Eric Philippoz
Eric Philippoz Né en 1985 à Ayent, Suisse. Vit et travaille à Ayent et à Sion. Formation 2010-2012 Master en arts visuels à l ArtEZ Dutch Art Institute, Arnhem, Pays-Bas 2008 Semestre d échange à la Bergen National Academy of the Arts, Norvège 2006-2009 Bachelor en arts visuels pôle art/media à la Haute école d art et de design, Genève, avec les félicitations du jury Expositions (sélection) 2014 Heritage 1 : Artistes comme ethnographes, Kunstmuseum Thun Le Manoir 1964-2014 : 50 ans d expositions, Manoir, Martigny Vues d ici, Halle Nord, Genève 2013 Vallée de la jeunesse, Ferme Asile, Sion Swiss Art Awards, Basel Le chasseur noir, Caves de Courten, Sierre Corners of Shutters, Sub urban video lounge, Rotterdam (NL) Une Poétique du Temps, Manoir, Martigny 2012 Group Installing, Showroom, Arnhem (NL) Welcome to Paradise, Ancienne chancellerie, Sion 2011 Processions, intervention au Musée d art de Sion Café des rêves, Helmaus, Zürich Space the Final Frontier, CKP, Bangalore (IND) Performances 2013 Espace Bien-Être,.perf festival, Genève Un hamac et un livret de service, Printroom, Rotterdam (NL) 2012 Routine (avec le collectif practice-theatre), Raw Material Collective, Dakar (SEN) et Showroom, Arnhem (NL) 2010 Le peu de matière, Festival Ex-Corpus, Galerie Ex-Machina, Genève
Editions 2012 Livret de service, 250 exemplaires Articles 2012 I turn the video camera on, Autonomy Project Newspaper #3 Curatoriat (sélection) 2013-2014 Hôtel Philippoz, Ayent : résidence d artistes, expositions, performances 2012 Magic Bar, Rotterdam : expositions temporaires, performances, karaoké, discothèque, salle de projections, bar et plus encore 2010 [dezo RdR], La Dépendance, Renens (avec le collectif P4) : exposition collective 2009 DIE ART KLUBB, Genève (avec le collectif P4) : quatre événements d art contemporain dans un appartement privé Résidences 2012-2014 Atelier tremplin pour jeunes artistes, Ferme Asile, Sion 2012 Hellebou, Notodden, Norvège 2010 Summerlab, CAN, Neuchâtel (avec le collectif P4) Soutien 2013 Bourse de soutien à la création, Etat du Valais 2012-2014 Fondation Béa pour jeunes artistes Collections publiques Fonds cantonal d art contemporain de l Etat du Valais Musée d art, Sion Eric Philippoz Ch. de la chapelle 9 1966 Ayent, Suisse 0041 77 418 02 46 eric.philippoz@gmail.com www.ericphilippoz.ch
sélection 2009-2014
Hôtel Philippoz (projet en cours) résidence, événements publics vidéos, textes édition Le soir, quand on s en allait, en fermant la porte derrière nous tu disais : «Bonne nuit! Je ferme l Hôtel.» En juin 2011, ma grand-mère laissait définitivement son petit appartement d Ayent pour la maison de retraite. Je filmai alors chacune des pièces, emplies de ses affaires et de son absence. Elle décédait quelques mois plus tard. Depuis fin 2012, mon père et moi avons entrepris de rénover cet appartement; un long et lent processus. L ancien appartement de ma grand-mère est devenu un lieu de transition. Un lieu en transition, un chantier : des pièces que l on rénove, des murs que l on casse, mais aussi des souvenirs qui se transforment un chantier de la mémoire. C est dans cet esprit que j ai souhaité inviter des artistes à résider à «L Hôtel Philippoz» et à entrer en dialogue avec le lieu. L Hôtel a accueilli une dizaine d artistes en résidence, en août 2013 («Traces»), avril 2014 («Transmission») et août 2014 («Détachement»). Les artistes ont été invités à intervenir de manière éphémère dans l espace, de façon à charger le lieu de nouveaux souvenirs, en couches, comme l on ajoute une couche de glaçage sur un gâteau. En parallèle à ce programme de résidences, d expositions et de performances, je développe un travail artistique personnel lié à mon expérience du processus de rénovation. Une édition documentera cette année de transition et confrontera l approche personnelle que j entretiens avec le lieu aux travaux des artistes invités et leur regard extérieur. Artistes invités : Mathijs van Geest (NL), Dico Kruijsse (NL), Daphné Roulin (CH), Mercedes Azpilicueta (AG), Line Marquis (CH), Tim Leyendekker (NL), Clare Butcher (SA), Lara Morais (PT), Ane Østrem (NO) et Marija Sujica (SRB). Hôtel Philippoz vidéo DV, couleur, son. production still
Hôtel Philippoz vidéo HD couleur, son. production stills
Sans titre (Living room), photographie : Robert Hofer, 2014 Living room, exposition «Vallée de la jeunesse», Ferme Asile, Sion, 2013
Quelques images des événements publics de l Hôtel Philippoz (dans le sens des aiguilles d une montre) : Matthijs van Geest, She overheard a conversation, aluminium; Dico Kruijsse, Sans titre, matériaux divers; Tim Leyendekker, Sans titre, installation avec ballons dorés et Line Marquis, Là où on n existe pas, dessin mural; Souper d introduction par l artiste Clare Butcher
Première chasse (projet en cours) vidéo et dessins Mon père chasse. Il a hérité cette passion de son père. Le samedi soir, à la table de la cuisine, alors que ma mère verse du café aux invités, il évoque souvent l anecdote de son premier cerf ou de cette grosse biche tirée à l orée de la nuit. En général, il enchaîne ensuite avec le récit de son service militaire. J ai grandi entouré de ces histoires et de l excitation grandissante qui s empare de mon père, chaque année, à l approche du mois de septembre et de l ouverture de la chasse. Enfant, je boycottais fermement sa passion que je trouvais barbare. L an passé, j ai tout-de-même décidé de l accompagner pour la première fois à la chasse, par curiosité et pour ramener des images de macho tueur. Contrairement à mes attentes, les images se sont révélées beaucoup plus complexes que prévu : une tension intéressante existe entre le cliché du chasseur macho et les postures sensuelles d un homme qui rampe, entre la figure du prédateur et les regards tendres de mon père envers la caméra. De cette journée de chasse est tirée la vidéo J.-M. Philippoz, Rawyl, 21.09.2011. Suite à cette expérience, j ai décidé d approfondir ma recherche sur la chasse, fasciné par des photos glanées dans les albums photos de mon père et de mon grand-père. Ces photos documentent généralement le chasseur avec sa proie ou le groupe de chasseurs avec leurs trophées. Il s agit de moments particuliers dans la relation entre hommes (la chasse demeure une activité presqu exclusivement masculine en Valais); une tension riche et intéressante existe entre ces hommes réunis autour de la mort : une sorte de «communauté du crime» qui pose pour la postérité de manière parfois très sensuelle, bras-dessus, bras-dessous, la main posée sur la cuisse d un chevreuil ou le fusil entre les jambes, à la limite de l homo-érotisme. Des photos de mon père et de mon grand-père, j isole des postures que je retravaille, puis agrandis dans des dessins grand format au crayon et graphite. Photographie tirée de l album photo de mon père et annotée : «La fierté du groupe»
La fierté du groupe dessin mine graphite et crayon sur papier, 150 x 220 cm.
Là je suis gourmand dessin mine graphite et crayon sur papier, 130 x 180 cm.
J.-M. Philippoz, Rawyl, 21.09.2011 vidéo HDV, couleur, son, 07 45 film still
en haut : vues de l exposition «Le chasseur noir», Caves de Courten, Sierre, 2013 - Coming out n 7 : Papa et Maman, photographie; Là je suis gourmand, dessin et J.-M. Philippoz, Rawyl, 21.09.2011, vidéo HDV en bas : La fierté du groupe, dessin, et Patineur, vidéo, à la Galerie zur Schützenlaube, Visp, 2013
Livret de service 2012, édition, français et anglais 126 pages, 11 x 16.5 x 2 cm. 250 copies «Ecrire dans le hamac, enveloppé de tissu. Isolé. Suspendu. Des bruits me parviennent de l extérieur, filtrés par l étoffe, des sons étrangers qui pénètrent mes oreilles, que j absorbe. La house du voisin, le chant des perroquets ; ils s ajoutent à mon poids, m alourdissent, mettent les cordes sous tension. ( )» Extrait de Livret de service Livret de service est un recueil de textes écrits entre septembre 2009 et mars 2010 durant mon service civil au Brésil. De nature autobiographique, voire intime, ces écrits attestent d un moment de transition, d un processus de recherche personnelle. Livret de service, c est une histoire de hamacs, de noix de cocos et de coming-out. Dans cette édition, on retrouve des problématiques sur lesquelles je continue de travailler aujourd hui : le déplacement ; l entre-deux, un moment de flottement entre deux états, un lieu parfois obscur mais riche en potentialité créatrice et critique, un intervalle à cultiver et à préserver ; l homosexualité - ou plutôt l homo-ness telle que la définit Leo Bersani comme un de ces interstices à revendiquer. Design : Bosco Hernández (Werkplaats Typographie) Editeur : Dutch Art Insitute
24 Je me demande ce que je faisais vendredi, lorsque ma grand-mère est morte. (Pause. Les enfants du quartier m entourent, veulent savoir ce qui est écrit. Je leur traduis. «Ah... et quand va commencer la peinture murale?» J aurais dû me douter qu écrire au bord du lac n était pas une idée si bonne, bien que romantique.) Vendredi, j avais mal au gros orteil, après ma première expérience de foot. Ma mère m a écrit : «Ne culpabilise pas, tu n as rien à te reprocher.» Moi je lui disais souvent : «Vivement le jour où grand-maman sera morte!» Il me semble qu inconsciemment j avais prévu d assister à son enterrement. Juste pour vérifier qu elle ait bien disparu de ma vie. (Magnifique coucher de soleil. «Eriki, qu est-ce que tu dessines?» Je ne dessine pas, j écris. Ils rient de mon accent, comme d habitude.) Je repense à cette phrase d un ami, dans son dernier email : «Tu vis dans un autre décor.» Je contemple le paysage : la fin du lac de Castanhol, une étendue d herbe verte, variations sur le brun, arbres et vaches isolés. Tout parait très figé. Je ne peux m empêcher de penser à un tableau, à une image, dont la composition serait presque parfaite, rythmée par les fils électriques sur la gauche. J entends au loin le chant des perroquets dans le manguier, la house du voisin et la voix stridente de l infirmière du village qui hurle au téléphone. Ma grand-mère avait une voix horrible, aiguë et éraillée à la fois, la même dont ma mère a héritée lorsqu elle se met en colère. Un truc de famille. (Un caïman approche dans l eau. Le premier que je voie.) C est à ce moment-là que le décor change : je regarde par la fenêtre de ma chambre en Valais, le Mont- Noble a remplacé le grand châtaignier de l autre côté du lac, je respire l air froid et piquant du matin. Cette voix dans la cuisine. (Le soleil, rouge étincelant, a disparu derrière les arbres. Le caïman est parti. Je remarque que la berge est dégueulasse.) Extrait de Livret de service
Le peu de matière 2010, performance, 9h Festival Ex-Corpus, Galerie Ex-Machina, Genève Ex-Corpus est un festival annuel de performances à Genève. Les performances s enchaînent au rythme d une par heure dans la galerie Ex-Machina. Invité par le festival, j ai proposé un travail très simple et en apparence inopportun : tricoter toute la journée, assis entre l espace dévolu aux performances et celui réservé au buffet. Ma présence n était pas mentionnée dans le programme du festival, jetant le doute sur mes motivations à accomplir ce geste. Au bout de 9 heures de labeur, maille après maille et au fil de conversations animées sur les travaux dévolus aux hommes ou aux femmes, le tricot a atteint près de deux mètres.
Répétitions 2009, installation avec 3 projections vidéo et 1 vidéo sur moniteur : Sur nos monts, 2009, 25 30 Procession, d après Edouard VALLET, Procession de pénitents blancs, 1911, huile sur toile, Musée d art Sion, 2008, 04 20 Patineur, 2008, 01 58 Tschäggätä (carnaval au Lötschental), 2009, 03 10 Cette installation, réalisée à la fin de mes études bachelor à la Head, regroupe quatre vidéos : Sur nos monts, Procession, Patineur et Tschäggättä. En déambulant entre les moniteurs et les projections sur panneaux de bois, le spectateur se retrouve enveloppé de différentes miseen-scènes de la vie sociale, comme une procession religieuse ou un défilé de carnaval. La seule vidéo avec son, Sur nos monts, diffuse sa litanie ironique dans l espace : l apprentissage saccadé de l hymne national suisse. Dans cette vidéo, assis devant un paysage de montagne au petit matin, j apprends par coeur les paroles de notre hymne éculé, en recommençant à chaque erreur. La longueur de la vidéo est déterminée par la durée de l apprentissage du texte. La vidéo Patineur, la seule sur moniteur, constitue une sorte d antithèse aux trois autres travaux : isolé au milieu d une patinoire, sous la pluie, comme dans une bulle, un patineur tourne sur luimême, s arrête, puis recommence. En pénétrant le dispositif, le spectateur crée nécessairement des interférences avec les projections; son ombre se découpe sur les grands panneaux de bois, l incluant de la sorte dans l oeuvre. Le spectateur confronte ainsi ses propres constructions sociales avec celles mises en images. vue de l installation Répétitions
vue de l installation Répétitions : Procession, Sur nos monts et Patineur
Tschäggättä 2009, vidéo HD, couleur, muette 03 10
Patineur 2008, vidéo, couleur, muette 01 58 Dans cette vidéo à la qualité snapshot, un patineur tourne sur lui-même sous la pluie, s interrompt un instant, puis recommence. Procession, d après Edouard VALLET, Procession de pénitents blancs, 1911, huile sur toile, Musée d art Sion 2008, vidéo HD, couleur, muette 04 20 Le point de départ de cette vidéo est le tableau Procession de pénitents blancs d Edouard Vallet - peintre genevois de la deuxième école de Savièse -, la seule image d art qui représente ma commune d origine. Dans la vidéo une procession religieuse, dans tout son faste de costumes, prend lentement possession de l espace définit par la composition de Vallet. Procession a été présentée en 2012 lors de l exposition Welcome to paradise au Musée d art de Sion, dans laquelle figurait la peinture d Edouard Vallet.
Sur nos monts 2009, vidéo HD, couleur, son 25 30 Je considère ma pratique artistique comme étant en perpétuel mouvement, fluide. Au fil des ans, j accumule un vocabulaire d images, de textes et de performances que je combine, recombine, compose et recompose selon le contexte. Comme des mots, le sens des pièces individuelles change, évolue, selon la «phrase» dans laquelle je les place. Certaines de ces vidéos ont par exemple été montrées dans la collection du Musée d art de Sion en 2011, dans deux salles de la section contemporaine. Le son envahissant et répétitif de Sur nos monts, ainsi que les paroles éculées de l hymne national, ajoutaient une pointe d ironie aux autres œuvres de la salle (Walter Niedermayr, Thomas Flechtner), liées elles aussi à l icône de la montagne. Sur nos monts installé au Musée d art de Sion en 2011