Réforme des dérogations au repos dominical



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Transcription:

1318 Réforme des dérogations au repos dominical Mickaël d Allende, docteur en droit, spécialiste en droit social, avocat associé, Altana La loi du 6 août 2015 apporte d importantes modifications aux dispositions du Code du travail permettant de déroger au repos dominical. De nouvelles dérogations sont créées : les zones touristiques internationales, les zones touristiques, les zones commerciales et les gares. D autres disparaissent : les périmètres d usage de consommation exceptionnel, et celle concernant les communes d intérêt touristique ou thermal et les zones touristiques d affluence exceptionnelle ou d animation culturelle permanente.d autres enfin,sont assouplies,telle celle permettant au maire de déroger, pour un nombre de dimanches limités, au repos le dimanche. Le rôle de la négociation collective est également renforcé, plaçant les garanties et contreparties offertes aux salariés concernés au cœur du dispositif. 1-2009-2015. La loi n 2009-974 du 10 août 2009 1 avait assoupli les dispositions du Code du travail permettant de déroger au principe du repos dominical. Six ans plus tard, la nécessité d une réforme s est imposée à la suite notamment de nombreux rapports, comme le rapport d évaluation parlementaire remis en novembre 2011 conformément à l article 4 de la loi précité, qui visait à «apaiser les inquiétudes sur les atteintes du principe du repos dominical». De fait, il a constaté certaines limites du point de vue des droits des salariés : le nombre d ouvertures dominicales illégales restait important et le dialogue social insuffisant. La DARES a ensuite rendu un rapport au mois d octobre 2012 sur le travail dominical 2. Il y est apparu qu en 2011, 8,2 millions de personnes ont travaillé le dimanche en France, dont 6,5 millions de salariés. Au cours de cette période, 29 % des salariés ont travaillé ce jour de manière habituelle ou occasionnelle.le taux d activité varie considérablement selon les secteurs d activité : 81,7 % des salariés assurant la sécurité des personnes et des biens travaillent le dimanche, contre 59,7 % des salariés opérant au sein des services de santé et médicosociaux et 48,2 % des salariés participant à la «continuité de la vie sociale» (hôtellerie, restauration, transports, commerces de bouche, etc.). La DARES a également relevé que le travail habituel le dimanche 1. L. n 2009-974, 10 août 2009, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires : JO 11 août 2009, p. 13313 ; M. d Allende, Réforme du repos dominical Loi n 2009-974 du 10 août 2009 : JCP S 2009, 1385. 2. DARES, oct. 2012, n 075. progresse depuis la fin des années 1990, tout en attirant l attention sur le fait que : 1) travailler le dimanche va souvent de pair avec des horaires tardifs ou variables et le travail le samedi ; 2) les jeunes et les femmes sont davantage concernés. A la demande du Premier ministre qui estimait que la multiplication des régimes dérogatoires issus en particulier de la loi du 10 août 2009 a rendu le cadre juridique peu lisible et a créé des inégalités de traitement peu compréhensibles entre salariés, Jean-Paul Bailly a rendu un rapport sur le travail dominical intitulé «Vers une société qui s adapte en gardant ses valeurs» au mois de décembre 2013 3. Quatre axes s en dégageaient : la nécessité de recentrer la liste des secteurs autorisés à déroger de plein droit au repos dominical ; augmenter le nombre de dimanches bénéficiant d une dérogation accordée par le maire ; renforcer le dialogue territorial et social s agissant des zones touristiques et de certaines zones commerciales ; prendre des mesures transitoires, en particulier s agissant du secteur du bricolage. Enfin, dans le cadre du débat parlementaire qui s est ouvert en janvier 2015 sur le projet de loi pour la croissance et l activité porté par le ministre de l Economie, une commission d étude chargée d évaluer les effets des principales mesures prévues par le texte a relevé que «le paysage juridique des dérogations au principe du repos dominical est aujourd hui particulièrement inextricable et source d insécurité juridique» 4. Elle a également avancé qu un assouplissement de la législation sur le travail dominical pourrait se traduire par 3. Rapp. J.-P. Bailly, 2 déc. 2013 : JCP S 2013, act. 497. 4. Rapport AN n 2498 fait par R. Ferrand au nom de la commission spéciale chargée d examiner, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi (N 2447) pour la croissance et l activité, p. 605. JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015 1

1318 Étude DOCTRINE des créations d emplois ou une augmentation des heures travaillées, tout en se montrant moins tranchée s agissant de l impact sur les prix àlaconsommation,l usagedutempslibreetlesactivitéssociétales.en résumé, il était largement admis que le dispositif issu de la loi du 10 août 2009 présentait, en dépit des mérites de ce texte, quatre défauts majeurs : une réglementation demeurant beaucoup trop complexe, un émiettement géographique du droit applicable, un dispositif en complet décalage avec les réalités économiques, sociales et territoriales et une protection des salariés à géométrie (et géographie) variable 5. 2-Des contentieux. la question du travail du dimanche est restée placée au centre de l actualité, en particulier du fait de la subsistance de contentieux médiatiques au long cours mettant le plus souvent aux prises des organisations syndicales opposées, par principe, au travail le dimanche et des employeurs ne bénéficiant pas toujours d une dérogation au principe du repos dominical mais justifiant du soutien de la grande majorité de leurs salariés (lesquels ne se retrouveraient donc pas nécessairement dans le discours porté par les syndicats) et de l opinion publique s agissant de cette forme d organisation du travail. Théâtre des principaux conflits en la matière, le secteur du bricolage a bénéficié de l intervention du pouvoir réglementaire qui, à l occasion d un premier décret n 2013-1306 du 30 décembre 2013 6, puis d un second décret n 2014-302 du 7 mars 2014 7, a ajouté les commerces de détail du bricolage à la liste des catégories d établissements bénéficiant d une dérogation de droit en matière de repos dominical. Il n en demeure pas moins qu une réflexion plus globale méritait d être menée. 3-Une ambition. L objectif affiché par la loi n 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l activité et l égalité des chances économiques 8 est ambitieux.la réforme vise,selon l exposé des motifs, à clarifier et rationaliser les règles applicables, «toutenpermettant de libérer les énergies là où les gains économiques seront possibles pour les entreprises, les salariés et les territoires, c est-à-dire les zones où le développement du travail du dimanche ne constitue pas un report d activité, mais une création d activité supplémentaire et un développement des territoires». Le texte, s il n est pas sans souffrir de quelques imperfections, assouplit le régime des dérogations au repos dominical (1) tout en prenant davantage en considération les intérêts des salariés (2). 1. L aménagement des exceptions au repos dominical 4-Il existe toujours trois grandes catégories de dérogations au principe du repos dominical : les dérogations permanentes ne nécessitant pas l octroi d une autorisation administrative (A), les dérogations temporaires accordées par le préfet (B), les dérogations temporaires accordées par le maire (C). Toutes trois ont été modifiées, à des degrés très différents, par la loi du 6 août 2015. En revanche, ces dérogations ne concernent pas les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui demeurent régis par les articles L. 3134-2 et suivants du Code du travail dans des conditions plus restrictives que le droit commun 9. 5. M. Véricel et M. d Allende, Faut-il assouplir les règles relatives au travail dominical? : RDT 2013, p. 675. 6. D. n 2013-1306, 30 déc. 2013 : JO 31 déc. 2013 : JCP S 2014, act. 6. 7. D. n 2014-302, 7 mars 2014 : JO 8 mars 2014 : JCP S 2014, act. 108. 8. L. n 2015-990, 6 août 2015 : JO 7 août 2015 ; V. infra JCP S 2015, 1325, texte reproduit. 9. Il faut toutefois relever que, contrairement au cadre légal, le cadre conventionnel contribue à faire évoluer le droit applicable en matière de travail dominical dans ces trois départements. En effet, un accord territorial du 6 janvier 2014, étendu par le ministère du travail le 15 juillet 2014, a pour Par ailleurs, afin d adopter une vision locale dépassant le cadre strict et technique de chaque dérogation au travail dominical, un article L. 3132-27-2 du Code du travail est créé par la loi du 6 août 2015. Il dispose que dans le périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale, le représentant de l État dans la région réunit annuellement les maires, les présidents d établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les associations de commerçants et les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail, et organise une concertation sur les pratiques d ouverture dominicale des commerces de détail au regard des dérogations au repos dominical et de leur impact sur les équilibres en termes de flux commerciaux et de répartition des commerces de détail sur le territoire. A. - Les dérogations ne nécessitant pas d autorisation administrative 5-Doivent être distinguées les dérogations permanentes de droit (1) et les dérogations conventionnelles (2). 1 Les dérogations permanentes de droit 6-Les deux dérogations permanentes de droit prévues par le Code du travail concernent, d une part, les établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public (a) et, d autre part, les commerces de détail alimentaire (b). a) Les établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire 7-Un repos par roulement. L article L. 3132-12 du Code du travail dispose que«certainsétablissements,dontlefonctionnementou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement». Les articles R. 3132-5 et suivants du même code énumèrent les catégories d établissements concernés par cette dérogation. Y figurent notamment les commerces de détail de bricolage et d ameublement deux catégories très controversées de même que certaines industries, les entreprises de spectacles, les hôtels, cafés et restaurants, les entreprisesdesurveillanceoulesdébitsdetabac.laloidu6 août2015 n a pas modifié cette dérogation. La version du texte adopté par le sénat le 12 mai 2015 avait ajouté un alinéa à l article L. 3132-12, prévoyantque«lescommercesdedétaildebiensculturelspeuventdérogerà la règle du repos dominical en attribuant le repos par roulement». Baptisée «amendement Fnac», cette dérogation, qui tenait compte de l existence d une forte concurrence à laquelle les entreprises de ce secteur sont confrontées de la part du commerce en ligne, n a pas été retenue dans la version définitive de la loi. Sur le plan juridique, l insertion était curieuse puisque les catégories d établissements bénéficiaires sont en principe énumérées par décret. b) Les commerces de détail alimentaire 8-Repos dominical à partir de 13 heures. L article L. 3132-13 du Code du travail énonce que :«dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures».le champ d application de cette dérogation n a pas été retouché par la loi du 6 août 2015. Aucune légalisation de la pratique objet de garantir une compensation au personnel employé le dimanche au sein du secteur du commerce. Il y est ainsi, notamment, prévu qu en cas de dérogation à l interdiction d emploi de salariés les dimanches, le salarié bénéficie d une rémunération au moins égale à 150 % (200 % pour les dimanches de l Avent) du taux horaire de base, à laquelle s ajoute un repos d une durée équivalente en temps. Le travail le dimanche se fait sur la base du volontariat, le salarié pouvant à tout moment exprimer son refus. 2 JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015

couramment constatée d ouverture de commerces alimentaires le dimanche après-midi en région parisienne 10 n a donc été prévue, contrairement à la loi du 10 août 2009,qui avait reporté la fin de cette plage horaire de travail de midi à treize heures, notamment afin de tenircompted unepratiquedéjàcourante 11.LerapportBaillyn était pas favorable à un nouvel assouplissement, invoquant «un objectif de protection des commerces traditionnels de bouche» 12. 9-Ce régime s article avec les dérogations reposant sur un fondement géographique. Ainsi, l article L. 3132-25-5 du Code du travail dispose que les commerces de détail alimentaire éligibles à cette dérogation ne peuvent bénéficier ni des dérogations applicables aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes, en application de l article L. 3132-25, ni de celles dont bénéficient ceux dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, en application de l article L. 3132-25-1. Cette restriction, issue de la loi du 10 août 2009, a pour objet d exclure les grandes surfaces alimentaires du bénéfice de ces deux dernières dérogations afin de préserver le petit commerce. Elle a simplement été adaptée par la loi du 6 août 2015 afin de tenir compte de la refonte des dérogations applicables aux zones commerciales et touristiques. L article L. 3132-25-5 du Code du travail est également complété d un alinéa qui précise que les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales ou dans les emprises des gares mentionnées à l article L. 3132-25-6 sont soumis, pour la période du dimanche s achevant à treize heures, aux dispositions de l article L. 3132-13. Après treize heures, ils peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel selon les modalités définies aux II et III de l article L. 3132-25-3 et à l article L. 3132-25-4, c est-à-dire au vu d un accord collectif ou, pour les entreprises de moins de onze salariés, la consultation des salariés concernés et l approbation de la majorité d entre eux. 2 Les dérogations conventionnelles 10 - Le Code du travail aménage deux types de dérogations conventionnelles, qui n ont pas été modifiées par la loi du 6 août 2015. Il est vrai que ces dérogations visent toutes deux les industries ou les entreprises industrielles alors que la réforme concerne les commerces et les services. La première,régie par les articles L. 3132-14 et L. 3132-15 du Code du travail, vise le travail en continu. Elle permet à:«une convention ouunaccordcollectif étenduouuneconventionouuneconventionouun accord d entreprise ou d établissement [de] prévoir la possibilité d organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques et d attribuer le repos hebdomadaire par roulement». À défaut, une dérogation peut, sous conditions, être accordée par l inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d entreprise ou des délégués du personnel, s ils existent. La seconde, visée aux articles L. 3132-16 à L. 3132-19 du Code du travail, autorise la mise en place d équipes de suppléance, là encore par convention ou un accord collectif de travail étendu ou convention ou accord d entreprise ou d établissement, voire sur la base d une autorisation de l inspecteur du travail. B. - Les dérogations accordées par le préfet 11 - Cinq régimes d autorisation préfectorale doivent désormais être distingués. A celle concernant les établissements dont il est établi que leur fermeture le dimanche serait préjudiciable au public ou compromettrait leur fonctionnement normal, peu modifiée par la loi du 6 août 2015 (1 ), s ajoutent quatre nouvelles catégories regroupées dans le Code du travail au sein d un sous-paragraphe relatif aux dérogations sur un fondement géographique : les zones touristiques internationales (2 ), les zones touristiques, les zones commerciales (3 ) et les gares (4 ). 1 Préjudice au public et/ou atteinte au fonctionnement normal de l établissement 12 - Inchangé, l article L. 3132-20 du Code du travail énonce que : «lorsqu il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l année, soit à certaines époques de l année seulement suivant l une des modalités suivantes : 1 Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l établissement ; 2 Du dimanche midi au lundi midi ; 3 Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d une journée par roulement et par quinzaine ; 4 Par roulement à tout ou partie des salariés». L article L. 3132-21 précise désormais que ces autorisations individuelles sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans (antérieurement, le Code du travail ne prévoyait aucune durée) 13. Elles ne sont données qu après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l organe délibérant de l établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre,de la chambre de commerce et d industrie,de la chambre de métiers et de l artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune. Par dérogation, le second alinéa prévoit qu en cas d urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lesquels l autorisation prévue n excède pas trois, les avis préalables susmentionnés ne sont pas requis. 2 Les zones touristiques internationales 13 - Le nouvel article L. 3132-24 du Code du travail créé une nouvelle dérogation permettant,sous certaines conditions,aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel. Ces zones sont caractérisées par leur rayonnement international, l affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et l importance de leurs achats. Il s agit là d une reconnaissance de l importance que revêt le tourisme international dans la vie économique. Le constat a été fait de ce que, si la France est la première destination touristique au monde, elle n est que la neuvième en panier moyen par touriste, un tel décalage pouvant s expliquer au moins partiellement par une législation inadaptée en matière d ouverture dominicale, par comparaison avec certains de nos voisins européens (l Angleterre et l Espagne, en particulier) 14. 10. Rapport fait au nom du comité parlementaire chargé de veiller au respecter du principe du repos dominical posé à l article L. 3132-3 du code du travail, 9 nov. 2011 (AN, n 3927 ; Sénat, n 92). 11. Rapp. AN, n 1782, 2008-2009, remis par R. Mallié au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi n 1685 du 19 mai 2009, note 8. 12. Rapp. J.-P. Bailly, 2 déc. 2013 précité note 3. 13. Le Conseil d État avait rejeté la demande d annulation d un arrêté préfectoral autorisant la dérogation au repos dominical pour une durée de trois ans (CE, 20 juill. 1993, n 143024 et n 143859). Cette validation jurisprudentielle a visiblement été prise en compte par le législateur dans le cadre de la loi du 6 août 2015. 14. Faits saillants Organisation Mondiale du Tourisme Edition 2013 ; J.-P. Bailly, Rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s adapte en gardant ses valeurs, p. 44 et s. JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015 3

1318 Étude DOCTRINE Ces zones sont délimitées par les ministres chargés du Travail, du Tourisme et du Commerce, après avis (consultatif, et non pas conforme) du maire et, le cas échéant, du président de l établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées. Ces zones n ont donc pas encore été fixées mais devraient concerner un certain nombre de secteurs de Paris, Nice, Cannes et Deauville. Deux précisions supplémentaires s agissant de ce dispositif : un décret doit déterminer ses modalités d application ; il fera l objet d un suivi attentif : il est prévu que trois ans après la délimitation d une zone touristique internationale, le Gouvernement remettra au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation. 14 - Ces zones touristiques internationales sont également au cœur du nouvel article L. 3122-29-1 du Code du travail, qui aménage un nouveau dispositif relatif au travail en soirée 15.Il y est indiqué que pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales, le début de la période de travail de nuit peut être reporté jusqu à minuit et que lorsqu il est fixé au-delà de 22 heures, la période de nuit s achève à 7 heures. La mise en place du travail en soirée est toutefois subordonnée à la conclusion d un accord collectif et implique que les salariés concernés bénéficient de contreparties spécifiques. Ce dispositif a été adopté afin de contrecarrer les effets de l arrêt, largement médiatisé, rendu le 24 septembre 2014 par la Cour de cassation à l encontre de la société Sephora 16. Les juges avaient approuvé l interdiction faite à cette dernière d employer des salariés entre 21 heures et 6 heures dans son établissement situé avenue des Champs-Elysées à Paris, au motif que les dispositions légales relatives au travail de nuit n étaient pas respectées 17. 3 Les zones touristiques et les zones commerciales 15 - Établissements de vente au détail. L article L. 3132-25 du Code du travail dispose désormais que les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel. Ces zones touristiques succèdent ainsi aux «communes d intérêt touristique ou thermal» et aux «zones touristiques d affluence exceptionnelle ou d animation culturelle permanente» visées par l ancienne rédaction de cet article.a ce titre,l article 257 de la loi du 6 août 2015 prévoit que les communes d intérêt touristique ou thermal et les zones touristiques d affluence exceptionnelle ou d animation culturelle permanente créées avant la publication de la loi constituent de plein droit des zones touristiques 18, ce qui facilite grandement la transition entre ces deux régimes. La partie réglementaire du Code du travail devra naturellement être adaptée par décret puisque, par exemple, l article R. 3132-20 énonce les critères pris en compte pour le classement en commune d intérêt touristique ou thermale. 16 - La loi du 6 août 2015 modifie également l article L. 3132-25-1 du Code du travail, lequel aménage une dérogation au profit des établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d une zone frontalière. Ce dispositif remplace, pour sa part, celui des périmètres d usage de consommation exceptionnel caractérisés par des habitudes de consommation dominicale, l importance de la clientèle concernée et l éloignement de celle-ci de ce périmètre, dit «PUCE», lesquels ne pouvaient être caractérisés qu au sein des unités urbaines de plus d un million d habitants. Cette notion est donc abandonnée six ans après sa création, alors qu il s agissaitdel axemajeurdelaloidu10 août2009.sonsuccèsn a,ilest vrai, été que relatif en pratique 19 ; il aura au moins permis de donner un cadre juridique à la zone commerciale de «Plan de campagne», située dans les Bouches-du-Rhône, au sein de laquelle des magasins ouvraient en violation de la législation alors applicable depuis de nombreuses années. Il était principalement reproché au dispositif des PUCE de ne pas disposer de critères objectifs permettant la définition de périmètres pertinents, de produire des «effets de bord» et de ne pas résulter d un véritable dialogue territorial 20.L article 257 de la loi prévoit également que les périmètres d usage de consommation exceptionnelle créés avant sa publication constituent de plein droit des zones commerciales. Enfin, un décret en Conseil d État déterminera les modalités d application de cette nouvelle dérogation. 17 - Dans les deux cas, la demande de délimitation ou de modification de zones est, en vertu de l article L. 3132-25-2 du Code du travail : - faite par le maire ou, après consultation des maires concernés, par le président de l établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d une seule commune ; - transmise au représentant de l État dans la région ; elle est motivée et comporte une étude d impact justifiant notamment l opportunité de la création ou de la modification de la zone. Ces zones sont délimitées ou modifiées par le représentant de l État dans la région après avis : - du conseil municipal des communes dont le territoire est concerné ; - des organisations professionnelles d employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées ; - de l organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont sont membres les communes dont le territoire est concerné ; 15. V infra, JCP S 2015, 1319, étude L. Cailloux-Meurice. 16. Rapport AN n 2498 fait par R. Ferrand au nom de la commission spéciale chargée d examiner, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi (n 2447) pour la croissance et l activité, p. 611. 17. Cass. soc., 24 sept. 2014, n 13-24.851 : JurisData n 2014-021786 ; JCP S 2014, 1427, note L. Cailloux-Meurice ; JCP G 2014, 1151, note M. d Allende. 18. Au 1 er juin 2011, 575 communes étaient classées comme «communes d intérêt touristique ou thermales» pour l intégralité de leur territoire communal. La grande majorité des communes concernées comptent moins de 1.000 habitants et la ville de Bordeaux est la seule commune majeure classée pour l intégralité de son territoire communal. 41 communes comportaient une ou plusieurs zones classées «zone d animation culturelle permanente» ou «zone touristique d affluence exceptionnelle», dont Nice depuis le 3 septembre 2010 (Rapport fait au nom du comité parlementaire chargé de veiller au respecter du principe du repos dominical posé à l article L. 3132-3 du Code du travail, 9 nov. 2011, p. 21 et s. [AN, n 3927 ; Sénat, n 92]). Là encore, le dispositif a été jugé peu lisible, le rapport Bailly pointant, par exemple que «la commune de Bordeaux est entièrement classée zone touristique, alors qu à Paris, il existe sept petites (voire très petites) zones touristiques, pouvant aller d une courte section de rue ne comprenant que quelques numéros, à la délimitation d une seule rue dans des quartiers pourtant globalement touristiques (cas de Montmartre et du Marais à Paris) (...)» (J.-P. Bailly, Rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s adapte en gardant ses valeurs, p. 25). 19. Au mois de janvier 2015, il existait 41 PUCE, dont 38 situées en Ile-de- France (Rapport AN n 2498 fait par R. Ferrand au nom de la commission spéciale chargée d examiner, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi (n 2447) pour la croissance et l activité, p. 596) ;Aumoisdemai 2011, 31 PUCE étaient dénombrées, pour 517 autorisations accordées à des entreprises concernées (Rapport fait au nom du comité parlementaire chargé de veiller au respecter du principe du repos dominical posé à l article L. 3132-3 du code du travail, 9 nov. 2011, p. 39 et s., AN, n 3927 ; Sénat, n 92). 20. Rapp. J.-P. Bailly, 2 déc. 2013, préc. note 3, p. 22. 4 JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015

- du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques ; - pour les zones commerciales, de la chambre de commerce et d industrie et de la chambre de métiers et de l artisanat. L avis de ces organismesestréputédonnéàl issued undélaidedeuxmoisàcompter de leur saisine en cas de demande de délimitation d une zone et d un mois en cas de demande de modification d une zone existante. Le représentant de l État dans la région statue dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi.il statue dans un délai de trois mois sur une demande de modification d une zone. Cette procédure appelle dès à présent quatre remarques : - la large concertation susmentionnée témoigne de la volonté du législateur de mettre en place les nouveaux périmètres de manière consensuelle 21 ; - si le préfet occupe un rôle central dans le processus de décision,il n est toutefois pas prévu qu il puisse en être à l initiative ; - les zones touristiques se distinguent des zones touristiques internationales tant par leur finalité que par leur mode de délimitation : les premières sont déterminées au niveau national par des ministres ; les secondes le sont au niveau local ; - les délimitations sont fixées sans limitation de durée précise, afin de leur conférer un caractère«pérenne, sauf changement de circonstance» 22. 4 Les gares 18 - En vertu de l article L. 3132-25-6 nouveau du Code du travail, les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans l emprise d une gare qui n est pas incluse dans l une des zones touristiques internationales peuvent, compte tenu de l affluence exceptionnelle de passagers dans cette gare, bénéficier d une dérogation sur la base d un arrêté conjoint des ministres chargés des Transports, du Travail et du Commerce adopté après avis du maire, le cas échéant du président de l établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre, et des représentants des employeurs et des salariés des établissements concernés. Les avis sont réputés donnés à l issue d un délai de deux mois à compter de la saisine des personnes et des organisations concernées. L arrêté à paraître pourrait concerner les six gares parisiennes, Avignon TGV, Lyon Part-Dieu, Marseille, Bordeaux, Montpellier et Nice. C. - Les dérogations accordées après autorisation du maire 19 - En vertu de l article L. 3132-26 du Code du travail, dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par décision du maire (et,concernant Paris,par le préfet de Paris).La loi du 6 août 2015 élargit les possibilités de recours à cette dérogation puisque, désormais, le nombre de ces dimanches peut atteindre douze par an, contre cinq jusqu à présent. Elle apporte également des précisions sur le cadre dans lequel s exerce cette dérogation. Il est ainsi ajouté que la décision du maire est prise après avis du conseil municipal (elle demeure prise après avis des organisations d employeurs et de salariés intéressées 23 et que la liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l année suivante. Cette dérogation nécessitera donc d être soigneusement anticipée et planifiée. Par 21. Rapp. J. P. Bailly, 2 déc. 2013 précité note 3, p. 73. 22. Ch. Eoche-Duval, Le recours au travail dominical et en soirée. Projet de loi AN n 2447, 11 déc. 2014 : JCP S 2014, act. 465. 23. C. trav., art. R. 3132-21. Circ. DRT n 19-92, 7 oct. 1992 : BO trav. n 92/23-21. ailleurs, il est indiqué que lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l organe délibérant de l établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre. A défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant sa saisine, cet avis est réputé favorable. En outre, pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure à 400 m 2, lorsque les jours fériés sont travaillés (à l exception du 1 er mai), ils sont déduits par l établissement des dimanches désignés par le maire dans la limite de trois. L article 257 de la loi énonce que la nouvelle rédaction de l article L. 3132-26 ne s applique qu à compter du 1 er janvier 2016 mais que pour 2015, par dérogation, le maire ou, à Paris, le préfet peut désigner neuf dimanches durant lesquels, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire est supprimé. 2. L amélioration du statut des salariés 20 - La loi du 10 août 2009 a marqué une étape importante de la construction d un statut protecteur des salariés travaillant le dimanche. En revanche, elle n harmonisait que très partiellement le contenu des garanties et contreparties conférées aux intéressés.la loi du 6 août 2015 suit la même logique, entre volonté d améliorer la situation des salariés concernés 24 et effort d harmonisation, sans toutefois gommer totalement les différences de statuts qui peuvent être constatées entre des salariés travaillant le dimanche mais placés dans une situation différente au regard du type de dérogation applicable à l établissement dont ils relèvent. La prise en compte de la situation des salariés est assurée par le renforcement du dialogue social (A) et des contreparties octroyées à ces derniers (B), et par la réaffirmation du principe selon lequel le travail le dimanche est effectué sur la base du volontariat (C). A. - Le renforcement du dialogue social 21 - Le législateur a tenu à renforcer considérablement le rôle du dialogue social en matière de dérogation au repos dominical. Cette volonté a été résumée par la formule «un accord sinon rien» 25.Les partenaires sociaux sont placés au centre des dérogations accordées sur un fondement géographique (1 ), plus encore que s agissant de la dérogation liée au préjudice au public et/ou à l atteinte au fonctionnement normal de l établissement (2 ). Leur rôle est également renforcé s agissant des décisions de fermeture (3 ). 22 - En revanche, le nouveau dispositif n a aucune incidence sur les dérogations conférées aux établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public, aux commerces de détail alimentaire ou aux dimanches du maire : le dialogue social n y est pas directement imposé. L article 246 II de la loi du 6 août 2015 prévoit toutefois que les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels dont les stipulations s appliquent aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services ouvrent des négociations sur les thèmes mentionnés aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 (contrepartie, garantie du volontariat des salariés) du Code du travail dans les six mois à compter de la promulgation de la loi. Il ne s agit que d une obligation de négocier, et non de parvenir à un accord. 24. L exposé des motifs du texte souligne que «le volontariat, un accord collectif, la négociation et la compensation pour les salariés sont le socle de la réforme, dans le souci de l intérêt des salariés, du dialogue social et de l activité». 25. Ch. Eoche-Duval, Le recours au travail dominical et en soirée. - Projet de loi AN n 2447, 11 déc. 2014, préc. note 22. 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1318 Étude DOCTRINE 1 Les dérogations accordées sur un fondement géographique 23 - Le II de l article L. 3132-25-3 dispose que, pour bénéficier des dérogations accordées sur un fondement géographique, qu il s agisse des zones touristiques internationales, des zones touristiques, des zones commerciales ou des gares, les établissements doivent être couverts : soit par un accord collectif de branche, de groupe, d entreprise ou d établissement ; soit par un accord conclu à un niveau territorial 26 ; soitparunaccordconcludanslesconditionsmentionnéesauxii àivdel articlel. 5125-4duCodedutravail(quiconcernelesaccords de maintien dans l emploi), c est-à-dire que : - lorsque l entreprise est dépourvue de délégué syndical, l accord peut être conclu par un ou plusieurs représentants élus du personnel expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ; - à défaut de représentants élus du personnel, l accord peut être conclu avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Dans les deux cas, l accord est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans les conditions déterminées par cet accord et dans le respect des principes généraux du droit électoral. 24 - Le rôle désormais central conféré à la négociation collective apparaît nettement puisqu auparavant : 1) les établissements de vente au détail situés dans les communes d intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d affluence exceptionnelle ou d animation culturelle permanente pouvaient «de droit», en vertu de la version de l article L. 3132-25 alors en vigueur, déroger au repos dominical ; 2) les autorisations données au sein des périmètres d usage de consommation exceptionnel (PUCE) étaient accordées au vu d un accord collectif ou, à défaut, d une décision unilatérale de l employeur, prise après avis du comité d entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés. La loi du 6 août 2015, si elle prévoit la signature par un représentant élu du personnel mandaté ou par un salarié mandaté, ne permet donc plus de soumettre une décision unilatérale au suffrage des salariés,ce qui est regrettable.d un point de vue pratique, cette obligation de passer, directement ou indirectement, par les organisations syndicales surprend, dans la mesure où une majorité d entre elles se déclarent opposées au travail dominical. Le législateur prend le risque de rendre partiellement inapplicable la réforme 27. Il est ainsi possible qu au sein de ces zones, seuls certains commerces soient ouverts ; les autres, fautes d être couverts par un accord, resteront fermés, ce qui ne rendra sans doute pas le nouveau dispositif intelligible aux yeux du public. 26. L éventuelle fragilité juridique de ces accords a pu être relevée (Rapp. Sénat n 370, fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, considéré comme adopté par l Assemblée Nationale en application de l article 49, alinéa 3 de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l activité et l égalité des chances économiques, par C. Deroche, D. Estrosi Sassone et F. Pillet, p. 625-626). 27. D autant que la décision unilatérale concernait 80% des demandes de dérogation formulées dans le cadre des PUCE, sachant que la moitié des 10 % restants reposant sur un accord collectif ont trait à l accord collectif territorial de la zone commerciale de Plan de Campagne du 27 novembre 2009 (Rapport fait au nom du comité parlementaire chargé de veiller au respecter du principe du repos dominical posé à l article L. 3132-3 du code du travail, 9 nov. 2011, p. 39 et s. [AN, n 3927 ; Sénat, n 92]). 25 - Établissement de moins de 11 salariés. Par exception,dans les établissements de moins de onze salariés, à défaut d accord collectif ou d accord conclu à un niveau territorial, la faculté de déroger au repos dominical est ouverte après consultation par l employeur des salariés concernés sur les contreparties qui leur sont octroyés, et approbation de la majorité d entre eux. En cas de franchissement du seuil de onze salariés, les dispositions du premier alinéa de l article L. 3132-25-3 II, qui exigent que les établissements dérogeant au repos dominical sur un fondement géographique soient couverts par un accord collectif, seront applicables à compter de la troisième année consécutive au cours de laquelle l effectif de l établissement employé dans la zone atteint ce seuil. 26 - Mesurestransitoires. Àtitretransitoireetafindepermettre aux partenaires sociaux de s approprier la nouvelle législation, l article 257 de la loi du 6 août 2015 prévoit que l article L. 3132-25-3 du Code du travail ne s appliquera aux salariés employés dans les établissements situés dans les communes d intérêt touristique ou thermal ou zones touristiques d affluence exceptionnelle ou d animation culturelle permanente, qu à compter du premier jour du 24 e mois suivant la publication de la loi, c est-à-dire à compter du 8 août 2017.Par ailleurs,les accords collectifs et les décisions unilatérales de l employeur demeurent applicables au sein des établissements bénéficiant de la dérogation liée aux périmètres de consommation exceptionnelle, jusqu au 8 août 2017 également. De même, l accord collectif régulièrement négocié s applique dès sa signature en lieu et place d une décision unilatérale antérieure. 2 Préjudice au public et/ou atteinte au fonctionnement normal de l établissement 27 - Laloidu6 août2015nemodifiepaslerôledévoluparlaloidu 10 août2009àlanégociationcollectives agissantdecettedérogation. Ainsi, l article L. 3132-25-3 du Code du travail énonce que les autorisations accordées en vertu de l article L. 3132-20, c est-à-dire lorsqu il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, sont accordées au vu d un accord collectif ou, à défaut, d une décision unilatérale de l employeur prise après référendum. En l absence d accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d une décision unilatérale de l employeur, prise après avis du comité d entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. Enfin, lorsqu un accord collectif est régulièrement négocié postérieurement à la décision unilatérale prise sur le fondement de l alinéa précédent, cet accord s applique dès sa signature. Contrairement aux dérogations reposant sur un fondement géographique, il demeure ici possible à l employeur de recourir à une décision unilatérale. 3 Les décisions de fermeture 28 - Préfet. Le renforcement du rôle du dialogue social est à mettre en perspective avec la règle fixée à l article L. 3132-29 du Code du travail, qui prévoit que lorsqu un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d employeurs d une profession et d une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. La loi du 6 août 2015 a complété cet article s agissant de l abrogation, par le préfet, de l arrêté susmentionné. Il est désormais prévu qu à la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone 6 JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015

géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de ladite zone, le préfet abroge l arrêté, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois. B. - Les contreparties 29 - Les contreparties accordées aux salariés demeurent distinctes en fonction des dérogations dont bénéficient les établissements au sein desquels ils travaillent. La loi du 6 août 2015 poursuit toutefois l effort d harmonisation à défaut d uniformisation initié par la loi du 10 août 2009. 1 Préjudice au public et/ou atteinte au fonctionnement normal de l établissement 30 - L article L. 3132-25-3, I du Code du travail dispose que l accord collectif au vu duquel l autorisation est accordée fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. La loi ne définit ni la mesure, ni la nature de ces contreparties. Il peut donc s agir, par exemple, d une rémunération majorée, de repos compensateurs, de jours de congés supplémentaires ou d un nombre minimum de dimanches non travaillés. En l absence d accord collectif applicable, lorsque les autorisations sont accordées au vu d une décision unilatérale de l employeur, celle-ci fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas,chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente. Ces minima ne sont ainsi prévus qu en cas de mise en place de la dérogation par référendum et non par accord collectif afin d inciter les employeurs à conclure à un accord sur ce thème. Ces règles n ont pas été modifiées par la loi du 6 août 2015. 31 - En revanche, en vertu du III de l article L. 3132-25-3 nouveau du Code du travail, l accord ou la décision unilatérale doit désormais fixer les conditions dans lesquelles l employeur prend en compte l évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical. Par ailleurs, conformément au dernier alinéa de l article L. 3132-25-4 nouveau, l employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche. 2 Dérogations accordées sur un fondement géographique 32 - Les contreparties accordées s agissant des salariés travaillant au sein d établissements bénéficiant de dérogations accordées sur un fondement géographique sont totalement uniformisées par la loi du 6 août 2015. Ainsi, L article L. 3132-25-3, II du Code du travail impose que les accords collectifs fixent les contreparties : en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées ; ils prévoient également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés du repos dominical. Ces exigences concernent également les établissements autres que ceux mentionnés à l article L. 3132-12 (c est-à-dire bénéficiant de la dérogation de droit dès lors que leur fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public) pour leurs salariés qui travaillent dans la surface de vente d un établissement situé dans l une des zones touristiques internationales, des zones commerciales, des zones touristiques ou dans l une des gares bénéficiant de la dérogation sur un fondement géographique ; mises en œuvre par l employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical. En outre,les accords collectifs de branche,de groupe,d entreprise, d établissement et les accords territoriaux doivent prévoir une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche. Cette exigence ne concerne donc pas les accords conclus dans les conclu dans les conditions mentionnées aux II à IV de l article L. 5125-4 du Code du travail c est-à-dire ceux conclus par un ou plusieurs représentants élus du personnel mandatés ou par un ou plusieurs salariés mandatés. Enfin, à l instar de ce qui est prévu s agissant de la dérogation reposant sur le préjudice au public et/ou l atteinte au fonctionnement normal de l établissement, l accord doit fixer les conditions dans lesquelles l employeur prend en compte l évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical. De même, l employeur est tenu de prendre toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche. Les établissements situés dans les anciennes PUCE, devenues zones commerciales, sont donc soumis à un régime différent plus complet quoique similaire de ceux bénéficiant de la dérogation tirée de l article L. 3132-20 du Code du travail,alors que l ancienne version de l article L. 3132-25-3, issu de la loi du 10 août 2009 appliquait les mêmes règles à ces deux dérogations. En revanche, les salariés privés de repos dans les communes d intérêt touristique ou thermal ou dans les zones touristiques, devenues des zones touristiques au sens de la loi du 6 août 2015, bénéficient désormais d un régime de contreparties légalement prévues, alors que la précédente réforme ne le leur accordait pas. 33 - Établissement de moins de 11 salariés. Dans les établissements de moins de onze salariés, au sein desquels, à défaut d accord collectif ou d accord conclu à un niveau territorial, la faculté de déroger au repos dominical est ouverte après consultation des salariés concernés par l employeur et approbation de la majorité d entre eux, il est prévu que la consultation porte obligatoirement sur les mesures relatives à la compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche et à la fixation des contreparties pour compenser les charges induites par la garde des enfants. 34 - Période transitoire. La période transitoire de deux ans (c est-à-dire jusqu au 8 août 2017) aménagée par l article 257 de la loi du 6 août 2015 s agissant de l article L. 3132-25-3 du Code du travail, relatif au dialogue social, concerne également logiquement l article L. 3132-25-4. 3 Dérogations accordées après autorisation du maire 35 - La loi du 10 août 2009 avait posé le principe selon lequel chaque salarié privé du repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et bénéficie d un repos compensateur équivalent en temps 28. La réforme intervenue en 2015 ne modifie pas ce régime. En revanche, est créé un article L. 3132-26-1 du Code du travail qui énonce que lorsque le repos dominical a été supprimé le jour d un scrutin national ou local, l employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d exercer personnellement leur droit de vote. Si la rédaction diffère curieusement légèrement de celle du dernier alinéa de l article L. 3132-25-4 nouveau, relatif aux déroga- 28. C. trav., art. L. 3132-27. JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015 7

1318 Étude DOCTRINE tions reposant sur le préjudice au public et/ou atteinte au fonctionnement normal de l établissement et sur celles reposant sur un fondement géographique, le principe est le même. 4 Commerces de détail alimentaires 36 - L article L. 3132-13 du Code du travail décide toujours que 1) les salariés âgés de moins de vingt et un ans logés chez leurs employeurs bénéficient d un repos compensateur, par roulement et par semaine,d un autre après-midi ; 2) les autres salariés bénéficient d un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d une journée entière. La loi du 6 août 2015 ajoute un dernier alinéa à ce texte,aux termes duquel dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure à 400 m 2, les salariés privés du repos dominical bénéficient d une rémunération majorée d au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. L existence d un seuil d application de la majoration a fait l objet de discussions devant le Parlement, certains s étant inquiétés d un alourdissement des contraintes financières pesant sur les petites enseignes. Celles-ci ne sont finalement pas concernées par cette mesure. 5 Établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire 37 - Les salariés travaillant au sein des établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public, c est-à-dire sur le fondement de l article L. 3132-12 du Code du travail ne bénéficient pas de la couverture obligatoire par un accord collectif ou, le cas échéant, un engagement unilatéral, assorti de contreparties. Cette situation peut surprendre, dans la mesure où le gouvernement avait annoncé vouloir réduire les inégalités entre les salariés travaillant ce jour de la semaine. Il est vrai que l article 246, II de la loi du 6 août 2015 aménage une obligation de négocier assez large, mais celle-ci ne concerne que les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services. 38 - Certaines branches ont toutefois négocié des accords collectifs aménageant des contreparties au travail le dimanche.tel est le cas des commerces de détail de bricolage, secteur au sein duquel un accord a été signé le 23 janvier 2014, étendu par un arrêté du 3 juin suivant. Ce texte met en avant le principe du volontariat et sa réversibilité, garantit à chaque salarié volontaire un minimum de 12 dimanches non travaillés par année civile, et prévoit une rémunération au minimum égale au double de la rémunération normalement due au titre des heures travaillées le dimanche.un repos de compensation et un crédit temps supplémentaire en repos sont également aménagés. Enfin, le texte prévoit des dispositions en termes d emploi et de formation ou de responsabilité sociale des entreprises. Certaines entreprises ont également conclu des accords uniformisant le régime des contreparties quels que soient le lieu géographique d implantation du magasin et le régime de dérogation 29. 6 Équipes de suppléance 39 - L article L. 3132-19 du Code du travail, laissé inchangé par la loi du 6 août 20015, dispose que la rémunération des salariés de l équipe de suppléance est majorée d au moins 50 % par rapport à celle qui serait due pour une durée équivalente effectuée suivant l horaire normal de l entreprise. Toutefois, cette majoration ne s applique pas lorsque les salariés de l équipe de suppléance sont amenés à remplacer durant la semaine les salariés partis en congé. C. - La réaffirmation du principe du volontariat 40 - Si le principe du volontariat fait figure de pilier de la dérogation liée au préjudice lié au public ou à l atteinte au fonctionnement normal de l établissement et des dérogations reposant sur un fondement géographique (1 ), il s applique également d une manière moins aboutie s agissant de la dérogation accordée par le maire(2 ). En revanche, il n est pas décliné dans le Code du travail s agissant des dérogations permanentes de droit (établissements dont le fonctionnement ou l ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l activité ou les besoins du public ; les commerces de détail alimentaire ; dérogations conventionnelles). Il n en demeure pas moins que faire travailler un salarié le dimanche constitue nécessairement une modification du contrat de travail impliquant l accord préalable de l intéressé. 1 Préjudice lié au public ou atteinte au fonctionnement normal et dérogations géographiques 41 - La loi du 10 août 2009 avait institué le principe selon lequel les salariés travaillant dans les entreprises bénéficiant d une dérogation au principe du repos dominical au titre d un PUCE ou liée au préjudice au public ou à l atteinte au fonctionnement normal de l établissement ne pouvaient travailler le dimanche que sur la base du volontariat, lequel devait être formalisé par écrit 30. La nouvelle rédaction de l article L. 3132-25-4 du Code du travail élargit le domaine du volontariat, qui concerne toujours la dérogation au préjudice au public ou à l atteinte au fonctionnement normal de l établissement, mais également toutes les dérogations reposant sur un fondement géographique (zones touristiques internationales, zones touristiques, zones commerciales dont les anciennes PUCE, gares). Il est par ailleurs toujours prévu qu une entreprise ne peut prendre en considération le refus d une personne de travailler le dimanche pour refuser de l embaucher. Le salarié qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l objet d une mesure discriminatoire dans le cadre de l exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler le dimanche pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. S agissant plus spécialement de la dérogation au titre du préjudice au public et/ou de l atteinte au fonctionnement normal de l établissement, il est prévu qu à défaut d accord collectif applicable, l employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s il souhaite bénéficier d une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L employeur l informe également, à cette occasion, de la faculté dont il dispose de ne plus travailler le dimanche s il ne le souhaite plus. En pareil cas, le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l employeur. Cette obligation n existe pas s agissant des dérogations obtenues sur un fondement géographique, pour lesquelles il est simplement prévu que l accord collectif ou les mesures proposées par l employeur, conformément au II de l article L. 3132-25-3, déterminent les modalités de prise en compte d un changement d avis du salarié privé du repos dominical. En outre, comme cela était déjà prévu antérieurement : le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans 29. Rapport fait au nom du comité parlementaire chargé de veiller au respecter du principe du repos dominical posé à l article L. 3132-3 du code du travail, 9 nov. 2011, p. 29 et s. (AN, n 3927 ; Sénat, n 92). 30. C. trav., art. L. 3132-25-4, al. 2 (ancien). 8 JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015

la même entreprise ; en l absence d accord collectif, le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d un mois. 2 Les dérogations accordées après autorisation du maire 42 - L article L. 3132-27-1 du Code du travail nouvellement créé dispose, par renvoi pur et simple aux termes de l alinéa 1 er de l article L. 3132-25-4, que s agissant de la dérogation accordée après autorisation du maire, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche. Une entreprise relevant de cette dérogation ne peut pas : prendre en considération le refus d une personne de travailler le dimanche pour refuser de l embaucher ; discriminer, licencier ou considérer comme fautif le salarié qui refuse de travailler le dimanche pour un salarié. La protection dont bénéficient les salariés relevant de cette dérogation au titre du volontariat est donc moins développée que celles dont bénéficient ceux relevant des dérogations liées au préjudice lié au public ou à l atteinte au fonctionnement normal de l établissement et aux dérogations géographiques. 43 - Conclusion. La loi du 6 août 2015 s inscrit dans le prolongement de la réforme issue de la loi du 10 août 2009 : elle améliore le cadre législatif applicable au travail le dimanche en procédant par ajouts et retouches. En revanche, elle ne remet pas en cause le caractère multiple des dérogations. Contrairement à l objectif affiché par le législateur, il ne s agit donc pas d un texte de simplification. Mots-Clés : Durée du travail - Repos hebdomadaire - Dérogations au repos dominical - Réforme Textes : L. n 2015-990, 6 août 2015, art. 241 à 257 JurisClasseur : Travail Traité, Fasc. 22-10, par Dominique Jourdan JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION SOCIALE N 38. 15 SEPTEMBRE 2015 9