B- La faute disciplinaire... 8



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PLAN I- La consécration des droits de la défense et de l immunité judiciaire... 4 A- Le contenu des droits de la défense... 4 B- L immunité judiciaire... 6 II- Les limites de l immunité judiciaire... 7 A- Les conditions de mise en œuvre de l immunité.. 7 B- La faute disciplinaire... 8 1

Il est entendu dans le monde judiciaire que tout procès doit offrir aux parties, les garanties d une justice en parfaite adéquation avec la nature du litige à trancher. Chaque procès, qu il soit civil, administratif ou pénal, est régi par des règles impératives qui tendent à protéger les droits des parties au procès. L ensemble de ces règles est communément désigné sous le vocable de «principe du respect des droits de la défense» ou de «principe des droits de la défense» et plus brièvement par «les droits de la défense». Les droits de la défense ont pour objet le respect dû à la personne des plaideurs. Il s agit de protéger les plaideurs les uns contre les autres mais également contre le pouvoir extraordinaire des juges. En effet, les droits de la défense n ont pas seulement pour ambition de protéger le défenseur mais toutes les parties 1. Ils mettent en jeu les prérogatives de chaque plaideur et ce, à tel point qu ils sont également applicables dans les procédures unilatérales et gracieuses 2. Pour Serge Guinchard, les droits de la défense constituent un instrument de vérité car «seule la libre défense permet aux parties de satisfaire leurs charges et d éclairer le juge sur les faits contestés». Les droits de la défense ont en France une source constitutionnelle et s étendent au-delà du seul principe de la contradiction. Par ailleurs et contrairement à une croyance très répandue, la doctrine contemporaine tend à exclure le principe de contradiction des droits de la défense. Elle en fait plutôt un corollaire 3. Et bien que cette évolution trouve sa source dans la procédure arbitrale qui renvoie plus qu à son tour aux principes généraux du droit, soulignons que cette position a été approuvée en France par le Conseil Constitutionnel 4 La Cour de cassation reconnaît également le caractère constitutionnel des droits de la défense et leur étendue au-delà du principe de contradiction : «La défense constitue pour toute personne un droit 1 Voir H. Motulsky, Le droit naturel, n 12 2 Civ. 1 ère, 13 Janvier 1993, Bull. civ. I, n 17, p. 11 3 H. Motulsky et J. Robert, Traité de l arbitrage civil et commercial, 4 ème édition, 1967, n 257, p320 et s. 4 Cons. Const. 29 Déc. 1989, cons. 57 à 60, Rec. 100 2

fondamental à caractère constitutionnel ; son exercice effectif exige que soit assuré l accès de chacun, avec l assistance d un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention» 5. Comme le montre clairement la jurisprudence ci-dessus, l Assemblée plénière range dans les droits de la défense, l assistance d un défenseur. L avocat, par sa mission, est appelé à défendre devant les juridictions, les intérêts de ceux qui lui confient leur cause. Tout autant que son client, l avocat jouit des droits de la défense. Cependant, la protection apportée par les droits de la défense à l avocat est confortée par les divers avantages que lui garantit sa profession. Toutefois, au regard du thème de notre présentation, nous pensons qu il est primordial de cerner avec précision les contours du «privilège d immunité» de l avocat. En réalité, l avocat ne jouit d aucun privilège d immunité. Par contre, il jouit d une immunité judiciaire commodément appelée «immunité de robe». Les racines de cette immunité remontent en France au 19 ème siècle. Il s agit d une liberté hors du commun. L immunité judiciaire figure à l article 41 de la Loi du 29 Juillet 1881 sur la liberté de la presse. Aux termes de cet article : «ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux 6». L immunité judiciaire est une mesure visant à assurer la plénitude des droits de la défense. Il s applique devant toutes les juridictions pénales, civiles et même administratives. Il s agit d un avantage particulier qui assure une protection efficace à l avocat dans le cadre de son activité. Cette immunité constitue un plus par rapport à la protection que les droits de la défense apporte à l avocat. 5 Cass. Ass. Plén. 30 Juin 1995, D. 1995.513, concl. Jéol, note Drago 6 J.-Cl. Pénal Annexes, Gonnart, «Presse», fasc. 60, n 86 et s. 3

A la lumière du thème de notre présentation, tout en évitant de faire une présentation linéaire des droits de la défense et de l immunité judiciaire, nous nous attacherons à vous présenter dans un premier temps les forces des droits de la défense et de l immunité judiciaire. Dans un second temps et ce, parce que pour la profession d avocat, l immunité judiciaire se classe dans les principes cardinaux, il est important d en présenter les faiblesses. I- La consécration des droits de la défense et de l immunité judiciaire Les droits de la défense et l immunité judiciaire contribuent tous deux à des degrés différents à apporter à l avocat, une importante garantie dans l exécution de sa mission. A- Le contenu des droits de la défense L affirmation des droits de la défense n est pas plus contestée en procédure judiciaire qu administrative. En matière pénale, les droits de la défense garantissent à l inculpé la possibilité d assurer effectivement sa défense. Ils lui garantissent le droit à un procès loyalement conduit. En matière civile, ils constituent l ensemble des garanties fondamentales dont jouissent les plaideurs pour faire valoir leurs intérêts. Les droits de la défense comprennent le principe du contradictoire, la loyauté et la publicité des débats. Le principe du contradictoire est posé par l article 48 du code de procédure civile togolais : «Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée». Ce principe, ainsi qu il en résulte des articles 49 et suivants, s applique tant entre les parties qu entre les parties et le juge. Aux termes de l article 49 du code de procédure civile Togolais : «Les parties doivent se faire connaître mutuellement en 4

temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu elles produisent et les moyens de droit qu elles invoquent, afin que chacune soit à même d organiser sa défense». Le principe du contradictoire entre les parties tourne autour de trois (03) éléments cardinaux : le temps, les actes de procédure et les preuves. Les parties doivent ainsi communiquer «en temps utile» tous les éléments susceptibles d avoir une incidence sur la solution du litige. Les éléments à communiquer sont les pièces c est-à-dire les preuves. Bien que le régime des preuves soit différent dans le code de procédure civile, le législateur a jugé indispensable de réitérer spécifiquement l obligation faite aux parties de communiquer leurs éléments de preuve en temps utile. En ce qui concerne les actes de procédure, le principe du contradictoire entre les parties peut se résumer par l assertion traditionnelle : «Un acte de procédure n a d existence juridique qu après avoir été porté à la connaissance de l autre partie». Le siège du principe du contradictoire entre le juge et les parties figure à l article 50 alinéa 1 du code de procédure civile togolais qui dispose : «Le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction». Les parties ont obligation de conserver aux débats un minimum de loyauté 7. L exigence de loyauté vise à préserver entre les parties un certain équilibre. Toutes les solutions jurisprudentielles et légales en la matière sont justifiées par la nécessité d assurer un procès conforme aux valeurs qui soutiennent l organisation sociale. La publicité des débats est une exigence des droits de la défense. Elle a pour objectif de protéger les plaideurs des influences occultes. Classée parmi les principes généraux du droit, elle a été soustraite par le Conseil d Etat des prérogatives du pouvoir réglementaire 8. Elle permet de garantir l impartialité du juge. 7 H. Motulsky, Le droit naturel, n 17-18 8 CE 4 Oct. 1974, Dame David, D. 1975.17967, note Drago 5

B- Les forces de l immunité judiciaire L immunité judiciaire s applique devant toutes les juridictions où s appliquent le principe du contradictoire. Elle a pour ambition de sauvegarder la liberté d expression de l avocat. L immunité judiciaire protège l avocat contre les discours prononcés ou écrits produits devant les Tribunaux. Ni les discours ni les écrits ne peuvent entrainer à l encontre de l avocat des actions pour diffamation, injure ou outrage. L immunité judiciaire couvre tous les écrits de l avocat (mémoires, notes, conclusions, requêtes, etc.) déposés par devant les juridictions. Les écrits sont couverts dans leur totalité. Il a ainsi été jugé que les passages d une note en cours de délibéré produits par les prévenus dans une instance civile sont couverts par l immunité judiciaire 9. La condition de production devant les juridictions est impérative pour le bénéfice de l immunité judiciaire. Ainsi, tous les éléments déposés par l avocat dans le cadre d une procédure sont protégés par l immunité judiciaire. Il est impossible de se prévaloir à l encontre de l avocat de la totalité ou de l extrait de ces écrits. L immunité judiciaire couvre tous les éléments relatifs à la cause. L appréciation de ce qui est relatif à la cause est largement entendue. En effet, il suffit que les propos soient formulés dans l intérêt de la défense. Ainsi, n a pas été considéré comme étranger à la cause, le fait pour un avocat de reprocher à un magistrat sa partialité, à raison d une appartenance à une alliance secrète entre personnes de mêmes idées s entraidant au sein d un réseau occulte afin d obtenir des avantages 10. L immunité judiciaire constitue un atout majeur dans l arsenal de protection des avocats. Tout en préservant leur liberté d expression, elle permet de mettre sur un pied d égalité avec les juges, les avocats. Libre de s exprimer devant les juridictions, l avocat est plus à même de défendre la cause de ses clients. 9 Crim. 22 Octobre 2002, n 01-87.919 10 Cass. Crim. 11 Oct. 2005, n 05-80.545 6

II- Les limites de l immunité judiciaire L immunité judiciaire ne place pas l avocat au-dessus des lois. Pour bénéficier du principe de l immunité de défense, l avocat doit rester dans le cadre de ses conditions de mise en œuvre et ne pas être sous le coup d une procédure disciplinaire. A- Les conditions de mise en œuvre de l immunité Il existe deux conditions principales cumulatives. En premier il doit s agir de propos tenus devant les juridictions ou d écrits produits devant les juridictions. En second lieu, les propos ou écrits doivent être tenus dans l intérêt des parties. Tout écrit destiné à être produit au dossier du Tribunal est donc couvert à condition qu ils soient déposés devant la juridiction saisie et ce, dans l intérêt des parties. A titre d exemple, ne peut être couvert une plainte avec constitution de partie civile produite devant la juridiction d instruction puis diffusée sur internet 11. L immunité judiciaire laisse également en dehors de son champ de protection, les propos portant sur le magistrat instructeur tenus sur les ondes d une radio le jour de l ouverture du procès. Il importe de souligner que l immunité judiciaire couvre uniquement les faits de délit de diffamation, d injure et d outrage. Et ne constitue pas un outrage, une critique d ordre général du fonctionnement de la justice dans une affaire débattue. Il s agit de l exercice de la liberté de parole qui constitue une expression des droits de la défense. L immunité ne peut jouer que si les diffamations ont trait avec le dossier débattu 12. Ne sont donc pas protégés les faits étrangers à la cause ou sans utilité pour le procès. L immunité judiciaire protège l avocat du pouvoir de sanction des juges même pour des propos jugés injurieux, outrageants ou diffamatoires. Ce 11 Cass. Crim. 26 Mars 2008, n 07-86.406 12 Crim. 11 Octobre 2005, n 05-80.545, Bull. crim. n 255, D. 2006, p. 1272, obs. Beignier 7

pouvoir est contrebalancé par la capacité des juges à ordonner la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires. Lorsque la suppression est sollicitée, le Tribunal saisi doit statuer au fond. Il peut se limiter à blâmer les propos et à les écarter des débats ou ordonner de bâtonner les passages incriminés. Les propos ou écrits sont donc immunisés dans une stricte circonscription géographique. Il s agit de l enceinte de la juridiction. La protection ne s applique pas aux propos tenus en dehors de la salle d audience ou des juridictions 13. A ce propos, il été jugé que le Bâtonnier de l Ordre n étant pas une juridiction, le courrier le menaçant de poursuites pour avoir soustrait des pièces d un dossier n était pas couvert par l immunité 14. B- La faute disciplinaire L avocat est tenu de respecter en tout temps les règles déontologiques. Il ne doit en aucun cas déroger ni au principe de dignité, d honneur, de délicatesse, de modération, de courtoisie ni au secret professionnel. L immunité judiciaire de l avocat ne déroge pas à cette obligation. Des propos outrageux, injurieux ou diffamatoires prononcés ou écrits par l avocat peuvent bénéficier de l immunité judiciaire mais faire concomitamment l objet de poursuites disciplinaires fondées sur la violation des principes ci-dessus. En résumé, le principe de l immunité judiciaire ne s applique pas en matière disciplinaire 15. Les propos qui manquent à l honneur ou à la délicatesse ne peuvent bénéficier de l immunité judiciaire. Ils doivent être sanctionnés 16. Ne bénéficient pas non plus de l immunité judiciaire, les propos tenus ad hominem comportant une animosité personnelle, qui ne traduisent pas 13 Cass. Crim. 27 Février 2001, n 00-83.315 14 Cass. 1 ère civ. 25 Mai 2005, n 03.17.514.Z 15 Cass. Civ. 1 ère, 16 Décembre 2003, n 03-13-353, D. 2004, p. 977, note B. Beignier 16 Cass. Civ. 1 ère, 14 Octobre 2010, n 09-16.495, n 09-69-266 8

une idée, une opinion ou une information pouvant alimenter une réflexion ou un débat d intérêt général. La sanction disciplinaire constitue en définitive une garantie apportée par le législateur et la jurisprudence en tant que contrepartie de l immunité judiciaire de l avocat. 9