Le Centre International de Recherche sur le Cancer. Un tribunal international pour les cancérogènes



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Transcription:

Le Centre International de Recherche sur le Cancer. Un tribunal international pour les cancérogènes Par Michel Gérin (1) Département de santé environnementale et santé au travail École de santé publique Université de Montréal L auteur a participé depuis 1988 à neuf groupes d experts du CIRC, y compris en qualité de président. Ce texte est une mise à jour d un article publié par l auteur en septembre 2004 dans la revue Travail et santé (vol 20, N3) Benzène, chromates, amiante, chlorure de vinyle, benzidine, goudrons, rayons-x voici quelques exemples d agents du milieu de travail dont la cancérogénicité pour l humain est bien établie. À ceux-ci peuvent s ajouter plusieurs agents cancérogènes associés à d autres circonstances d exposition, p. ex. la fumée de tabac, les boissons alcooliques, divers agents infectieux ou produits pharmaceutiques. Généralement moins connu est le processus quasi-judiciaire et international qui depuis quarante ans amène tour à tour au banc des accusés les agents soupçonnés d être cancérogènes, et les condamne ou les disculpe sur la base de preuves scientifiques 1 Une toute première étape en analyse et gestion des risques Pour le milieu de travail au Québec le Règlement sur la santé et la sécurité du travail indique par une notation dans l Annexe 1 les contaminants jugés comme cancérogènes. Il les divise en trois classes de cancérogénicité : démontrée chez l humain (C1), soupçonnée chez l humain (C2), et démontrée chez l animal mais dont les résultats des études ne sont pas nécessairement transposables à l humain (C3). Pour les deux premières catégories le règlement impose une obligation de réduire l exposition au minimum, même lorsqu elle

2 demeure en dessous des normes. En Colombie-Britannique les cancérogènes sont désignés dans la réglementation, avec obligation de substitution ou de réduction de l exposition au minimum. Sont considérés cancérogènes les catégories A1 et A2 de l American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) ou 1, 2A et 2B du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Ces exemples montrent l importance toute spéciale que l on doit apporter au processus de classification des cancérogènes. En effet cette étape, bien que qualitative, conditionne diverses étapes ultérieures en analyse et gestion du risque, par exemple, selon les juridictions : obligation de substitution, abaissement de l exposition professionnelle aux plus bas niveaux possibles (principe ALARA), comme évoqué ci-dessus au Québec, niveau abaissé de concentration minimale de déclaration dans les fiches de données de sécurité 2 Le Centre international de recherche sur le cancer à Lyon Divers organismes produisent des classifications de cancérogénicité, par exemple l Union européenne et, aux Etats-Unis, l ACGIH et le National Toxicology Program. Cependant c est le CIRC qui est considéré comme l organisme de référence. Cettte institution, bien connue également sous son acronyme anglais IARC (International Agency for Research on Cancer) est une agence de l Organisation mondiale de la santé, installée à Lyon depuis 1972. Une des activités-phares du CIRC est de statuer sur le potentiel cancérogène des agents et circonstances d exposition, qu ils soient chimiques, physiques, biologiques, professionnels, environnementaux, reliés aux traitements médicaux ou aux habitudes de vie. L organisme publie les travaux de ses comités sous la forme d une série de monographies qui font autorité (IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans) et dont la couverture orange est bien connue. 3 Des comités d experts Le CIRC tient habituellement trois réunions de monographies par année, chaque réunion portant en moyenne sur une douzaine d agents potentiellement cancérogènes. Pour chaque réunion la direction du Programme des monographies sélectionne un groupe ad

3 hoc de 20 à 30 scientifiques, sur la base de leur expertise dans les domaines de l exposition, de l épidémiologie du cancer, des études du cancer chez l animal, de la toxicologie et des effets génétiques. Chacun a quelques mois avant la réunion pour préparer, dans son domaine d expertise et pour certains agents qu il connaît bien, la première version de ce qui constituera le corps des monographies. La réunion, que l on peut qualifier d intensive, s échelonne sur sept jours. Dans un premier temps des sousgroupes, organisés en fonction des expertises décrites ci-dessus, produisent les deuxièmes versions des textes, ainsi que des résumés et des propositions préliminaires sur les niveaux d indication de cancérogénicité. L ensemble est révisé dans un deuxième temps en séance plénière. Les propositions de classification sont élaborées progressivement à partir de ces documents et des discussions. Les membres du comité peuvent être appelés à voter lors de ces étapes. Les critères d évaluation utilisés par ce «tribunal scientifique» sont résumés ci-dessous. 4 Le poids de la preuve établi par étapes Les agents sont classés en fonction du poids de la preuve, de la même façon qu un juge pondère la preuve qui lui est soumise. La procédure est détaillée dans le préambule de chaque volume des monographies. On y retrouve le constat suivant : bien qu'on ne puisse pas affirmer qu'un agent cancérogène chez une espèce animale le soit nécessairement chez l'humain, toutes les substances pour lesquelles nous avons des indications épidémiologiques suffisantes de cancérogénicité et qui ont été testées adéquatement chez l'animal, sont également cancérogènes chez au moins une espèce. Ce constat, d une importance cruciale, a conduit le CIRC à adopter comme politique que "en l'absence de données adéquates chez l'humain, il est prudent et biologiquement plausible de considérer les agents pour lesquels nous avons des indications suffisantes de cancérogénicité chez l'animal de laboratoire comme présentant un risque cancérogène pour l'humain". C est donc à la fois sur la base des études épidémiologiques et des études chez l animal de laboratoire que la preuve est élaborée.

4 4.1 Degré d indication de cancérogénicité chez l'humain Les études épidémiologiques sont évaluées et le degré d indication (ou degré de preuve) classé dans une des catégories suivantes : indications suffisantes : une association causale a été clairement établie entre cancer et exposition à l'agent indications limitées : une association crédible entre cancer et exposition à l'agent a été observée mais certaines limites des études en affaiblissent la portée indications inadéquates : on ne peut tirer de conclusion indications suggérant l'absence de cancérogénicité. 4.2 Degré d indication de cancérogénicité chez l'animal De façon similaire les études chez l'animal de laboratoire sont évaluées et la preuve classée en quatre catégories : indications suffisantes : association causale observée chez au moins deux espèces animales ou chez la même espèce dans au moins deux études indépendantes indications limitées : association observée lors d'une seule étude ou sujette à des limites expérimentales ou d'interprétation indications inadéquates indications suggérant l'absence de cancérogénicité. 4.3 Évaluation globale par groupe L'évaluation globale tient compte des divers éléments de preuve et aboutit à la classification de l agent à l étude dans l un ou l autre des cinq groupes suivants (tableau 1) :

5 Tableau 1 : Classification des cancérogènes par groupes (CIRC) Groupe Définition Conditions 1 Agent cancérogène pour l'humain Il faut des indications suffisantes de cancérogénicité chez l humain 2A Agent probablement cancérogène Il faut des indications limitées chez l'humain et suffisantes chez l'animal pour l'humain 2B Agent peut-être cancérogène pour l'humain Il faut des indications limitées chez l'humain en l'absence d indication chez l'animal ou des indications suffisantes chez l'animal en l'absence d indications chez l'humain 3 Agent qui ne peut pas être classé quant à Pour toutes les combinaisons ne menant pas aux autres groupes sa cancérogénicité pour l'humain 4 Agent qui n'est probablement pas cancérogène pour l'humain En présence d indications suggérant l'absence de cancérogénicité chez l'animal et chez l'humain 4.4 Données additionnelles : un ascenseur dans les deux sens Diverses données additionnelles peuvent être utilisées pour compléter les données de cancérogénicité chez l humain et chez l animal et ainsi influencer l évaluation globale. Il s agit notamment des données sur la toxicocinétique des substances et les mécanismes de la cancérogenèse observés chez l'animal ou l'humain. Un agent peut donc monter ou descendre dans l échelle de classification par rapport à la place qui lui reviendrait selon les critères décrits précédemment. Par exemple un cancérogène chez l animal sans indication suffisante de cancérogénicité chez l humain pourrait exceptionnellement être classé dans le groupe 1, plutôt que 2A ou 2B, s il est établi que le mécanisme de cancérogénicité en cause chez l animal est présent chez l humain exposé à cet agent. C est le cas notamment de l oxyde d éthylène et du benzo(a)pyrène.

6 De façon parallèle, mais en sens inverse, des agents cancérogènes chez l animal avec indication inadéquate chez l humain peuvent être descendus, c est-à-dire classés dans le groupe 3 plutôt que 2B, s il y a démonstration que le mécanisme opérant chez l animal est inopérant chez l humain. C est ainsi qu ont été déclassées des substances comme le d- limonène et l atrazine, pourtant démontrées cancérogènes chez l animal. 5 Un bilan impressionnant Le CIRC a ainsi procédé depuis 40 ans à l'évaluation, et souvent à la réévaluation, de près d un millier agents (968 en septembre 2013). Près de la moitié d entre eux (462) ont été classés dans les groupes 1, 2A ou 2B, donc cancérogènes certains, probables ou possibles pour l'humain. Le groupe 4 ne compte qu un agent, le caprolactame, ce que beaucoup pourraient trouver surprenant. Il faut dire que, logiquement, la priorité du CIRC, des laboratoires gouvernementaux et des scientifiques, va vers l évaluation des agents que l on peut soupçonner a priori d être cancérogènes, de par leur structure ou tout autre indice objectif. Le monde des agents non cancérogènes est probablement peuplé de millions de substances dont il serait superflu et d un coût exorbitant de démontrer la non cancérogénicité. Un peu plus de la moitié des agents évalués (505) se retrouve dans le groupe 3, le purgatoire des non-classables. Attention cependant : absence de preuve ne veut pas dire absence de culpabilité. une étude ultérieure pourrait amener une réévaluation et faire migrer certains agents du groupe 3 dans une autre catégorie. D ailleurs plusieurs agents ont été évalués à plusieurs reprises en fonction de nouvelles données disponibles, un bon exemple étant le formaldéhyde. Le tableau 2 présente la liste, mise à jour en septembre 2013, des agents des groupes 1 et 2A (cancérogènes certains et probables pour l humain) susceptibles de se retrouver dans l'environnement de travail, et aussi dans l environnement général, classés par grandes familles. Ne sont pas inclus les médicaments, les agents infectieux, les habitudes de vie et les substances n ayant qu un intérêt pour la recherche. Pour une vaste majorité des agents présentés, les études épidémiologiques en milieu de travail constituent la base principale

7 de l'évaluation. Pour une information plus complète et pour une mise à jour on peut accéder au site Internet du CIRC qui donne accès aux évaluations et aux textes complets des monographies (à partir de 1987) en format pdf (http://monographs.iarc.fr). La date de la monographie est un repère important puisqu elle représente une photographie des données scientifiques à un moment donné. 6 En conclusion Il est prudent en termes de prévention de consulter les classements du CIRC ainsi que ceux des autres organismes comme l ACGIH, ces derniers pouvant d ailleurs différer de ceux du CIRC pour certaines substances. Les évaluations les plus récentes et accompagnées d une documentation scientifique sont à prioriser. L exposition professionnelle à tous les agents cancérogènes ne disparaîtra pas à brève échéance mais leur classification permet de mobiliser des moyens en hygiène du travail pour les identifier, les éliminer ou les substituer, ou évaluer les expositions et les diminuer aux niveaux les plus bas possibles.

8 Tableau 2 Agents du milieu de travail et de l environnement classés dans les groupes 1 (cancérogènes avérés pour l'humain) et 2A (probablement cancérogènes pour l'humain) par le Centre international de recherche sur le cancer (IARC) de l'oms (volumes 1-108 des monographies). M. Gérin. Mise à jour septembre 2013. Note : ne sont pas inclus les médicaments ou traitements, les agents biologiques, les habitudes de vie et les substances n ayant qu un intérêt pour la recherche Métaux et métalloïdes Arsenic et composés (1), composés du chrome VI (1), composés du nickel (1), béryllium et composés (1), cadmium et composés (1), cobalt avec carbure de tungstène (2A), arséniure de gallium (1), phosphure d indium (2A), composés inorganiques du plomb (2A) Autres produits inorganiques Amiante, toutes fibres, et substances minérales (talc, vermiculite) contenant de l amiante (1), silice cristalline (1), brouillards d acides inorganiques forts (1), nitrates et nitrites ingérés (2A) Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et expositions reliées Goudrons de houille et brais de goudron de houille (1), huiles minérales non raffinées (1), huiles de schiste (1), suies (1), échappements de moteurs diesel (1), créosote (2A), bitumes oxydés (couvreurs) (2A), benzo[a]pyrène (1), cyclopenta[c,d]pyrène (2A), dibenz[a,h]anthracène (2A), dibenzo[a,l]pyrène (2A), 1-nitropyrène (2A), 6-nitrochrysène (2A), émissions de source intérieure dues à la combustion ménagère de charbon (1), de biomasse (bois) (2A), émissions dues à la friture à haute température (2A) Époxydes Oxyde d'éthylène (1), oxyde de styrène (2A), glycidol (2A), épichlorohydrine (2A) Hydrocarbures aliphatiques insaturés ou halogénés Chlorure de vinyle (1), bromure de vinyle (2A), fluorure de vinyle (2A), acrylamide (2A), 1,3-butadiène (1), 1,2-dibromoéthane (2A), 1,2,3-trichloropropane (2A), tétrachloréthylène (2A), trichloréthylène (1), chloral/hydrate de chloral (2A) Hydrocarbures aromatiques et leurs dérivés aminés et chlorés Benzène (1), biphényles polychlorés (1), biphényles polybromés (2A), 4-aminobiphényle (1), benzidine (1), 2-naphthylamine (1), ortho-toluidine (1), 4-chloro-orthotoluidine (2A), 4,4 -méthylène bis(2-chloroaniline) (MOCA) (1), teintures à la benzidine (1), dérivés alphachlorés du toluène et chlorure de benzoyle (mixte) (2A), 2,3,7,8-tétrachloro dibenzo-paradioxine (1), 2,3,4,7,8-pentachlorodibenzofurane (1), 2-nitrotoluène (2A) Agents physiques Rayonnement ionisant (toutes formes, incluant rayons X, gamma, neutrons, émetteurs alpha,

9 bêta incluant radon et ses produits de désintégration) (1), rayonnement solaire (1), rayonnement UV (1), lampes et tables à bronzer émettant des UV (1) Divers Tabagisme passif (1), formaldéhyde (1), poussière de bois (1), poussière de cuir (1), N-nitrosodiéthylamine (2A), N-nitrosodiméthylamine (2A), chlorométhyl méthyléther et bis(chlorométhyl)éther (1), sulfate de diméthyle (2A), sulfate de diéthyle (2A), aflatoxines (1), 1,2-dimethylhydrazine (2A), tris(2,3-tribromopropyl) phosphate (2A) Situations professionnelles particulières (professions, industries) Alumineries (1), fonderies de fer et d'acier (1), gazéification du charbon (1), production du coke (1), distillation du goudron de houille (1), ramoneur (1), pavage et couverture de toît avec brais de goudron de houille (1), fabrication d électrodes de carbone (2A), mines de fer (avec radon) (1), industrie de la chaussure (fabrication, réparation) (1), coiffeurs (2A), industrie du caoutchouc (1), raffineries de pétrole (2A), application d'insecticides non arsenicaux (2A), peintres (1), fabrication d'auramine (1), fabrication de magenta (1), fabrication d'alcool isopropylique (1), fabrication de verre (verre d art, contenants, verre pressé) (2A), travail posté entraînant une modification du rythme circadien (2A)