Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie CFDT 47/49 Avenue Simon Bolivar 75019 PARIS



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T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 1/4 social RG : 12/10413 MINUTE : PAIEMENT A. L. JUGEMENT rendu le 11 décembre 2012 Assignation du : 16 juillet 2012 1 DEMANDERESSES Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie CFDT 47/49 Avenue Simon Bolivar 75019 PARIS Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT 263 rue de Paris 93514 MONTREUIL CEDEX Fédération de la Métallurgie CFE-CGC 33 avenue de la République 75011 PARIS représentées par Me Béatrice BURSZTEIN de la SCP LEGRAND BURSZTEIN BEZIZ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0469, Me Laurent BEZIZ de la SCP LBBa, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant DÉFENDERESSES Société ALCATEL LUCENT FRANCE 3 avenue Octave Gréard 75007 PARIS Expéditions exécutoires délivrées le: Page 1

Société ALCATEL LUCENT 3 avenue Octave Gréard 75007 PARIS représentées par Me Catherine DAVICO-HOARAU de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0053 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne LACQUEMANT, Vice-Président Président de la formation Madame Florence BUTIN, Vice-Président Madame Cécile SORIANO, Juge Assesseurs assistées de Elisabeth AUBERT, Greffier DÉBATS A l audience du 23 octobre 2012 tenue en audience publique devant Madame LACQUEMANT et Madame BUTIN, magistrats rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l article 786 du code de procédure civile JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire En premier ressort A la suite d une assignation délivrée à jour fixe le 16 juillet 2012 à la société Alcatel Lucent et à la société Alcatel Lucent France, la Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie CFDT, la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT et la Fédération de la Métallurgie CFE-CGC, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 octobre 2012, demandent au tribunal, au visa des articles L. 242-8 et L. 2242-3 du code du travail, de : - dire et juger qu en décidant unilatéralement dès le 31 janvier 2012 de n accorder aucune augmentation de salaire au titre de l année 2012 autre que celles imposées dans certains pays par la loi ou les accords collectifs et en annonçant cette décision aux salariés de la société Alcatel Lucent France notamment, alors que la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs était en cours au sein de la société Alcatel Lucent France, les sociétés Alcatel Lucent et Alcatel Lucent France ont méconnu l obligation de loyauté dans la négociation définie à l article L. 2242-3 du code du travail, Page 2

- condamner solidairement les sociétés Alcatel Lucent France et Alcatel Lucent à verser à chaque organisation syndicale requérante la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, - ordonner, à titre de réparation complémentaire, la publication du dispositif du jugement sollicité, aux frais exclusifs et solidaires des sociétés Alcatel Lucent et Alcatel Lucent France, au sein de deux publications de presse au choix des syndicats requérants, - assortir le jugement de l exécution provisoire, - condamner solidairement les sociétés Alcatel Lucent et Alcatel Lucent France à verser à chacun des syndicats requérants la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l article 700 du code de procédure civile. Les organisations syndicales exposent à l appui de leurs demandes qu alors que la négociation collective annuelle obligatoire sur les thèmes définis à l article L. 2242-8 et suivants du code du travail et en particulier sur les salaires effectifs, avait été engagée le 19 janvier 2012 au sein de la société Alcatel Lucent France, filiale de la société Alcatel Lucent, et qu une seconde réunion devait se tenir le 14 février 2012 à la suite de l annonce des résultats annuels du groupe, la direction des ressources humaines du groupe a annoncé à l ensemble des salariés du groupe la décision de n accorder aucune augmentation de salaires au titre de l année 2012 à l exception de celles imposées dans certains pays par la loi ou les accords collectifs. Elles soutiennent que l employeur a manqué au principe de la loyauté des négociations et a enfreint les dispositions de l article L. 2243-3 du code du travail, faisant valoir que la décision du groupe doit être considérée comme une décision de l employeur des salariés de la société Alcatel Lucent France. Sur le moyen d irrecevabilité opposé aux demandes dirigées contre la société Alcatel Lucent, les organisations syndicales indiquent que cette dernière société, société de tête du groupe mondial Alcatel qui contrôle notamment la société Alcatel Lucent France, a été assignée en raison de sa participation personnelle à la faute invoquée, la circonstance selon laquelle elle ne serait pas tenue de conduire les négociations annuelles obligatoires au sein de sa filiale étant indifférente, qu en arrêtant des décisions relatives à la rémunération du personnel de l ensemble du groupe, et au cas d espèce de la société Alcatel Lucent France, elle a exercé l une des prérogatives essentielles de l employeur tenant à la détermination des niveaux de rémunération des salariés, son immixtion dans les relations sociales au sein de sa filiale étant établie et d ailleurs non contestée. Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 19 octobre 2012, les sociétés Alcatel Lucent France et Alcatel Lucent soulèvent l irrecevabilité des demandes formées à l encontre de cette dernière société au motif que les organisations syndicales n ont ni qualité ni intérêt à agir pour contester les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations auxquelles cette société n était pas partie. Page 3

Sur le fond, elles s opposent à la demande et soutiennent que les prescriptions légales encadrant les négociations annuelles obligatoires ont été respectées et qu il n existe nulle déloyauté à avoir annoncé aux organisations syndicales dès le début des négociations, soit le 19 janvier 2012, qu aucune augmentation ne pourrait être accordée compte tenu de la situation économique de la société Alcatel Lucent France et du groupe Alcatel et d avoir maintenu cette position à l issue des négociations, que l information des salariés faite par le groupe le 31 janvier 2012, soit après la première réunion de négociation obligatoire du 19 janvier, selon laquelle il avait été décidé de limiter les augmentations de salaire aux seuls pays où elles sont obligatoires de par la loi ou les accords collectifs, n affecte pas la loyauté de la négociation en cours au sein de la société Alcatel Lucent France. Subsidiairement, les défenderesses font valoir que le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts n est pas justifié, ni davantage la demande de publication qui ne repose sur aucun fondement. A titre reconventionnel, elles sollicitent la condamnation de chaque organisation syndicale demanderesse à leur verser à chacune la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l article 700 du code de procédure civile. Pour un plus ample exposé de l argumentation des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS Attendu que les articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du code du travail définissent les modalités de la négociation obligatoire au sein des entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d organisations représentatives, les articles L. 2242-5 et suivants précisant les thèmes sur lesquels doivent porter les négociations annuelles obligatoires ; Attendu que l article L. 2243-3 du travail dispose que tant que la négociation est en cours conformément aux dispositions de la présente section, l employeur ne peut dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l urgence le justifie ; Que ces dernières dispositions sont la traduction dans la loi d un aspect du principe de loyauté qui doit présider aux négociations collectives ; Attendu qu en l espèce, la société Alcatel Lucent France a, conformément aux dispositions de l article L. 2242-1 du code du travail, engagé pour l année 2012 les négociations obligatoires sur les thèmes définis aux articles L. 2242-5 à L. 2242-10, et notamment sur les salaires effectifs, en convoquant l ensemble des organisations syndicales représentatives à la première réunion fixée le 19 janvier 2012 à l occasion de laquelle il n est pas contesté que les documents utiles ont été remis aux syndicats ; Page 4

Que la direction a annoncé dès cette réunion sa position sur la question des salaires à savoir, selon les termes du procès-verbal : pas d augmentation de salaire sur 2012/gel des salaires, et ce en raison d un contexte difficile pour l entreprise notamment sur la trésorerie, d une situation très fragile et d une baisse des ventes en Europe ; Que la direction des ressources humaines du groupe Alcatel Lucent a annoncé le 31 janvier 2012 à l ensemble des salariés du groupe, ce compris les salariés de la société Alcatel Lucent France, que la décision avait été prise par le comité exécutif de limiter les augmentations de salaires aux seuls pays où elles sont obligatoires de par la loi ou les accords collectifs (au minimum requis) ou dans certains cas très exceptionnels ; Que lors de la seconde réunion de négociation qui s est tenue au sein de la société Alcatel Lucent France 14 février 2012, l employeur a confirmé la décision de maintenir sa décision de contenir la masse salariale ainsi qu il ressort des termes du projet de procès-verbal de désaccord établi par la direction de la société Alcatel Lucent France ; SAur la recevabilité Attendu que les syndicats qui invoquent à l appui d une demande de dommages et intérêts l existence d un comportement fautif de la direction du groupe Alcatel Lucent à l occasion des négociations menées par la société Alcatel Lucent France, ont qualité et intérêt à agir à l encontre de la société Alcatel Lucent pour obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation de l atteinte alléguée aux intérêts collectifs de la profession ; Que la circonstance que les négociations en cause aient été engagées au sein de la société Alcatel Lucent France et non au sein de la société Alcatel Lucent est sans incidence sur la recevabilité de l action dirigée à l encontre de cette dernière ; Que le moyen d irrecevabilité sera rejeté ; Sur la demande de dommages et intérêts Attendu qu il n est pas reproché à la direction de la société Alcatel Lucent France, dans le cadre de la présente procédure, d avoir indiqué aux organisations syndicales le 19 janvier 2012, lors de la première réunion de négociations, qu il n était pas envisageable d augmenter les salaires en 2012, ni de n avoir pas accordé d augmentation de salaire en 2012, mais d avoir arrêté cette décision le 31 janvier 2012 en l annonçant aux salariés alors que les négociations étaient toujours en cours ; Attendu que la réalité de la décision unilatérale ainsi annoncée par la direction des ressources humaines du groupe, dans les termes rappelés précédemment, n est pas contestée ; Qu il n est pas davantage discuté que cette décision s imposait à la société Alcatel Lucent France ; Page 5

Attendu que la décision de ne pas augmenter les salaires en 2012 arrêtée unilatéralement, en l absence d urgence caractérisée, par la société Alcatel Lucent, qui s est alors comportée comme un coemployeur des salariés de la société Alcatel Lucent France, et annoncée à l ensemble des salariés par la direction du groupe alors que des négociations étaient en cours sur ce thème au sein de cette dernière société, constitue une violation des dispositions de l article L. 2243-3 du code du travail précité ; Que ce manquement aux dispositions légales qui ont vocation à assurer l expression du droit syndical a porté atteinte au principe de loyauté qui doit prévaloir dans la conduite des négociations en cours et constitue une faute engageant la responsabilité de la société Alcatel Lucent, auteur de l annonce de la décision alors qu elle ne pouvait ignorer que des négociations étaient engagées, ainsi que celle de la société Alcatel Lucent France avec laquelle étaient menées les négociations et qui a fait sienne cette décision ; Attendu que la décision prise prématurément par l employeur de ce que les salaires seraient gelés alors que la question était supposée en discussion, traduit une désinvolture certaine et un manque de considération à l égard des organisations syndicales et de l action qu elles mènent dans l intérêt des salariés à l occasion des négociations obligatoires, portant atteinte au crédit et à l image de ces dernières et leur causant ainsi un préjudice certain ; Que ce préjudice sera justement réparé par l octroi à chacune des organisations syndicales demanderesses d une somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Sur la publication du jugement Attendu que la réparation complémentaire, sollicitée sous la forme d une publication du jugement par voie de presse, n apparaît pas justifiée ; Que la demande formée de ce chef sera rejetée ; Sur l article 700 du code de procédure civile Attendu que les sociétés Alcatel Lucent et Alcatel Lucent France qui succombent doivent être condamnées in solidum aux dépens et à verser à chacune des demanderesses la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l article 700 du code de procédure civile ; Sur l exécution provisoire Attendu que les circonstances de l espèce ne justifient pas que soit ordonnée l exécution provisoire de la présente décision ; Page 6

PAR CES MOTIFS Statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, Déclare les demandes recevables ; Condamne in solidum la société Alcatel Lucent et la société Alcatel Lucent France à verser à chacune des organisations syndicales demanderesses la somme de 8.000 euros (huit mille euros) à titre de dommages et intérêts ; Rejette la demande tendant à la publication du jugement ; Condamne in solidum la société Alcatel Lucent et la société Alcatel Lucent France à verser à chacune des organisations syndicales demanderesses la somme de 1.000 euros (mille euros) en application des dispositions de l article 700 du code de procédure civile ; Dit n y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne in solidum la société Alcatel Lucent et la société Alcatel Lucent France aux dépens. Fait et jugé à Paris le 11 décembre 2012 Le Greffier Le Président E. AUBERT A. LACQUEMANT Page 7

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