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Clémentine Séverin LE FAUTEUIL VIDE Mon Petit Éditeur

Retrouvez notre catalogue sur le site de Mon Petit Éditeur : http://www.monpetitediteur.com Ce texte publié par Mon Petit Éditeur est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d auteur. Mon Petit Éditeur 14, rue des Volontaires 75015 PARIS France IDDN.FR.010.0115010.000.R.P.2010.030.31500 Cet ouvrage a fait l objet d une première publication par Mon Petit Éditeur en 2010

À Alexandre, Marguerite et Alice Je remercie le docteur V. Psychiatre psychothérapeute

«Le travail de psychothérapie analytique se fait de face à face et nécessite des échanges vivants et de confiance avec le psychanalyste. La rythmicité des séances et parfois la durée de la psychothérapie sont définies dès les premières séances, suivant des critères purement thérapeutiques». Fabrice Anzemberger Psychanalyste «Le thérapeute agit sur l inconscient, soit la partie sacrée de l être humain, Les effets d une psychothérapie psychanalytique sont, par conséquent, irréversibles. Seule, une nouvelle psychothérapie peut faire surgir les conséquences d une thérapie». Clémentine Séverin

Avant-propos Recommandée par un professeur de service social, docteur en psychologie, alors que j étais en formation pour devenir assistante sociale, j avais commencé une psychothérapie à l âge de trente et un ans. J avais un parcours atypique, comparé aux autres étudiantes en service social. Celui-ci paraissait anormal, aux yeux de ce professeur et de la directrice de l école. Elles m avaient reproché de trop travailler, alors que je ne fournissais pas d efforts. Le professeur en service social, docteur en psychologie, avait insisté pour que j entreprenne cette démarche. Elle-même, en psychanalyse, avait été formelle. J en verrais des effets positifs presque immédiatement. Je ne devais jamais être malade, j aurais confiance en moi, je sortirais de l enfance Elle avait l intention de conseiller une psychanalyse à l ensemble des étudiantes en service social comme il l est obligatoire pour les psychologues, afin que nous ne projetions pas nos problèmes sur les personnes que nous devions aider Elle m avait communiqué l adresse de madame F.C. psychologue psychanalyste en m expliquant qu elle était une des meilleures psychanalystes de Paris. Madame FC me conseillera de consulter le docteur F.P. au centre médical pour que la psychothérapie psychanalytique soit remboursée comme je le souhaitais. Ce médecin était un des meilleurs psychiatres sur la place de Paris Mariée depuis six ans et demi, j étais mère d un petit garçon de dix-huit mois. Ma vie s organisait autour de mes études et 9

LE FAUTEUIL VIDE d une vie familiale des plus heureuses avant de faire le pas fatal qui me mènera dans cette longue et pénible aventure. Mon intention est de montrer les procédés de certains thérapeutes qui placent le patient dans une situation de souffrance et de non-retour, en le persuadant qu avant d entreprendre cette thérapie, sa vie ne pouvait être qu anormale Ce récit met en lumière la connivence des thérapeutes et de formateurs qui, pour se «couvrir» mutuellement, n hésiteront pas à perpétrer, sciemment, des schémas identiques au premier. Le Docteur V. psychiatre psychothérapeute me permettra, dès 2002, de découvrir cette tragédie vécue sous fond de secret et de retrouver ma famille. 10

Lettres à madame F.C. psychologue psychanalyste à Paris Vendredi 1er février 2002 Madame, Je vous informe que j ai contacté un psychiatre psychothérapeute quelques jours après une tentative de suicide. J avais consulté le médecin traitant à sa permanence et lui avais demandé l adresse qu il m avait communiquée l an passé, lors de problèmes de travail et de santé. Je vous avais relaté certains de ces problèmes dans une dernière lettre, sans évoquer mes tendances suicidaires. Je n avais pas souhaité vous inquiéter. Le médecin traitant, le docteur B., que je connais depuis très longtemps, est très inquiet. Il a vu ma santé se dégrader en quelques années. Il a semblé heureux que j entreprenne enfin cette démarche. Le médecin psychiatre est-il gentil et sérieux? lui ai-je demandé. Sa réponse m a convaincue. Le docteur B. médecin généraliste a, en effet, affirmé en plaisantant que le psychiatre mangeait ses patientes! De retour à la maison, je lui ai téléphoné. Il était en entretien et a annoncé qu il me rappellerait. Je lui ai, donc, communiqué mon numéro de téléphone. Dans la soirée, il a été convenu d un rendez-vous, rapidement. Mon mari a été très surpris. Il paraissait accablé. Je lui ai promis d annuler ce rendez-vous. Je ne voulais pas lui faire de peine. Le lendemain, j ai téléphoné au psychiatre et lui ai 11

LE FAUTEUIL VIDE expliqué les réticences de celui-ci. Il m a dit de venir pour moi. Il était dommage d annuler. Je ne l ai pas contrarié. J ai maintenu mon rendez-vous, sachant que je ne saurais surmonter, seule, mes pulsions suicidaires. Il est très difficile de cacher ce rendez-vous à mon mari. Pourquoi lui avais-je caché ma thérapie avec vous, pendant quatre ans? Vais-je le comprendre avec ce nouveau psychiatre? Je ne pouvais pas vous rappeler pour reprendre ma thérapie avec vous. Il m est impossible de me déplacer sur Paris. Je dois me reposer comme vous me l aviez conseillé quand je vous avais téléphoné pour vous annoncer mon cancer. J espère ne pas vous trahir par ma démarche auprès de ce psychiatre psychothérapeute. Samedi 2 février 2002 Madame, J ai relu ma lettre précédente. Celle-ci manque de précisions. Il est très éprouvant de vous avouer que ma première tentative de suicide remonte en octobre 1998 et que d autres se sont succédé jusqu à la semaine dernière. La veille de cette dernière tentative, j avais eu un rendez-vous avec un neurologue. Il devait réaliser des examens approfondis pour connaître l origine de mes douleurs. Son diagnostic a été sans pitié. Mes douleurs ont une origine psychologique. J ai éclaté en sanglots. Il m a proposé de me faire hospitaliser à Sainte-Anne. Mon mari et moi avons refusé. Nous sommes entrés à la maison. Le lendemain matin, je tentais de me suicider pour la quatrième fois. Je n osais pas vous téléphoner pour ce problème, ayant refusé les séances de thérapie que vous m aviez proposées, début octobre 1998. Vous ne serez probablement pas contente, à la lecture de mes lettres, mais soyez certaine que bientôt, j irai mieux. 12

LE FAUTEUIL VIDE Mardi 5 février 2002 Madame, Je me suis rendue à la consultation du docteur V. Son cabinet se situe à une centaine de mètres de la maison. Je n ai pas prévenu mon mari. Le docteur V. se souvenait de notre entretien téléphonique durant lequel j annulais la consultation À peine me suis-je installée sur la chaise, il a demandé : M apportez-vous des problèmes de couple? Je n en rencontre aucun, ai-je précisé. Je lui ai parlé de ma maladie, des soins que j ai subis contre le cancer et des douleurs physiques qui sont apparues après les traitements. Je lui ai fait part de votre diagnostic téléphonique sans lui dire qu il s agissait du vôtre et de celui du médecin psychiatre du comité médical. J avais rencontré celui-ci l an passé, pour un renouvellement de congé maladie. Il m avait affirmé qu il ne s occupait que des fous et que je n étais pas folle. Mon dossier n avait pas à être sur son bureau. Il n en était pas le bon destinataire. Il avait diagnostiqué que mes douleurs étaient consécutives à la chimiothérapie. Aussi, n ai-je pas cessé d expliquer mes souffrances au docteur V. : «Je suis handicapée. Je ne souhaite plus vivre. La vie ne m intéresse plus. Je ne veux plus me faire soigner. Il me tarde de récidiver du cancer et de mourir, sans soins.» À la fin de l entretien, le docteur V. s est exclamé que c était triste et m a proposé un rendez-vous pour la semaine prochaine. Ne soyez donc pas déçue que je tienne de tels propos à ce médecin que je ne connais pas et à qui je n ai pas cessé de parler, à mon grand étonnement. J ai eu l impression de le connaître depuis très longtemps et de le retrouver par hasard. Il est d une gentillesse rarissime. 13

LE FAUTEUIL VIDE Jeudi 6 février 2002 Madame, Je me permets de vous décrire, dans cette lettre, le docteur V. psychiatre, et son bureau. Son cabinet se situe dans une résidence grand standing de quatre étages. J ai sonné. La porte s est ouverte automatiquement comme lorsque j allais vous voir. J ai pensé que c était un psychiatre moderne. Je suis entrée dans une petite salle d attente et me suis installée sur un fauteuil gris noir, près d une table basse en verre où sont déposés des revues et des livres d art. Je n ai pas eu le temps de les feuilleter. Le docteur V. est sorti pour accompagner un patient à la porte. Il m a prié d entrer dans son cabinet. Petite pièce éclairée par une grande baie vitrée. Je me suis assise sur une chaise en cuir vert et lui s est assis sur une autre chaise identique, presque à mes côtés. Il était vêtu sobrement et élégamment. Le docteur V. est très grand et svelte. Ses cheveux bruns bouclent légèrement. Un visage aux traits fins et des yeux noirs réfléchissent une lueur d intelligence vive. Au fond de son cabinet, contre le mur, j ai aperçu un divan recouvert d un couvre-lit vert. Le mobilier sobre et élégant est en harmonie avec ce médecin. J ai souvent regardé par la baie vitrée qui m offrait une belle vue sur les arbres et les jardins. Je suis certaine que vous sourirez devant la naïveté de ma description qui exprime certainement quelque chose d autre que je ne comprends pas encore. Mercredi 27 février 2002 Madame, J ai vu le docteur V. pour la troisième fois. Ayant confiance en lui, j ai osé lui évoquer Pascal P, le moniteur d auto-école que j ai connu en mars 1998. Je vous avais rencontrée à son sujet en octobre 1998. Je lui ai posé les questions que je n avais pas pu vous poser. Il n a pas répondu. J ai dit au docteur V. que malgré la maladie diagnostiquée en avril 1999, laquelle avait nécessité un an de soins, je pensais 14

LE FAUTEUIL VIDE toujours à Pascal P Je ne parvenais pas à me détacher de lui. Je passais le voir cinq minutes à l agence d auto-école après mon travail. Pascal P. n avait jamais eu connaissance de mes sentiments à son égard. D ailleurs, j avais quitté l agence d autoécole fin octobre 1998 pour ne pas vivre cette relation que je croyais à sens unique. Je n ai pas obtenu mon permis de conduire. J ai renoncé à cette formation Le docteur V. a écouté très attentivement, sans me juger. Il a posé une question très surprenante : «Avez-vous déjà effectué une thérapie?» Le docteur V. a noté le nom et l adresse du docteur P. et vos coordonnées sur mon dossier, ainsi que les dates des thérapies, bien qu il ne prenne pas de notes pendant la séance. Comment a-t-il compris? À la fin de l entretien, le docteur V. m a proposé des rendez-vous tous les quinze jours. Aviezvous raison? Mes douleurs sont-elles consécutives à la chimiothérapie et non à mes pulsions suicidaires? Jeudi 13 mars 2002 Madame, N êtes-vous pas étonnée que je vous écrive depuis que je rencontre le docteur V. psychiatre? Je me promets de vous écrire, le temps de mes rencontres avec lui, un peu comme je le faisais quand j étais en thérapie avec le docteur P. psychiatre psychanalyste. Pourquoi n ai-je pas beaucoup écrit pendant ma thérapie avec vous? Je ne comprends pas. Je souffre un peu moins, mais parfois je me traîne comme une loque dans la maison. Je ne sors que pour travailler. Il me semble être prisonnière de Courbevoie/La Garenne-Colombes depuis que j ai rencontré Pascal P. le moniteur d auto-école. Je ne peux plus m en aller. Tout me ramène vers l agence. Avant, je travaillais loin de chez moi et depuis cette rencontre et la maladie, je travaille près de l auto-école. Je n ai pas choisi ce poste. L Inspection académique me l a imposé quand j ai repris mon travail. J ai évoqué l ambiance du lycée de cette année, qui 15

LE FAUTEUIL VIDE est meilleure que celle de l an passé J ai le sentiment que je terminerai ma carrière dans cet établissement, ai-je annoncé au docteur V. Les familles, les élèves manifestent un profond respect de ma personne. Je reconnais, à travers eux, ma «vraie famille.» Il a posé des questions à son sujet. «Je ne la vois plus depuis octobre 1990». Le docteur V. a dû remarquer que je détournais presque toutes les questions qui m emmèneraient à en parler. Il n insiste pas. Il me respecte. J aime que le docteur V. me respecte. Il me respecte à l infini. Il est très gentil dans le sens noble du terme. Mercredi 20 mars 2002 Madame, Je n ai pas avoué au docteur V. que nous avons maintenu une relation par téléphone et par courrier. Serait-il d accord? Il a eu l air surpris que je lui raconte que vous auriez été très déçue de savoir que je rencontre des problèmes avec les collègues assistantes sociales et les chefs de l inspection académique, durant les réunions J ai lu l étonnement sur le visage du docteur V. Instinctivement, j ai dit que vous m aviez tout appris. «Que vous a-t-elle appris?» Je me sentais mal à l aise. Très mal à l aise et dans l incapacité de lui répondre. Il n a pas insisté. Il a respecté ce lourd silence. N ai-je pas raconté de bêtises? J ai cherché les courriers que vous m aviez adressés. Je les ai retrouvés dans le tiroir de mon bureau, rangés à côté des lettres de ma sœur jumelle. J en ai lu un. Vous me présentiez vos vœux et vous ajoutiez ceci : «C est avec beaucoup de joie que je lis les heureuses nouvelles de votre famille et je serais contente de vous revoir. Je ne pense pas qu il soit nécessaire d avoir des problèmes pour cela. Peut-être pourrions-nous dîner un soir? Faites-moi signe. Bien amicalement. F.» J étais très heureuse de lire ce message, lequel me prouvait votre sens de l humanité. Je vous avais téléphoné, le lendemain, 16