Encadrement de la déductibilité des redevances de concession de brevets



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Transcription:

Analyse Encadrement de la déductibilité des redevances de concession de brevets On sait que le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values de cession de brevets, d inventions brevetables et de certains procédés de fabrication, ainsi qu au résultat net de leur concession. Ces produits sont ainsi imposés à l impôt sur les sociétés au taux réduit de 15 % (CGI, art. 39 terdecies). La loi de finances pour 2011 a considérablement amélioré le dispositif en permettant, sous certaines conditions, de bénéficier du taux réduit sur les redevances reçues dans le cadre d opérations de sous-concession tout en déduisant du résultat imposable au taux normal les redevances versées au concédant principal, et ce, même si celui-ci est lié aux concessionnaire et sous-concessionnaire. Pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 13 octobre 2011, la loi de finances pour 2012 réduit sensiblement les effets favorables de ce dispositif mais on observera que le législateur a su lui maintenir un niveau d attractivité remarquable qu il convient de saluer en cette période de rigueur fiscale pour les entreprises françaises. Par Patrick Fumenier Avocat associé au sein du Comité Technique du Cabinet Taj, société d avocats, où il est chargé de développer la doctrine fiscale. Après avoir été vérificateur à la DVNI puis Inspecteur Principal au Service de la Législation. Rappel de la situation actuelle (depuis le 1 er janvier 2011) L entreprise primo-concessionnaire d un brevet qui sous-concède son droit peut déduire au taux normal la redevance qu elle verse au concédant principal. Elle est par ailleurs en droit de soumettre la redevance qu elle perçoit du sousconcessionnaire au taux réduit des plus-values à long terme lorsque : - l entreprise concédante principale, propriétaire du brevet, n a pas bénéficié elle-même du taux réduit du régime long terme (cas d une société étrangère ou d un organisme non soumis à l IS) ; et que

- l entreprise primo-concessionnaire est en mesure de prouver que la sousconcession crée une valeur ajoutée pour elle (preuve considérée comme apportée si les redevances de sous-concession perçues excèdent les redevances de concession payées). Illustration de la portée financière de ce dispositif Une société A, propriétaire d un brevet, en accorde la concession en année N à la société B pour 100, laquelle consent une sous-concession à la société C pour 300 l année suivante. Cas 1 : La société A est située en France Société A En N : 100 * 15% = 15 Concession Société B 100 (N) En N : -100 * 33,3% = -33,3 En N+1 : 300 * 33,3% = 99,9 Sous - concession 300 (N+1) Société C 2 Bilan fiscal global Société A 0 100 100 15 Société B 100 300 200 66 2/3 Valeur ajoutée globale 300 81 2/3 Taux global d imposition 27,2 % Cas 2 : La société A est située à l étranger (IS à 25 %) Concession Société A Etrangère Société B En N : 100 * 25% = 25 100 (N) En N : -100 * 33,3% = -33,3 En N+1 : 300 * 15% = 45 Etranger France Sous - concession 300 (N+1) Société C Bilan fiscal global Société A 0 100 100 25 Société B 100 300 200 11 2/3 Valeur ajoutée globale 300 36 2/3 Taux global d imposition 12,2 %

Avec un taux global d imposition de 12,2 % contre 27,2 % dans le schéma francofrançais, ce dispositif s avère donc très avantageux, alors même que le concédant principal serait situé dans un pays dont la fiscalité ne serait pas particulièrement hospitalière, s agissant du traitement des produits de la propriété industrielle. Situation nouvelle (exercices ouverts à compter du 13 octobre 2011) Imposition à 15% de la valeur ajoutée créée: Chez l entreprise concessionnaire (qui sous-concède ensuite), la charge constituée par la redevance versée n est plus déductible du résultat taxable au taux normal mais sur le résultat taxé au taux réduit. Ainsi, le montant des redevances dues n est pris en compte que pour la détermination du résultat net imposable selon le régime des plusvalues à long terme de l article 39 terdecies du CGI. Si la charge constituée par la redevance versée est supérieure au montant du résultat net imposable au taux normal, alors l excédent sera imputable sur le résultat imposable au taux de droit commun mais seulement dans le rapport existant entre le taux réduit et le taux normal (soit 15/33 1/3 actuellement). Sous-concession conclue au cours d un exercice ultérieur à celui de la concession: Lorsqu une entreprise concessionnaire déduit de ses résultats imposables au taux normal des redevances versées au propriétaire du brevet et décide ensuite, au cours d un exercice ultérieur, de sous-concéder l exploitation de ce brevet, elle sera tenue de procéder à une réintégration pour la détermination du résultat imposable au taux normal de l exercice de sous-concession. Cette réintégration sera égale à 18/33 1/3ème des redevances déduites des résultats imposables au taux normal au cours des 3 années précédant la date de la sous concession. Cette réintégration ne sera toutefois pas applicable lorsque l entreprise prouve que l exploitation créé de la valeur, qu elle est réelle et qu elle ne peut être regardée comme constitutive d un montage artificiel. 3 Illustration de la portée financière de la mesure nouvelle Une société A établie hors de France, propriétaire d un brevet, en accorde la concession en année N à la société B pour 100, laquelle consent une sous-concession à la société C pour 300. Cas 1 : La concession et la sous-concession sont conclues au cours du même exercice Société A 0 100 100 25 Société B 100 300 200 30 Valeur ajoutée globale 300 55 Taux global d imposition 18,3 % Ainsi, le recadrage du dispositif atténue sensiblement l avantage du schéma international en matière de taux global d imposition, puisque ce dernier passe de 12,2 % à 18,3 %, soit une augmentation de 50 % de la charge fiscale, tout en restant plus attractif que le schéma franco-français dans lequel ce taux s élève à 27,2 %. Comme dans l exemple précédent, il importe de noter que l hypothèse du pays de localisation du concédant principal retenue est loin d être la plus optimale. Cas 2 : La sous-concession est conclue ultérieurement Exercice N Exercice N + 1 Charge s Produits Net Impôt Charge s Produits Net Impôt

Société 0 100 100 25 0 100 100 25 A - 33 100 300 200 30 Société B 100 0-100 1/3 Totaux 0-8 1/3 Totaux 300 55 La déduction au taux normal au titre de l année N n est pas remise en cause dès lorsque B démontre la création de valeur ajoutée à son niveau (ici 200) et qu il n y a pas de montage artificiel. En revanche, dès l exercice N+1, la société B ne pourra déduire la redevance qu elle verse à la société A que de la base imposable au taux de 15 %. Si en revanche, la société B ne peut établir la réalité de la sous-concession, ou démontre qu il ne s agit pas d un montage artificiel, elle devra procéder à la réintégration suivante au titre du résultat imposable de l exercice N+1 : Exercice N Déduction Exercice N + 1 Réintégration Résultat au taux normal -100 100 x 18/33 1/3 = 54 Impôt -33 1/3 18 Impact net -15 1/3 La charge afférente à la redevance est privée rétroactivement de la déduction au taux normal et ne bénéficie que de la déduction au taux réduit (en l absence de tout produit imposable correspondant) au titre de N. 4

Le Pôle Prospective Fiscale et Stratégie d Entreprise S adapter rapidement aux évolutions fiscales et, surtout, les anticiper constitue un avantage compétitif important pour les entreprises. C est à partir de ce constat que Taj, société d avocats, a initié ce Pôle de Prospective Fiscale et de Stratégie d Entreprise placé sous la direction de Michel Aujean, Ancien Directeur des Analyses et Politiques Fiscales à la Commission Européenne. Destiné à ses activités de recherche et de réflexion, à la manière d un think tank associant acteurs publics et privés, l objectif du pôle est double : Allier les expertises des avocats à celles d économistes pour mener une réflexion stratégique renouvelée et opérationnelle sur les politiques fiscales, Partager les analyses stratégiques approfondies des évolutions de notre environnement fiscal et servir d'interlocuteur auprès des institutions et régulateurs compétents. 5 Contact : Jérémy Seeman, Vae Solis Corporate + 33 1 53 92 80 24 / +33 6 15 33 64 30 jeremy.seeman@vae-solis.com A propos de Taj Taj est l un des premiers cabinets d avocats français, spécialisé en stratégies fiscales et juridiques internationales. Il compte aujourd hui 370 professionnels parmi lesquels 42 associés, basés à Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Tours. Ses expertises les plus réputées couvrent la fiscalité internationale et les prix de transfert, les fusions acquisitions, la fiscalité indirecte, le contrôle fiscal et contentieux, la fiscalité de la mobilité internationale, le droit social, le droit des affaires et des entreprises en difficulté. Taj est membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited et s appuie sur l expertise de 25 000 fiscalistes de Deloitte situés dans 140 pays. Pour en savoir plus, www.taj.fr ou www.taj-strategie.fr A propos de Deloitte dans le monde Deloitte fait référence à un ou plusieurs cabinets membres de Deloitte Touche Tohmatsu Limited, société de droit anglais («private company limited by guarantee»), et à son réseau de cabinets membres constitués en entités indépendantes et juridiquement distinctes. Pour en savoir plus sur la structure légale de Deloitte Touche Tohmatsu Limited et de ses cabinets membres, consulter www.deloitte.com/about.