Compte-rendu de la conférence ENJEUX STRATEGIQUES DE L IRAN NUCLEAIRE POUR LES ETATS-UNIS ET L EUROPE. Mercredi 31 mai au Procope



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Transcription:

Compte-rendu de la conférence ENJEUX STRATEGIQUES DE L IRAN NUCLEAIRE POUR LES ETATS-UNIS ET L EUROPE SCENARII D EVOLUTION ET AVENIR DU REGIME DE NON-PROLIFERATION Les invités : Mercredi 31 mai au Procope Hervé de Charette Ancien ministre des Affaires Etrangères, Hervé de Charette est député du Maine et Loire, viceprésident de la Commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié entre la France et l Iran à l Assemblée Nationale. Hervé de Charette est également Président de la Convention démocrate. http://www.convention-democrate.fr/ Nader Barzin Auteur de l Iran Nucléaire, aux éditions L Harmattan, Nader Barzin est ancien élève de Sciences-po Paris et de Harvard, docteur en Sociologie Politique. Il a enseigné la stratégie à HEC et exercé des responsabilités auprès de l ONU et de cabinets de conseil. Nous rappelons que les comptes-rendus mis en ligne sur le site du Groupe des Belles Feuilles (GBF) ont vocation à rendre compte des échanges ayant eu lieu pendant les conférences organisées par le Groupe. Ils n'engagent aucunement le GBF pas plus qu ils n en représentent une position officielle. 1) Positions Hervé de Charette La question iranienne est un des sujets les plus difficiles et les plus aigus de la vie diplomatique actuelle, d abord parce qu il s agit d un thème conflictuel, contradictoire, mettant face à face des acteurs fortement opposés, ensuite parce que la solution future aura beaucoup de conséquences sur la carte diplomatique des premières années. L intérêt vif et durable de l Iran pour la question nucléaire à la fois civil et militaire est à relier avec la longue histoire de l Iran, doté d une civilisation plus ancienne que la civilisation européenne et qui, fort de cet héritage, ne saurait renoncer aux attributs actuels de la puissance. Si l Iran se penche, depuis 40 ans, sur le nucléaire civil, c'est qu il se fixe également un horizon nucléaire militaire et deviendra très probablement une puissance nucléaire dans les 10 années à venir. Les raisons de cette détermination iranienne dans ce secteur ne sont pas à chercher uniquement dans la nature religieuse du pouvoir. Au contraire, si le sujet revêt une telle importance dans un pays, somme toute, divisé, c est qu il demeure un des rares thèmes d unité nationale, garant de l identité de la puissance et de l identité d une nation qui cherche une reconnaissance de la part de la communauté internationale. Cette revendication nucléaire intervient, en outre, dans un contexte de division internationale qui permet aux Iraniens de 1

jouer entre les Occidentaux, la Chine et la Russie, mais aussi dans une situation américaine embarrassée, sinon affaiblie par le conflit irakien. Contre une intervention américaine éventuelle en Iran s élèvent ainsi plusieurs obstacles : les difficiles repérages et destructions des moyens de fabrication et surtout la mise au point de programme de reconstruction après les frappes. Aussi, les conséquences d un diagnostic a priori pessimiste ne sont pas aussi dramatiques qu elles ne paraissent. A l égard du TNP, on ne repère pas encore une extension radicale de l arme nucléaire et l idée que l ensemble des pays s apprête à se doter de l arme nucléaire reste pure conjecture : la complexité des technologies, l ampleur des moyens financiers, le degré de sophistication croissant (l Iran ne possède par exemple que de lanceurs au périmètre limité) interdisent à nombre d entre eux de se lancer dans de tels programmes. Par ailleurs, un bref tour d horizon du monde permet de se convaincre de cette absence de prolifération : ni l Afrique, ni l Amérique latine, ni l Asie du Sud-Est ne s acheminent vers le nucléaire, tandis que le Japon y a renoncé depuis longtemps. A l exception donc de l Inde, l'iran demeure donc isolé dans sa stratégie. Son obtention éventuelle de l arme nucléaire ne sonnerait pas pour autant la fin du TNP. Toutefois, il est vrai que l espace compris entre l Inde et la Méditerranée concentre actuellement tous les enjeux de la sécurité mondiale. Alors que pendant plus de 50 ans, la stratégie militaire et diplomatique était tout entière tournée vers la Russie, les menaces désormais sont déplacées vers un nouvel espace où l Iran joue un rôle de premier plan aux yeux des Américains et des Européens qui doivent affronter le double problème de l Irak et de l Afghanistan, placés sous une tutelle américaine appuyée par les alliés. Quant à l Egypte et l Arabie Saoudite, elles considèrent que l Iran nucléaire compromet la sécurité de leurs territoires. Face à cette situation, trois propositions d action : - La révision du TNP paraît inévitable : la situation actuelle d un monopole nucléaire détenu par 5 pays, dominée par un contrôle quasi unique des Etats-Unis, qui seuls déterminent les violations du traité, semble aujourd hui de plus en plus choquante. Par ailleurs, les décisions américaines à l égard de l Inde, suivies par J.Chirac, créent une situation inacceptable pour certains pays qui se sentent, comme l Iran, profondément offensés. Avec l épuisement des ressources pétrolières, la question du nucléaire civil (qui entretient d étroites accointances avec le militaire) va toujours plus fréquemment jouer un rôle fondamental qui exige un renouvellement des propositions. - Changer sa stratégie face à l Iran et transformer un conflit contre le Mal en un partenariat constitue un deuxième défi. Le choix américain, suivi par les Européens plus par faiblesse que par choix, du boycott et de l isolement iranien, est un échec avéré, n entraînant en rien la chute de la Révolution iranienne, ces derniers 25 ans. A l inverse, une nouvelle stratégie viserait à reconnaître aux Iraniens leur capacité à décider de leur sort et à chercher l intégration politique de l Iran dans une communauté internationale à travers notamment un partenariat économique avec l Iran. - Enfin, l Europe doit adopter une posture nouvelle et s emparer de l initiative diplomatique. Car le lien transatlantique ne peut être fondé sur une dépendance de l Europe vis-à-vis des Etats-Unis, mais bien sur un partenariat où les Européens affirment leur identité. La perspective quoique utopique actuellement- de trois ministres européens forts d une position d arbitre entre la position sino-russe et américaine pourrait amener la diplomatie européenne à la pointe d une stratégie nouvelle. 2

Nader Barzin L actuelle crise du nucléaire iranien qui cristallise nombre de tensions internationales, mérite que l on revienne sur les origines du développement du nucléaire iranien. En 1953, le président des Etats-Unis Eisenhower lance son premier programme «Atomes pour la paix». Peu de temps après, la CIA prête main-forte au coup d Etat qui porte au pouvoir, après des élections démocratiques, le Dr Mossadegh. Celui-ci décide alors de nationaliser le pétrole, ce qui vaut deux années de sanctions à Iran de la part des Etats-Unis. Le second coup d Etat qui rétablit le Shah au pouvoir renverse la situation et permet, à l Angleterre et aux Etats-Unis, principalement, d engranger de substantiels bénéfices sur le pétrole et la vente d armes. Le Shah, est alors considéré comme le principal bouclier contre les communistes d Afghanistan. Dans ce contexte, l Iran décide de la création d un réacteur nucléaire qui ne deviendra opérationnel qu en 1967 et signe, l année suivante, le Traité de non-prolifération (TNP) qui promeut les usages pacifiques du nucléaire. D emblée, les questions du nucléaire iranien et du pétrole seront irrémédiablement liées. Ce constat se vérifie, dès 1973, deux ans après les accords de Téhéran, lorsque le Shah, contre l assentiment des Etats-Unis de Kissinger, procède à une seconde nationalisation du pétrole. Dans un contexte de flambée des prix provoquée par la crise pétrolière de 1973, de fragilisation du pouvoir du Shah, mais aussi de celui des premiers essais nucléaires indiens, le nucléaire est véritablement lancé avec l aide des Français et des Allemands qui complètent le réacteur. Ainsi, à la veille de la Révolution, l Iran dispose de deux réacteurs dotés de capacités de production importantes. Si la Révolution islamique et son gouvernement apparaissent dans un premier temps comme le régime le plus opposé au communisme, il est très vite ébranlé par l invasion de Saddam Hussein et la guerre Iran/Irak qui lui coûte 1 million de morts. L invasion soviétique de l Afghanistan relance, cependant, la donne nucléaire mondiale : les Etats-Unis offrent 5 années d exemption pour développer le nucléaire pakistanais, ouvrant ainsi durablement la voie à l actuelle prolifération nucléaire. Toutefois, avec la fin de la Guerre froide et l arrivée de Bill Clinton au pouvoir, les stratégies se redessinent : l ex-urss considérablement affaiblie et la Chine sortent de leur isolement et l Iran passe un accord avec la première pour réparer un réacteur bombardé par l Irak. Les années 2001-2002 marquent un nouveau tournant quand le président Georges W.Bush lance sa croisade contre «l axe du Mal» et les «Etats-voyous». Tandis que la Corée du Nord annonce un programme d enrichissement secret et la mise au point d une bombe, sans soulever de réactions particulièrement vives, l Iran informe la communauté internationale qu il possède 2 sites pilotes, 1000 centrifugeuses et 164 sites opérationnels. Dans ce contexte, la politique d ouverture de Khatami, à fois en politique intérieure et extérieure, aidant les Etats-Unis lors de l invasion en Afghanistan et en Irak, sans pour autant obtenir de véritables contreparties américaines, discrédite l ensemble de son action et porte au pouvoir un acteur beaucoup plus dur, choisissant le conflit comme principale stratégie. Aujourd hui une double possibilité reste ouverte devant le cas Ahmadinejad : l attaque ou la sanction. 3

2) Débat Le débat a tourné autour de quatre points principaux : 1- L Iran, une menace pour les Etats-Unis et Israël? Selon Hervé de Charette, les marges d action du gouvernement américain face à l Iran sont à la fois fortes et faibles : s il est vrai que les Américains possèdent une force de frappe et de destruction notamment nucléaire- incontestable, ils ne s en trouvent pas moins, sur le plan diplomatique, paralysés sans une résolution des Nations Unies. Leur marge d action reste limitée par la Chine et la Russie. Enfin, le gouvernement Bush traverse une passe politique difficile à l intérieur de son propre pays. Se lancer dans une aventure iranienne pourrait certes constituer une porte de sortie de la crise, mais cette solution semble peu envisageable. Aucun des deux invités ne répond directement à la question concernant Israël, le débat en reste donc essentiellement à des questions de principe et de droit moral. Hervé de Charette considère que l absence de règlement du conflit israélo-palestinien est à l origine d une grande partie des difficultés géopolitiques actuelles, et le voit comme le problème clé de l espace Inde-Méditerranée. Selon lui, la paralysie européenne d une part, et l unilatéralité de l engagement américain d autre part, interdisent une véritable solution au problème et aggravent la situation. Selon Nader Barzin, la question du nucléaire dans cette région demeure une question d équilibre. Il rappelle qu Israël possède 200 armes nucléaires et des sous-marins qui peuvent atteindre l Iran. Il rappelle également qu il faut éviter d humilier un pays, déjà frappé par l embargo et menacé d une attaque forte. La politique à l égard de l Iran devrait davantage pousser celui-ci à développer son industrie nucléaire civile. Car contrairement à l opinion générale, le nucléaire militaire peut rationaliser une situation passionnelle et l assagir. L Iran aspire, à l instar de la Chine, elle aussi marquée par une longue expérience d enfermement et d isolement, jugée appauvrissante en terme de pouvoir, de développement et d influence, à occuper un rôle sérieux sur la scène internationale. Par ailleurs, Nader Barzin propose de ne pas appréhender dans sa littéralité le discours actuel de l Iran. Par exemple, le discours anti-israélien du président Ahmadinejad viserait paradoxalement à aider l'iran à être reconnu comme acteur géopolitique à part entière en déclenchant une crise -point de vue qu'il inscrit dans le cadre de la théorie des jeux-. Le revers de la médaille est que l image de l Iran en sort fortement écornée dans l opinion publique. Cette lecture des propos du président iranien provoque des réactions assez vives de certains participants. Cependant, Hervé de Charette rappelle que la double structure du pouvoir en Iran reste un obstacle préoccupant, mettant en action un système apparemment démocratique, scandé par des élections, mais demeurant sous tutelle d un pouvoir religieux permanent, étanche à tout renouvellement électif. 2- Quelle pourrait être l attitude des diplomaties européennes et extra européennes face à l Iran? Selon Hervé de Charette, trois grandes diplomaties dominent la scène mondiale : la diplomatie américaine, la diplomatie française et la diplomatie britannique. Cette dernière diffère peu des autres stratégies européennes ; si elle possède son originalité propre, elle se rangera toujours, in fine, du côté américain. En France, la diplomatie actuelle ne se trouve guère dans une phase heureuse, desservie par la fatigue d un pouvoir usé, tant à l intérieur 4

qu à l extérieur, ainsi que par l attitude provocatrice de la France lors de la guerre en Irak qui a provoqué l ire des Américains. Ces derniers veillent depuis à écarter l hexagone de tout jeu diplomatique. Cette période délicate prendra fin sans doute en 2007/ 2008 quand seront renouvelées, lors des prochaines élections, les gouvernances françaises et américaines. Puissances montantes, la Chine et la Russie jouent un rôle stratégique en Iran. Les Russes ont longtemps cherché à jouer un rôle important quoique ambigu dans cet espace stratégique, alternant des phases d hostilité et de partenariat depuis au moins l époque des Tsars, qui été aimantés par un tropisme méridional, les portant vers les confins caucasiens. Plus récemment, prime surtout chez eux une politique de contre-pied de la politique américaine. Comme la Russie, la Chine tente, de limiter le pouvoir des Etats-Unis dans la région et s efforce de se ménager une place. A titre d exemple, l augmentation de 15 dollars du prix du baril pourrait faire baisser de 1% le PNB chinois, car la Chine, à la recherche d approvisionnements énergétiques sûrs et durables, possède 50% de participation dans le pétrole iranien. Quant à la diplomatie européenne, elle reste encore sinon un vœu pieux, du moins un projet difficile à réaliser devant la faiblesse des stratégies et la division des camps.. 3- L Iran et le terrorisme L Iran finance le terrorisme et constitue un soutien important au Hezbollah. Certains des participants, et même Hervé de Charette, considèrent qu il s agit là d un point inquiétant. Toutefois, l expérience personnelle d Hervé de Charette lui donne à penser que l Iran a pu faire preuve de "sérieux" à certaines occasions, ce qui pourrait donc laisser éventuellement ouverte la possibilité d'une négociation sur ce thème. 4- Enjeux pétroliers et nucléaire Dans un contexte d appauvrissement des énergies pétrolières, le nucléaire, en tant qu énergie de substitution, fait doublement émerger la question des risques sécuritaires dans un contexte économique globalisé. Si le nucléaire civil se développe, il va de soi que les arrangements internationaux devront se multiplier. La Russie a d ailleurs, dans cette perspective, proposé à l Iran un développement de sa production de nucléaire civil en Russie et sous contrôle européen, une proposition rejetée par l Iran, soucieuse de préserver son indépendance. La banalisation du nucléaire tant civil que militaire supposera de contrôler les risques (de type Tchernobyl) et d internationaliser les contrôles par le truchement de l AIEA (Agence Internationale de l Energie Atomique) et du TNP. 5