Icare Hommage à Lifar Ballet de l'opéra National de Bordeaux 24 octobre au 2 novembre 2014 Grand-Théâtre - Bordeaux



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Transcription:

Icare Hommage à Lifar Ballet de l'opéra National de Bordeaux 24 octobre au 2 novembre 2014 Grand-Théâtre - Bordeaux Icare Prélude à l'après-midi d'un Faune Suite en Blanc "La collection Lifar" Exposition du 16/10 au 2/11 Remise du Prix Lifar 24 octobre Une exposition dossier de presse

Icare... Hommage à Lifar 3 ballets, 8 représentations, une exposition "La collection Lifar" et la remise du Prix Lifar par Attilio Labis Dernier des prestigieux danseurs formés par Diaghilev, c'est presque par accident que Serge Lifar, fils d'un fonctionnaire russe, né à Kiev le 2 Avril 1905, découvre sa voie un certain jour de 1920 alors que, parcourant au hasard les rues de la ville dans le chaos de la révolution bolchévique, ses pas d'adolescent le conduisent jusqu'à l'école de Bronislava Nijinska. Médusé à la vue des danseurs à la barre, il écrit en 1965 ("Ma vie") : "J'étais sorti d'un monde chaotique et j'avais trouvé l'ordre et l'harmonie". Danseur exceptionnel des Ballets Russes de Diaghilev, 1 er danseur étoile de l Opéra de Paris, directeur du ballet, Serge Lifar est aussi un chorégraphe extrêmement fécond près de 200 pièces, qui contribua au renouveau de la danse et au style néo-classique. Mélange de prouesses techniques, d innovations et de virtuosité, ses chorégraphies sont de purs joyaux à l image d Icare, Prélude à l après-midi d un Faune et Suite en blanc. Le Ballet de l'opéra National de Bordeaux* dirigé par Charles Jude lui rend hommage à travers trois de ses chorégraphies (déjà entrées à son répertoire)... grâce à "La collection Lifar", une exposition dans le hall du Grand-Théâtre, présentera du 16 octobre au 2 novembre une sélection de 40 photographies prêtées par la Fondation Lifar. "Cette exposition est basée sur des archives et souvenirs conservés par la Fondation, sous l'impulsion de la comtesse Lillan Ahlefeldt-Laurvig - sa fidèle compagne - qui souhaitait également que des objets et costumes soient vendus pour intégrer des collections privées et ainsi continuer à vivre " Charles Jude Le Prix Serge Lifar sera remis par Attilio Labis à l'un des danseurs du Ballet de l'opéra National de Bordeaux à l'issue de la représentation du 24 octobre (10.000 ). Ballet de l'opéra National de Bordeaux Orchestre National Bordeaux Aquitaine - Direction musicale, Nathan Fifield Icare Chorégraphie et rythmes de Serge Lifar orchestrés par Joseph-Emile Szyfer Décors et costumes, Paul Larthe, Pablo Picasso Prélude à l'après-midi d'un Faune Chorégraphie, Serge Lifar d'après Nijinsky // Musique, Claude Debussy Suite en Blanc Chorégraphie, Serge Lifar // Musique, Edouard Lalo (extraits de Namouna) VENDREDI 24 OCTOBRE // 20H00 DIMANCHE 26 OCTOBRE // 15H00 LUNDI 27 OCTOBRE // 20H00 MARDI 28 OCTOBRE // 20H00 MERCREDI 29 OCTOBRE // 20H00 JEUDI 30 OCTOBRE // 20H00 VENDREDI 31 OCTOBRE // 20H00 DIMANCHE 2 NOVEMBRE // 15H00 de 8 à 45-1h30 environ * Le Ballet de l Opéra National de Bordeaux a reçu le prix Serge Lifar à l issue d une représentation de Suite en Blanc et Icare au Grand-Théâtre de Bordeaux en novembre 2001 2 séances «courtes» inscrites dans la programmation jeune public auront lieu : mardi 28 octobre 15h jeudi 30 octobre 15h Le programme comprendra Suite en blanc et Prélude à l après midi d un Faune. Ce ballet sera capté et retransmis par MEZZO Rencontre des artistes de la production avec le public dans le cadre d'un "Cour à jardin" organisé au Grand-Théâtre le 23 octobre à 18 heures Icare Ballet de l'opéra National de Bordeaux Sigrid Colomyes

Trois œuvres majeures de Serge Lifar Icare, Prélude à l après-midi d un Faune et Suite en Blanc, ces trois œuvres du célèbre chorégraphe d origine ukrainienne sont au programme du Ballet de l Opéra de Bordeaux, avec le soutien de la Fondation Serge Lifar qui remettra son Prix lors d une soirée de gala, le vendredi 24 octobre. Le (en)vol d Icare, le héros de la mythologie grecque mort pour avoir volé trop près du Soleil, est l une des plus fameuses chorégraphie de Serge Lifar. Le maître de ballet, né à Kiev en 1905 et mort à Lausanne en 1986, l a créée en 1935 sur une partition musicale du compositeur suisse Arthur Honegger. Les décors sont commandés à Dali, mais son imagination débordante empêchera une réalisation concrète. Lifar se consolera en confiant le rideau de scène à son ami Pablo Picasso lors de la reprise du ballet en 1962. Autre œuvre majeure créée à l origine par le célèbre Nijinski en 1912 sur une musique de Claude Debussy, L Après-midi d un Faune a été remanié par Lifar en 1932. Troisième ballet, Suite en blanc, créé en 1943, avec une constellation de danseuses étoiles, a atteint sa 300 e représentation en 1961 : «C est une véritable parade technique, un bilan de l évolution de la danse académique, une facture présentée à l avenir par le chorégraphe d aujourd hui», analysera Serge Lifar avec une décennie de recul. La Fondation Serge Lifar La Fondation Serge Lifar a été créée en 1989, après le décès du célèbre chorégraphe, par la Comtesse Lillan Ahlefeldt-Laurvig, sa compagne pendant plus de 30 ans et sa légataire universelle. Elle poursuit le but de soutenir l action en faveur de l art chorégraphique menée de son vivant par Serge Lifar, de protéger, défendre et perpétuer son nom et sa mémoire. A cet effet, elle remet le Prix Serge Lifar à un danseur ou une danseuse interprétant ou ayant interprété des ballets ou toute œuvre de Lifar ou d autres chorégraphes qui s inspirent ou se sont inspirés du style néo-classique. Attilio Labis Né en 1936, Attilio Labis est entré à neuf ans à l'école de danse de l'opéra de Paris. Il a gravi les échelons de cette prestigieuse école et en 1952 il est accepté dans le corps de ballet de l'opéra. En 1958, il n'a qu'une semaine pour présenter le concours afin de devenir premier danseur. Malgré le peu de temps d'entraînement il est promu. Après sa brillante prestation dans le pas de Dieux de Gene Kelly en 1960, le Ministre français de la Culture demande à ce qu'il soit nommé Etoile. Il a été le partenaire privilégié de Christiane Vlassi (son épouse), Claude Bessy ainsi que de la ballerine britannique Margot Fonteyn. Attilio Labis vit à Paris. Il est également chorégraphe et parmi ses plus brillantes créations, on peut citer: Arcades et Roméo et Juliette. Il est devenu par la suite professeur à l'école de danse de l'opéra et Maître de Ballet à l'opéra de Paris. Attilio Labis préside la Fondation Serge Lifar.

[Lifar fut un précurseur. Son talent intemporel, a inspiré tous les chorégraphes contemporains. Je demeure parmi ceux qui sont dépositaires de son esprit originel.] Charles jude directeur du Ballet de l'opéra National de Bordeaux Je suis vice président de la Fondation Lifar depuis un an et cela fait longtemps qu'elle n'avait pas donné d'autorisation pour que l'on remonte des ballets de Lifar. La comtesse qui la présidait étant décédée, la Fondation souhaite redonner la possibilité de voir ces chorégraphies sur les grandes scènes mondiales. Même un peu oubliées, ces ballets émanent d'un homme qui a laissé un grand nom dans la danse. Et si l'on continue de célébrer des mythes tels que Nijinski et Noureev, on oublie trop Lifar qui fut 35 ans durant directeur de la danse à l'opéra de Paris, qui fut le danseur étoile des Ballets Russes de Diaghilev. Sa carrière a été époustouflante même si la seconde guerre mondiale a jeté une ombre sur son nom et ralenti son parcours... car il lui fut reproché - en tant que directeur de l'opéra de Paris - d'avoir reçu le Kaiser. Personnage emblématique de la danse, il a créé plus de 200 œuvres et travaillé avec les plus grands artistes de son temps, peintres et compositeurs. Parmi ses chorégraphies, beaucoup ne sont plus données car leurs notifications n'existent plus, mais par contre, toutes les œuvres qui sont restées à l'opéra de Paris constituent un précieux trésor et la mémoire de ses créations. J'ai souhaité reprendre trois d'entres que nous présenterons dans le cadre de cet hommage : Icare, l'œuvre d'un précurseur Icare, qu'il a lui-même créé, dont il a inventé les rythmes de percussions qui seront ensuite orchestrés par Honegger puis par Joseph-Emile Szyfer. Créer cela en 1935, et en collants académiques, révélait une vraie vision moderne de la danse. Il a devancé sur cette route Béjart et son Ballet du XX ème siècle, dénudant les danseurs bien avant lui.

Prélude à l'après-midi d'un Faune, une chorégraphie adaptée à son narcissisme Ce ballet, Lifar l'a dansé dans la version Nijinski. Il en a créée une version pour lui en enlevant toutes les nymphes, les flûtes, les accessoires, pour valoriser son propre rôle avec une pointe de narcissisme. Ce ballet totalement intemporel, marqué du souvenir du scandale qui a accompagné sa création en 1912 avec, sur scène, Nijinski mimant l'orgasme. Mais si des artistes tels que Mallarmé se sont offusqués, des peintres, des sculpteurs - Rodin entre autres - ont au contraire été inspirés par la force qui émanait du danseur et du personnage du Faune. La version Lifar est intéressante par ce qu'il a insufflé d'animalité et de sensualité dans ce Faune, plus humain que celui de Nijinski. Suite en blanc, où l'invention du néo classicisme Lifar fut le créateur du néo classicisme, avec des chorégraphies qui donnaient plus de liberté à la gestuelle des danseurs, à leurs déplacements. Difficiles à exécuter en raison de la succession de positions horizontales et verticales, toutes basées sur le décalage, sur la recherche de nouveaux équilibres qui donnent une grande liberté d'interprétation aux danseurs. A l'époque de la création de Suite en blanc (1943), Lifar était de retour à l'opéra de Paris après en avoir été évincé. Il y avait de nombreuses étoiles à l'opéra et il a souhaité toutes les distribuer (Virobova, Claire Motte, Claude Bessy,...). Chez les hommes, c'était notamment la période de Kalioujny. Ce ballet est celui qui a été le plus représenté à l'opéra de Paris car il est tellement difficile que pendant longtemps seuls les artistes de ce niveau pouvaient s'y essayer. La technique ayant évolué, les danseurs devenus plus performants, désormais certaines compagnies le remontent... mais le plus difficile n'est pas d'exécuter la chorégraphie, mais bien de préserver l'esprit de la création de Lifar. Aujourd'hui les passeurs de ses chorégraphies ce sont les danseurs qui les ont interprétées à son époque, Cyril Atanassof, Attilio Labis, Christiane Vlassi, ainsi que toute la génération suivante parmi laquelle Noëlla Pontois qui a dansé ce ballet avec Lifar. Sans doute sont-ils les derniers témoins de ses ballets, tout comme moi qui ait eu la chance de les interpréter et qui suis en partie dépositaire de cet héritage, de l'esprit originel de Lifar. Il est essentiel que les jeunes générations qui n'ont pas encore eu la possibilité de danser ces ballets comprennent que tous les grands chorégraphes se sont inspirés de Lifar et Nijinski. Car ainsi va le cycle de la danse qui fait que - tous les dix ans - on oublie ce que les générations précédentes ont produit en termes d'influences majeures.. Propos recueillis par Noëlle Arnault Juin 2014 La photo d'archive Lifar n'est pas libre de droits pour une utilisation par la presse

Biographies Serge Lifar La période ukrainienne (1905-1923) Son enfance Il rêvait d être soldat et de marcher au pas, il sera danseur aux pas aériens et peu martiaux. Serge Lifar l assure dans la biographie de sa petite enfance. Nous sommes en août 1913; il a 8 ans et il se souvient très bien : «J ai endossé un petit uniforme et je suis coiffé d une belle casquette, marquée au chiffre du collège Impérial Alexandre, de Kiev. Mais l uniforme de mes rêves est tout autre. Il a des épaulettes rouges, ornées des initiales I.K. et un col à bordure dorée : la tenue du premier Corps de Cadets. Je rêvais d être soldat, et surtout cavalier: élancé, grand et beau, en selle sur un cheval blanc comme la neige, je galopais crânement à la tête d un escadron que je menais à la charge.» Né à Kiev, le 2 avril 1905 dans la capitale ukrainienne située au bord du Dniepr, Serge Lifar y passe une enfance heureuse et gâtée au sein d une famille bourgeoise. Son grand-père maternel, éleveur de bétail, descend de grands propriétaires terriens qui exploitaient le sel de la mer Caspienne. Cela conserve : il vivra au-delà de cent ans. Un grand jardin fleuri et des petits chats au ronronnement apaisant, tel est le décor : «Quand j avais désobéi, la plus grande peine que mes parents pouvaient m infliger était d enfermer le soir le petit chat à la cuisine.» Son père, Michel Lifar, est fonctionnaire. Le jeune Serge côtoie un frère aîné, Vassili (Basile en français), un futur artiste-peintre d un an plus âgé, et un petit frère, Léonide, d un an son cadet, qui sera pilote de chasse. Une sœur aînée, Eugénie, complète le trio. Elle viendra aussi s installer à Paris où elle travaillera dans la restauration. De son père, Serge Lifar garde une image bienveillante : «Il était bon et doux. Ce qu il aimait le plus, c était l élégance, l ordre. Il s entourait de beaux meubles, de bibelots précieux; il avait besoin d une atmosphère harmonieuse. Il n élevait jamais la voix; il nous parlait comme à des amis; il savait respecter l enfance. J étais son préféré.» A l égard de sa mère, Sophie Lifar, il éprouve une tendresse éperdue : «J avais pour elle une véritable adoration qui se manifestait par des cris d enthousiasme ou des désespoirs sans borne. Je me rappelle qu elle alla passer un mois et demi en Crimée, avec toute la maisonnée, me laissant seul à Kiev avec ma gouvernante pour je ne sais plus quelle raison. Je devais avoir 4 ans. Le départ des autres m importait assez peu; mais je ne pouvais croire que ma mère allait m abandonner, et, ce qui m arrivait rarement, je pleurais à chaudes larmes. Ce séjour de ma mère en Crimée a laissé une ombre triste dans ma mémoire.» La période ukrainienne (1905-1923) La grande guerre Quand les hostilités de 1914 démarrent, Serge Lifar pense s enrôler dans l armée russe où se trouvent déjà douze de ses oncles! Kiev devient le point de ralliement d innombrables armées : «Je passais mon temps à rêver de la guerre, à former des plans d escapade vers le front mystérieux et si tentateur.» Bon élève, le jeune Serge est aussi enfant de chœur à la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev : «Je chantais à toutes les messes. Mes parents étaient fiers de mes succès musicaux, mais ils ne me laissaient pas aller au théâtre. Il était à leurs yeux le symbole du désordre et des tentations qui peuvent perdre un spectateur précoce.» Avec la Révolution d octobre 1917, Lénine invite les soldats à quitter le front, excitant le peuple à la révolte: «Vole ce qui a été volé!» Commencent alors la panique et l anarchie. Les soldats désertent en tuant leurs officiers. Une impitoyable guerre des classes débute avec pour objectif l extermination des bourgeois.

Les bolchéviques s emparent de Kiev, puis les Allemands investissent la ville et rendent les propriétés aux paysans sous la menace des baïonnettes. Mais la vie reprend son cours. Survient une ère d ukrainisation : «Les documents officiels durent être rédigés dans une langue factice et incompréhensible pour le peuple.» Le jeune Lifar est frappé par les horreurs de la guerre: «Les Allemands disposèrent des mitrailleuses en batterie devant les villages révoltés et n y laissèrent pas âme qui vive. On enfermait tous les habitants dans leurs baraques puis on y mettait le feu. Les communistes qui demeuraient épars dans les campagnes en profitaient pour souffler la révolte aux moujiks, qui, à leur tour, pour se venger des maisons brûlées, surprenaient des soldats allemands qu ils faisaient cuire dans d énormes chaudières.» Après avoir été enrôlé dans l Armée Blanche, Serge Lifar est engagé dans l Armée Rouge. A tout juste 16 ans, il est nommé officier, avec un uniforme tout neuf et un gros revolver, et reçut le commandement de quelques dizaines de «jeunes voyous». Les Soviets sont pressés d arracher les adolescents encore malléables à la bourgeoisie comme à la paysannerie, pour en faire de «bons» communistes; ils suppriment la propriété privée, toutes les maisons sont déclarées propriété d Etat avec, dans chacune d elles, un comité de locataires. Les magasins sont fermés et c est le gouvernement qui distribue des rations d Etat. De quelque 200 camarades de son adolescence, Lifar estime que trois seulement ont survécu : son frère Vassili et lui, ainsi que Cerna, qui créera plus tard à Paris une marque de chaussons de danse portant son nom, raconte Lifar dans «Ma vie», paru en 1965 à Paris. La période ukrainienne (1905-1923) L initiation au ballet Bronislava Nijinska dans Petrouchka 1911 En 1920, par l entremise d un camarade de collège, il découvre le ballet de Bronislava Nijinska, la sœur du danseur et chorégraphe russe Vaslav Nijinski. C est la révélation : «Je me réfugiais dans un coin de la pièce; mon cœur battait avec violence; je ressentais un enthousiasme que je n avais encore jamais éprouvé : les élèves de Madame Nijinska dansaient du Chopin et du Schumann; je découvrais une harmonie merveilleuse entre la musique et leurs corps divinisés par le rythme; la musique inspirait la danse et trouvait en elle son couronnement. La danse-amour s emparait de ma vie.» Le lendemain, il décide de retourner au studio, muni de chaussons de danse, mais Madame Nijinska refuse tout net de l accepter comme élève. Un refus sec et laconique suscité peut-être par son port de l uniforme. Il passe outre et s inscrit d autorité comme élève : «Je travaillais avec une application sans égale mais elle semblait ne pas le remarquer. Ces études durèrent quelques mois. Elles m apportaient un bonheur sans borne et la joie nouvelle d atteindre enfin cette technique faute de laquelle toute personnalité est impuissante à s exprimer», se souviendra-t-il plus tard, alors qu il ne songe ni au théâtre, ni à la scène : «Je commençais à découvrir certaines notions, comme l élan de l âme, la respiration et le mouvement physique du corps qui offrent trois dessins rythmiques nettement distincts.» Serge Lifar à 16 ans Quand la grande ballerine s apprête à fuir la Russie soviétique pour Paris, il décide d étudier seul la danse. En ermite, il commence un apprentissage de 15 mois, à raison de cinq à six heures passées en studio où il apprend «les joies et les tortures de la création, les joies et les tortures du labeur, de la plus haute extase aux tentations les plus basses.» C est à cette époque qu il forme son goût musical, comprenant que «le rythme est l âme de la musique». Il aime Mozart et Chopin, plus que les compositeurs russes qui le laissent de glace. En revanche, la découverte du grand poète Pouchkine et la «musique de ses vers» sont une révélation. Toute sa vie, il lui vouera un véritable culte.

La période ukrainienne (1905-1923) Une évasion rocambolesque La tentation de l exil commence par un simple télégramme émis de Paris au studio Nijinska : «S. P. Diaghilev demande, pour compléter sa troupe, les cinq meilleurs élèves de Mme Nijinska.» Serge Lifar se porte volontaire bien qu il n appartienne pas formellement au studio de l école privée de la ballerine. Ses parents réussissent tant bien que mal à réunir devises étrangères et argent liquide pour payer le voyage jusqu à Varsovie. Un contrebandier doit l aider à franchir la frontière soviétique : «Habillez-vous de telle sorte que vous puissiez passer pour un soldat rouge. Procurez-vous un fusil à n importe quel prix». Mais l évasion échoue misérablement. Jeté dans un cachot, Lifar s en échappe et saute dans un wagon de marchandises. La deuxième tentative sera la bonne. Il achète un billet de 3 e classe pour une petite ville-frontière au tarif impressionnant de 50 millions de roubles. L inflation et la planche à billets avaient passé par-là. C est sur un traîneau traversant plaines et bois qu il franchit la frontière polonaise par une nuit sombre, non sans avoir salué sa mère qu il voyait pour la dernière fois : «Au moment des adieux, elle me bénit, et je vis dans ses yeux un regard si effrayé qu il ne cessa de me poursuivre.» Après quelques semaines d errance à Varsovie avec deux compagnons de voyage, il finira par recevoir l argent envoyé par Diaghilev pour financer leur périple jusqu à Paris : «Nous nous précipitâmes dans les magasins, émigrâmes au Bristol, et pûmes enfin manger. En quelques heures, nous eûmes l air de provinciaux épanouis et endimanchés!» L aventure française allait commencer La période française (1923-1981) Les premiers pas chez Diaghilev Le 13 janvier 1923 marque l arrivée à Paris, capitale du monde: «Je me rappelle une de ces matinées d hiver où un soleil léger brille à travers la brume; je descendais les Champs-Elysées, en jouissant pour la première fois de la certitude d être hors de danger; j étais un libre citoyen de l univers dans la plus libre des capitales.» Sur les bords de la Seine, c est la rencontre avec l homme qui va décider de son destin, Sergueï Pavlovitch Diaghilev : «Dans un petit groupe qui se dirige vers nous, j aperçois un homme grand, qui me paraît un colosse, qui s avance en agitant une canne, vêtu d une plisse, coiffé d un chapeau mou. Je vois briller dans son visage rose, un peu gras, couronné de mèches blanches qui évoquait quelque chien Saint-Bernard, des yeux d un brun caressant où se mêlent la vivacité, la douceur et une sorte de tristesse.» Répétition d un ballet russe de Diaghilev - La petite troupe rejoint Monte-Carlo. La vue de la Méditerranée et des collines débordantes de fleurs et d oliviers les comble de bonheur : «Je croyais que la vie allait être une fête perpétuelle, mais il ne me fallut que quelques heures pour déchanter», se remémore-t-il dans sa biographie. Le regard de Diaghilev est impitoyable : «Les bonds de mes camarades tenaient plutôt du sport que de la danse. Quand ce fut mon tour, j avais sans doute plus d aisance que mes camarades, car le visage de Diaghilev s éclaira et une petite lumière parut dans ses yeux. Il réfléchit quelques secondes : «Allons, fit-il enfin. Qu ils restent tous; j ai foi en ce garçon. Il sera danseur.» Guidé par le grand critique d art et imprésario créateur des «Ballets russes», Serge Lifar va connaître une nouvelle existence grâce à ce guide sûr qui allait faire de lui un artiste. Les quelques mots d encouragement de Diaghilev lui ont donné confiance malgré la sévérité du personnage : «Il était, aux yeux de toute la troupe, une sorte de divinité inaccessible, tour à tour, bienveillante et irritée. On le craignait.

Il assistait quelquefois aux répétitions, entouré de sa suite. Il s asseyait, nous regardait danser, puis nous exprimait son mécontentement (un éloge de lui était chose extrêmement rare) et s en allait.» La Compagnie des Ballets russes est une véritable commune libre avec une vie à elle : «Ses membres ne pensaient, en dehors des répétitions, qu à jouer, boire et flirter entre eux de la manière la plus plate du monde.» Le premier ballet qui le met en scène est Noces d Igor Stravinsky avec des répétitions placées sous le contrôle du grand compositeur qui se mettait lui-même au piano en chantant d une voix fêlée: «Stravinsky nous communiquait sa passion, son don créateur et nous nous mettions à danser vraiment.» Rentré à Paris avec toute la troupe, Serge Lifar découvre le Louvre et ses salles interminables, Versailles et son impressionnante galerie des glaces. Diaghilev lui confie le rôle de l esclave mourant de Shéhérazade, puis celui d un officier des Fâcheux, sur un thème de Molière. La troupe part pour Barcelone, puis pour Amsterdam. De retour à Paris, il fait la connaissance de Picasso qui fait observer à Diaghilev en connaisseur: Serge Lifar et son professeur Enricco Cecchetti, 1928 «Le corps de ton petit danseur a les proportions idéales». Son amie Coco Chanel l accompagnera aussi tout au long de sa vie parisienne et même après. Parfois elle s occupe aussi des costumes : «Il m a toujours fait rire, ce que beaucoup d homme ont oublié de faire. Quand il me voyait triste, il arrivait avec plein d histoires sur son enfance en Russie, ses parents. C est un vrai Russe, voyez comme il boit son thé après avoir mis le morceau de sucre dans sa bouche». Muni d un billet pour Turin et d un passeport fourni par Diaghilev, Lifar poursuit sa formation chez Enrico Cecchetti, le «faiseur d étoiles», le professeur de tous les solistes des ballets russes. La période française (1923-1981) Les grands ballets : de Prométhée à Icare Les créatures de Prométhée Photo Henri Manuel Directeur de l Opéra de Paris, grand ami et admirateur de Diaghilev, Jacques Rouché propose à Lifar de monter un ballet sur le Prométhée de Beethoven. Il accepte tout en proposant de confier la chorégraphie à Balanchine. Atteint d une grave pneumonie, Balanchine doit cependant céder la chorégraphie à Lifar. Avec Suzanne Lorcia comme première danseuse et partenaire de Serge Lifar, la première des Créatures de Prométhée remporte un véritable triomphe et Rouché confie désormais à Lifar les rennes du ballet de l Opéra : «Dès ce jour-là, je suis devenu «maître» et, pendant un quart de siècle, accueilli par ces «maître», «bonjour maître», des petits rats jusqu aux étoiles, j ai été une sorte de berger heureux», écrira-t-il dans «Ma vie». Créé en 1931, Bacchus et Ariane est un hommage à Diaghilev, un ballet parfaitement original mais perpétuant à sa façon les traditions esthétiques des Ballets Russes, avec Lifar dans le rôle de Bacchus et Olga Spessivtseva dans celui d Ariane : «Le spectacle déchaîna une véritable tempête parmi le public, rapporte sa biographie. Si les uns applaudissaient bruyamment, d autres exprimaient leur indignation avec autant de vigueur ( ) Les habitués de l Opéra n étaient pas encore préparés à cette nouvelle esthétique.» La première de Giselle a lieu en février 1932, un drame shakespearien où Olga Spessivtseva saura donner la perfection de l art chorégraphique : «Dans ce rôle, elle fut la danseuse la plus grande et la plus sublime du XX e siècle. Dans ce ballet que j ai dansé durant 25 ans à travers le monde, j ai cherché à ennoblir le rôle du prince Albert en lui insufflant un idéal dont la mort par amour est le symbole».

Picasso et Cocteau, en larmes, assistent à la première : «Moi qui avait toujours mené ma vie comme un combat, je venais de remporter ce soir-là une de mes plus belles victoires». Créé par Nijinsky en 1912, L Après-midi d un Faune est remanié par Lifar en 1932; il y introduit «des mouvements brusques, angulaires, basés sur une grande tension des muscles de tout le corps.» Mais ce sera le ballet Icare qui va assurer l envol du chorégraphe. Dès 1932, il songe à un ballet sur ce thème très aérien et passe d abord commande de la partition musicale à Igor Markevitch. Finalement, le ballet sera monté sur une orchestration ou plutôt de simples rythmes créés par le compositeur suisse Arthur Honegger pour un ensemble d instruments à percussion. Différée à Studio Lipnitzki à plusieurs reprises, la première d Icare a lieu le 9 juillet 1935 : «J avais moi-même fabriqué mes ailes et je dus entraîner mes bras, le poids décentrant mon équilibre», explique Lifar dans «Ma vie». Icare - photo Lipnitzki Les décors sont commandés à Salvador Dali, mais son imagination débordante empêchera une réalisation concrète : «Dali était ravi de collaborer avec moi et de travailler pour l Opéra mais, malheureusement, notre tentative n a pas abouti. Il m a fait voir ses esquisses. Voici d abord pour les décors : le rideau se lève avant la musique et découvre une toile très belle, celle-ci se lève et démasque un rideau de fond, on ne peut plus ridicule, avec trente motocyclettes en marche. Pour les costumes : Icare, complètement nu, coiffé d un énorme petit pain au lait, avec une mouche, au-dessus du front, sur un fil de fer» Lifar se consolera plus tard en confiant le rideau de scène à son ami Picasso lors de la reprise du ballet en 1962. La période française (1923-1981) La période de l Occupation «1939 arriva et la guerre, qui pointait déjà son vilain museau en 1939, éclata» relate le chorégraphe dans ses «Mémoires d Icare.» La guerre provoque la fermeture de l Opéra de Paris. Une partie de la troupe est envoyée en mission militaire et artistique jusqu en Australie! Une véritable expédition pour l époque. Sur le chemin du retour, Lifar découvre Bali et ses danses indonésiennes, une source d inspiration pour l avenir. Paris occupée par les troupes allemandes en juin 1940, la croix gammée flotte sur l Arc de Triomphe. La Ville de Paris demande à Serge Lifar d accepter la direction de l Opéra. Selon les Conventions internationales de La Haye, l occupant a le droit d occuper tout bâtiment de l Etat abandonné : «A vous de jouer pour que le drapeau nazi ne flotte pas à son sommet durant toute la guerre. Vous avez carte blanche pour toutes vos actions et il vous appartient d estimer comment vous devez agir avec l occupant et le personnel de l Opéra, pour défendre et protéger ce patrimoine artistique.» Serge Lifar se retrouve administrateur, mais aussi concierge, balayeur, téléphoniste, électricien, danseur, chorégraphe, maître de ballet. Le drapeau nazi flotte sur Paris, mais la vie culturelle continue sur les bords de la Seine. Le ballet de Lifar, Suite en blanc, est créé en 1943 avec une constellation d étoiles : Lycette Darsonval, Yvette Chauviré, Micheline Bardin, Marianne Ivanoff et Paulette Dynalix; il atteindra sa 300e représentation en 1961 : «C est une véritable parade technique, un bilan de l évolution de la danse académique depuis quelques années, une facture présentée à l avenir par le chorégraphe d aujourd hui», analyse Serge Lifar dans un ouvrage paru en 1954 avec des illustrations d Aristide Maillol, Pablo Picasso, Jean Cocteau, etc. La période française (1923-1981) L heure de la retraite forcée Que fait un danseur quand les effets du temps le contraignent à quitter les feux de la rampe? Lifar concède peu à peu les rôles les plus physiques à de jeunes danseurs, quand bien même il lui arrive de monter encore sur scène lors de galas. C est l heure des récompenses et de la récolte de brassées de lauriers bien mérités. En 1955, il reçoit le Chausson d or pour ses 25 ans de présence à l Opéra de Paris. L année suivante, c est la Médaille d or de la Ville de Paris. Il donne aussi un cours de chorégraphie à la Sorbonne et sera nommé professeur à l Ecole normale de musique. Le 5 décembre 1956, il effectue ses adieux sur la scène nationale en dansant Giselle au côté d Yvette Chauviré. Les douze rappels lui iront droit au cœur. En mars 1958, il n hésite pas à se battre en duel à l épée avec le marquis de Cuévas pour une exclusivité revendiquée par Lifar sur le répertoire du Nouveau-Ballet de Monte- Carlo. Un duel remporté par le marquis de Cuévas, avant que les deux hommes tombent dans les bras l un de l autre. L honneur est sauf. A la mort du marquis, Serge Lifar sera au nombre des porteurs du cercueil.

La même année, l heure sonne de quitter définitivement cet Opéra de Paris qu il a tant aimé. Le rideau tombe sur plus d une centaine d œuvres qu il y a créée; c est un déchirement. Il y voit la contrainte du gouvernement français «qui a commencé à prendre ombrage de mes origines russes», lance-t-il lors d une conférence donnée à Paris en décembre 1958. Il fonde l Université de la danse et inaugure une nouvelle activité de professeurconférencier. La période française (1923-1981) La découverte de Moscou En 1961, il a la joie de retrouver sa mère-patrie derrière le Rideau de fer, Moscou et son Bolchoï, Leningrad et son théâtre Kirov. Il revoit Kiev, sa ville natale quittée 40 ans auparavant, le temps lui semble aboli : «Ainsi le voyage se bouclait parfaitement. La jeunesse se mariait à la sagesse qui venait. Kiev rejoignait Kiev. J y retrouvai tout, ma maison et mon collège, mes rues, jusqu aux souvenirs de mes parents, tout sauf un certain parfum de la vie, enfui à jamais. Je vis les écoles de danse. Désormais, c est de là-bas, je le pressentais, qu allait nous revenir la vérité chorégraphique.» La période suisse (1981-1986) Les archives de Lifar à Lausanne Au début 1986, près d un an avant son décès, Serge Lifar qui a installé ses quartiers à Lausanne cède aux Archives de la Ville de Lausanne une somme considérable de documents, d affiches, de coupures de journaux, de contributions à des revues spécialisées de la danse et des arts: le 26 février, lors d une manifestation publique, Serge Lifar remet officiellement à sa ville d adoption 38 caisses, 32 cartons, 112 tableaux peints durant son séjour à Cannes entre 1970 et 1975, ainsi qu une valise de documents qui ne représentent au total pas moins de 7m 3 : «Ces archives sont d une importance extrême pour la connaissance de la personnalité du chorégraphe avant 1950, car elles appartiennent principalement à une époque où le document médiatique et filmique n était pas très répandu", relève alors l archiviste Gilbert Coutaz : «La mémoire pour Lifar, c est une parade à l oubli, c est la preuve d exister et de faire reconnaître une vie passionnément, fièrement et énergiquement vouée à la danse». Médaille d or Dans les années 50, Serge Lifar s éprend de la Comtesse Lillan Ahlefeldt-Laurvig. Il vivra pendant 30 ans à ses côtés à Cannes, puis en Suisse dès 1981, à Glion, sur les hauteurs de Montreux, et à Lausanne, où il reçoit en 1985 la Médaille d or de la Ville. C est à Lausanne qu il avait souvent rendu visite à sa grande amie Coco Chanel. A Paris, la «reine de la mode» ne manquait pas une seule de ses premières. Plus tard, elle l invitera régulièrement à La Pausa, son domaine de Roquebrune-Cap-Martin, et dans sa propriété du Signal de Sauvebelin, sur les hauts de Lausanne. Morte au Ritz, à Paris, Coco Chanel se fera enterrer à Lausanne. Serge Lifar fera le contraire: mort dans un palace lausannois, il se fera enterrer à Paris. Atteint d un cancer, il décède à Lausanne le 15 décembre 1986. Son dernier regard sera pour un groupe de cygnes battant l eau de leurs ailes en ultime ballet. Dans ses dernières volontés, Serge Lifar émettra le vœu d être enterré au cimetière orthodoxe de Sainte-Geneviève-des- Bois, dans la banlieue parisienne. Ce sera chose faite le 19 décembre 1986 après une émouvante cérémonie à la cathédrale Saint-Alexandre Nevsky, à Paris. Lys blanc à la main, le corps des élèves danseuses compose une haie d honneur, tandis que le cortège funèbre s arrête un instant sur le parvis de l Opéra, où un chœur russe fait retentir ses chants célestes. Photos et textes Fondation Serge Lifar Les photos d'archive Lifar ne sont pas libres de droits pour une utilisation par la presse

Ballet de l'opéra National de Bordeaux Charles Jude, directeur de la danse Patrimoine français à partir de Louis XIV, le ballet porte en lui une histoire, une idéologie, une esthétique. Dès le XVIII e siècle, la danse acquiert à Bordeaux une dimension prestigieuse et créative qui se poursuit au siècle romantique. Fidèle à ce passé tout au long de son existence, le Ballet de l Opéra de Bordeaux, à partir des années 1990, a su ouvrir son héritage classique à la modernité au contact de nombreux chorégraphes. À son arrivée à la direction de l Opéra de Bordeaux, Thierry Fouquet a nommé le danseur étoile Charles Jude, directeur du Ballet de l Opéra de Bordeaux en septembre 1996. À la tête d une troupe de 38 danseurs et avec la collaboration d Eric Quilleré, maître de ballet, Charles Jude privilégie la constitution d un répertoire classique en remontant les plus grands ballets classiques dont il signe certaines chorégraphies : Casse-Noisette (1997), Giselle (1998), Coppélia (1999), La Belle au bois dormant (2000), le Lac des cygnes (2002), Le Prince de bois (2003), Don Quichotte (2006) et à faire entrer au répertoire de la compagnie de nombreuses oeuvres célèbres classiques et néo-classiques : hommage à Marius Petipa (1997 et 2001 avec Raymonda, Paquita, Don Quichotte pas de deux...), Continuo et Jardin aux lilas d Antony Tudor en 1999... Conscient du précieux héritage laissé par les Ballets de Serge de Diaghilev, Charles Jude inscrit ainsi au répertoire de la compagnie les ballets de Vaslav Nijinski : Prélude à l après-midi d un faune (1996), de Michel Fokine : Petrouchka, Le Spectre de la rose (1998), ou encore de Léonide Massine : Le Tricorne, Parade (2003). Il poursuit ce travail avec les chorégraphies de Serge Lifar : Icare (1996, 2001, 2003) et Suite en blanc (2001) et de George Balanchine : Apollon et Le Fils prodigue (1996, 2003), Les Quatre tempéraments (1997, 2002), et enfin en 2004, Serenade, Who cares? et Sonatine. Il propose chaque saison un nouveau programme comportant des chorégraphies néo-classiques ou issues de la Modern Dance ou encore de facture contemporaine, l occasion pour la compagnie d aborder un autre travail : Les Quatre Saisons (1997) de Paolo Bortoluzzi, Aunis (1997) de Jacques Garnier, Troy Game (1998, 1999) de Robert North, The Envelope (1998, 1999) et Brothers (1998) de David Parsons,Trois Préludes (1998) de Ben Stevenson et Before Nightfall (1998), Purcell Pieces (1999) de Nils Christe, Hydrogen Jukebox (1999) créé pour la compagnie par Carolyn Carlson. Aureole et Le Sacre du printemps de Paul Taylor (2002), la Pavane du Maure (2002) de José Limon, Sextet de Thierry Malandain (2003), Le Messie de Mauricio Wainrot (2005-2006), Adagietto d Oscar Araiz, Zatoïchi de Carlotta Ikéda (2007). Le Ballet danse en octobre 2008 Quatre Tendances qui comporte une création de Thierry Malandain Valse(s), Les Indomptés de Claude Brumachon, Click-Pause-Silence de Jirí Kylián et In the Middle, Somewhat Elevated de William Forsythe. Parallèlement, le nombre de représentations donné en tournée se développe : Japon, États-Unis, Espagne, Italie, Paris, Kiev, Lausanne, participation aux nombreux «Hommages à Rudolf Noureev» organisés en 2003 à Bordeaux, Monaco, Tokyo, Moscou, invitation au Festival International de Edimbourg en août 2003, au festival du Printemps de Budapest en mars 2004, à Saint Pétersbourg (Théâtre Mariinski), au festival de La Havane en novembre 2004, au festival Diaghilev aux Paysbas en janvier 2005, en Italie en février, en Sicile en mai 2005, au théâtre du Liceu de Barcelone en octobre 2006, en Italie et en Espagne en 2007 et en 2008, à Cremone, Ferrare et Pordemone en Italie au printemps 2009, et en Chine en janvier 2012 (gala et Casse-Noisette). Le Ballet de l Opéra National de Bordeaux a reçu le prix Serge Lifar à l issue d une représentation de Suite en Blanc et Icare au Grand-Théâtre de Bordeaux en novembre 2001, ainsi que le prix Herald Angels remis lors de sa participation au Festival International d Édimbourg et enfin le prix du meilleur ballet étranger à Cuba.