précédent. L idée que des milliers d ouvriers allaient se retrouver sur le carreau, sans même leur retraite ou leurs incroyables

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Transcription:

Trimestriel de la Coordination des Groupes Anarchistes N 100 juillet, août, septembre 2014 1 SO LL IIDAR II TT ÉÉ AV EEC LL EES LLU TT TT EES LLGB TT!!

SOMMAIRE ÉDITO L a montée de l extrémisme de droite se trouve impliquée, peu ou prou, dans la plupart des articles qui se trouvent dans ce 100ème numéro d Infos & Analyses Libertaires. La Loi contre l IVG en Espagne a montré à quel point la régression en matière de droits ici concernant les femmes tord le cou aux acquis dans tous les domaines. Sursauts machistes, autoritaires et liberticides sont le lot commun partout en Europe et dans le monde. Cette nouvelle donne ibérique aux relents de fascisme fait écho à la montée évidente des scores électoraux des organisations fascisantes un peu partout en Europe. La France n y échappe pas puisqu elle a offert au Front national la première place de la représentation politicienne aux élections de mai 2014. Même si l abstention a connu, pour les «municipales» tout comme pour les «européennes», un taux élevé, il n en demeure pas moins que celles et ceux qui sont allé e s voter, ont par leur geste, fourni au camp de la contrainte et de la servitude un statut qu elle n avait plus depuis des décennies. Le système électoral, sous couvert de «démocratie représentative», a de tout temps favorisé le camp de celles et ceux qui détiennent les rênes du Pouvoir, et a fortiori le camp de l extrémisme, quand cela s est avéré nécessaire au cours de l Histoire contemporaine. À Montpellier, le 6 avril, après l épisode parisien de janvier 2014, les fascistes ont tenté de nous faire vivre un «Jour de colère» à la manière languedocienne. Mal leur en a pris car la soixantaine de nervis qu ils ont pu réunir ont eu à faire face à près de 600 antifascistes qui se sont mobilisé e s et ont déambulé dans les artères de la ville. C est à ce prix, par les luttes, la présence militante, les actes et les alternatives à caractère social, que le fascisme et avec lui celles et ceux qui espèrent lui attribuer 2 un «futur» pourra être éradiqué. Une chose est certaine, ce résultat ne viendra jamais des «urnes», qui sont faites du bois du pouvoir, de l aliénation et de l iniquité. En Bosnie c est à une lutte contre les pouvoirs nationalistes que les travailleurs ont convié l ensemble de la population, au cours d un mouvement social sans précédent. L idée que des milliers d ouvriers allaient se retrouver sur le carreau, sans même leur retraite ou leurs incroyables arriérés de salaire, a légitimement entraîné la révolte de la foule. Avec un taux avoisinant les 44% de chômeur se s, il était normal que les manifestations remarquables par leur ampleur aient visé clairement les lieux du pouvoir. Les manifestant e s ont déclaré : «Nous voulons le départ de la totalité de la classe politique et des bureaucrates qui gèrent le pouvoir pour leur propre compte depuis 25 ans». La brutalité des mensonges du pouvoir n a eu d égale que la violence des forces de l ordre. Dans ce pays ravagé par une guerre civile allumée par des nationalistes concurrents, mais en fait complices, des foules sont montées à l assaut de sièges de partis, de locaux gouvernementaux, sans aucune discrimination, contre tous les partis nationalistes Les luttes contre toutes les phobies, persécutions, violences visant les lesbiennes, les gays, les bissexuel le s et les personnes trans trouvent ici matière à dénoncer les réactions autoritaires, patriarcales et fascisantes qui n ont eu de cesse de se développer depuis janvier 2013 Dans un tel concert d autoritarisme, de violence et de haine, les analyses et propositions de notre organisation en matière de lutte et d opposition aux licenciements et de propositions alternatives (coopératives) apportent une sérieuse respiration dans l atmosphère délétère du fascisme ambiant. ÉDITO p. 2 ANTIPATRIARCAT Pour un avortement libre et gratuit pour toutes, partout et sans condition p. 3 ANTIÉLECTORALISME Quand élections riment avec usurpations! p. 6 LUTTES LGBT Aujourd'hui plus que jamais, solidarité avec les luttes LGBT! p. 8 ANTIFASCISME De l'homophobie au «grand remplacement», les offensives idéologiques de l'extrême droite p. 10 CONTACTS p. 11 TRAVAIL Résistance face aux licenciements : analyses et propositions anarchistes p. 13 LUTTES SOCIALES Soutenons la lutte des cheminot e s, des précaires, des chômeur se s et des intermittent e s p. 16

ANTIPATRIARCAT POUR UN AVORTEMENT LIBRE ET GRATUIT POUR TOUTES, PARTOUT ET SANS CONDITION Le projet de loi du gouvernement Rajoy sur (contre) l avortement, a démontré que la Réaction n accepte jamais les conquêtes pour nos libertés en général, et en particulier quand il s'agit de celles des femmes. Il nous est donc apparu intéressant de revenir sur le projet de loi espagnol, de faire un petit tour d'actualité européen, avec un focus sur la France, et de réaffirmer le pourquoi de notre revendication d'un avortement libre et gratuit. Le projet de loi espagnol Le gouvernement réactionnaire espagnol dirigé par Rajoy a adopté un projet de loi visant à supprimer purement et simplement le droit des femmes à décider librement d'interrompre leur grossesse. Annulant la loi de 2010, ce projet de loi restreint en effet le droit à l'avortement à deux cas précis. Le premier, en cas de risque de grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la «S'en prendre à une, c'est s'en prendre à toutes» femme. Mais le texte impose que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l établissement pratiquant l avortement. Un médecin était auparavant suffisant. Pour le second cas, il faut que la grossesse soit la conséquence d un délit contre la liberté ou l intégrité sexuelle de la femme. Mais en cas de viol, il faudra qu'elle ait précédemment porté plainte. Pour que la malformation du fœtus puisse être invoquée comme motif de l interruption de grossesse, il faudra deux rapports, un pour la mère et l autre pour le fœtus. Ce projet permet également l extension de la notion d objection de conscience à l ensemble des personnels intervenant lors du processus d interruption volontaire de grossesse. Logiquement, les espagnoles les plus riches viendront se faire avorter en France ou en Angleterre. Pour celles qui n auront pas les moyens d aller à l étranger, elles seront condamnées aux séquelles des avortements clandestins. En 1. Pour connaître situations et législations sur l'ivg de différents pays voir : La page «Droit de l'avortement» sur Wikipédia. URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/droit_de_l%27avortement#reste_de_l.27europe L'article «L'avortement en Europe. Où sont les bonnes nouvelles?» sur le site du Planning Familial. URL : http://www.planning-familial.org/actualites/lavortement-en-europe-ou-sont-les-bonnes-nouvelles-0012490 renforçant le pouvoir de contrôle médical, en supprimant la possibilité pour les mineures d'accéder à l'avortement, en limitant les possibilités de recours à l'avortement, la loi Rajoy remet en cause l'autonomie des femmes en matière de décision sur leur corps et leur sexualité. L Espagne s apprête ainsi à voter la loi la plus autoritaire et répressive à l égard des droits des femmes depuis la fin de la dictature franquiste. Un bref aperçu de la situation en Europe et dans le monde 1 En Europe, l Irlande, la Pologne, Malte et Chypre n autorisent pas l IVG. Par contre, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, l IVG est pratiquée jusqu à 22 semaines (12 semaines en France). La Biélorussie en janvier 2013 et la Macédoine en juin de cette même année ont restreint l accès à l avortement. En Suisse, un projet d initiative populaire (largement incité par les mouvements 3

ANTIPATRIARCAT catholiques pro-vie) demandant l arrêt du remboursement des IVG a recueilli plus de 109 000 signatures (100 000 est le minimum nécessaire). Lors de la votation populaire du 9 février 2014, 69,8 % des votants se sont prononcés en faveur de la prise en charge par l assurance maladie des Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG). L initiative populaire «Financer l avortement est une affaire privée Alléger l assurance maladie en radiant les coûts de l interruption de grossesse de l assurance de base» n'est donc heureusement pas passée, mais cela montre que les réactionnaires sont en pleine offensive. En Finlande, la femme doit obtenir l'accord du médecin et justifier d'un risque pour sa santé mentale ou physique. Dans les faits, semble-t-il, la loi est interprétée de façon plus large. Cependant le climat est délétère, en 2013 une ministre a qualifié l avortement de boucherie et juge qu'il ne doit être autorisé à aucun stade de la grossesse. En Italie, jusqu à 85 % des médecins font appel à la clause de conscience pour ne pas pratiquer d IVG. Les avortements clandestins se multiplient avec, entre autre, un médicament «miracle» très dangereux appelé Cyclotec. En Hongrie, la seule clinique offrant l avortement médicamenteux a fermé en janvier sous la pression politique. En Belgique, de moins en moins de médecins répondent à la demande d IVG. Ailleurs dans le monde, la liste des pays interdisant l avortement ou le restreignant est longue et correspond toujours à une très grande influence de la religion : en Israël, au Sri Lanka, en Afghanistan, quelques exemples parmi beaucoup d autres. Plus globalement, les politiques d'austérité et les gouvernements qui les mènent à travers toute l'europe (dont la France) sont responsables d'un durcissement des relais de l'oppression patriarcale : discours réactionnaire pour l'enfermement de la femme dans le foyer, remise en cause de l'ivg, fin de l'indépendance économique de nombreuses femmes, augmentation des violences masculines. Cette offensive patriarcale généralisée en Europe et dans le monde, soutenue par les forces les plus rétrogrades, vise à enfermer les femmes dans leurs missions naturelles (mère, femme au foyer, bonne à tout faire et évidemment hétérosexuelle), et est particulièrement violente là où la crise frappe le plus durement. Chaque année, selon l'oms, 20 millions de grossesses sur 46 millions se terminant par un avortement provoqué se déroulent dans des conditions non sûres et dans un contexte social et légal hostile. Ceci provoque tous les ans la mort d'environ 47 000 femmes des suites d'infections, d'hémorragies, de blessures utérines etc. La situation en France En France, le droit à l IVG est entré dans la loi, il y a 40 ans. Mais ici, comme en Espagne, ou ailleurs, rien n est acquis et le droit à l IVG est toujours menacé. Depuis la loi Aubry de 2001, le délai légal d avortement est de 12 semaines de grossesse (soit 14 semaines d aménorrhées). Mais ce droit est limité de fait par le manque de place dans les centres. Ce déficit se creuse à mesure que les centres IVG ferment leurs portes. Des goulets d étranglement existent dans certaines zones où la demande est forte (région PACA par ex). Depuis 10 ans, environ 180 centres d IVG ont été fermés par des «restructurations» et des «regroupements» de centres hospitaliers, notamment dans le cadre de la tarification à l activité (T2A), instaurée par la loi Bachelot (HPST 2009) qui soumet les hôpitaux aux affres de la rentabilité financière : l IVG, mal payée, disparaît ainsi de l offre d un certain nombre d établissements. L accès à l IVG est de fait mis à mal par la disparition des structures de proximité et le temps d attente est si long qu'il interdit à certaines femmes d'avorter pour cause de dépassement des délais légaux de 12 semaines. De nombreuses femmes sont alors contraintes de partir à l étranger pour pratiquer l IVG. Évidemment les femmes économiquement les plus fragiles et les plus isolées n'ont pas les moyens de recourir à cette solution. En 2010, un tiers des femmes qui se sont rendues à l étranger ont fait une demande en France avant les 14 semaines d aménorrhée, mais n ont pu trouver de solution dans les délais légaux. Il faut environ 3 à 4 semaines avant de pouvoir avorter. Cette situation incitait jusqu'à aujourd'hui des femmes à aller en Espagne, où les délais sont plus longs, pour pouvoir avorter. La remise en cause du droit à l'avortement en Espagne aura aussi pour effet d'inverser cette tendance et de précariser toujours plus l'accès à l'ivg en France. Outre la question des moyens, la question de l exercice de l objection ou clause de conscience devient le paravent derrière lequel s'abritent beaucoup de médecins réfractaires à l'ivg. La loi de 2001 n est donc pas appliquée dans sa totalité et le choix des femmes est encore soumis au pouvoir médical et à la pression sociale des activistes réactionnaires. Les lobbies anti-ivg et les mouvements «pro-vie» (souvent les mêmes qui militent pour le rétablissement de la peine de mort) ne cessent de faire pression pour restreindre la loi, voire interdire l avortement. Les attaques de l extrême droite et des intégristes catholiques sur le droit à l avortement se multiplient sournoisement sur le net (sous couvert d'aide et de conseils à l'avortement) et ouvertement dans la rue (manifestations, intrusions et prières devant les centres IVG). Ils étaient encore 40 000 dans les rues de Paris mi-janvier pour soutenir le projet de loi du gouvernement espagnol... Au-delà des activistes anti-ivg, un discours ambiant sur l'avortement peut être culpabilisant pour les femmes : la «banalisation» de l'ivg est présentée, y compris dans certains milieux favorables à l'ivg, comme une catastrophe à éviter coûte que coûte ; le «traumatisme» entourant l'ivg est trop souvent considéré comme inévitable, voire obligatoire2. L interruption volontaire de grossesse est très souvent conjuguée à la forme passive et douloureuse : on «subit» une IVG, on «a recours» à une IVG, on «passe par» une IVG... Bref, les mots attachés à cet acte sont, en règle générale, négativement connotés, ce contexte social limite de fait le choix des femmes en le rendant plus compliqué. Le droit à l avortement : le seul choix des femmes Ce droit, comme celui à la contraception, implique le droit de disposer de son corps. Les conséquences de la maternité sont différentes pour les pères et pour les mères. La femme enceinte sait, elle et elle seule, si oui ou non elle souhaite consacrer neuf mois de sa vie à un futur enfantement, puis accoucher, et s occuper d un enfant après la naissance. A l opposé de cela, les mouvements masculinistes revendiquent le droit des hommes à autoriser ou non l avortement. Nous sommes en faveur du droit à l'avortement dans toutes les circonstances et sans limite de temps. La décision d avorter ou non demeure la seule responsabilité de la femme enceinte. Restreindre ce droit équivaut à restreindre les options de toutes les femmes face à 2. Voir à ce sujet l'article «Lutter contre la culture du traumatisme autour de l'ivg : un enjeu sociétal et politique» de Gaëlle-Marie Zimmermann, journaliste, auteure et chroniqueuse. URL : http://www.acontrario.net/2013/12/19/avortement-culture-traumatisme-enjeu-societal-politique-ancic/ 4

ANTIPATRIARCAT leurs vies. Nous sommes donc ce qu'on appelle «des pro-choix». L'expression «Interruption volontaire de grossesse» est clairement centrée sur le mot «volontaire» et quand on parle de «grossesse non désirée», c est bien l absence de désir d être mère qui prévaut. Personne, y compris un professionnel de santé, ne peut contester ce ressenti. En amont de l IVG, le contrôle global de la fécondité par les femmes elles-mêmes, en toute autonomie, est également un enjeu important. Le contrôle médical en matière de contraception, officiellement destiné à protéger la santé des femmes et à les informer sur les options contraceptives qui s offrent à elles, se traduit in fine par une désinformation plus ou moins orchestrée, qui aboutit à une limitation de choix. La vérité, c est qu affranchies de tout «contrôle» et ne s en remettant au professionnel de santé que pour valider médicalement un choix personnel, les femmes auraient enfin la mainmise sur leur démarche contraceptive, sur leur sexualité et sur leur fécondité. La préoccupation de santé publique affichée pour préserver la santé et le bien-être des femmes cache souvent un refus du pouvoir patriarcal, et à travers lui du pouvoir médical, de considérer les femmes comme aptes à décider pour elles-mêmes ce qui leur convient le mieux. «Interdire l'avortement c'est de la torture» Cela représente trop d autonomie pour les tenants d'une société qui, il y a moins d un siècle, n envisageait même pas de conférer aux femmes une capacité juridique égale à celles des hommes Cela est insupportable pour des états qui au travers des politiques natalistes voient toujours le moyen de bénéficier de chair à patron pour les besoins économiques et de chair à canon pour leurs guerres économiques et coloniales. Le contrôle des naissances est un enjeu fort de perpétuation du système patriarcal. Toute évolution risquerait de faire vaciller le patriarcat dans ses bases les plus solides : il importe donc de garder les femmes sous contrôle, afin de préserver le socle social, politique et économique en place. On voit sur cette question les liens et le renforcement réciproque des différents systèmes de domination (en l occurrence capitalisme et patriarcat). Nous combattons cet état de fait et réaffirmons notre volonté que les femmes puissent disposer librement de leurs corps. La résistance doit s'organiser par rapport aux menaces économiques (rentabilisation de l hôpital) en soutenant les luttes contre les fermetures de lits de centres IVG ou d'hôpitaux. Nous devons également apporter une réponse aux activistes anti-ivg en reprenant un discours offensif sur la revendication pour l'avortement et la contraception libres et gratuits. Les attaques contre l'ivg en Espagne ont donné lieu à une série de manifestations en soutien aux féministes espagnoles à travers l'europe. Dans de nombreuses villes françaises, des initiatives ont eu lieu cet hiver3. Ces solidarités doivent se développer pour ne pas laisser la rue à la réaction qui depuis la «Manif pour (contre) tous/toutes» multiplie les apparitions publiques. Enfin, nous devons donner du sens à ces luttes en les liant à une critique plus globale du patriarcat et de l'ensemble des systèmes de domination, en affirmant haut et fort notre combat pour la liberté et l'émancipation individuelles et collectives. Loin d'être dépassées, les luttes pour l'accès à la contraception et à l'avortement libres et gratuits sont indispensables, les attaques pour limiter ce droit le démontrent Anne et Gilles (groupe de Montpellier) Pour conclure 3. À titre d'exemple, le 1er février 2014, à l initiative du groupe de Montpellier de la CGA, plusieurs organisations ont appelé à manifester : près de 400 personnes ont bravé la pluie en solidarité avec les femmes espagnoles. Voir l'appel à la manifestation : http://www.c-g-a.org/content/solidarite-avec-les-luttes-pour-le-droit-des-femmes-disposer-de-leur-corps-en-espagne-comme 5

ANTIÉLECTORALISME QUAND ÉLECTIONS RIMENT AVEC USURPATIONS! A border dans un article d IAL la question des dernières élections municipales et européennes nous conduit, dans un premier temps, à donner les raisons fondamentales qui nous éloignent de pratiques politiciennes. En effet, ces dernières n ont jamais permis les moindre changements quand il s est agi d envisager des alternatives aux systèmes d exploitation, d aliénation, de domination, d exclusion, etc. Élections et abandon de souveraineté Nous refusons les élections car la «représentation politique» entraîne la confiscation et la déformation de la parole et de la volonté des individus. C est un système qui, sous couvert de démocratie, interdit dans les faits aux opprimé e s la possibilité de se représenter elles et euxmêmes, sans intermédiaire. Nous refusons de participer à un système pernicieux, car ne pas le rejeter implique automatiquement un renforcement de la légitimité de toutes les entités qui pérennisent toutes les dominations. Nous considérons que la société détient en elle toutes les capacités et tous les moyens lui permettant de s autoorganiser. Elle est ainsi légitime dans l exercice de la gestion sociale, économique, culturelle de la société, sans pour autant entrevoir la nécessité d imposer un quelconque pouvoir des un e-s sur les autres Les États et les gouvernements sont des appareils d oppression mis en place par les classes dominantes noblesse, bourgeoisie, bureaucratie classes qui s appuient sur le travail et l intelligence collective, dans le seul but de servir leurs intérêts propres, loin des préoccupations et nécessités de la collectivité. Alternatives en marche Nous envisageons le changement à partir de la base et de la capacité de la société à s organiser pour résister et administrer la vie sociale. Nous sommes pour l Administration des choses en lieu et place du Gouvernement des Hommes. L Histoire nous a enseigné que les États, loin de se réduire à de simples appareils 6 répressifs, ce qu ils sont sans conteste, incarnent également divers strates d appareils idéologiques, dont la finalité consiste dans la production du consentement des opprimé e s à leur propre oppression. La lutte contre l état capitaliste nous impose de produire des alternatives libertaires au sein de la société, lesquelles, à l aboutissement du processus révolutionnaire, remplaceront le Pouvoir et l État. Cette conception suffit largement pour comprendre pourquoi nous récusons le système politique institutionnel, et refusons de participer aux élections, quand d autres courants se réclamant de l anticapitalisme et de la «révolution» leur accordent tant d importance, au point d y participer sans même y apporter la moindre critique systémique Retour sur les élections municipales de mars Celles-ci ont donné des résultats logiquement attendus. Le Parti Socialiste au pouvoir, qui a fait de l austérité son miel et qui n a eu de cesse que de faire des cadeaux au patronat, a reçu une claque magistrale. De déroute au premier tour, le scrutin s est transformé au second en cataclysme. Perte de 151 villes de plus de 10 000 habitant e s alors qu'à l inverse, la droite en gagnait 142. Quant à l extrême droite, ce n est pas moins de 11 villes qu elle a conquises. Succès inespéré pour une droite en pleine déconfiture. La suite des événements nous en fournira la preuve Toulouse, Limoges, Argenteuil, Amiens, autant de bastions qui sont passés à droite. Un autre exemple tout aussi significatif : dans le Puy-de-Dôme, la gauche détenait 14 des 17 communes de plus de 5 000 habitant e s. Aujourd hui elle n'en contrôle plus que 5! Car, c est aussi un enseignement de ce scrutin, la gauche «non gouvernementale» a subi un échec tout aussi retentissant. Il est vrai que la gauche n'a pas réussi à éviter les règlements de comptes internes entre les deux tours. Ce fut le cas, entre autres, à La Rochelle, à Grenoble ou à Montpellier. Le Front de gauche, par la voix de Mélenchon, a laissé croire que son succès était plus important que celui du Front national. Et pourtant une simple arithmétique lui attribue 15,05% en moyenne dans les villes de plus de 1 000 habitants où ses listes étaient présentes quand le FN y a recueilli 16,71% Le pari du FN a été en grande partie réussi. Il a emporté 10 villes HéninBeaumont, Beaucaire, Fréjus, Le Pontet, Cogolin, Hayange, Mantes-la-Ville, Villers-Cotterêts, Le Luc ainsi que Béziers, remportée par Robert Ménard avec le soutien du FN. À ces villes s ajoute le 7ème secteur de Marseille qui est revenu à S. Ravier, candidat lepéniste Il a obtenu plusieurs centaines de conseillères et conseillers (environ 1600), et malgré quelques revers, à Forbach, Perpignan, Saint-Gilles, Avignon et Carpentras, les municipales ont constitué pour le Rassemblement Bleu Marine une avancée incontestable dans son implantation territoriale. Une des conséquences de ces résultats c est, à terme, le basculement de la fragile majorité de gauche au Sénat en septembre 2014. Et les européennes? Pour ces élections, à la proportionnelle, elles se sont traduites par une montée généralisée de l extrême-droite et notamment en France où le FN est ressorti en tête avec 25% des voix L arrivée au Parlement européen d une importante vague de nouveaux députés euro sceptiques, ultra-droitiers, fascistes, néo-nazis, quel que soit le vocable, est le véritable enseignement de ce scrutin. En France, l effondrement du PS n a pas permis aux autres formations de «gauche» de se renforcer, bien au contraire. Le FG, les Écologistes, sans parler des diverses officines se réclamant du trotskisme, tous ont obtenu des scores en retrait si on se réfère aux européennes de 2009 Le désastre social qui constitue le décor de l Europe ainsi que la crise liée au système de la démocratie représentative, ont grandement renforcé la méfiance des électeurs et électrices. À cela s ajoute l éloignement des centres décisionnels, la

ANTIÉLECTORALISME complexité des textes européens et l ignorance des fonctionnements des diverses instances de Strasbourg, Bruxelles etc De plus, la crise sociale a été aggravée avec le Pacte de stabilité européen et les politiques cruelles d austérité imposées à celles et ceux qui, déjà, subissaient les plus grandes difficultés économiques et sociales. Il y a, rappelons-le, 26 millions de chômeur se s, et le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans sans emploi atteint des taux effrayants (52% au Portugal, 56% en Espagne, 61,5% en Grèce...). En Europe nous assistons donc à une résurgence des forces extrémistes. UKIP au Royaume Uni ; le Parti de la liberté, FPÖ en Autriche ; Jobbik en Hongrie ; Aube dorée en Grèce ; la Ligue du nord en Italie ; les Vrais Finlandais ; le Vlaams Belang en Belgique ; le Parti de la liberté, PVV aux Pays Bas ; le Parti du peuple danois, DF ; les Democrates de Suède, DS ; le Parti national slovaque, SNS ; le Parti de l ordre et de la justice, TT en Lithuanie ; Ataka en Bulgarie ; le Parti de la grande Roumanie, PRM ; et le Parti national-démocrate, NPD en Allemagne L extrême droite s est relookée en gommant les aspects extérieurs les plus encombrants, même s ils persistent chez les militants hongrois du Jobbik ou ceux de l Aube dorée en Grèce. Afin de «dé-diaboliser» leur image, ces nouveaux ultras modèrent aussi (en surface) leur idéologie de haine et adoptent un discours chaotique mais radical de refus du système, de stigmatisation des migrant e s, des Rroms et des musulman e s, et de défense des «Blancs pauvres». En France, le FN attaque dans ses discours, plus radicalement que tout dirigeant politique de gauche, le «capitalisme sauvage», l «Europe ultralibérale», les «dégâts de la mondialisation» et l «impérialisme économique des Etats-Unis» Des arguments qui rencontrent un total soutien au sein des franges sociales les plus gravement frappées par le désastre industriel, là où pendant des décennies, le vote à «gauche» était la norme. Le système électoraliste n a pas permis et ne peut permettre à la droite libérale ou à la gauche de répondre aux attentes des peuples en déshérence. L extrême-droite en profite, même si nous savons que les solutions qu elle avance sont pires encore que les maux auxquels elle dit vouloir s attaquer. Quelles critiques et quelles perspectives? Aujourd hui, critiquer l électoralisme doit nous conduire à dénoncer un mode de gestion de l économie et un mode de la gestion sociale, tout entier dévoué aux nanti e s et aux gens de Pouvoir. Il faut ajouter à cela qu ignorer le fait que plusieurs millions de Français e s sont «politisé e s» de manière autoritaire, nationaliste et xénophobe, sexiste et homophobe, n est pas simple banalité. C est une réalité à laquelle nous devons réagir par un sursaut militant, égalitaire, libertaire et révolutionnaire. Les résultats électoraux ont démontré l incapacité et le désintérêt des États et des partis de gouvernement vis-à-vis des réponses concrètes à apporter face à la crise sociale et à la désespérance des peuples Dans ce contexte, l antifascisme est appelé à prendre place au centre des discours et des pratiques militantes. Face à la crise du capitalisme et des États, face à la crise qui secoue tous les modes d organisation politique hiérarchisés et centralisés, la solution idoine est la reprise en main par les populations, les travailleur se s, celles et ceux qui sont privé e s d emploi, de leurs affaires. Directement, sans intermédiaires et en rejetant toutes les politiques boucémissariales. Ce qui s impose à nous toutes et tous, c est de défendre nos idées au quotidien, et d agir directement pour elles. Pour nous anarchistes, il devient capital de développer des réponses concrètes sur le mode de l auto-organisation en critiquant, dans le même temps, la nocivité des réponses étatiques. Aujourd hui la CLAF propose cet espace, même si nous considérons qu il y a nécessité à développer des projets sur des bases autogérées, à mettre en œuvre des expérimentations sociales libertaires, qui remettent en cause la nécessité du salariat et de l État et combattent activement les idéologies et dominations de toutes sortes Fédérer nos luttes au niveau continental est devenue nécessité avec en ligne de mire, un projet anarchiste qui ne saurait être, par définition, une ligne directrice pour tou te s et chacun e. L autonomie des groupes reste un facteur décisif au sein de la dynamique à construire. La perspective peut sembler lointaine, mais l urgence est bel et bien là. Un spectre revient hanter la vieille Europe, et ce n est pas celui du communisme. Groupe Puig Antich (Perpignan) «Si les élections changeaient quelque chose, ils les auraient rendu illégales» (Emma Goldman) 7

LUTTES LGBT AUJOURD'HUI PLUS QUE JAMAIS, SOLIDARITÉ AVEC LES LUTTES LGBT! E n 1969, aux États-Unis, des émeutes éclatèrent en réaction à une des nombreuses descentes de police qui visaient ce qu'on appelle aujourd'hui la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bissexuel le s, trans). Par cette répression violente et quotidienne, officielle (descentes de police, contrôles d'identité, refus de laisser l'accès à des droits élémentaires,...) ou officieuse (coups, insultes, discriminations à l'embauche, viols, bannissements des familles, humiliations, moqueries...), la société entendait bien renvoyer les LGBT à leurs placards. Si les modes de répression sont parfois plus insidieux, la situation n'a pas tellement changé. État des lieux Depuis que la loi autorisant le mariage aux couples d'homosexuel le s et l'adoption dans ce cadre est passée, on entend souvent dire que l'égalité des droits a été obtenue. Qu'en est-il en réalité? Tout d'abord, concernant la loi Taubira. Des conventions signées entre la France et la Pologne, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Kosovo, le Monténégro, la Slovénie, l Algérie, la Tunisie, le Maroc, le Laos et le Cambodge empêchent les ressortissant e s de ces pays de se marier avec une personne du même sexe en France. Il y a donc une dimension de racisme d'état dans l'accès aux droits. On constate également sur certaines questions une application aléatoire de la loi. Un juge a récemment créé de toutes pièces la notion de «parentalité frauduleuse» pour refuser à un couple de lesbiennes l'adoption de leur enfant conçu par PMA. La loi qui encadre l'adoption est censée être appliquée pour tout enfant vivant dans une famille fondée par un couple. Mais contrairement à ses promesses électorales, le gouvernement a bel et bien enterré la loi autorisant la PMA, cédant ainsi aux pressions des cathos et autres réactionnaires. En plus du flou juridique qui en découle, cette situation augmente les inégalités sociales puisque des couples sont contraints d'aller dans d'autres pays pour pouvoir bénéficier d'une PMA, acte coûteux, sans aucune aide ou remboursement. Quelle égalité et pour quels droits? Par ailleurs, la notion d'égalité des droits concernant la communauté LGBT est bien plus vaste que la question du mariage et de l'adoption. - On ne peut par exemple pas parler d'égalité des droits tant que le changement d'état-civil pour les personnes trans reste un tel parcours du/de la combattant e, rendant très difficile le fait de trouver un emploi ou un logement. - On ne peut pas non plus parler d'égalité des droits dans un contexte de recrudescence des agressions (les témoignages d'agressions homophobes ont augmenté de 78 % entre 2012 et 2013 selon un rapport de SOS homophobie) envers les personnes LGBT, alors que dans un même temps les tribunaux restent relativement cléments avec les agresseurs. - On ne peut pas parler d'égalité des droits lorsque l'on sait que le taux de suicide chez les jeunes LGBT reste bien plus fort que celui des jeunes hétéros cis1 et que cette situation est entretenue par le climat d'homophobie et de transphobie décomplexées dans lequel nous évoluons, relayé entre autre par la «Manif pour tous» et les «anti-gender». Les réacs à l assaut de l École Cette bande de réacs et de religieux intégristes a en effet trouvé un nouveau cheval de bataille depuis que la loi Taubira a été actée. Après avoir décrié le mariage pour tous qui, selon eux, dénaturerait la famille et entraînerait la décadence, les voilà qui dénoncent maintenant la «théorie du genre», théorie qui serait principalement enseignée dans les écoles publiques par d'odieux profs gauchistes et dont le but serait de pervertir les enfants. «L'ABCD de l'égalité» se retrouve au cœur de cette tempête. Ce programme scolaire dont l'objectif est de lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre deviendrait, selon les réacs, un outil de propagande 1. Cis : une personne cis est une personne dont le genre correspond à celui qui lui a été assigné à la naissance 8