieurs étapes (Figure 5). 1) La protéine mitochondriale nouvellement synthétisée s'associe rapidement à des protéines de choc thermique cytosoliques (famille hsp 70). Les protéines de choc thermique (également appelées hsp = heat shock protein ou protéines chaperonnes) sont généralement impliquées dans le contrôle de la conformation, c'est à dire de l'état de repliement des protéines auxquelles elles s'associent. Leur association aux protéines mitochondriales permet le maintien de celles-ci dans une conformation dépliée qui facilite leur transport dans la mitochondrie au travers des systèmes de translocation. 2) Toutes les protéines mitochondriales codées dans l ADN nucléaire se fixent par leur signal d adressage à un récepteur spécifique situé dans la MME, intégré dans le complexe protéique TOM (Translocator of Outer Membrane). TOM participe à la translocation de toutes les protéines dans la mitochondrie et assure l insertion des protéines transmembranaires de la MME, avec, pour certaines d entre elles, l intervention d un deuxième complexe protéique de la MME, SAM. 3) Lors de leur translocation, les protéines se dissocient des protéines chaperonnes cytosoliques par un processus qui nécessite l'hydrolyse de l'atp. 4) La translocation des précurseurs protéiques dans la matrice mitochondriale s effectue grâce au complexe protéique TIM23 (Translocator of Inner Membrane) présent dans la MMI. Le transfert de la protéine au travers de la 27

membrane mitochondriale interne (complexe TIM23) fait intervenir le gradient électrochimique d ions H + et les protéines hsp 70 mitochondriales. Ces protéines chaperonnes sont liées à TIM23, se fixent sur la protéine dès son apparition dans la matrice et participent à son entrée dans la matrice mitochondriale grâce à l énergie fournie par l hydrolyse de l ATP. Dans la matrice, une signal peptidase clive le peptide signal amino-terminal, libérant une protéine mature. La protéine mitochondriale s'associe immédiatement à d'autres protéines chaperonnes (hsp 60) qui la maintiennent dans une conformation adéquate permettant d'assurer leur insertion dans les complexes multiprotéiques du cycle de Krebs situés dans la matrice. 5) L insertion des protéines dans la MMI fait intervenir le complexe protéique TIM22 ou le complexe TIM23. Les protéines de la MMI qui utilisent TIM23 pour leur insertion ont, après le peptide signal amino-terminal d importation vers la matrice, une séquence d acides aminés hydrophobes qui interrompt leur transfert au travers de TIM23. Le reste de la molécule passe dans l espace intermembranaire et le peptide signal amino-terminal est clivé. La séquence hydrophobe sort alors de TIM23 et ancre la protéine dans la MMI. Si ce second peptide hydrophobe est clivé, la protéine est alors libérée en totalité dans l espace intermembranaire. 6) Le complexe OXA est principalement utilisé pour ancrer les protéines synthétisées dans la mitochondrie dans la MMI. 28 II. Le cytosol. Le cytosol occupe la moitié environ du volume de la cellule. Il est le siège du métabolisme intermédiaire (cf. cours de Biochimie) et contient les ribosomes qui sont responsables de la synthèse des protéines. A. Composition. Le cytosol est très riche en eau (85 %). Il contient un grand nombre de molécules (sucres, acides aminés, acides gras...) de provenance diverse : i) captées du milieu extracellulaire par diffusion passive ou grâce à des perméases ; ii) issues de la digestion dans les lysosomes de macromolécules endocytées ou phagocytées ; iii) provenant du métabolisme qui se déroule dans le cytosol. Certaines molécules sont

29 Figure 5. stockées dans le cytosol : les sucres sous forme de glycogène, les lipides sous forme d'inclusions lipidiques. Le cytosol contient de nombreux filaments protéiques organisés en filaments qui forment le cytosquelette. Le cytosquelette donne sa forme à la cellule et permet des mouvements cytoplasmiques cohérents. B. Propriétés. Les protéines représentent 20 % du poids du cytosol et sont liées les unes aux autres par des forces d'intensité variable. Pour cette raison, le cytosol a une consistance hétérogène, fluide ou gélatineuse. Toutefois, il a été montré que les petites molécules et les petites protéines diffusaient dans le cytosol presque aussi rapidement que dans l'eau pure. En revanche, les grosses particules, comme les vésicules, diffusent très lentement, notamment parce qu'elles entrent en collision avec les éléments du cytosquelette. Par conséquent, pour se déplacer à des vitesses utiles, les particules sont transportées activement par des protéines motrices associées au cytosquelette.

30 C. Principales fonctions. 1. De nombreuses voies métaboliques débutent dans le cytosol pour se terminer dans d'autres compartiments après adressage des métabolites. 2. Le cytosol joue un rôle essentiel dans le métabolisme des glucides (cf cours de biochimie) par la voie de la glycolyse à partir du glucose, celle des pentoses et de la synthèse de glycogène à partir du glucose-6-phosphate. Par la glycolyse qui produit de l'atp, le cytosol est avec la mitochondrie l'un des 2 sites de production d'énergie. 3. La synthèse protéique se déroule dans le cytosol à l'exception de certaines protéines mitochondriales (cf. cours de Biochimie). La synthèse protéique s'effectue par traduction de la molécule d'arn messager au niveau d'un ribosome. Chez les eucaryotes, plusieurs ribosomes peuvent être fixés sur un même ARNm pour former un polysome (ou polyribosome) permettant la synthèse de plusieurs copies du même polypeptide. Des facteurs présents dans le cytosol reconnaissent les signaux de tri présents sur certaines protéines et interviennent dans leur orientation vers leur destination finale. Exemples : la SRP (Signal Recognition Particle) intervient dans l'adressage des protéines destinées au réticulum endoplasmique (cf. paragraphe III) ; la NLSBP (Nuclear Localization Signal Binding Protein) se lie au signal peptide d'adressage au noyau et permet la traversée des pores nucléaires. 4. Devenir des protéines cytosoliques. a) Modifications post-traductionnelles. Les protéines cytosoliques subissent fréquemment des modifications posttraductionnelles :

- modifications permanentes, nécessaires à l'activité, telles que la liaison à un coenzyme ; - modifications transitoires, qui permettent de réguler l'activité de nombreuses protéines (phosphorylation, méthylation, acétylation). Les réactions de phosphorylation ou de déphosphorylation sont très fréquentes et concernent près de 10 % des protéines animales ; - les glycosylations sont rares par comparaison aux protéines exportées vers le réticulum endoplasmique. Elles consistent seulement en l'addition d'une seule molécule de N-acétylglucosamine à une protéine occasionnelle. 31 b) Liaison à la face cytoplasmique des membranes par une chaine d'acide gras. Certaines protéines cytoplasmiques sélectionnées sont dirigées vers les membranes, et se fixent de façon covalente à un acide gras (acide palmitique, acide myristique...) de la monocouche cytoplasmique de la membrane. Ces modifications sont dues à des enzymes qui reconnaissent un signal peptide spécifique. L'ancrage aux membranes est indispensable aux fonctions biologiques des protéines ainsi modifiées. Certaines protéines s ancrent dans la membrane plasmique après addition d un groupement prényl. Exemples : membrane plasmique : l'ankyrine et les protéines G trimériques, la protéine Ras ; face nucléoplasmique de l'enveloppe nucléaire : l'une des lamines. c) Dégradation des protéines par les protéasomes. - Protéines cytosoliques normales. La majorité des protéines cytosoliques a une durée de vie assez longue, de plusieurs jours. D'autres sont programmées pour être rapidement détruites après leur synthèse. C'est le cas notamment des protéines régulant la progression dans le cycle cellulaire. Ces protéines programmées pour être rapidement détruites portent des signaux reconnus par un système protéolytique. L'un de ces signaux est constitué par la nature du premier acide aminé aminoterminal de la chaîne polypeptidique. Met, Ser, thr, Ala, Val, Cys, Gly et Pro sont stabilisants (demi-vie protéique > 20 h), alors que les 12 autres acides aminés sont responsables d'une dégradation rapide de la protéine (demi-vie de 2 à 10 min).

D'autres signaux de destruction ont été identifiés. Ainsi, certains enchaînements d'acides aminés raccourcissent la durée de vie des protéines qui les portent. A titre d'exemple, les cyclines, des protéines impliquées dans la progression du cycle cellulaire, portent une séquence de 9 acides aminés appelée boite de dégradation (Dbox). La dégradation des protéines peut être constitutionnelle ou conditionnelle (régulée) après démasquage d un signal de dégradation : dans ce dernier cas, divers mécanismes régulateurs existent : phosphorylation de la protéine ou coupure protéolytique permettant soit le démasquage d une boîte de dégradation, soit l apparition en position N-terminale (après coupure) d un acide aminé déstabilisant. Chez les eucaryotes, le système protéolytique responsable de la dégradation sélective des protéines cytosoliques fait intervenir une protéine chaperonne, l'ubiquitine. Le mécanisme de liaison des molécules d ubiquitine fait intervenir une enzyme E1 responsable de l activation d une molécule d ubiquitine (en présence d ATP) et le complexe E2-E3 (appelé ubiquitine ligase) permettant la fixation covalente de la molécule d ubiquitine activée sur la protéine à dégrader (Figure 6). Comme le processus se répète, plusieurs molécules d ubiquitine vont former une chaîne fixée sur la protéine. Il existe environ une trentaine d enzymes E2 similaires mais distinctes et des centaines de molécules E3, permettant ainsi la destruction de protéines aux signaux très variés. Les protéines portant une chaîne d ubiquitine sont alors reconnues par le protéasome qui est responsable de la dégradation de la protéine. De multiples copies du protéasome existent dans le cytosol et aussi dans le noyau. Le protéasome est constitué d un cylindre creux fait de sous-unités protéiques dont certaines sont des protéases dont le site catalytique est orienté vers l intérieur du cylindre. A chaque extrémité du cylindre se trouve un large complexe protéique dont le rôle est de reconnaître les protéines marquées par un chaîne d ubiquitine, de les dérouler et de les insérer dans le cylindre afin qu elles soient dégradées. Ce processus nécessite de l ATP et se fait à ph neutre. Les produits de l'hydrolyse partielle par le protéasome ont plusieurs destinations possibles : - le compartiment lysosomal via des perméases spécifiques, où leur dégradation sera achevée ; 32

- le cytosol : dans ce cas, des exopeptidases cytosoliques achèvent la dégradation des peptides ; - la lumière du réticulum endoplasmique granulaire via des transporteurs spécifiques présents dans la membrane du réticulum. Ces petits peptides (une dizaine d acides aminés) se lient alors à des protéines transmembranaires, les complexes majeurs d'histocompatibilité de type I (CMH I). Les CMH I liés aux peptides sont transportés vers la membrane plasmique où le peptide antigénique est présenté au lymphocytes T de type CD8 (cf. cours d'immunologie). Figure 6. 33 - Protéines anormales. Le protéasome dégrade également des protéines cytosoliques anormales, soit du fait d erreur lors de leur synthèse ou de l oxydation secondaires de certains acides aminés, ou des protéines adressées au réticulum endoplasmique et reconnues comme anormales (cf. chapitre réticulum endoplasmique). III. Le réticulum endoplasmique. Le réticulum endoplasmique (RE) est un espace labyrinthique limité par une membrane, et s'étendant dans tout le cytoplasme de la cellule (Figure 7). Cet espace aux multiples circonvolutions est appelé lumière du RE ou citerne du RE. Il occupe

souvent plus de 10 % du volume cellulaire. Il est en continuité avec l'enveloppe nucléaire. Le RE joue un rôle essentiel dans la biosynthèse cellulaire des protéines et des lipides. Figure 7. 34 A. Le réticulum endoplasmique rugueux ou granulaire. Le RE capte de façon sélective certaines protéines cytosoliques, dès qu'elles sont synthétisées. On distingue 2 types de protéines : - les protéines trans-membranaires qui sont enchassées dans la membrane du RE et dont certaines seront acheminées vers la membrane plasmique ou celle du Golgi ou des lysosomes ; - les protéines solubles qui sont entièrement transloquées à travers la membrane du RE et libérées dans sa lumière ; ces protéines seront destinées à la lumière d'un organite en aval du réticulum dans le flux vectoriel, à la sécrétion dans le milieu extracellulaire, ou à l'ancrage à la face externe de la membrane plasmique sous forme de protéines extrinsèques. Dans les cellules de mammifères, l'importation de la plupart des protéines dans le RE commence avant que la chaîne polypeptidique ne soit entièrement synthétisée

(importation co-traductionnelle). De ce fait, des ribosomes sont liés à la membrane du RE sur son versant cytosolique. Ces régions du RE liées à des ribosomes portent le nom de réticulum endoplasmique rugueux ou granulaire. Dans le cytoplasme, il existe donc 2 types de ribosomes (Figure 8) : - les ribosomes liés à la membrane du RE, - les ribosomes libres qui fabriquent les protéines cytosoliques, dont certaines sont acheminées vers les mitochondries, le noyau ou les peroxysomes. Les 2 types de ribosomes sont identiques. L'attachement d'un ribosome au RE dépend de la nature de la protéine synthétisée, et notamment de l'existence d'un peptide signal d'importation dans le RE. Le RE rugueux est situé près du noyau et sa membrane est en continuité avec l'enveloppe du noyau. 35 Figure 8. B. Réticulum endoplasmique lisse. Le RE lisse correspond aux régions du RE dépouvues de ribosomes (Figure 7). La grande majorité des cellules contient peu de véritable RE lisse. Au lieu de cela, une petite région du RE est partiellement rugueuse et partiellement lisse, et c'est au niveau des régions de RE lisse que les vésicules de transport bourgeonnent pour se diriger vers l'appareil de Golgi. Dans ce cas, ce réticulum s appelle aussi réticulum transitionnel. A l inverse, dans certaines cellules, le RE lisse est abondant et

correspond à une véritable entité anatomique ; dans ces cellules, le RE lisse a des fonctions spécialisées : - cellules responsables de la synthèse des hormones stéroïdes, où le RE lisse participe à la synthèse du cholestérol et à sa transformation en hormones. - l'hépatocyte (principale cellule du foie), où le RE lisse est le site principal de production des particules lipoprotéiques destinées à l'exportation. De plus, dans l'hépatocyte, le RE lisse est le siège d'enzymes métabolisant les médicaments (famille des cytochromes P450), les rendant plus hydrosolubles, avant leur élimination dans la bile ou l'urine. - les cellules musculaires, où le RE lisse est appelé réticulum sarcoplasmique. Le réticulum sarcoplasmique est capable de complexer les ions Ca++ ou de les libérer dans le cytosol, et, pour cette raison, joue un rôle essentiel dans la contraction musculaire. 36 C. Méthodes d'isolement du réticulum endoplasmique. La fonction du RE ne peut être étudiée que si les membranes du RE sont séparées des autres constituants cellulaires. Pour cela, il est nécessaire de faire éclater les cellules et de les homogénéiser. Au cours de l'homogénéisation, le RE est fragmenté en petites vésicules fermées, appelées microsomes, qui sont relativement faciles à purifier (Figure 9). Figure 9.

On distingue 2 types de microsomes : - les microsomes rugueux, qui sont recouverts de ribosomes sur leur surface externe, et dont l'intérieur à une composition biochimique identique à celle de la lumière du RE ; - les microsomes lisses, qui proviennent en partie du RE lisse, et en partie de fragments vésiculés de la membrane plasmique, de l'appareil de Golgi, des endosomes, et des mitochondries. L'hépatocyte est une exception, car du fait de l'abondance du RE lisse dans cette cellule, la majorité des microsomes lisses provient du RE lisse. En raison des grandes quantités d'arn qu'ils contiennent, les microsomes rugueux sont plus denses que les microsomes lisses. Ils peuvent donc être séparés par centrifugation dans un gradient continu de densité (Figure 10). 37 D. Rôle du réticulum endoplasmique. 1. Transport et maturation des protéines. a) Mécanisme d'importation co-traductionnelle des protéines dans le RE. Les protéines importées dans le RE comportent un peptide signal composé d'acides aminés hydrophobes à leur extrémité aminée (la première synthétisée). Le transfert dans le RE comporte plusieurs étapes (Figure 10) : - Une particule de reconnaissance du signal (SRP) se fixe sur le peptide signal qui émerge du ribosome libre dans le cytosol. La SRP est une ribonucléo-protéine cytosolique constituée de 6 chaînes polypeptidiques et d'une molécule d'arn et possède une activité d'hydrolyse du GTP (activité GTPasique). L'une de ses extrémités possède un site de fixation sur le peptide signal, tandis que l'autre se fixe sur le ribosome, ce qui a pour effet d'interrompre temporairement la traduction de l'arnm.

- La SRP se fixe sur un récepteur appelé protéine d'ancrage ou récepteur de la SRP, exposé à la face cytosolique de la membrane du RE rugueux et qui possède une activité d'hydrolyse du GTP. - Le récepteur de la SRP permet de positionner le complexe SRP-grosse sous-unité ribosomale sur un complexe protéique voisin, le translocon (complexe Sec61), qui constitue un pore aqueux entre le cytosol et la lumière du RE, et dont le versant luminal est fermé. En fin de positionnement, la SRP se détache du peptide signal, la synthèse de la protéine redémarre et la chaîne peptidique naissante s insère dans la lumière du translocon dont l extrémité cytosolique est obturée par la grosse sousunité ribosomale ; la SRP se sépare de son récepteur. - La fixation du peptide signal sur un site spécifique du translocon est responsable de l ouverture de ce pore du côté luminal. - La progression de la chaîne protéique au travers du dispositif de translocation fait probablement intervenir, d'une part l'allongement de la chaîne protéique en cours de synthèse, et d'autre part des molécules chaperonnes localisées dans la lumière du RE, en particulier la BiP (Binding Protein), qui "tirent" le peptide en cours de synthèse. 38 Figure 10.

b) Mécanisme de libération des protéines solubles dans la lumière du RE. Dans le cas des protéines solubles libérées dans la lumière du RE, le peptide signal reste ancré dans le translocon alors que la protéine s enfile de façon continue dans la lumière du RE, sous forme d'une boucle. Le signal peptide est clivé par une signal peptidase liée à la face luminale de la membrane du RE et la protéine est libérée dans la lumière du RE (Figure 11) où elle prend sa conformation définitive sous l'action de protéines chaperonnes. Le signal peptide clivé sort latéralement du translocon (par une ouverture latérale) dans la membrane du RE où il est dégradé localement par d autres protéases. 39 Figure 11. c) Mécanismes d'insertion des protéines dans la membrane du RE. Le processus de translocation des protéines membranaires intrinsèques est plus complexe que celui des protéines solubles car : - certaines parties de la protéine ne sont pas transloquées, - certaines protéines transmembranaires traversent plusieurs fois la double couche lipidique,

- l'extrémité amino-terminale de la protéine peut être située du côté cytosolique ou dans la lumière du RE. Nous décrirons 3 mécanismes d insertion de protéines à traversée unique dans la membrane du RE. - Premier mécanisme. La translocation est initiée par un peptide signal aminoterminal qui s ancre dans le translocon. Un second peptide hydrophobe, appelé peptide de terminaison de transfert, situé dans la protéine, interrompt la translocation avant qu'elle ne soit terminée. Après clivage du peptide signal aminoterminal, ce peptide de terminaison de transfert sert de point d'ancrage de la protéine dans le translocon puis dans la membrane du RE. La protéine trans-membranaire est à traversée unique et son extrémité amino-terminale est située du côté luminal du RE (Figure 12). - Dans les deux autres mécanismes, le peptide signal est plus interne dans la protéine. Ce signal est également reconnu par la SRP et s insère dans le translocon. Il n est pas clivé et sert donc d ancrage de la protéine dans la membrane du RE. Selon l orientation du peptide signal dans le translocon, la protéine aura son extrémité N- terminale dans la lumière du RE ou dans le cytosol (Figure 13). 40 Figure 12.

Figure 13. 41 d) Liaison d une protéine à un glycosylphosphatidylinositol (GPI). La liaison a lieu dans la lumière du RE par attachement covalent d un GPI préformé à l extrémité C-terminale de protéines destinées à la membrane plasmique. Dans le RE, la protéine est liée à la membrane mais ses acides aminés sont exposés dans la lumière de cet organite. e) N-glycosylation des protéines solubles ou transmembranaires. Une des principales fonctions de biosynthèse du RE est l'addition de glucides aux protéines. La grande majorité des protéines présentes dans la lumière du RE et exportées vers les organites, la membrane plasmique ou le milieu extracellulaire, sont des glycoprotéines. A l'inverse, peu de protéines cytosoliques sont glycosylées. La N-glycosylation des protéines se déroule de façon co-traductionnelle, par transport en bloc d'une seule espèce d'oligosaccharide, constituée de N- acétylglucosamine, de mannose et de glucose (Figure 14). Le processus comporte plusieurs étapes :

Figure 14. A 42 B

- Synthèse sur la face cytosolique de la membrane du RE d'un oligosaccharide comportant de la N-acétylglucosamine et du mannose, fixé à un dolichol de la monocouche cytosolique de la membrane du RE (Figure 14 A). - Basculement de la molécule de dolichol glycosylée dans la monocouche luminale de la membrane du RE (Figure 14 A). - Accrochage supplémentaire de mannose et de glucose sur l'oligosaccharide (Figure 14 A). - Transfert en bloc de l'oligosaccharide sur le groupement -NH2 présent sur la chaîne latérale d'un résidu asparagine (N-glycosylation), sous l'action d'une oligosaccharide-protéine transférase de la membrane du RE dont le site catalytique est exposé du côté luminal de la membrane (Figure 14 B). Cette réaction concerne les résidus asparagine situés au sein d'une séquence consensus Asn-X-Ser ou Thr, où X est un acide aminé quelconque. - L'arborisation sucrée fixée à la protéine est ensuite modifiée par des glycosidases présentes dans la lumière du RE qui l'élaguent en partie. 43 f) Repliement des protéines membranaires ou solubles. La conformation spatiale des protéines du RE est assurée par plusieurs types de protéines résidant dans la lumière du RE. Le repliement consomme de l'énergie fournie par l'atp. - Des protéines chaperonnes, parmi lesquelles la BiP (binding protein ou protéine de liaison). Ces protéines assurent le bon repliement des protéines synthétisées. La BiP se lie dans la lumière du RE aux segments hydrophobes des protéines en cours de translocation, évitant ainsi à ces protéines de s agréger entre-elles ou de mal se configurer. Par des cycles successifs de liaison-libération ATP-dépendant, la BiP permet à chaque protéine d acquérir la bonne conformation. En restant liée aux protéines mal configurées, la BiP les empêche de quitter le RE. - Les disulfides isomérases. Ces enzymes catalysent la formation de ponts disulfures S-S intramoléculaires entre les groupements sulfhydryl (-SH) des protéines. Elles sont également capables de reconnaître des ponts disulfures anormaux qui se seraient formés et de les corriger. En règle générale, les résidus

44 cystéine des protéines localisées dans la lumière des organites ou dans le milieu extracellulaire forment pour la majorité d entre eux des ponts disulfures, contrairement à ceux des protéines cytosoliques. - la calnexine (ou la calréticuline) et la glucosyltransférase (GT). Le rôle de ces protéines est de vérifier la conformation spatiale des protéines dans la lumière du RE (Figure 15). Figure 15. Les protéines N-glycosylées subissent un premier élagage dans le RE qui conduit initialement à l élimination de 2 résidus glucose par les glucosidases I et II (Figure 15). Les protéines qui ne possèdent plus qu un résidu glucose terminal se lient à la calnexine (protéine membranaire) par l intermédiaire de ce sucre (la calréticuline est une protéine soluble du RE dont le mécanisme d action est identique à celui de la calnexine). Une thioloxydoréductase associée à la calnexine catalyse la formation des ponts disulfures ou leur réarrangement. Après clivage du 3ème glucose par la glucosidase II, la protéine se libère de la calnexine. Si la bonne configuration est

obtenue, la protéine peut quitter le RE. Dans le cas contraire, la protéine est reconnue par la glucosyltransférase (GT), glucosylée puis à nouveau liée à la calnexine. Si après plusieurs cycles, le bon repliement n est pas obtenu, la protéine est détruite. On ne connaît pas le mécanisme par lequel la GT reconnaît les protéines anormales. Les protéines anormales du RE qui ne peuvent être corrigées refluent dans le cytosol à travers le translocon et sont dégradées par le système ubiquitine-protéasome. - La réponse du réticulum endoplasmique au stress. Cette réponse s observe lorsque des protéines mal configurées s accumulent dans le RE. Elle se traduit par une augmentation au niveau nucléaire de la transcription de gènes codant pour des protéines chaperonnes du RE. Cette réponse est due à l activation, par les protéines mal configurées, de protéines insérées dans le membrane du RE qui, par leur domaine cytosolique, transmette l information au noyau. 45 2. Synthèse des lipides. La membrane du RE produit presque tous les lipides nécessaires à la fabrication des nouvelles membranes de la cellule : phospholipides (phosphatidylcholine, phosphatidylsérine, phosphatidyléthanolamine et phosphatidylinositol), céramide et cholestérol. a) Phospholipides. La synthèse des phospholipides présente des points communs avec la N- glycosylation des protéines. Elle débute sur le versant cytosolique de la membrane ; les enzymes nécessaires sont situées dans la membrane du RE et leurs sites catalytiques sont exposés sur son versant cytosolique. Un facteur de translocation, la scramblase, transfert ensuite des phospholipides vers la monocouche luminale de la membrane du RE. Les différents phospholipides se retrouvent également distribués entre les 2 feuillets de la membrane du RE. L asymétrie de distribution des phospholipides au niveau de la membrane plasmique est due à la présence, dans cette membrane, d une flippase qui transfert la phosphatidylsérine et la phosphatidyléthanolamine de la monocouche externe vers la monocouche interne

(Figure 16). Il existe une scramblase dans la membrane plasmique. Contrairement à la scramblase du RE qui est toujours active, la scramblase de la membrane plasmique n est active que dans certaines situations comme l apoptose. 46 Figure 16. b) Le RE produit également du cholestérol et du céramide. Le céramide est exporté dans la membrane de l'appareil de Golgi, où il sert de précurseur pour la synthèse des glycolipides (réaction de glycosylation) et de la sphingomyéline (transfert d'un groupement phosphocholine d'une molécule de phosphatidylcholine sur un céramide). Ces modifications sont catalysées par des enzymes situées dans la lumière de l'appareil de Golgi et intéressent donc exclusivement la couche luminale de la bi-couche lipidique de la membrane de l'appareil de Golgi. c) Devenir des constituants membranaires. Par l'intermédiaire des vésicules de transport, les lipides et les protéines transmembranaires entrent dans le flux vectoriel permanent entre le RE, le Golgi, les lysosomes et la membrane plasmique. Ce mécanisme permet le renouvellement de la membrane de ces différents compartiments. En revanche, la croissance des mitochondries et des peroxysomes fait intervenir un mécanisme différent. Les protéines des membranes de ces organites proviennent directement du cytosol. Les lipides de ces organites sont synthétisés dans le RE puis arrachés de la monocouche cytosolique de la membrane du RE par des protéines de

transfert des phospholipides qui les acheminent jusqu'aux mitochondries ou aux peroxysomes (Figure 17). Toutefois, la phosphatidyléthanolamine peut être produite dans la mitochondrie par modification de la phosphatidylsérine provenant du RE. 47 Figure 17. En plus des protéines de transfert des phospholipides, les phospholipides pourraient aussi être transférés directement de la membrane du RE vers la membrane mitochondriale au niveau de zones de contact étroit entre ces deux types d organites. Il est également possible qu un transfert direct de phospholipides puisse aussi se produire entre le RE et d autres organites comme l appareil de Golgi ou le système endosome/lysosome. IV. Transport vésiculaire intracellulaire. Mécanismes moléculaires. Le transfert des protéines à partir du réticulum vers les autres organites (Golgi, lysosomes) et la membrane plasmique (exocytose) se fait par l'intermédiaire de vésicules de transport. Il en est de même pour le transport des protéines d'un saccule golgien à un autre. Dans ce type de transport, les vésicules se forment par bourgeonnement du compartiment donneur. Au cours de ce processus, les vésicules ainsi formées s'emparent du matériel présent dans le compartiment donneur et le libèrent dans le compartiment cible, après fusion de la membrane vésiculaire avec celle du compartiment cible. Toujours grâce à des vésicules, les cellules eucaryotes captent des macromolécules du milieu extracellulaire pour les diriger vers les lysosomes (endocytose).

Les vésicules transportant les protéines sont recouvertes d une enveloppe protéique. Le revêtement protéique joue un rôle dans le bourgeonnement de la vésicule et dans la sélection des protéines à transporter. Il a été montré qu'il existait principalement 2 types de vésicules enveloppées : i) les vésicules enveloppées de clathrine qui transportent du matériel destiné à l exocytose contrôlée (Figure 36) ou aux endosomes [de l appareil de Golgi vers le compartiment endosomal tardif (Figure 30) ou de la membrane plasmique vers le compartiment endosomal précoce (endocytose)] ; ii) les vésicules enveloppées de COP (COat Proteins) sont impliquées dans le transport vésiculaire non sélectif du RE au Golgi et dans les transports vésiculaires de l appareil de Golgi au RE et d'un compartiment du Golgi au suivant (Figure 19). Le revêtement protéique des vésicules impliquées dans l exocytose constitutive n a pas été caractérisé biochimiquement. 48 A. Vésicules enveloppées de clathrine. Les molécules de clathrine s'auto-assemblent pour former les puits recouverts sur la face cytosolique des membranes. En microscopie électronique, les puits recouverts apparaissent comme des dépressions membranaires recouvertes sur leur face cytosolique par un matériel protéique dense correspondant aux complexes de clathrine. Les molécules de clathrine sont liées à la membrane par l'intermédiaire de complexes protéiques appelés adaptateurs. Il existe différents types d adaptateurs, certains étant formés de 4 sous-unités protéiques, d autres d une seule chaîne protéique. Ces différents types d adaptateurs identifient des vésicules d origine et de destination différentes. Les adaptateurs permettent de lier le squelette de clathrine à la membrane. Leur rôle est aussi de capturer des récepteurs transmembranaires dans les puits recouverts en reconnaissant des peptides signal spécifiques situés dans la partie cytosolique du récepteur (Figure 18). Ces récepteurs se concentrent dans les puits recouverts avant ou seulement après avoir fixé leur ligand spécifique. Ce processus permet ainsi de capter et de concentrer dans un petit volume des macromolécules présentes en très faibles concentrations dans la lumière des

organites ou le milieu extracellulaire. Les puits recouverts ont une durée de vie 49 Figure 18 courte. La formation de l enveloppe de clathrine provoque l'invagination de la membrane qui se pince pour former une vésicule recouverte de clathrine. Le pincement des puits recouverts fait intervenir une protéine à activité GTPasique, la dynamine. En quelques secondes, la vésicule perd son revêtement protéique par un processus actif qui fait intervenir une ATPase et devient une vésicule non recouverte ou vésicule lisse. Figure 19.

50 B. Vésicules enveloppées de COP. Il existe deux groupes de COP : COP-I et COP-II (Figure 19). Le revêtement des vésicules recouvertes de COP-I est constitué de complexes protéiques constitués de 7 protéines majeures. Les vésicules recouvertes de COP-I assurent le transport de protéines de l appareil de Golgi au RE ou d un compartiment Golgien au suivant. Le revêtement des vésicules recouvertes de COP-II est constitué de complexes protéiques constitués de 4 protéines. Les vésicules recouvertes de COP-II assurent le transport des protéines du RE à l appareil de Golgi. C. Vésicules recouvertes de rétromères. Les rétromères s assemblent sur l endosome et forment des vésicules qui assurent le retour des récepteurs des hydrolases acides (récepteurs du mannose-6-phosphate) vers l appareil de Golgi (Figure 30). Un rétromère est constitué de 4 sous-unités protéiques dont l une se lie au domaine cytosolique des récepteurs au mannose-6- phosphate et dont une autre se lie à un phosphatidylinositol phosphaté en 3 de l inositol [PI(3)P]. D. Assemblage des protéines de revêtement. L assemblage des protéines de revêtement dépend d une famille de GTPases monomériques ; les protéines ARF, responsables de l assemblage du revêtement de COP-I et de clathrine, et la protéine Sar1 responsable de l assemblage du revêtement de COP-II (Figure 20). Ces GTPases existent sous deux formes, actives lorsqu elles sont liées au GTP, inactives lorsqu elles sont liées au GDP. Le «switch» entre les deux formes est régulé par deux classes de protéine, les facteurs d échange des nucléotides guanyliques (GEF) qui sont activateurs car ils catalysent le remplacement du GDP par du GTP et les GAP (protéines activatrices de la GTPase) qui sont inactivatrices car elles stimulent l hydrolyse du GTP en GDP. Les protéines ARF et Sar1 sont présentes à de fortes concentrations dans le cytosol sous forme inactive, liées au GDP.

Avant le bourgeonnement membranaire, des GEF membranaires activent cette famille de GTPase (remplacement d un GDP par un GTP). Sous forme active, ces molécules exposent des chaînes hydrophobes leur permettant de s insérer dans les membranes et de recruter les protéines de revêtement. Après hydrolyse du GTP en GDP, les protéines ARF et Sar1 inactives se décrochent des membranes provoquant le désassemblage du revêtement vésiculaire (Figure 20). 51 Figure 20

E. Sélectivité du transport vésiculaire. Le processus de reconnaissance des membranes cibles des vésicules de transport est hautement spécifique et fait intervenir deux classes de protéine, les SNARE et les protéines rab. 52 1. Les protéines SNARE. Les protéines SNARE jouent un rôle essentiel dans la spécificité de l amarrage d une vésicule à la membrane cible et dans la fusion des deux membranes (Figure 21). Ils existent plus de 35 protéines SNARE différentes dans l espèce animale qui se regroupent en paires complémentaires où chaque élément d une paire s amarre spécifiquement à l autre élément ; les v-snare sont présentes sur la membrane des vésicules qui bourgeonnent et les t-snare sur la membrane ciblent et chaque couple identifie une voie bien définie de transport vésiculaire. Une v-snare est constituée d une seule chaîne polypeptidique ; une t-snare est constituée de 2 à 3 chaînes polypeptidiques. Les SNARE sont des protéines transmembranaires ; le domaine cytosolique d une v-snare s enroule en hélice avec le domaine cytosolique de son partenaire t-snare. Cet enroulement permet le rapprochement des deux membranes puis leur fusion. Après fusion membranaire, chaque couple peut se dissocier pour que les deux éléments qui le constituent soient réutilisés. La dissociation est catalysée par des protéines accessoires et une ATPase appelée NSF. 2. Les protéines rab. Les protéines rab sont des GTPases monomériques qui contribuent également à la sélectivité du transport vésiculaire. Il existe plus de 60 protéines rab différentes, chacune ayant une distribution caractéristique sur les membranes cellulaires. Leur rôle est de faciliter et de réguler l amarrage d une vésicule à une membrane et l appariement d une v-snare avec son partenaire t-snare. Comme les protéines ARF et Sar1, les protéines rab existent sous deux formes, inactives dans le cytosol (liées au GDP), actives membranaires (liées à du GTP). Le passage de la forme

inactive à la forme active est dû à des facteurs d échange (GEF) ancrés dans les membranes. L activation des protéines rab se caractérise par l exposition d un ancrage lipidique permettant la liaison de la protéine à une membrane. En se liant à un effecteur de rab présent sur une membrane cible, la protéine rab intégrée dans la membrane d une vésicule permet l amarrage de ces deux membranes l une à l autre, facilitant ainsi l appariement des SNARE puis la fusion membranaire (Figure 22). Figure 21 53 Figure 22

54 V. Mécanismes d'adressage et de rétention des protéines spécifiques de chaque compartiment. Ils assurent le maintien des caractéristiques spécifiques de chaque compartiment. L adressage et la rétention d une protéine dans un compartiment spécifique (RE, appareil de Golgi, lysosome) fait intervenir un signal d adressage et de rétention (différent du signal d entrée dans le RE) spécifique de ce compartiment. Ces signaux diffèrent pour les protéines transmembranaires et solubles : - Les protéines transmembranaires portent un peptide signal dans leur domaine cytosolique ou dans leur premier segment transmembranaire (si celles-ci en comportent plusieurs). - Les protéines solubles ont un peptide signal dans leur séquence (cas des protéines résidant dans le RE comme la BiP et la disulfide isomérase) ou un signal porté par leurs chaînes glycosylées (cas des enzymes lysosomales). Le signal d'adressage de ces protéines solubles est reconnu par une protéine transmembranaire qui porte ellemême, dans son domaine cytosolique, un signal peptide de tri et de rétention dans un compartiment donné. VI. L appareil de Golgi A. Structure. L'appareil de Golgi est habituellement localisé près du noyau et, dans les cellules animales, il est proche du centrosome. Il est constitué de saccules aplatis, limités par une membrane et organisés par groupes de 4 à 6 en pile d'assiettes constituant des dictyosomes. Le nombre et la taille de ces empilements peuvent varier de façon importante d'un type cellulaire à un autre. Chaque dictyosome présente 2 faces et 3 compartiments (figure 23) : - la face cis, qui est située du côté du RE, correspond à la face d'entrée dans le Golgi ; - la face trans, située vers la membrane plasmique ou les lysosomes, est la face de sortie de l'appareil de Golgi ;