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L ambition d informer, éduquer, cultiver et divertir les citoyens à travers un contenu de qualité constitue l'une des raisons d être des acteurs publics des médias. Ces derniers existent dans la plupart des démocraties occidentales et se singularisent par un statut juridique ainsi que par des modes de financement et de gouvernance distincts de ceux des médias privés. Les grandes structures actuelles du secteur public français des médias sont nées en 1974, lors de l éclatement de l Office de Radiodiffusion-Télévision Française (ORTF). Résultent de ce démantèlement trois sociétés nationales de programmes de télévision (Télévision française 1, Antenne 2 et France Régions 3), la société nationale de radiodiffusion Radio France ainsi que trois établissements publics, parmi lesquels l Institut National de l Audiovisuel. Autonomes depuis leur création et indépendants grâce à leur financement majoritairement assuré par la redevance, les médias publics ont alors pu se développer. Longtemps en position de monopole, les acteurs publics ont dû faire face à partir de 1986 à l apparition de médias privés autorisée par la loi du 30 septembre relative à la liberté de communication. A l instar de la chaîne de l audiovisuel TF1, ou encore de la radio RTL, d importants groupes de médias privés se sont alors constitués. Cette concurrence a indéniablement bousculé les médias publics qui ont, en conséquence, cherché à se réaffirmer. La création de France Télévisions en 1992, une entité agrégeant les différentes chaines de l audiovisuel public, s est ainsi inscrite dans une stratégie de renforcement du secteur public des médias. La dernière étape de cette transformation a eu lieu en 2009 avec la refonte de France Télévisions en une société nationale de programmes chargée de coordonner les différentes antennes. De son côté, Radio France a entrepris une stratégie de présence régionale à travers la création de radios locales réunies depuis 2000 au sein du réseau France Bleu ; elle s est également affirmée dans le champ de l information avec la création en 1987 de France Info, la première radio d information en continu. S ajoutent à ces acteurs de l audiovisuel des médias au statut particulier, cependant eux aussi investis d une mission de service public : l Agence France-Presse, financée par les abonnements de ses clients ; et deux chaines de télévision, ARTE et La Chaine Parlementaire. Ces acteurs sont concernés dans une large mesure par les mêmes défis que les deux «géants» France Télévisions et Radio France. A l heure où le paysage médiatique français est de nouveau confronté à de profondes transformations, la question de la réaffirmation et de la redéfinition de la place des acteurs publics des médias ressurgit. La révolution numérique a en effet permis l émergence de nouveaux supports, de nouveaux formats et ce, dans un contexte beaucoup plus ouvert et encore peu réglementé. En contraste avec la relative rigidité des structures des médias publics, les nouveaux acteurs des médias, en s appuyant sur des modèles économiques innovants, ont bénéficié de la souplesse d Internet pour se développer. 3

La révolution numérique à l œuvre est, en outre, à l origine d un changement des usages des individus qui, désormais, tendent à s informer et à se divertir différemment. Enfin, dans un contexte budgétaire difficile pour la France, le financement du secteur public des médias fait l objet d incertitudes. Ces différents constats constituent le point de départ de notre réflexion sur l avenir des acteurs publics des médias. Face aux nouvelles contraintes, il convient en effet de s interroger sur la possibilité d un renforcement du secteur public des médias au cours des prochaines années ou, au contraire, sur l éventualité de son affaiblissement. Encore faudra-t-il savoir ce que l on entend par renforcement ou affaiblissement. La réflexion conduite dans cette étude s appuie sur deux sources principales. Dans un premier temps, nous avons effectué une analyse des documents et études disponibles sur le sujet. Dans un second temps, sept entretiens avec des professionnels des médias ont été menés et nous ont aidés à répondre à nombre de nos questions. Nous souhaiterions vivement remercier pour leurs précieuses analyses et le temps qu ils nous ont consacré : M. Dominique Boullier, sociologue et professeur à Sciences po ; M. Stéphane Capron, délégué aux nouveaux médias à France Inter ; Mme Agnès Lanoë, directrice de la prospective et de la stratégie à Arte France ; M. Gérard Leclerc, président de La Chaine Parlementaire ; M. Philippe Levrier, consultant et ancien membre du Conseil Supérieur de l Audiovisuel ; M. Bruno Patino, directeur du développement numérique à France Télévisions, directeur de France 5 et directeur de l école de journalisme de Sciences Po ; M. Pascal Taillandier, coordinateur du projet Iris à l Agence France-Presse. 4

Lexique des abréviations AEF AFP ARCEP CA CAP COM CSA FTV INA IPTV IREP LCP PHR PQD PQN PQR RNT SP SVOD TMP TNT VOD Audiovisuel Extérieur de la France Agence France-Presse Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes Conseil d Administration Contribution à l Audiovisuel Publics Contrat d Objectifs et de Moyens Conseil Supérieur de l Audiovisuel France Télévisions Institut National de l Audiovisuel Internet Protocol TeleVision Institut de Recherche et d Etudes Publicitaires La Chaîne Parlementaire Presse Hebdomadaire Régionale Presse Quotidienne Départementale Presse Quotidienne Nationale Presse Quotidienne Régionale Radio Numérique Terrestre Service Public Subscription Video on Demand Télévision Mobile Personnelle Télévision Numérique Terrestre Video on Demand 5

Sommaire 1. Introduction et état des lieux 9 1.1. Présentation générale du secteur public français des médias 9 1.1.1. La «raison d être» du secteur public des médias 9 1.1.2. Présentation des médias du secteur public français 10 1.1.3. La gouvernance des médias publics 11 1.1.4. Les mécanismes de régulation 11 1.2. Le poids des acteurs publics dans le paysage médiatique 12 1.3. Problématisation et annonce du plan 12 2. Les contraintes réglementaires et budgétaires des acteurs publics des médias 13 2.1. Quelques éléments sur la réglementation applicables à l ensemble du marché des médias : focus sur la chronologie des médias 13 2.1.1. Un assouplissement des règles insuffisant au regard des nouveaux enjeux 13 2.1.2. Faut-il supprimer la chronologie des médias? 14 2.1.3. L arrivée de la VOD par abonnement (SVOD) va entraîner une refonte des règles 14 2.2. Les réglementations propres aux acteurs publics des médias et leur statut 15 2.2.1. Le cadre réglementaire national des acteurs publics des médias 15 2.2.2. L influence européenne 21 2.3. Evolution des budgets et des sources de revenus 23 2.3.1. Analyse par acteur des crédits accordés par l Etat 23 2.3.2. Le financement par la publicité 27 2.3.3. Analyse des sources de financement complémentaires 31 2.3.4. Les aides publiques à la presse écrite 33 2.4. Les budgets alloués aux acteurs publics des médias en Europe 37 2.4.1. Au Royaume-Uni 37 2.4.2. Allemagne 37 2.4.3. Finlande 38 2.4.4. Eléments de synthèse sur les systèmes de financement en vigueur en Europe 38 2.4.5. Bilan 39 2.5. Ce qu il faut retenir 39 6

3. Les contraintes et évolutions du marché des médias en France 41 3.1. Présentation du contexte concurrentiel du marché des médias traditionnels privés 41 3.1.1. Présentation des grands acteurs privés des médias 41 3.1.2. Le partage du marché publicitaire 42 3.1.3. Les audiences des chaînes de télévision et des radios privées 44 3.2. Les évolutions technologiques de ces dernières années 45 3.2.1. Présentation des innovations majeures 45 3.2.2. L impact de ces évolutions technologiques sur les contenus et les usages 50 3.2.3. Impact des évolutions technologiques sur les modèles économiques 53 3.3. Mutation du paysage médiatique 55 3.3.1. Apparition de nouveaux acteurs: l exemple des pure players 56 3.3.2. De nouveaux fournisseurs de contenu? 56 3.3.3. L adaptation des acteurs privés historiques 57 3.4. Ce qu il faut retenir 59 4. L adaptation des acteurs de l audiovisuel public face à ces évolutions 61 4.1. Les réponses ou les tentatives de transformation 61 4.1.1. Intégration du numérique comme une composante nécessaire a minima pour défendre les positions de marchés et préparer l avenir 61 4.1.2. La redéfinition du contenu 66 4.1.3. La modification de l organisation interne des acteurs publics des médias. 68 4.2. Les freins à la transformation 70 4.2.1. Les défis de l adaptation au numérique pour le journaliste 70 4.2.2. Les problèmes organisationnels 72 4.2.3. Les défis techniques 74 4.3. Mise en perspective internationale 74 4.3.1. Mise en perspective sur la question du financement des médias publics : États-Unis, la pratique du mécénat et le financement direct par les auditeurs 74 4.3.2. Mise en perspective sur la question de l intégration du numérique : le cas de la BBC 75 4.4. Ce qu il faut retenir 76 5. Prospection: l avenir des acteurs publics des médias à l horizon de cinq ans 77 5.1. Principales évolutions technologiques 77 5.1.1. L impact de la télévision connectée 77 7

5.1.2. Une connexion encore plus forte des médias entre eux 78 5.1.3. Une connexion en tous lieux et en permanence permise par l invention de nombreux objets connectés et l approfondissement des évolutions technologiques déjà entreprises 78 5.1.4. Accroître l immersion du spectateur, notamment avec l essor de la réalité augmentée 79 5.2. Les évolutions de l offre de contenu 79 5.2.1. Les données qui vont déterminer l offre de contenu des médias de service public à l horizon 2020. 79 5.2.2. Les orientations possibles de l offre de contenu des médias de service public à horizon 2020. 80 5.3. Les évolutions du marché 82 5.3.1. Les acteurs internationaux susceptibles de faire évoluer le marché 82 5.3.2. Le Web 3.0 : de nouveaux objets et de nouveaux consommateurs? 83 5.4. Les évolutions commerciales et leurs impacts sur le secteur des médias publics 85 5.4.1. Principales évolutions commerciales à l horizon 2020 85 5.4.2. Les impacts de ces évolutions sur le secteur des médias publics. Quelles adaptations? 87 5.4.3. Des pistes de financement à explorer 88 5.5. Les nécessaires évolutions réglementaires 90 5.5.1. Vers un durcissement de la réglementation ou un assouplissement des règles du jeu : les enjeux de l évolution des règlementations 90 5.5.2. L avenir de la réglementation relative à la télé connectée 91 5.6. Conclusion et proposition d un scénario : Perspectives sur les acteurs publics des médias à l horizon 2020 94 Annexe 97 8

1. Introduction et état des lieux 1.1. Présentation générale du secteur public français des médias 1.1.1. La «raison d être» du secteur public des médias Il est tout d abord important de rappeler ce qui justifie l existence de médias avec une mission de service public. La principale raison est l existence d une économie de bien public 1. Les biens publics sont des biens ne trouvant pas de producteurs spontanés sur le marché, ce qui justifie l intervention de l Etat. En effet, l existence de médias de service public part du principe que certains contenus ne peuvent générer une audience suffisante pour susciter des recettes permettant d en financer les coûts, ce qui justifie l intervention de l Etat. Il est douteux que les chaînes puissent dégager des recettes suffisantes en se fixant des objectifs exigeants de qualité des contenus ; la faible audience des chaînes ou programmes dits «culturels» en atteste. L Etat finance donc des contenus qui ne sont pas forcément rentables économiquement, mais qui répondent à une exigence de bien-être social et à certaines valeurs. Les obligations de service public des chaînes de télévision publiques sont définies à l article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Les grands principes de la mission de service public sont la diversité, le pluralisme, la qualité, l innovation, le respect de la démocratie et des droits de l homme, dans des domaines tels que l information, la culture, les sciences, le sport ou le spectacle. Sont encouragés aussi le débat démocratique, les valeurs sociales, la cohésion nationale, la citoyenneté etc. Pour chaque média, il existe un cahier des charges avec des obligations plus précises (cf. infra). Cet ensemble de valeurs et principes ne coïncide pas forcément avec la rentabilité économique. Force est de constater que la recherche d audience par les chaînes privées a tendance à réduire la pluralité des programmes plutôt que d en promouvoir la diversité : l intervention de l Etat pour garantir une certaine diversité et qualité des programmes est nécessaire. Le pluralisme des médias et la diversité des programmations deviennent des biens publics au sens économique de ce terme. Du point de vue technique, les fréquences sont des biens rares, contrôlées par l Etat. En outre, le coût de production de contenu audiovisuel est très élevé pour le premier utilisateur, dégressif ensuite. Ces deux caractéristiques d une économie de bien public justifient l intervention de l Etat 2. Enfin, dans le contexte actuel de multiplication des supports d information et des usages de consommation, la mission de service public implique le développement par les médias de service public d une offre éditoriale adaptée à ces nouveaux usages. Bruno Patino ajoute ainsi que «les citoyens français étant à l origine du financement de l audiovisuel public, le groupe [France Télévisions] a un devoir d universalité à travers son offre». 1 Distinction entre biens publics et privés par l économiste Paul Samuelson, 1964. 2 Entretien avec Bruno Patino, 27 février 2012. 1. Introduction et état des lieux 1.1 Présentation générale du secteur public français des médias 9

1.1.2. Présentation des médias du secteur public français a. Les sociétés de programme françaises : des sociétés nationales à capitaux publics Radio France Radio France est une société publique qui regroupe les principales radios de service public (France Inter, France Info, France Musique, France Bleu, France Culture, Le Mouv, FIP). France Télévisions La loi du 5 mars 2009 3 transfère à la holding France Télévisions S.A. l ensemble des biens, droits et obligations des cinq chaînes de télévision publique, donnant naissance le 4 janvier 2010 à la société unique France Télévisions. La direction de France Télévisions est centralisée à la différence de Radio France, malgré l existence de directeurs généraux des chaînes. France Télévisions regroupe les chaînes suivantes : 1 ère, France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô. La Société de l Audiovisuel Extérieur Français La Société de l AEF, créée en 2009, est une holding regroupant les radios et télévisions détenues par l Etat dans le domaine audiovisuel extérieur. La fusion 4 des rédactions de plusieurs de ses filiales (France 24, Monte Carlo Doualiya et RFI), lancée il y a trois ans, a été finalement approuvée par les assemblées générales des filiales concernées et de l AEF. L AEF regroupe donc aujourd hui TV5 Monde, et les rédactions unifiées de France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya. Cependant, le nouveau président de la République François Hollande avait promis pendant la campagne électorale de revenir sur cette fusion. L organisation interne de la Société de l AEF ne semble donc pas encore finalisée. b. Les médias du secteur public au statut particulier La Chaîne Parlementaire (LCP) LCP est une double chaîne publique créée par l Assemblée Nationale et le Sénat ; malgré deux programmations distinctes, les chaînes LCP et Public Sénat se partagent le même canal de diffusion. C est le Parlement qui nomme le président de la chaîne et qui vote les crédits rattachés à LCP. L Institut National de l Audiovisuel (INA) L INA est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Sa mission principale est la conservation et la numérisation des archives audiovisuelles. L INA a récemment développé ses activités commerciales telles que la consultation d archives payantes, la production et la distribution. ARTE ARTE est une chaîne de télévision franco-allemande de service public, Groupement Européen d Intérêt Economique détenu à parité par les sociétés de production ARTE France et ARTE Deutschland TV 3 Loi 2009 258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. 4 Voir à ce sujet : France 24-RFI : la fusion prend un coup de froid par Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, Libération, 22 mai 2012. http://www.liberation.fr/medias/2012/05/22/france-24-rfi-la-fusion-prend-un-coup-de-froid_820657 1. Introduction et état des lieux 1.1 Présentation générale du secteur public français des médias 10

GmbH. ARTE n est pas contrôlée par le CSA mais par ses seuls sociétaires français et allemands ; elle ne fait plus partie de France Télévisions depuis 1999. L Agence France-Presse (AFP) L AFP est une société soumise au droit commercial, sans actionnaires ni capital : elle dépend de ses ressources commerciales qui proviennent essentiellement des abonnements, dont le montant dépend de la taille du client (afin de promouvoir la diversité). 1.1.3. La gouvernance des médias publics Les médias publics sont des sociétés anonymes avec l Etat pour seul actionnaire. Une «charte de gouvernance» est adoptée pour chaque média par décret du Premier ministre, après consultation du CSA. Le conseil d administration (CA) est nommé par décret du Premier Ministre sous contrôle du CSA et des Commissions des Affaires Culturelles des assemblées parlementaires 5 ; le président du CA peut être destitué par le CA avec avis public des commissions susnommées. La nomination des présidents des sociétés de programme s effectue par décret du Président de la République depuis la loi de 2009 6, après avis conforme du CSA et des commissions parlementaires concernées. Une majorité des trois cinquièmes est requise dans les commissions pour s opposer à une nomination. Cependant, il faut noter que le nouveau Président de la République François Hollande et sa ministre de la Culture Aurélie Filipetti ont prévu de revenir sur ce mode de nomination. 1.1.4. Les mécanismes de régulation Trois autorités ont un rôle dans la régulation des médias publics : le Parlement, le Gouvernement et le CSA. a. Le Parlement et l état C est la loi qui définit le cadre législatif s appliquant à la diffusion et au financement des médias publics. b. Le Conseil Supérieur de l Audiovisuel (CSA) Le CSA est composé de neuf membres, nommés conjointement par le Président de la République et le Président de chacune des assemblées. Le mandat est de six ans et ne peut être ni abrogé ni renouvelé. Le président du CSA est nommé par le Président de la République. cf. supra. pour le détail des missions du CSA. Le CSA délivre un rapport annuel au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement, concernant ses activités, le respect de ses obligations et la répartition des revenus publicitaires et de la CAP. Il dispose d un pouvoir de sanction depuis 1994 (amendes, suspension d antenne, obligation de diffusion d un message d information si infraction etc.), avec la possibilité d un recours devant le Conseil d Etat. 5 Pour la composition des Conseils d Administration des médias publics, cf. annexe I. 6 Cf. note 1 1. Introduction et état des lieux 1.1 Présentation générale du secteur public français des médias 11

1.2. Le poids des acteurs publics dans le paysage médiatique Rang Société Chiffres d affaires 2011 (en milliers d euros) Résultat net 2011 (en milliers d euros) Effectif 1 Groupe Canal + 4 857 000 NC 4 500 2 France Télévisions 3 140 000 (2010) 12 800 (2010) 10 292 (2010) 3 Groupe TF1 2 622 400 228 000 3 800 4 JC Decaux 5 Lagardère Active 6 TF1 Publicité 1 674 437 16 385 (2010) 280 7 M6 1 421 300 149 600 1 686 8 Pages jaunes 9 Hachette 10 Radio France 613 300 (2010) 9 000 (2010) 4 300 - - - - 14 France Télévisions Publicité 431 200 (2010) 20 477 (2010) 229 - - - - 22 AEF NC NC NC - - - - 26 AFP 281 000 400 2 260 - - - - 45 ARTE 147 159 (2010) NC 256 Tableau 1: Classement des 50 premières sociétés des médias en 2011 et en France 1.3. Problématisation et annonce du plan A partir d un état des lieux du paysage dans lequel les acteurs des médias publics évoluent, cette étude cherche à analyser les principales évolutions réglementaires et technologiques auxquels les médias publics font face, puis à étudier l impact de ces évolutions sur leurs business model pour enfin projeter une évolution du secteur aux environ de 2015. Ainsi, le plan suivant sera suivi : Les évolutions réglementaires, budgétaires et technologiques des acteurs publics des médias (2. ) ; L adaptation de ces acteurs face à ces évolutions (3. ) ; Les impacts de l évolution du secteur sur le business model (4. ) ; La projection sur l évolution du secteur d ici à 5 ans (5. ). 1. Introduction et état des lieux 1.2 Le poids des acteurs publics dans le paysage médiatique 12