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Transcription:

RAPPORT DE L OIDH AU COMITE DES DROITS DES NATIONS UNIES RELATIF A LA MISE EN ŒUVRE DU PIDCP PAR L ETAT DE COTE D IVOIRE, A LA 113 ème SESSION DE MARS 2015 Abidjan, le Janvier 2015 INTRODUCTION L ONG, Observatoire Ivoirien des Droits de l Homme (OIDH) a été créée en 2014 et a pour but d agir en prévention afin d œuvrer à réduire les risques de violences politique et sociale, et d aider au respect des Droits de l Homme, à travers l observation efficace de la gouvernance politique et démocratique et de faire des propositions constructives au Gouvernement. Préoccupé par les nombreuses violations des droits de l homme commises en Côte d Ivoire, l OIDH à travers ce rapport, dresse un état des lieux sur la situation. En vue donc d aider l aider l Etat ivoirien à respecter ses engagements en matière de droits de l homme et à se conformer au Pacte International sur les Droits Civils et Politiques, l OIDH soumet au Comité des Droits de l Homme des Nations Unies, ce présent rapport qui se focalisent sur les points suivants : Le droit à la vie (I) ; L interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (II) ; La Liberté et sécurité de la personne et droit à un procès équitable (III) ; Le traitement des personnes privées de liberté (IV) ; La liberté d expression, droit à la liberté de réunion et d association (V) et La diffusion d informations concernant le pacte (VI) I- DROIT A LA VIE Le droit à la vie est régi par le Pacte International sur les Droits Civils et Politique, qui dispose en son art.6 que «le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie». En Côte d Ivoire, c est un droit constitutionnel prévu par l art.2 de la Loi n 2000-513 du 1 er août 2000, qui dispose que «La personne humaine est sacrée. Tous les êtres humains naissent libres et égaux devant la loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont le droit à la vie, [ ]. Toute sanction tendant à la privation de la vie humaine est interdite. Ces dispositions bien que partie de l arsenal juridique ivoirien, rencontre des difficultés d application pratique. La peine de mort a été abolie en côte d Ivoire, en toutes circonstances. D autres textes pénaux (arts.38 à 42) cependant, encadrent encore l exercice de la peine de mort, entretenant du coup, une sorte de flou au sein de la justice pénale. Fort heureusement, lors d un récent conseil des ministres, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice des Droits de l Homme et des Libertés Publiques, a annoncé deux projets de loi pour reformer la Justice dont celui de la suppression de la peine de mort dans le code pénal ivoirien 1. Malgré leur baisse sensible aujourd hui, les exécutions extra judiciaires commises au cours des différentes crises qui ont secoué la Côte d Ivoire semblent passer par pertes et profits. Certaines personnes pourtant identifiées comme auteurs 2 d exécutions extra judiciaires ne sont ni appréhendées, ni détenues, ni jugées. Elles sont plutôt promues à de hautes fonctions tant au sein de l Administration publique civile que militaire. Tel, FOFIE Kouakou 3 qui a été indexé par l ONU pour 1 - Conseil des Ministres du mercerdi 14 janvier à Yamoussoukro_news.abidjan.net/h/520555.html 2 - Eddy Medi, Chérif OUSMANE, Losseni FOFANA dit LOSS, COULIBALY Ousmane dit Ben Laden 3 - FOFIE Kouakou Martin, Commandant du 4 ème Bataillon d Infanterie de Korhogo, ex-compagnie Territoriale 1

violations répétées des droits de l homme. Il lui est reproché notamment d avoir commandité l étouffement de plusieurs partisans de Laurent Gbagbo, qu il a emprisonnés dans des conteneurs. Ce constat d impunité s amplifie et se relativise respectivement dans les cas des charniers de Nahibly et de Yopougon. A Nahibly en effet, six (o6) premiers corps ont été exhumés et transférés à Abidjan pour autopsie en octobre 2012, mais jusque-là, et l autorité judiciaire, et les familles, et la communauté nationale et internationale n a connaissance des résultats 4 de l expertise médicale. Ces cas d impunité ont été dénoncés par plusieurs organisations de protection et défense des droits de l homme et consignés dans leurs rapports 5. A Yopougon cependant, Concernant le charnier, des éléments nouveaux ont été apportés par le collectif des victimes du charnier en 2011. En octobre 2013, le collectif a porté plainte pour que le dossier soit rouvert. La plainte a été enregistrée sous le numéro 7154 6. Des interrogations subsistent pourtant, malgré la réception de cette plainte, quant à la volonté réelle étatique de poursuivre cette affaire? Qui est le magistrat en charge du dossier? Le dit dossier est-il vraiment mis en état? II- INTERDICTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS L art. 7 du PIDCP énonce que «nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants», quand l art. 3 de la constitution ivoirienne dispose que «sont interdits, les traitements inhumains et cruels, dégradants et humiliants, la torture physique ou morale, les violences physiques et les mutilations et toutes les formes d'avilissement de l'être humain». On peut le voir, l Etat ivoirien est partie aux instruments contre les atteintes aux droits de l homme sus-indiquées. Mais, bien qu ayant ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis le 18 décembre 1995, la Côte d Ivoire n a pas procédé à sa domestication. Il apparaît donc que le législateur ivoirien n incrimine pas la torture de sorte que les auteurs de ces violations de droits de l homme portant sur la torture restent impunis. Les juges assimilant ces actes de torture à des coups et blessures volontaires ou violences et voies de faits. Les exemples ci-après illustrent ces propos : Depuis le 1 er septembre 2014, les prisonniers politiques détenus à la Maison d Arrêt et de Correction d Abidjan (MACA) ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention jugées indécentes, cruelles et inhumaines. Au cours de la grève, certains parmi eux, alors admis d urgence dans les CHU de Treichville ou de Yopougon, ont été ramenés manu militari à la MACA 7 Le jeudi 7 juillet 2011 un film vidéo a montré des détenus de la prison de Bouna dont M. AFFI N guessan Pascal, Président du Front Populaire Ivoirien (FPI) et M. DIABATE Bêh, ex Conseiller économique et social, subissant de force des exercices physiques avec des invectives à eux infligés par le Commandant Morou OUATTARA des Forces Républicaines de Côte d Ivoire (FRCI), anciennement Commandant de la Zone de BOUNA des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN). 4 - Communique de presse du FIDH, MIDH et de la LIDHO, du vendredi 10 octobre 2014 5 - Rapport d enquête réalisé par l APDH en 2012 : Sous vos yeux, on nous tue impunément 6 - Reference de la plainte déposée par le collectif des victimes 7 - http://www.civox.net/cruaute-contre-les-pro-gbagbo-le-regime-refuse-de-soigner-les-prisonniers-politiques_a5811.html 2

Lors de la crise postélectorale la Commission Nationale d Enquête a révélé que 296 actes de tortures 8 ayant entrainé la mort sont restés impunis faute d incrimination. Mais jusque là, les procès en cours soit ne concernent pas ces faits, soit lorsqu il les concernent, ne visent qu une seule partie au conflit. III- LIBERTE ET SURETE DE LA PERSONNE ET DROIT A UN PROCES EQUITABLE L art.9 du pacte international sur les droits civils et politiques dispose que «toute individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l objet d une arrestation ou d une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi». L art.14 de ce même pacte, dispose que «tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial [ ] civil. En Côte d Ivoire, aux termes des arts. 21 et 22 de la constitution ivoirienne «nul ne peut être poursuivi, arrêté, gardé à vue ou inculpé, qu en vertu d une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés» et que «nul ne peut être arbitrairement détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu à ce que sa culpabilité soit établie à la suite d une procédure lui offrant des garanties indispensables à sa défense». Liberté et sécurité de la personne En côte d Ivoire, à la faveur de la crise postélectorale, la liberté et la sécurité, en matière de garde à vue et de détention préventive sont devenues des exceptions au lieu de demeurer des règles. Il ressort que les recours à la garde à vue et surtout à la détention préventive sont devenues systématiques et donc symptomatiques de l arbitraire ou des pratiques illégales dans l exécution des procédures sus évoquées. En effet, des centaines de personnes font l objet d arrestation et de détention arbitraire 9. Par exemple, le Sous-Préfet de Gabiadji, M. KAPHET GNAKO AIME, arrêté en tenue de fonction et gardé abusivement dans les liens de la détention à la MACA, depuis août 2012, au motif d atteinte à la sûreté de l Etat. Il n a été entendu par le juge d instruction qu une seule fois. Son état de santé se détériore, et si des mesures ne sont pas urgemment prises pour les soins médicaux nécessaires, sa vie risque d être en danger. Des centaines de personnes sont dans cette situation de détention préventive abusive et prolongée illégalement, sans jugement, et dans des conditions de détention qui laissent à désirer. Droit à un procès équitable Des efforts sont faits par les autorités en charge de la question. Par exemple, depuis l ouverture de l audience des procès en Assises de ceux qu on appelle communément les prisonniers politiques, on note une sorte d équilibre entre les parties, de sorte à assurer un procès équitable. En effet, la Cour d Assises a suspendu le procès de Simone Gbagbo et 82 autres détenus le 26 Décembre à la suite des observations des avocats de la défense. Ceux-ci ont fait remarquer qu ils n ont pas eu accès aux dossiers de leurs clients et que toute la procédure a été biaisée par le procureur général. Le Président de la cour, Taïrou Dembélé a donc décidé de "renvoyer au mardi 6 janvier" l audience, afin de permettre aux avocats d avoir accès aux documents de l accusation et de préparer la défense de 8 - http://www.civox.net/graves-violations-des-droits-humains-sous-ouattara-296-ivoiriens-tortures-a-mort-par-les-frci_a5136.html 9 -Rapport de l Expert indépendant des Nations Unies sur la situations des Droits de l Homme en Côte d Ivoire, 9 janvier 2014 3

leurs clients. Pour le Président de la Cour, le procès doit être équitable et le droit de la défense doit être respecté. Ce n est pas une faveur mais un droit. La cour vous invite à satisfaire cette obligation a-t-il lancé à l'avocat général 10. Il est également redondant que dans la plupart des procès liés à la crise post électorale, et qui n ont visé que les personnalités de l ancien régime, les Droits de la Défense n ont pas été respectés. Par exemple, dans la procédure contre Charles Blé Goudé en Côte d Ivoire, ses Avocats n ont pas été mis en mesure de le défendre convenablement car les pièces des dossiers leurs étaient communiquées largement en retard ou pas du tout, ou encore ils n avaient pas l occasion d échanger avec leur client. De plus, dans plusieurs procédures impliquant des personnes de l ancien régime, les délais de garde à vue, notamment à la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), ainsi que les délais de détention préventive, ne sont pas respectés. IV- TRAITEMENT DES PERSONNES PRIVEES DE LIBERTE L art. 10 du Pacte International sur les Droits Civils et Politique dispose que «toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité [ ] à leur statut légal» ; quand la constitution ivoirienne dispose que «le droit à un environnement sain est reconnu à tous». Ces dispositions se heurtent malheureusement aux réalités constatées sur le terrain, en Côte d Ivoire. En effet, dans les maisons d arrêt et de correction, des infirmeries, qu elles existent ou pas ne sont pas suffisamment pourvues en médicaments, en matériel de soin et de personnels soignants. C est le cas de la prison civile de la ville de Divo 11. Du point de vue du ratio alimentaire des prisonniers, des efforts ont été faits par l Etat de Côte d Ivoire. De 160 francs avant la crise, le ratio est passé à 420 francs cfa. Cependant, ce dernier montant reste relativement faible au regard des normes internationales et des besoins des prisonniers. Ces besoins touchent aussi l amélioration des infrastructures carcérales. En effet les maisons d arrêt et de corrections sont encore surpeuplées. Ce qui entraîne l absence de cloison entre les prisonniers mineurs et adultes. A la prison d Agboville par exemple, tous les détenus masculins partagent la seule et unique cour. On peut le voir, surpeuplement et l absence de cloisonnement engendre précarité et insécurité. En effet, les femmes sont victimes de viol notamment à la MACA où le dénommé Yacou le Chinois règne en maître absolu, au vu et au su de toutes les autorités. Il est considéré comme l instigateur des nombreuses situations de violences, de meurtres, et de tentatives d évasion. V- LIBERTE D EXPRESSION, DROIT A LA LIBERTE DE REUNION ET D ASSOCIATION (ART. 19, 21, 22) Les art.19 et 21 du PIDC énoncent respectivement que «nul ne peut être inquiété pour ses opinions. [ ] moralité publiques» et que «le droit de réunion pacifique est reconnu. [ ] ou les droits et les 10 11 -Ville située dans le Centre Ouest de la Côte d Ivoire 4

libertés d autrui. L art. 22 du pacte dispose que «toute personne a le droit de s associer librement avec d autres y compris le droit de constituer des syndicats et d y adhérer pour la protection de ses intérêts. [ ] aux garanties prévues par ladite convention. Cependant, il est à noter que plusieurs regroupements et manifestations de l opposition politique ont soit été interdits, ou tout simplement été dispersés. C est le cas par exemple entre 2011 et 2013 de plusieurs meetings organisés par le Front Populaire Ivoirien (FPI)à Yopougon, Bonoua, Cocody Par ailleurs, le siège de ce parti a à plusieurs reprises, fait l objet d attaques et de destruction par les forces de l ordre, au prétexte d arrestation de certains leaders, dont M. KOUA Justin, Président de la Jeunesse de ce parti. Aucune enquête officielle n a été engagée. Au même moment, le parti au pouvoir organise des manifestations dans les mêmes endroits sans en être inquiétés. L ONG dénommée Coalition des Indignés de Côte d Ivoire a été régulièrement créée en 2013 et intervient dans le sens de la lutte contre la vie chère et de la promotion des Droits des consommateurs en Côte d Ivoire. A plusieurs reprises, ces manifestations ont été interdites puis réprimées par la Police à Yopougon et à Cocody, notamment en Octobre 2013 et en Novembre. A plusieurs occasions, le Leader de cette organisation, du nom de SAMBA David, a fait l objet d arrestation, de brutalité policière, avant d être relâché plus tard VI- DIFFUSION D INFORMATIONS CONCERNANT LE PACTE (PIDCP) L article 2 du pacte stipule que les Etats parties du présent pacte s engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétences les droits reconnus dans le présent pacte. Reconnu justifié. Par ailleurs la constitution ivoirienne en son article 87 stipule que les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou Accord, de son application par l'autre partie. Le fait est que l Etat de ci n a pris jusque-là aucune disposition de nature à vulgariser le pacte. En réalité il n existe pas d exemples évidents et clairs sur la diffusion du pacte. Sur la question de l indépendance de la CNDHCI (Commission Nationale des Droits de l Homme de la Côte d Ivoire), il y a lieu de dire qu il pourrait s agir d une indépendance relative au vu de la présence de plusieurs représentants d institutions politiques (Ministères, Chef de l Etat). Par ailleurs, en 2011, l Etat de Côte d Ivoire a été condamnée par le comité des Droits de l Homme pour pratique d actes de torture à l encontre du sieur Sorifing Traore (Sorifing Traore c/etat de Côte d Ivoire). Jusqu à présent aucune disposition n a été prise pour se conformer aux recommandations du Comité. 5

Recommandations 1. Le droit à la vie L abolition de la peine de mort - Rendre effective la mesure de suppression de la peine de mort dans le code pénal usuel Exécutions sommaires, extra-judiciaires et disparitions forcées - Appréhender, emprisonner tous les auteurs de graves violations des droits humains issus du camp Ouattara pour une justice ivoirienne plus équitable. - Sortir la justice de son inertie, de sorte à diligenter des enquêtes non orientées sur les charniers de Yopougon et de Nahibly, en publier les résultats et poursuivre les auteurs. 2. Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants - Définir et Criminaliser la torture en Droit interne conformément à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants - Prendre des mesures pour prévenir la torture, lutter contre l impunité et réprimer les auteurs d actes de torture, - Renforcer les capacités des agents de l Etat (membres des forces armées, de police et de la gendarmerie et les gardiens de prison) aux normes internationales en matière de droit de l homme, et en particulier à la prohibition absolue de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. 3. Traitement des personnes privées de liberté - Pourvoir les Maisons d Arrêt et de Correction (MAC) en infirmeries équipés en matériels et en personnel soignants - Augmenter le ratio alimentaire pour le conformer aux normes internationales - Construire de nouvelles Maisons d Arrêt et de Correction pour lutter contre le surpeuplement en milieu carcéral - Renforcer la sécurité en milieu carcéral pour éviter les évasions et les tentatives d évasion 6. Diffusion d informations concernant le pacte (PIDCP) - Prévoir la CNDH dans la constitution ivoirienne - Revoir le mode de désignation des membres des membres de la CNDH, en y réduisant les représentants du gouvernement. - Se conformer aux recommandations du Comité des Droits de l Homme dans l affaire Sorifing Traoré c / Etat de Côte d Ivoire. 6