Compte rendu de la conférence de Monsieur P. Boisseau Mercredi 1 er décembre 2010-12-01 Circonscription de Cambrai Le Cateau IEN : Monsieur P Facon M. Philippe Boisseau a été instituteur, rééducateur, puis inspecteur de l Education Nationale. Il appuie l ensemble de ses propos sur des travaux menés avec des enseignants d écoles maternelles situées dans des quartiers populaires pour la plupart d entre elles. Rappel des programmes de 2008 : Il est noté que : - «L objectif essentiel de l école maternelle est l acquisition d un langage oral riche, organisé et compréhensible par l autre.» - dans «S approprier le langage» : «Le langage est le pivot des apprentissages de l école maternelle. Dans les échanges avec l enseignant et avec ses autres camarades, dans l ensemble des activités et plus tard dans des séances d apprentissage spécifiques, il acquiert quotidiennement des nouveaux mots, il s approprie progressivement la syntaxe de la langue française. La pratique du langage associée à l ensemble des activités contribue à enrichir son vocabulaire et l introduit à des usages variés et riches de la langue - Dans «Progresser dans la langue française» : «à la fin de l école maternelle, ils utilisent de manière adaptée les principales classes de mots et produisent des phrases complexes.» La construction du langage de l enfant Deux points sont essentiels : 1. L importance des interactions dans la classe 2. Les indicateurs de réussite chez l élève : -Diversification des pronoms -Construction d un système de temps -Complexification de la syntaxe I. Les interactions Elles sont primordiales dans la construction du langage chez l enfant. Cependant, ces interactions sont différentes de celles des tactiques d animation d une séance de langage en grand groupe, qui n est pas la meilleure organisation pour travailler le langage, même si l enseignante avec l expérience parvient à faire s exprimer tous les enfants, car : - Le maître envahit bien souvent le temps de parole, de ce fait, les élèves s expriment moins - Il est difficile d interagir vraiment avec tous les enfants. - La valeur de l intervention de l adulte est sa «légèreté», il cherche la justification. L adulte utilise peu de mots, ajoute des mimiques, met en œuvre des techniques de relance, pose des questions, fait appel à l argumentation. Parfois même, la richesse syntaxique ferme le dialogue : exemple : «quel habit as-tu porté à la fête? Zorro» Or, le travail en petits groupes permet de travailler en terme de qualité et non de quantité (nombre d enfants du groupe) car les interactions adulte/enfant sont une aide, dans une tentative de reconstruction de la syntaxe orale.
P. Boisseau évoque deux structures propres à l école maternelle : - en faisant référence à Laurence Lentin (1973), il parle de structures interindividuelles qui permettent une interaction efficace. Il s agit de repérer 7/8 élèves qui ont des problèmes langagiers et de leur consacrer un temps de travail même quelques minutes par jour. - Travail en petits groupes, référence ici à Denise Durif (1980), on constitue de petits groupes : 5 enfants dont les 3 en plus grande difficulté, sur une base de 45 minutes par semaine, lors d un décloisonnement. La qualité des interactions Elles ont un objectif de quantité (production de mots de l enfant), elles sont une aide pour faire émerger des structures syntaxiques, pour permettre à l élève de progresser grâce au feedback du maître puis à sa relance. Exemples : enfant de 2 ans Enfant : «cassé(e) voitu(re)» Maître : «elle est cassée ta voiture» feedback de l enseignant qui utilise une structure la plus proche de celle de l enfant, reformulation à partir de ce que sait l enfant pour le faire évoluer : il vise la qualité. Maître : «Et pourquoi elle est cassée?» relance il l incite à continuer par une question ouverte, il vise la quantité enfant de 4 ans après une séance de jeu avec des cartons en salle de motricité Enfant : «Moi il a fait une voiture en carton» Maître : «Moi j ai fait une voiture dans le carton» feedback en assistance vers l enfant Maître : «Bon, tu as fait une voiture avec le carton. C est intéressant et après?» feedback conversationnel relance enfant de 4 ans sans difficulté particulière Enfant : «Elle fermait bien sa porte pour POUR QU I. Pour comme ça i pouvait pas rentrer le renard» Maître : «Elle fermait bien la porte pour qu i rentre pas, le renard» feedback pour atteindre la qualité mais qui s appuie sur ce que sait l enfant pour le faire évoluer, maîtrise de phrase complexe avec l emploi du «pour que..» Maître : «Et alors?» relance il l incite à continuer par une question ouverte, il vise la quantité Remarque : le feedback «pour qu il ne rentre pas, le renard» n est pas accessible pour cet âge, c est trop rapide, il faut établir une progression qui s appuie bien sur ce que l enfant sait. La conquête de l oral peut être représentée par un escalier que l on gravit marche par marche, quand un enfant se situe sur la marche C, le feedback du maître doit se situer sur la marche D, la plus proche, pour le faire évoluer de manière sûre. Cependant, quand le maître raconte une histoire, il peut «viser» plus loin car dans la compréhension, l enfant comprend même si le discours est élaboré, c est donc différent dans la production. enfant de 5 ans Une correspondance scolaire est établie par bande magnétique enregistrée, les deux enfants ont la même correspondante et ont donc reçu le même message, ils racontent ce qu elle leur a dit : Enfant 1 «Moi je veux dire QUE QUAND on va aller chez les correspondants j vais pouvoir faire du vélo PARCE QU é m a dit sur la bande QU é va m prêter le sien ma correspondante» Enfant 2, en difficulté «Moi i faire du vélo, i dire ça.»
L analyse de ces propos marque un décalage qui permet de dégager trois éléments principaux sur lesquels il faut faire progresser les élèves en difficulté, non pas successivement mais presque simultanément. - Travail d utilisation des pronoms : l utilisation du feedback permet l émergence des pronoms - Développer l utilisation des temps de la langue française utilisation d abord de l infinitif, puis émergence du présent, puis mise en place du système des trois temps : présent/passé composé/ futur aller en petite section émergence de l imparfait en MS Le futur simple et le conditionnel apparaîtront ensuite dans des situations où l imaginaire est requis (on s rait des monstres), un système à trois temps se met aussi en place sur le futur : futur/futur antérieur/ futur - Développer les phrases complexes, les encourager : en MS, les phrases enfantines s ajoutent les unes aux autres. Ce sont les phrases enchâssées les unes aux autres par des pronoms relatifs : que, quand, parce que., les connecteurs de temps et de cause apparaissent. afin d amener les élèves à partir du cycle 3, vers un écrit plus concentré. II. Développer le vocabulaire Le travail se base sur une base de : - 750 mots à installer en PS - 1750 mots en MS disponible sur le site maternelle de la circonscription du Cateau - 2500 mots en GS Ces mots sont un bagage lexical correspondant à un taux de fréquence et utilisé dans le cadre d ateliers de classe (coins d activités, projets) et de sorties pédagogiques. Ces lexiques ont été édifiés à partir de différentes sources : - Table Dubois-Buyse - Imagiers du commerce dont le Dictionnaire du Père Castor - Dictionnaire Larousse Il y a cinq vecteurs pour développer ces mots : Vecteur 1 : Les situations : Les situations par elles-mêmes qui donnent l occasion de faire des choses et de mettre en œuvre simultanément les mots qui permettent d évoquer les actions que l on réalise et les objets que l on utilise : Jouer et travailler en classe ou dans les coins d activités, réaliser des activités de motricité, faire la cuisine, s occuper d animaux Vecteur 2 : Les albums échos : quand on élabore un texte d album écho, à partir des réactions spontanées de l enfant à ses photos, le maître peut encourager la construction syntaxique mais aussi la diversification du vocabulaire. Vecteur 3 : Les imagiers, c est un support intéressant pour travailler les noms et les adjectifs. Ils doivent être propres à la classe, peu à peu constitués en prolongement des projets développés. Sur un support évolutif, ils doivent pouvoir s enrichir. Vecteur 4 : Les jeux, utiliser les mots des imagiers pour créer des jeux : loto, mémory, kim Vecteur 5 : Les albums à syntaxe adaptée : «Oralbums» Ce sont des albums du commerce dont la syntaxe a été adaptée pour l oral en fonction du niveau des enfants (PS/MS/GS) avec une progression au niveau de l emploi des pronoms, des temps de conjugaison, des phrases complexes, du vocabulaire. Ces albums doivent être utilisés pour aider les élèves à construire leur oral.
Proposition de progression de P Boisseau : Pronoms Temps Complexités Prépositions PETITS MOYENS GRANDS Objectif principal: les diversifier (il, elle, ils, elles, je tu on ) Renforcer la construction des 3 temps : présent/passé/futur aller En rapport avec l espace :à au de du dans sur sous Idem avec une insistance sur le «je» et le «tu» Objectif principal de la section : sortir des trois temps en faisant émerger l imparfait Les contraires Devant/derrière Avant/après Au dessus/en dessous Avec/sans Idem plus nous/vous Alternance imparfait/passé composé dans le récit Emergence du conditionnel et du futur simple Système à 3 temps dans le futur Objectif principal Pour que/pour +infinitif Quand/gérondif, si, comme Questions indirectes : si, ce que, où, qui, ce qui, quand, comment Relatives en que et où Autour de/ au milieu de A l intérieur de A travers Entre à droite de A gauche de Le rôle du pédagogue - Aider l enfant à diversifier les pronoms - L aider à se construire un système de temps de plus en plus efficace - L encourager à complexifier sa syntaxe III. Précisions sur les albums échos Ce sont des albums sur mesure, construits en toute priorité pour les élèves en difficulté. Ils sont adaptés à chaque enfant pour en mesurer toute leur efficacité. Les albums échos de première personne : Ils sont construits à partir de photos de moments de classe où l élève est en action et qui le font le plus réagir : motricité, élaboration d une recette de cuisine, coins d activités, visite d une ferme. L enseignant présente des photos à l enfant sur lesquelles il est, on va noter ou voire enregistrer ses paroles en réaction à ces photos. Ensuite le maître fera une sélection des photos qui engendrent le plus de prise de parole. (Ne pas mettre trop de photos : 3 ans 6 photos, 4 ans 8 photos, 5 ans 10 à 12 photos). L enseignant reformule ce qu a dit l enfant en restant au plus proche de ce qu il sait : légère complexification : feedback qu il écrit sous chaque photo. En interaction adulte/enfant et avec l aide de l album écho, l enseignant se sert de la trace écrite comme feedback à retardement : en reprenant cet album, l enfant raconte et le maître reformule à partir de ce qui est
écrit mais sans obliger l élève à répéter. A terme, l objectif est la complexification du langage de l enfant dans un premier temps puis que l élève puisse présenter son album en autonomie au reste de la classe, à une autre classe en maîtrisant ce langage plus complexe. Les albums échos de troisième personne : Sur les photos, l enfant n est plus seul sur la photo, plusieurs élèves peuvent raconter l album, il peut donc s adresser à un groupe d enfants. Les objectifs sont identiques que précédemment. Attention : Le texte de ces albums échos n a rien à voir avec les textes de dictée à l adulte que l on mène en petits groupes dans le cadre de la production écrite, dont l objectif est de passer de la langue orale à la langue écrite. Dans l album écho, c est un oral qui est noté qui permettra de mettre en place un feedback de qualité et efficace, dont l objectif est de faire progresser, de complexifier la parole de l élève. On pourrait donc présenter cet oral noté entre guillemets ou l inscrire dans une bulle.