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Transcription:

N 292 SÉNAT SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1979-1980 Annexe au procès-verbal de la séance du 5 juin 1980. RAPPORT FAIT au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées ( 1 ) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEM BLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de El Salvador sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, ensemble deux Echanges de lettres, signée à Paris le 20 septembre 1978. Par M. Louis LONGEQUEUE, Sénateur. ( 1) Cette commission est composée de : MM. Jean Lecanuet, président ; Jacques Ménard, Emile Didier, Antoine Andrieux, Georges Repiquet, vice-présidents ; Jacques Genton, Serge Boucheny, Philippe Machefer, Francis Palmero, secrétaires ; Michel d'aillières, Gilbert Belin, Jean Bénard Mousseaux, André Bettencourt, Eugène Bonnet, Charles Bosson, Raymond Bourgine, Louis Brives, Jacques Chaumont, Georges Constant, Gilbert Devèze, François Dubanchet, Louis de la Forest, Jean Garcia, Lucien Gautier, Alfred Gérin, Marcel Henry, Louis Jung, Max Lejeune, Louis Le Montagner, Louis Longequeue, Louis Martin, Michel Maurice-Bokanowski, Jean Mercier, Claude Mont, André Morice, Paul d'ornano, Jean Péridier, Mme Rolande Perlican, MM. Edgard Pisani, Robert Pontillon, Roger Poudonson, Eugène Romaine, Abel Sempé, Edouard Soldani, Georges Spénale, Jean-Louis Vigier, Albert Voilquin. Voir les numéros : Assemblée nationale (6* législ.) : 1285, 1432 et in-8 256. Sénat : 124 (1979-1980). Traité* et Conventions. El Salvador - Investissements.

2 SOMMAIRE I. Indications générales sur la République de El Salvador 4 A. La situation politique intérieure : un Etat partagé entre des extrémistes rivaux».... 4 B. La politique extérieure et les relations avec la France : une normalisation des relations extérieures à la suite de différends récents avec plusieurs Etats ; l'existence de données favorables au développement de relations d'ailleurs anciennes avec la France 6 C. La situation économique : de réelles possibilités en dépit de certaines carences structurelles 8 II. Le contenu de la Convention du 20 septembre 1978. Cette première Convention de protection des investissements conclue avec un pays d'amérique latine est analogue aux dix-sept conventions ayant le même objet signées par la France depuis 1973. Elle constitue un cadre juridique satisfaisant pour les investisseurs éventuels 10 Conclusions 13

3 MESDAMES, MESSIEURS, La présente Convention ressortit à tm type d'accord qui nous est désormais familier. C'est en effet la dix-septième convention de protection des investissements qui a été conclue par la France depuis que la loi de finances rectificative du 24 décembre 1971 subordonne la garantie que le Trésor peut accorder aux investissement hors de la zone franc à la conclusion préalable d'un accord sur la protection des investissements. L'accord qui nous est soumis présente cependant une originalité. Il s'agit de la première convention de ce type conclue avec un pays d'amérique latine. Il est probable qu'elle sera suivie de la conclusion d'une série d'accords semblables dans cette partie du monde ainsi qu'en témoigne d'ailleurs la signature en novembre 1978 d'une convention de ce type avec le Paraguay.

4 I. INDICATIONS GÉNÉRALES SUR LA RÉPUBLIQUE DE EL SALVADOR La République de El Salvador est un petit Etat de 21.393 kilomètres carrés, surpeuplé avec 4.600.000 habitants, soit environ 220 habitants au kilomètre carré. Une vie politique intérieure agitée a souvent perturbé des possibilités de développement qui, pour être relativement limitées, n'en sont pas moins réelles. A. LA SITUATION POLITIQUE INTÉRIEURE Depuis son accession à l'indépendance en 1821, le pays a vécu un affrontement quasi permanent et souvent sanglant entre libéraux et conservateurs. Cette situation se perpétue actuellement avec une radicalisation des deux tendances traditionnelles, l'une vers l'extrême gauche, l'autre vers l'extrême droite. En 1962 l'armée a accédé au pouvoir en s'appuyant sur une oligarchie de riches propriétaires fonciers et de commerçants aisés. La politique très conservatrice menée par le Gouvernement, la manipulation des élections et la répression gouvernementale à l'égard de l'opposition, ont aggravé les tensions sociales et favorisé l'extension de la violence. L'opposition modérée s'est rapidement retirée du jeu politique afin de ne pas paraître cautionner une démocratie qui n'était que de façade, tandis que les groupes d'extrême gauche multipliaient les actions violentes parmi lesquelles la séquestration de l'ambassadeur de France au mois de mai 1979. Dans le même temps, et en réaction, s'intensifiait la répression gouvernementale ainsi que l'activisme de formations para-militaires de droite. C'est dans ce climat de dégradation croissante du climat intérieur, souligné par des grèves fréquentes, que le Gouvernement du général Roméro, qui avait été élu Président de la République en 1977, a été renversé en octobre 1979 par un groupe d'officiers d'inspiration démocrate chrétienne. La tâche du nouveau gouvernement qui s'efforce de trouver une via media entre les exigences d'une gauche révolutionnaire qui aurait souhaité une victoire de type sandiniste contre le gouvernement du général Roméro et les résistances des propriétaires fonciers peu enclins aux sacrifices, n'est guère aisée. Avec courage, le nouveau gouvernement qui dispose néanmoins d'appuis sérieux

5 auprès de l'eglise, des milieux d'affaires et de certaines organisations syndicales, s'efforce d'instaurer un régime de démocratie modérée tout en essayant de promouvoir, sur le plan économique et social, les réformes de structures, parmi lesquelles la plus spectaculaire outre la nationalisation des banques privées et l'imposition du contrôle des exportations était sans conteste la réforme agraire, revendication constante des paysans depuis des décennies. Trois cent mille hectares ont été nationalisés et doivent être remis à des coopératives paysannes qui les géreront. Ces terres détenues par trois cent soixante-seize propriétaires, qui seront indemnisés, devraient faire vivre cinquante mille familles paysannes. Des élections présidentielles sont prévues pour 1980. Cependant, la junte au pouvoir, pour mettre en œuvre ces réformes,- a été dans l'obligation de décréter l'état de siège. De fait, la situation politique intérieure demeure extrêmement tendue. Les efforts de l'actuel gouvernement se heurtent à la résistance d'une extrême droite fanatisée qui s'est en particulier récemment manifestée par l'assassinat, le 22 février 1980, du procureur général de la République et le 24 mars de l'archevêque de San Salvador, Monseigneur Romero, qui avait acquis une grande popularité pour ses prises de position en faveur des pauvres et pour la défense des droits de l'homme. Dans le même temps, on assiste à un rapprochement des opposants de gauche qui dénoncent l'impuissance de l'actuel gouvernement démocrate-chrétien, ainsi que la brutalité de certaines actions des forces armées visant en principe les insurgés, mais seraient souvent l'occasion de répressions sanglantes dans certaines campagnes. Le risque d'un coup d'etat de droite subsiste bien qu'il aurait, à tout le moins, pour conséquence certaine une suspension immédiate de l'aide américaine. Une tentative de coup d'etat d'extrême droite a d'ailleurs échoué le 2 mai 1980. Un glissement à gauche est également possible, une révolution de type sandiniste constituant pour beaucoup une sorte de modèle. Quoi qu'il en soit de ces évolutions possibles, dans les deux cas, il serait à craindre que la situation devienne vite explosive. Cet état de quasi-guerre civile qui risque de dégénérer à tout instant n'est assurément guère propice au développement des relations économiques. La protection des investissements n'en est cependant que plus utile. Cela d'autant plus que le développement économique du pays et, partant, les investissements, nous semblent être l'un des seuls, sinon le seul moyen de sortir le pays de sa situation actuelle à condition toutefois que les plus indispensables réformes socio-économiques soient rapidement mises en place.

6 B. LA POLITIQUE EXTERIEURE ET LES RELATIONS AVEC LA FRANCE La République de El Salvador est membre des Nations unies et de la majorité de ses organisations spécialisées. La diplomatie menée par l'ancien régime avait entraîné la dégradation des relations entre le Salvador et un certain nombre d'etats. Pour des raisons politiques évidentes, les relations se sont dégradées avec Cuba dès l'orientation marxiste donnée par Fidel Castro à son régime. De fait, les relations diplomatiques entre Cuba et le Salvador ont été interrompues en 1964. Des problèmes sont apparus également avec le Honduras, attisés par un tracé frontalier contesté ainsi que par des rivalités traditionnelles. Un conflit armé a même éclaté en 1969 et les médiations se poursuivent encore sous l'égide de l'organisation des Etats américains dont l'intervention a cependant rapidement mis fin à la phase armée de ce différend. A l'égard du Nicaragua le gouvernement du général Roméro a manifesté un soutien officieux, mais réel, au général Somoza. Les relations avec les Etats-Unis, longtemps privilégiées, se sont dégradées sous le régime du général Roméro qui appréciait fort mal les critiques formulées par l'administration américaine à l'égard de ses méthodes de gouvernement. Avec la France également les relations qui étaient anciennes et tradionhellement bonnes, se sont sensiblement dégradées à l'occasion de la séquestration de notre représentant diplomatique et de ses principaux collaborateurs au printemps 1979. Le Gouvernement français s'est en particulier plaint de l'attitude qu'il a jugé peu coopérative des autorités salvadoriennes lors de cette affaire. Depuis le changement de régime en octobre 1979, le nouveau gouvernement a entrepris une remise en ordre de la politique étrangère nationale. Des approches tendant à une normalisation des relations avec Cuba semblent avoir été amorcées, de même que le souci de régler le différend avec le Honduras a été clairement exprimé. Dans le même temps, les relations semblent s'être améliorées avec les Etats-Unis, qui paraissent se féliciter des tentatives de l'actuel gouvernement salvadorien pour écarter les extrémistes, tant de droite que de gauche, et ont décidé de lui apporter leur aide économique et militaire, tout en faisant savoir aux dirigeants militaires conservateurs salvadoriens que cette aide serait interrompue s'ils renversaient le gouvernement.

7 Avec la France également les relations se sont amélorées et l'avènement du nouveau régime semble avoir dissipé certaines réticences. Il ne s'agit d'ailleurs là que d'un retour à la normale après les méfiances réciproques qui s'étaient manifestées à l'occasion de la séquestration de notre ambassadeur. Les relations entre la France et le Salvador sont en effet fort anciennes ainsi qu'en témoignent la Convention consulaire conclue dès 1878 et l'accord commercial de 1901 sans cesse renouvelé depuis. Le Salvador a d'ailleurs souvent approuvé les positions françaises aux Nations unies et l'existence d'une colonie française de plus de 300 personnes contribue à la bonne compréhension entre les deux pays. Il existe d'ailleurs en outre un certain nombre de doubles nationaux résidant au Salvador. Sur le plan culturel, les relations sont également anciennes et l'étude du français se maintient en partie grâce à l'existence d'un lycée franco-salvadorien ainsi que d'une Alliance française. L'équivalence des diplômes est au demeurant reconnue entre les deux pays et il existe une coopération technique française au Salvador. Dans le domaine économique, les échanges commerciaux demeurent modestes quoiqu'en net progrès : les importations françaises sont passées de 33 millions de francs pour l'ensemble de l'année 1978 à 70,5 millions pour les derniers chiffres connus qui portent sur les neuf premiers mois de 1979. Nos importations portent surtout sur le café dont l'évolution actuelle d=îs cours explique le déséquilibre récent de la balance commerciale entre les deux Etats en notre défaveur. Pour ce qui est des exportations françaises vers le Salvador elles portent notamment sur les produits mécaniques, l'aluminium et les biens d'équipement. Ces exportations sont passées d'un montant de 41,3 millions de francs en 1978 à 46,7 millions pour les neuf premiers mois de 1979. Les échanges économiques entre les deux pays ont été confortés par la visite en France, en septembre 1978, d'une délégation d'industriels salvadoriens dirigée par le vice-président de la République et par la signature d'un protocole financier de 163 millions de francs dont 32 de prêt gouvernemental destiné à permettre la cons-, traction et l'équipement du port de pêche- de La Union ainsi que la fourniture de trois bateaux de pêche (deux thoniers et un remorqueur). Sofremer est le chef de file de cette opération qui intéresse un certain nombre de firmes françaises. Plusieurs autres entreprises sont implantées ou représentées au Salvador : Michelin, Peugeot, Dollfus-Mieg, Berthet-Boudet, Usinor, Leroy-Somer, Poclain. Foramines a enlevé en 1977 un contrat de forages géothermiques (4 millions de dollars) et Fives Cail-Babcock construit une sucrerie ( 13 millions de dollars).

8 Plusieurs projets d'équipement intéressant les sociétés françaises, notamment une usine de traitement des eaux (Degrémont), l'installation de centraux téléphoniques (C.I.T. Alcatel) et la fourniture d'autobus (Renault V.I.). Pour ce qui est des investissements français à proprement parler, ces derniers demeurent assez faibles puisque, portant sur 748.800 dollars américains, ils ne représentent que 0,52 du total des investissements étrangers cumulés en République de El Salvador. Cette situation s'explique en grande partie par une certaine ignorance de la part des sociétés françaises des très réelles potentialités offertes par le Marché commun du centre-américain dont le Salvador est membre. On peut cependant faire état en particulier de participation de Dollfus Mieg et Cie dans les «Hilaturas de Centro-America» qui se consacrent à la fabrication de fils de coton à partir du coton salvadorien ; de Michelin dans «Technillantas», fabricant de pneus de camion ; des lunetteries Berther-Bondet dans «Industrias Opticas», fabricant de lunettes. Il convient en outre de mentionner que le plan quinquennal 1978-1982 prévoit un important effort d'équipement énergétique (hydroélectricité, géothermie) et industriel (agro-industries, pêcheries) et de modernisation des infrastructures et des équipements sociaux. Le nouveau gouvernement a défini un plan d'urgence concernant certains secteurs, dont l'urbanisation et la production agro-alimentaire qui sont de nature à intéresser des entreprises françaises. C. LA SITUATION ECONOMIQUE En dépit de certaines potentialités ainsi que de son appartenance au marché commun d'amérique centrale la République de El Salvador demeure un pays relativement pauvre. On pourrait résumer la situation économique du pays à partir de trois constatations principales. 1. L'existence de certaines carences structurelles. Les difficultés de l'économie salvadorienne tiennent en effet moins à une insuffisance de ressources qu'à un certain nombre de lacunes structurelles, en particulier l'exiguïté des terres cultivables, le surpeuplement, qui résulte d'une démographie galopante (+ 3,2 % par an), et, enfin une extrême inégalité dans la répartition des revenus et des richesses : 2 % de la population détiennent en effet 60 % des terres cultivables. 2. La seconde caractéristique dominante de l'économie de la la République de El Salvador est assurément sa dépendance à l'égard

9 des cours des productions destinées à l'exportation. Le pays dispose de ressources importantes. La principale d'entre elles est le café, dont le Salvador est le troisième producteur mondial et dont l'exportation représente, selon les années, entre 50 et 60 % du total des exportations. Les ventes à l'étranger de coton (87 millions de dollars en 1978), de sucre (28 millions de dollars) de bananes et de baume de Pérou, utilisé en parfumerie et en dermatologie dont le Salvador est pratiquement le seul pays producteur, constitutent les principaux postes d'exportation. De fait, la balance commerciale, tributaire des cours de ces différents produits sur les marchés mondiaux, et en particulier de celui du café, est très fluctuante. Elle devrait apparaître excédentaire lorsque le bilan de l'année de 1979 sera connu. 3. L'économie locale connaît cependant une croissance assez régulière qui devrait se situer aux alentours de 6 % pour l'aimée 1979. Le pôle de développement que constitue le Marché commun centre-américain ainsi que l'émergence d'un secteur industriel ne sont pas étrangers à cette évolution favorable. De fait, l'industrie intervient désormais pour plus de 20 % dans la formation du produit intérieur brut.

10 II. LE CONTENU DE LA CONVENTION DU 20 SEPTEMBRE 1978 L'Accord qui nous est soumis s'inscrit dans ce contexte général et, quoiqu'il pose le principe de la réciprocité, les dispositions qu'il édicté visent essentiellement à développer les investissements français en République de El Salvador. Il ne comporte pas d'originalité particulière et est conforme aux plus récents des accords passés dans cette matière. Il reste que la Convention du 20 septembre 1978 revêt une importance particulière sur le plan des principes du droit international. C'est en effet un des premiers textes internationaux par lesquels un pays d'amérique latine renonce au principe dit «clause Calvo» qui consacre la compétence nationale exclusive pour le règlement de tout conflit entre l'investisseur étranger et l'etat sur lequel il a investi. L'article premier tend à dissiper des causes éventuelles de malentendus en définissant avec précisions le sens et la portée des termes «investissement», «nationaux» et «sociétés». Il se réfère par ailleurs à la règle courante selon laquelle les investissements doivent se conformer à la législation en vigueur sur le territoire du pays dans lequel ils sont effectués, et cela avant ou après l'entrée en vigueur de l'accord. L'article 2 pose le principe général de la réciprocité de l'encouragement apporté par chacune des deux parties contractantes aux investissements légalement effectués par des ressortissants ou des sociétés de l'autre partie. L'article 3 comporte la garantie d'un traitement juste et équitable des investissements qui ne doivent être entravés, ni en droit, ni en fait. Il prévoit également le traitement de la nation la plus favorisée. L'article 4 précise la portée de la clause de la nation la plus favorisée en en prévoyant également le bénéfice pour les activités liées aux investissements et menées par les ressortissants ou les sociétés de l'autre partie. L'article 4 stipule que le régime de la nation la plus favorisée n'est applicable que s'il apparaît que ce dernier est effectivement le plus avantageux.

11 L'article 11 complète ces dispositions en indiquant que la clause de la nation la plus favorisée ne peut pas s'étendre aux privilèges qu'une partie peut accorder dans le cadre de sa participation à line union douanière, à un marché commun ou une zone de libre échange. Cette clause revêt une importance particulière en l'espèce compte tenu de la participation de la République de El Salvador au Marché commun centre américain d'une part et de celle de la France à la commun centre-américain d'une part et de celle de la France à la L'article 5 apporte des garanties substantielles aux investisseurs. Il garantit les investisseurs contre tout risque d'arbitraire en matière d'expropriation, de nationalisation ou de «toute autre mesure dont l'effet serait de les déposséder directement ou indirectement». L'article 5 stipule en outre un certain nombre de dispositions de nature à rendre rapidement disponible le montant d'une juste indemnité en cas de dépossession éventuelle. Un second alinéa prévoit en outre la situation de «conflit armé», «de révolution», d' «état d'urgence national» ou de «révolte» qui ne doit pas faire obstacle au bénéfice par les investisseurs étrangers d'un traitement «au moins aussi favorable que celui réservé aux nationaux». Ces dispositions comportent naturellement un intérêt particulier en l'espèce compte tenu de la situation politique interne en République de El Salvador. L'article 6 traite avec minutie et équité de la délicate question du libre rapatriement des revenus, bénéfices et rémunérations diverses réalisés dans le cadre des investissements opérés sur le territoire de l'autre partie. C'est ainsi que le salaire des personnes expatriées, travaillant au titre d'un investissement étranger est lui-même partiellement transférable. L'article 7 ouvre les possibilités d'une sécurité supplémentaire pour les investisseurs en rendant possible à certaines conditions une garantie dès Etats en faveur de ceux de leurs ressortissants qui seraient désireux d'investir sur le territoire de l'autre partie. L'article 9 de l'accord règle le problème de la subrogation éventuelle, dans les droits et actions des ressortissants qui en auraient bénéficié, de l'etat qui aurait été amené à effectuer des paiements par le jeu de cette garantie. L'article 8 prévoit une possibilité de règlement des différends qui pourraient survenir à l'occasion de l'interprétation ou de l'application de l'accord, en renvoyant l'examen de tels différends à la compétence du Centre international pour les règlements des différends relatifs aux investissements, ou à défaut, à la Chambre de commerce internationale. Cet article est important sur le plan des principes dans la mesure où il consacre l'abandon de la «clause Calvo» qui réserve traditionnellement en Amérique latine la compétence nationale exclusive pour le règlement de tout conflit.

12 L'article 10 précise que le régime applicable aux garanties des Etats peut être particulier dans la mesure où il est plus favorable que celui prévu par la Convention L'article 12 prévoit une procédure très précise pour le règlement des différends éventuels que pourrait provoquer l'interprétation ou l'application de la Convention. L'article final précise que l'accord est conclu pour dix années et qu'il est renouvelable par tacite reconduction. Il apporte une garantie non négligeable aux investisseurs en indiquant expressément, qu'au cas où il y serait mis fn, l'accord demeurerait néanmoins applicable aux investissements effectués pendant qu'il était en vigueur.

13 CONCLUSIONS La situation politique interne actuelle de la République de El Salvador ne doit pas, selon votre Rapporteur, faire obstacle à la ratification de la Convention qui nous est soumise. Bien au contraire les intérêts de sociétés françaises, quoique peu importants dans ce pays, doivent être particulièrement protégés dans les circonstances actuelles. Dans le même temps, toutes les possibilités de développement doivent être accordées à la République de El Salvador et la présente Convention, qui comporte par ailleurs d'importantes garanties, en est une, fort modeste il est vrai. Pour ces diverses raisons votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées vous propose d'autoriser la ratification de la Convention du 20 septembre 1978.

14 PROJET DE LOI (Texte adopté par l'àssemblée nationale.) Article unique. Est autorisée l'approbation de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de El Salvador sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, ensemble deux Echanges de lettres, signée à Paris le 20 septembre 1978, dont le texte est annexé à la présente loi ( 1). ( 1) Voir les documents annexes au n 124 (1979-1980) du Sénat.