Discours de M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l UNESCO, à l occasion de l ouverture du Forum des sciences de l eau 2008 sur le thème «Les technologies de pointe pour les services d eau : application en Afrique» Département d État des États-Unis, Washington, D.C., 27 juin 2008 M. Arden Bement, directeur de la National Science Foundation, Mme Paula Dobriansky, sous-secrétaire à la démocratie et aux affaires mondiales, Mme Sharon Hays, co-directrice associée de l Office des politiques scientifiques et technologiques, Mme l Ambassadrice Louise Oliver, Mesdames et Messieurs, Je suis ravi d être présent aujourd hui pour assister à un événement qui associe deux grandes priorités de l UNESCO, l eau et l Afrique. Permettez-moi tout d abord, de remercier Mme Hays pour sa très aimable allocution. Je lui demanderai de bien vouloir transmettre toute mon estime à M. Marburger pour son rôle très dynamique dans les activités scientifiques de l UNESCO. Je voudrais féliciter la Sous-Secrétaire Paula Dobriansky, et l Ambassadrice Louise Oliver, d avoir pris l initiative d organiser ce forum au Département d État. Chaque jour, des milliers de personnes meurent en raison des mauvaises conditions sanitaires et de l ingestion d eau non potable ; c est pourquoi la question de savoir comment mobiliser les technologies de pointe pour les services d eau en Afrique est de la plus haute importance. En m adressant à vous ce matin, je ressens de l humilité parmi tant d éminents scientifiques. C est un grand plaisir pour moi de revoir M. Bement. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous remercier, ainsi que la National Science Foundation, du soutien que vous avez apporté aux récents efforts pour évaluer et renforcer les programmes scientifiques de l UNESCO. DG/2008/056 - Original anglais
Mme Kathie Olsen a participé au panel de haut niveau chargé de superviser ces importantes activités, contribuant à forger une vision orientée vers l avenir de la science à l UNESCO. Excellences, Mesdames et Messieurs, Dans ces observations liminaires, j aimerais en premier lieu présenter brièvement le travail de l UNESCO relatif à l eau douce. Je m intéresserai ensuite aux défis particuliers de l Afrique, à notre action pour les relever, et à ce que je considère comme des possibilités de coopération future avec les États-Unis. L'action de l'unesco dans le domaine de l eau douce s'appuie sur quatre grands piliers. Le premier est le Programme hydrologique international (PHI), qui fonctionne maintenant depuis plus de 30 ans. Le PHI est le seul programme scientifique intergouvernemental d envergure mondiale dans le domaine des ressources en eau au sein du système des Nations Unies. Il a pour but de renforcer la capacité des États membres à atteindre les objectifs internationalement approuvés relatifs à l eau et à répondre aux besoins nationaux et régionaux. Le Programme vient d entrer dans sa septième phase, consacrée au thème Dépendances à l'égard de l'eau : systèmes en situation de stress et réponses de la société. Il se concentrera dans les prochaines années sur quatre domaines prioritaires étroitement liés aux questions débattues aujourd hui, à savoir les effets des changements climatiques sur les ressources en eau, les zones arides et semiarides, la gestion des eaux souterraines et les systèmes urbains de distribution d eau. Je suis très heureux d apprendre qu une délégation de haut niveau des États-Unis a assisté à la 18 e session du Conseil intergouvernemental du PHI, qui s est tenue à Paris il y a deux semaines. Cela est significatif, dans la mesure où la communauté scientifique américaine a joué un rôle décisif dans la création du PHI et la proclamation de la Décennie hydrologique internationale qui l a précédée. Le regretté Ray Nace, de la US Geological Survey, ainsi qu A. N. Tissot, de l Association internationale des sciences hydrologiques et Michel Batisse, de l UNESCO, ont pris une part active au lancement de la Décennie, première grande initiative internationale dans le domaine de l eau qui a reconnu bien avant l heure l importance de l eau douce pour le développement humain. DG/2008/056 - page 2
Le deuxième pilier de l action de l UNESCO est sa contribution au Programme mondial pour l'évaluation des ressources en eau (WWAP). L UNESCO a non seulement lancé le WWAP, qui rassemble toutes les agences des Nations Unies ayant des activités liées à l eau douce dans un même effort pour répondre aux préoccupations mondiales relatives à l eau, mais elle joue également un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du Programme et continue d héberger son secrétariat, actuellement situé à Pérouse (Italie). Avant la création du WWAP, l action des Nations Unies concernant l eau douce était assez dispersée et peu coordonnée. Aujourd hui, les agences des Nations Unies travaillent ensemble dans le cadre du Programme afin de suivre l évolution de l approvisionnement en eau dans le monde et de définir des politiques de gestion durable de cette précieuse ressource. L UNESCO a également contribué à la mise en place de l ONU-Eau afin d harmoniser davantage l action en faveur de l eau au sein du système des Nations Unies. L ONU-Eau a adopté le WWAP comme programme phare et constitue aujourd hui un excellent exemple de la valeur ajoutée que les Nations Unies peuvent apporter lorsqu elles agissent d une seule voix. Comme vous le savez, la principale réalisation du WWAP est le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, qui paraît tous les trois ans. Le troisième Rapport sera consacré à «L eau dans un monde qui change». J aurai l honneur de le présenter, au nom du système des Nations Unies, lors du cinquième Forum mondial de l'eau qui se tiendra à Istanbul en mars 2009. De nombreux scientifiques américains participent à l élaboration de ce Rapport, qui devrait représenter une avancée décisive dans notre connaissance de l état actuel des ressources mondiales en eau douce et notamment, des risques liés au changement climatique. Le troisième pilier de notre action concernant l eau est l Institut UNESCO-IHE pour l'éducation relative à l'eau de Delft, Pays-Bas, dirigé par Richard Meganck, originaire du grand État de l Oregon. L UNESCO-IHE est le plus grand établissement mondial dans le domaine de l'éducation relative à l'eau et compte près de 14 000 anciens étudiants. La quasi-majorité des spécialistes de l eau formés à l Institut vient de pays en développement, et la plupart d entre eux retournent travailler dans leur pays d origine. DG/2008/056 - page 3
En dehors de la formation d étudiants, l UNESCO-IHE collabore aussi étroitement avec des universités et d autres institutions à différentes activités d éducation, de recherche et de renforcement des capacités relatives à l eau. Ainsi, l UNESCO-IHE s est récemment associée avec succès au Corps des ingénieurs de l'armée des États-Unis pour former des fonctionnaires iraquiens à la gestion de l eau. Le quatrième et dernier pilier de l action de l UNESCO est le réseau des 17 centres relatifs à l eau travaillant sous l égide de l UNESCO et des 24 chaires UNESCO sur l eau douce. Ces centres et ces chaires sont d une grande utilité en termes de réseau et de développement des capacités. Comme l a annoncé Mme Hays, les États-Unis ont proposé de faire du Centre international pour la gestion intégrée des ressources en eau placé sous l égide de l UNESCO le premier centre UNESCO de catégorie 2 des États-Unis. Il serait installé dans les locaux du Corps des ingénieurs de l armée des États-Unis et fonctionnerait en partenariat avec de nombreuses et prestigieuses universités, organisations professionnelles et agences gouvernementales. Le Centre serait un véritable pivot du développement et du transfert des meilleures pratiques et technologies de gestion de l eau au profit des pays en développement, en particulier d Afrique. J ai le plaisir de vous annoncer que cette proposition a été retenue par le Conseil intergouvernemental du PHI lors de sa réunion du début du mois et qu elle va maintenant être soumise à l approbation des organes directeurs de l'unesco. Cette excellente initiative promet de mettre la remarquable expertise américaine en sciences hydrologiques au service de la communauté internationale. Enfin, je signerai tout à l heure l accord portant création d une nouvelle chaire UNESCO à l Université de Washington en vue de promouvoir la recherche internationale sur la gestion durable des cours d eau. Cette chaire constituera un nouveau et précieux maillon d un réseau d excellence en pleine expansion. Ensemble, ces quatre piliers ont aidé l UNESCO à développer ce qui est largement reconnu comme le programme le plus solide et le plus complet du système des Nations Unies dans le domaine de l'eau douce. DG/2008/056 - page 4
Excellences, Mesdames et Messieurs, L Afrique est l une des grandes priorités de l UNESCO, dans le domaine de l eau douce comme dans tous ses programmes. Ce continent est confronté à d immenses défis. Le septième Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) consiste à diviser par deux, d ici à 2015, la proportion de la population qui n a pas accès à l eau potable et à des équipements sanitaires de base. Si les tendances actuelles se poursuivent, l Afrique ne remplira pas l objectif relatif à l assainissement avant 2075. La région possède également les taux d approvisionnement en eau les plus bas du monde : légèrement supérieur à 50 % en moyenne, ce taux est très inférieur dans de nombreux pays. Cela constitue un frein considérable aux efforts de développement, compte tenu de la mauvaise santé publique, des journées de travail perdues et des jours d école manqués. Les Nations Unies ont déclaré l année 2008 «Année internationale de l'assainissement» pour tenter de stimuler l action visant à la réalisation de cet objectif délaissé et de faire prendre conscience des formidables retombées potentielles. On observe déjà de nombreux signes encourageants. Le premier d entre eux est le nouveau leadership africain. Comme l a rappelé Mme Dobriansky, le Sommet de l Union africaine, qui s ouvre lundi prochain à Charm el-cheikh, en Égypte, portera sur «La réalisation des OMD relatifs à l eau et à l assainissement», preuve de la volonté des dirigeants africains à passer à la vitesse supérieure dans ce domaine, en s appuyant sur le travail du Conseil des ministres africains chargés de l'eau. Plus généralement, les pays africains ont lancé une initiative majeure pour renforcer la science et la technologie dans tout le continent et encourager la recherche axée sur les besoins de l Afrique en termes de développement. L essentiel à cette fin est d accroître la base de connaissances et de renforcer les capacités nécessaires à la gestion de l eau douce. L UNESCO a aidé l Union africaine à mettre au point le plan d action de cette initiative et travaille aujourd hui en étroite collaboration avec des pays africains afin de mettre en œuvre ses recommandations, notamment en élaborant des cadres d orientation valables. DG/2008/056 - page 5
Le deuxième signe positif est la reconnaissance grandissante au niveau international de la nécessité d agir rapidement dans ce domaine alors que nous sommes à mi-chemin de 2015, date limite de réalisation des OMD. Le Sommet du G-8, qui se tiendra le mois prochain à Hokkaido, accordera une attention particulière aux questions relatives à l eau dans le contexte du développement de l Afrique. Quant à la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la réalisation des OMD prévue le 25 septembre prochain à New York, elle offrira une nouvelle occasion d établir des partenariats internationaux en vue d atteindre l objectif en matière d eau et d assainissement. Permettez-moi d indiquer ici ce que l UNESCO considère comme quelques-uns des domaines d action prioritaires où les États-Unis pourraient apporter une aide précieuse. La première priorité est d améliorer la gestion de l eau. Elle revêt d autant plus d importance que des facteurs comme le changement climatique, la croissance démographique et l urbanisation font davantage pression sur l approvisionnement en eau, accentuant les pénuries et augmentant les risques d instabilité ou de conflit. La deuxième priorité, liée à la première, est d améliorer l information, le suivi et l évaluation afin d identifier les besoins et d élaborer des politiques fondées sur des éléments factuels pour y répondre. Que ce soit en matière de gestion ou de suivi, le véritable défi consiste à renforcer les capacités humaines et institutionnelles en Afrique aux niveaux local, national et régional. L UNESCO a recensé plusieurs domaines clés qu il faudra soutenir dans les années à venir, notamment le renforcement des capacités de gestion des ressources en eau transfrontières, d évaluation de la qualité de l eau potable dans les zones rurales et urbaines, et d amélioration des systèmes d information relatifs à l eau, en particulier à l aide de technologies de pointe comme l imagerie satellitaire. L UNESCO s emploie également à renforcer les comités nationaux africains du PHI afin qu ils puissent réellement prendre ces questions en mains, en collaboration avec le Conseil des ministres africains chargés de l'eau. La communauté scientifique américaine est associée à beaucoup de ces activités - et j espère que son rôle sera renforcé. Les États-Unis sont un partenaire important de l initiative G-WADI du PHI dont le but est de créer un réseau d information DG/2008/056 - page 6
mondial au service de la gestion de l eau dans les zones arides et semi-arides. Les États-Unis ont également travaillé en étroite collaboration avec l UNESCO à la mise au point d un système de surveillance de la sécheresse qui sera bientôt expérimenté en Afrique. Je crois que les institutions américaines ont de nombreuses possibilités d établir des partenariats avec l UNESCO-IHE afin de combler l énorme déficit en personnel compétent. Selon nos estimations, pour atteindre l OMD relatif à l eau et à l assainissement en Afrique, le nombre de spécialistes en eau doit augmenter de 300 %. Enfin, une recommandation intéressante formulée lors de la récente réunion régionale des comités nationaux africains du PHI concernait la possibilité pour les comités des pays du Nord de former des partenariats avec ceux des pays en développement afin de les aider à renforcer leurs capacités. Excellences, Mesdames et Messieurs, Ne doutez pas un seul instant que l UNESCO salue avec enthousiasme le renforcement des activités des États-Unis dans le domaine de l eau douce au niveau international. Elle est prête à explorer de nouvelles possibilités de coopération dans le cadre de ses programmes relatifs à l eau douce, afin de contribuer à rendre l extraordinaire richesse des États-Unis en matière de connaissances et de technologies relatives à l eau plus accessible au niveau mondial, et en particulier en Afrique. Je suis certain que nos discussions seront très fructueuses. Soyez assurés que l UNESCO suivra vos débats de près. Merci. DG/2008/056 - page 7