Egypte - Grèce - Rome



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echo 7 Egypte - Grèce - Rome Les différents visages des femmes antiques. Travaux et colloques du séminaire d épigraphie grecque et latine de l IASA 2002-2006 Bearbeitet von Florence Bertholet, Anne Bielman Sánchez, Regula Frei-Stolba, Mireille Corbier 1. Auflage 2008. Taschenbuch. XX, 395 S. Paperback ISBN 978 3 03911 291 3 Format (B x L): 15 x 22 cm Gewicht: 760 g schnell und portofrei erhältlich bei Die Online-Fachbuchhandlung beck-shop.de ist spezialisiert auf Fachbücher, insbesondere Recht, Steuern und Wirtschaft. Im Sortiment finden Sie alle Medien (Bücher, Zeitschriften, CDs, ebooks, etc.) aller Verlage. Ergänzt wird das Programm durch Services wie Neuerscheinungsdienst oder Zusammenstellungen von Büchern zu Sonderpreisen. Der Shop führt mehr als 8 Millionen Produkte.

AVANT-PROPOS LES FEMMES ET LE POUVOIR, LES POUVOIRS DES FEMMES L Année épigraphique, Paris Cet ouvrage collectif issu de séminaires de l Université de Lausanne sur l histoire des femmes est centré pour l essentiel sur les femmes et le pouvoir dans trois sociétés de l Antiquité : l Egypte pharaonique, la Grèce et les royaumes hellénistiques, le monde romain. Il est donc surtout question de femmes qui appartiennent aux couches supérieures de la société et à des familles qui ont exercé durablement le pouvoir, qu il s agisse de celles des souverains ou des membres de l élite. Quand et comment certaines femmes ont-elles pu assumer à part entière un pouvoir masculin ou en partager l exercice? La question traverse en filigrane la douzaine de chapitres et donne son sens au livre qui surmonte ainsi le disparate relatif de l information disponible. La nouveauté de l approche est d associer l analyse du texte et de l image un sujet qui m est particulièrement cher. Ce rapport entre texte et image se situe au cœur des problématiques de la représentation. Sans souci de comparaison excessive, la référence à l étude récente de Fanny Cosandey sur «La reine de France, symbole et pouvoir» donne le ton de l ouvrage. Par son union avec le roi de France, la reine participe à la souveraineté sacrée, mais, sauf en cas de régence, elle n est pas investie d une autorité particulière. Elle doit avant tout assurer la descendance royale. Veuve, la reine mère jouit d une certaine préséance, mais son pouvoir réel s efface lorsque l aîné de ses enfants mâles atteint l âge de l exercer personnellement : en fait, il se réduit alors à l ascendant qu elle continue à exercer sur lui.

xiv Les co-auteurs plus de femmes que d hommes, comme trop souvent dans les travaux relevant des études de genre ont cherché à sortir des sentiers battus pour défendre parfois des thèses à contre-courant de celles qui sont les plus répandues dans la littérature historique. Ils se sont mis en quête de sources originales permettant de présenter ces femmes à travers divers aspects que je distinguerai pour une première approche ainsi : les fonctions qu elles ont occupées ; leurs domaines d excellence ; ce qu elles ont fait connaître d elles ; comment enfin elles ont été présentées par des auteurs qui étaient tous, faut-il le rappeler?, des hommes. Car la question se poserait sans doute en des termes différents si nous avions gardé les mémoires d Agrippine. Qui sont ces femmes? Dans quelles circonstances ont-elles accédé au pouvoir? Comment l ont-elles exercé? Les deux premières contributions ont le mérite de clarifier ce que l on sait des femmes pharaons et constituent donc un préalable nécessaire à l étude des reines hellénistiques. A. Forgeau et E. Grzybek s attardent l une et l autre sur l exemple d Hatshepsout qui n a rien d une régence mais qui relève au contraire de la royauté pharaonique pleine et entière. Mais ils soulignent tous deux son caractère exceptionnel. A. Forgeau insiste sur le caractère performatif de l image : Hatchepsout, devenue pharaon, choisit pour la plupart de ses effigies un type iconographique masculin, car jamais ne fut remis en cause en Egypte le principe d une royauté masculine, une et indivisible. Mais elle invite à la prudence dans la lecture des scènes qui commémorent des cérémonies officielles : l apparition de la reine dans certains types d images ne signifie pas qu auparavant la reine était exclue de la cérémonie. L évolution de l image de la reine accompagne celle des pouvoirs du roi. Après avoir passé en revue les cinq reines pharaons attestées pour la longue durée de l histoire égyptienne, E. Grzybek signale qu elles ont été omises des listes officielles Le témoignage de Manéthon est donc replacé dans son contexte : en présentant comme une tradition égyptienne la possibilité pour une femme d exercer la royauté, ce prêtre visait sans doute à conforter le choix fait par la reine Arsinoé II Philadelphe. Une autre tradition supposée de la royauté égyptienne est relativisée par A. Forgeau, celle du mariage entre frère et sœur. L assertion de Pausanias selon laquelle l union de Ptolémée II Philadelphe et de sa sœur Arsinoé II, contraire à la coutume macédonienne, était conforme à la tradition égyptienne, érige en principe une pratique rare, occasionnelle et peut-être même exceptionnelle, même si elle renforçait le statut divin des enfants royaux.

avant-propos xv S il n est pas proposé sur les reines hellénistiques d essai comparable à la réflexion synthétique d A. Forgeau sur les épouses et les mères de pharaons, M. Widmer offre l étude d un cas, celui de Laodice V qui bénéficia par un édit royal de 193 av. J.-C. d honneurs cultuels établis par son époux Antiochos III sur l ensemble du territoire séleucide. L auteur propose une lecture politique des vertus reconnues à la reine, la tendresse (philostorgia) et la sollicitude (kèdémonia), interprétées d ordinaire comme des valeurs familiales et, pour la première au moins, féminines. Cédric Pillonel s est attaqué pour sa part à un sujet peu connu : «les reines hellénistiques sur les champs de bataille». Après avoir décomposé l activité du roi dans le domaine militaire en quatre types de responsabilités le recrutement et la solde, le commandement stratégique, le commandement tactique et la participation au combat, l auteur s efforce de préciser le degré de participation de quelques reines. Le recrutement et le paiement des troupes peuvent échoir à une femme. Le pouvoir décisionnel qu implique le commandement stratégique est attesté dans quelques cas. La présence physique qu exige le commandement tactique est beaucoup plus rare : l exemple de Cléopâtre (VII) à la bataille navale d Actium reste le plus caractéristique ; mais il n a pas été particulièrement favorable à Antoine. Quant à la participation des femmes dans des batailles rangées, elle est évoquée par les auteurs anciens qui ne précisent pas si elles étaient à cheval, ce que l on doit pourtant imaginer. C. Pillonel introduit une intéressante distinction chronologique : la pratique semble mieux attestée pour les femmes contemporaines des Diadoques que pour celles qui, plus tard, ont fait partie d un couple royal et donc à une époque où les rôles masculin et féminin s étaient précisés. La figure d Hypsicrateia, compagne de Mithridate dont l endurance et le courage virils ont impressionné Valère Maxime et Plutarque, constitue un cas exceptionnel. Comment les autres femmes ont-elles été présentées par des auteurs masculins? Sous prétexte que les témoignages littéraires relatifs aux femmes sont exclusivement masculins, faudrait-il les invalider? Pour N. Boëls-Janssen, il est toujours possible de rectifier les excès ainsi ceux de Cicéron sur Clodia sans renoncer aux informations que fournissent les textes. Mais cette approche «raisonnable» que je serais encline à partager, et qui croit le lecteur attentif capable de faire le tri dans l information fournie, ne serait pas forcément partagée par les théoriciennes du genre, pour qui la différence des points de vue masculin et féminin est irréductible et insurmontable. Les divers contributeurs de l ouvrage

xvi ne manquent pas ainsi de relativiser la valeur de certaines sources, qui ont été parfois prises au pied de la lettre. Ainsi, nous l avons vu, l assertion de Manéthon sur la royauté féminine dans l Egypte pharaonique ou celle de Pausanias sur la pratique du mariage entre frère et sœur. En analysant l œuvre de trois auteurs de la fin du i er siècle et du début du ii e, Quintilien, Stace et Pline le Jeune, C.-E. Centlivres Challet explore l idée selon laquelle le masculin et le féminin n auraient pas été toujours perçus par les Romains comme exclusifs l un de l autre : hommes et femmes se voient en fait reconnaître des qualités communes, qu ils peuvent donc partager, sans pour autant les vivre nécessairement de la même façon et en retirer la même identité. L étude se propose ainsi de nuancer la vision traditionnelle de la société romaine. En dépit de l intérêt marqué par les auteurs considérés pour l éducation des femmes, l image de la matrona docta n en reste pas moins ambiguë. On pense, même si son nom ne figure pas dans la bibliographie, aux thèses contemporaines d Elisabeth Badinter «l un est l autre» qui concernent d ailleurs plus les formes de sensibilité partagées par les hommes et les femmes que leurs éventuelles vertus communes. Quels sont les domaines d excellence des femmes? La matrone romaine, selon un idéal hérité des temps anciens, se voit reconnaître trois rôles principaux : la perpétuation de la famille, le bon fonctionnement de la vie domestique, le travail de la laine dont le modèle remonte au moins à Pénélope, qui, ne l oublions pas, en profite pour continuer à exercer le pouvoir en lieu et place de son époux absent, au grand dam des prétendants. N. Boëls- Janssen rédige un véritable essai, nourri de sa profonde culture sur le sujet, qui met en valeur d autres domaines qui, au dernier siècle de la République, semblent leur avoir été familiers : les activités économiques et financières, l univers des procès, les plaisirs de la vie culturelle (danse, musique, littérature, poésie) et, surtout, les devoirs religieux. Exclues des fonctions politiques, les femmes de la haute société ne se désintéressent pas pour autant de la vie politique : quelques grandes figures féminines du i er siècle av. J.-C. sont ainsi passées en revue. L exemple d Octavie, sœur d Octavien et épouse d Antoine, dessine pourtant les limites de cet engagement féminin : elle met au service d Antoine son talent de médiatrice et ses relations personnelles ; mais il reste scandaleux qu elle prétende commander à des soldats. La sphère du religieux reste l un des domaines auxquels la participation des femmes est le plus attachée, même si l on a beaucoup insisté sur l infériorité

avant-propos xvii féminine dans le domaine sacrificiel. B. Scardigli explore un champ peu connu, le rôle reconnu aux femmes par le Sénat de la République romaine dans l expiation des prodiges ; l enquête répertorie tous les cas attestés, notamment par Tite- Live. Mais force est de conclure que, si les femmes sont parfois sollicitées de se rendre en procession auprès de telle ou telle divinité et de déposer des offrandes, elles le sont par des hommes qui en conservent et s en attribuent l initiative. Plus suggestive est l identification comme prodige qui doit être expié de certains comportements condamnables de femmes, tel l incestus des Vestales. A partir de l exemple de Livie promue au rang de sacerdos du culte d Auguste divinisé, R. Frei-Stolba revient sur la prêtrise féminine de l empereur divinisé qui a été exercée seulement dans le cadre de la première famille impériale par Antonia et Agrippine et n a pas été réactualisée sous les Flaviens. Elle conteste à juste titre l hypothèse selon laquelle Livie, sacerdos diui Augusti, et Germanicus, flamen diui Augusti, auraient exercé leur prêtrise en couple. Par ailleurs, elle analyse minutieusement les étapes par lesquelles la divinisation des femmes de la famille impériale, tantôt comme sœur, tantôt comme épouse, tantôt comme fille, tantôt même comme grand-mère, s est progressivement généralisée au cours du i er siècle. Avec l avènement du culte impérial et la multiplication des diuae après la première d entre elles, Drusilla, sœur de Caligula, le champ des dignités possibles s élargit pour les femmes qui font partie de l élite municipale. Pour la seule Italie M. G. Granino Cecere a recensé près de soixante-dix flaminicae ou sacerdotes et centré son attention sur celles, au nombre de treize, qui sont connues pour leurs évergésies. La munificence de ces femmes qui s explique, comme l on sait, par la relation particulière que les femmes romaines conservent avec leurs biens s exerce dans des domaines classiques : la construction ou la restauration de monuments de caractère sacré ou d utilité publique, tels que les édifices de spectacle, et les distributions d argent et de nourriture à l occasion de la dédicace de statues élevées en l honneur de leur époux ou d elle-même. Mais une seule image de «flaminique» est parvenue jusqu à nous, celle de Cetrania Seuerina, de Sarsina, représentée en pied dans l exercice de ses fonctions sur le côté gauche de son autel funéraire. Que font connaître les femmes d elles-mêmes ou que fait-on connaître d elles de leur vivant ou après leur mort? A propos de la «boucle de Bérénice», J.-Y. Carrez-Maratray n hésite pas à évoquer la «publicité» et, en termes plus modernisants encore, une «entreprise

xviii de relations publiques qui allait transfigurer l image de la reine». Sans aller aussi loin dans la formulation, on ne peut qu être frappé, en lisant son étude érudite, par l écho dont bénéficia le geste amoureux de la reine dédiant une mèche de cheveux en accomplissement d un vœu pour l heureux retour de son époux grâce à la transfiguration de ce geste par l astronome Conon qui nomma ainsi une constellation, puis au poème composé par Callimaque sous ce titre. En prolongeant son enquête en direction des images liées à ce texte, l auteur propose de reconnaître sur le moulage désigné d ordinaire comme «l amoureuse sacrifiant» la scène de la dédicace de la boucle de Bérénice, ainsi destinée à la duplication et à une large diffusion. L étude du cratère de Derveni (iv e siècle av. J.-C.) nous invite à tourner le regard vers l image d une défunte puisqu elle traite d une urne monumentale en bronze doré, magnifiquement décorée, où ont été recueillies les cendres d un homme et d une femme. A.-F. Jaccottet se propose de dépasser la simple analyse iconographique du cratère qui montre l identification des défunts au couple divin de Dionysos et Ariane en recontextualisant l objet dans son environnement archéologique. Les offrandes de la tombe permettent de cerner l environnement social et référentiel des défunts. «Comment héroïser une femme?», conclut l auteur. Il reste que, si Astion, dont le nom est écrit sur le cratère, peut être identifié par le choix des offrandes funéraires (armes, vaisselle, etc.) comme un membre de la haute aristocratie thessalo-macédonienne, sa compagne reste anonyme et son statut lui-même reste indéfini. En s appuyant sur l iconographie funéraire (entre le iv e et le ii e siècle av. J.-C.), A. Bielman Sánchez revient sur un thème qui lui est familier, celui des femmes dans la sphère publique. Les «femmes actives» qui ont bénéficié par leur stèle d une forme d «éternité» se sont distinguées par leur activité de prêtresse, par leur profession (nourrice, sage-femme, médecin) ou par leur engagement en faveur de leur collectivité civique. Les activités publiques féminines ne semblent rappelées que si elles ont eu une certaine durée. La stèle de Ménophila de Sardes qui avait exercé une magistrature éponyme, la stéphanophorie, offre un exemple relativement rare de commémoration funéraire dont tous les éléments sont indiqués à la fois par des mots et par des images : l épigramme explicite la signification des divers éléments figurés en bas-relief. A. Bielman Sánchez évoque à ce propos l une des difficultés, trop peu reconnue, d une enquête qui vise à analyser le texte et l image : le cloisonnement des disciplines qui regroupe les inscriptions dans des corpus et la reproduction et l étude des stèles dans d autres.

avant-propos xix L iconographie monétaire n a pas été oubliée : le rôle de la monnaie dans la diffusion des vertus revendiquées par le pouvoir impérial pour les femmes de la famille est devenu en effet un thème de recherche classique. Doukaina Zanni s intéresse à l association de l épouse de l empereur à la définition de la Felicitas temporum. On n est pas surpris que le premier témoignage concerne Marc Aurèle et Faustine, sous le règne d Antonin le Pieux, et que l occasion en soit la naissance de leur première paire de jumeaux. Comme pour d autres types monétaires, ainsi celui de Fecunditas qui relève de la même idéologie, le modèle sera repris pour Julia Domna avec la légende Felicitas saeculi. Les différents auteurs semblent s accorder sur leur conclusion. Le pouvoir est bien assuré par les hommes et les femmes ne l exercent que par défaut ou par délégation. Elles profitent ainsi d une absence de leur époux parti en campagne ou de son décès qui transfère le pouvoir à un fils trop jeune pour l assumer. Les époques troublées, telles que celle qui a vu la rivalité des successeurs d Alexandre ou la période des Guerres civiles à Rome, sont favorables à l émergence de quelques personnalités féminines dans les sphères les plus hautes de la société ; on pense, toutes proportions gardées, à l épisode de la Fronde en France. Mais la délégation peut être aussi le fait de leur famille : ainsi pour les femmes choisies pour exercer des prêtrises, voire à Sardes une magistrature. Il existe pourtant des régimes ou des périodes où le couple au pouvoir se présente comme tel ou est présenté a posteriori comme tel. Sous le Nouvel Empire égyptien, «la reine est le double du roi et le couple est le reflet de l ordre divin». A Rome, le couple fondateur de la domus Augusta formé par Auguste et Livie qui, de son vivant, n avait jamais été celui d Augustus et Augusta est commémoré par Claude, petit-fils de Livie, comme diuus Augustus et diua Augusta à des fins de légitimation. Mais, au-delà de ces deux constatations évidentes, on peut se demander si l extension rapide de l information dont nous disposons grâce à de nouvelles lectures de documents connus ou à la découverte de nouveaux documents, notamment épigraphiques ne conduirait pas à formuler aussi une hypothèse différente. La règle reste la règle, mais le nombre des exceptions, même individuelles et apparemment infimes ou anodines, témoignerait alors d une volonté, consciente ou non, et d un effort toujours renouvelé pour franchir les barrières de l interdit social et culturel et se glisser partout où des failles, ou des interstices, apparaissent susceptibles d être utilisés à cette fin. L histoire est devenue

xx attentive à ces gestes, à ces tentatives de personnes particulières. Derrière la règle, que ceux-la même qui la transgressent disent respecter, elle y voit le signe de quelque chose d autre, qu elle a trop longtemps négligé, et qui au contraire attire aujourd hui notre attention : un refus, une volonté d affirmer sa différence. Et aussi la trace d une réalité vécue très complexe, riche en situations de fait, où les acteurs prennent avec la règle de multiples libertés.