L évolution de l écriture à travers les archives de l Yonne



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Transcription:

Archives départementales de l Yonne Service éducatif Classe de seconde : Enseignement d exploration «Littérature et société» Chapitre «De la tablette d argile à l écran numérique : l aventure du livre et de l écrit» L évolution de l écriture à travers les archives de l Yonne La boite à outils Dossier documentaire réalisé par Annie BELLU professeur du service éducatif 2013

Documents proposés Document n 1 Parchemin non recoupé(1623), arch. dép. Yonne, H 145 Document n 2 Un exemple de filigrane, arch. dép. Yonne, E-dépôt 1 Document n 3 Feuilles de papier chiffon dégradées (1674), arch. dép. Yonne, 4 E 208/E 1 1 Cette «boîte à outils» propose une chronologie, un lexique, des explications sur la fabrication du parchemin et sur celle du papier, ainsi qu une bibliographie indicative.

Chronologie -3300 Tablettes sumériennes en écriture pictographique à Uruk en Basse- Mésopotamie. C est le plus ancien témoignage d écriture connu. -3200 Hiéroglyphes égyptiens. -2800 Écriture cunéiforme. -1300 Alphabet phénicien de 22 consonnes. -800 Alphabet grec : invention des voyelles. -700 Alphabet étrusque, adapté de l alphabet grec. -400 Alphabet latin, adapté de l alphabet étrusque. -300 Dans le monde romain, apparition d inscriptions lapidaires en capitales. -100 Usage du volumen. 0 Invention du papier en Chine. 100 Apparition des écritures cursives communes latines. 200 L onciale se répand en Europe. IVe s. Usage du codex de parchemin 500 Premières inscriptions arabes. VIe s. Utilisation de la plume. 600 La révélation coranique entraîne la codification de l écriture arabe et sa diffusion en Orient et en Afrique du Nord. 800 En France, la «minuscule caroline» remplace les graphies antérieures et devient une référence. 1000 Écriture dite gothique. Les Turcs empruntent l alphabet arabe. 1300 En Italie, les humanistes redécouvrent la caroline et la inventent l'écriture humanistique (modèle des écritures modernes utilisant les caractères latins). XIVe s. Codex de papier. XVIIIe s. La plume métallique se répand. 1822 John Mitchell prend un brevet pour la fabrication de plumes d acier 1830 Joseph Gillot crée l industrie de la plume métallique 1860 Adoption de la plume métallique par les écoles françaises. Fin du XIXe s. Invention du stylo plume. Fin des années 1960 1949 Invention du stylo bille. Adoption du stylo bille dans les écoles françaises. 1985 Cédérom. 1995 Internet.

Lexique Alphabet (des lettres alpha et bêta, premières lettres de l'alphabet grec). Système de signes graphiques permettant par leurs différentes combinaisons de transcrire les sons d une langue. Ex : l alphabet latin. Alphabétisation Enseignement de l écriture et de la lecture à des personnes analphabètes. Calligraphie Toute écriture ou ensemble de signes tracés dans un but artistique selon un ductus savant et harmonieux. Codex : Livre composé de cahiers de parchemin ou de papier, par opposition au volumen ou rouleau. Cunéiforme (du latin cuneus, «clou» ou «coin»). En forme de clou ; se dit de l'écriture mésopotamienne, dont les traits tracés sur de l argile à l aide d un stylet à section triangulaire ont l'aspect d un clou. Cursive Se dit d une écriture dont le tracé rapide et spontané s effectue sans lever le crayon ou la plume entre les caractères d un mot. Les caractères sont ainsi reliés entre eux par des ligatures. Délié Partie maigre d une lettre tracée à la plume métallique (par opposition au plein). Ductus (du latin ductus, «conduit»). Manière de tracer les signes d une écriture. Écriture Représentation de la parole et de la pensée par des signes graphiques conventionnels ; système de signes graphiques, permettant cette représentation. Enluminure Art de décorer, d illustrer les manuscrits de lettrines et d initiales colorées et ornées, de miniatures et d encadrements ; décoration ainsi réalisée. Esperluette Signe typographique (&) utilisé comme abréviation de «et». Filigrane Dessin, visible par transparence, qu a imprimé dans la pâte à papier un ensemble de fils de métal entrelacés. Glose Note en marge d un manuscrit pour commenter ou éclaircir certains mots, certains passages. Idéogramme Signe symbolisant une idée, un concept. Illettré Qui ne sait ni lire ni écrire, ou seulement partiellement. Hampe Allongement vers le bas des tiges verticales. Haste Allongement vers le haut et courbure des tiges verticales. Hypertexte Fonction qui, dans un document informatique, permet de définir des renvois directs entre un élément (texte, image ) et d autres, situés ou non dans le même fichier. Idéogramme Signe symbolisant une idée, un concept.

Lettrine Grande lettre, parfois ornée, débutant le premier paragraphe d un chapitre. Ligature Trait reliant des lettres d un même mot entre elles. Manuscrit Ouvrage écrit à la main. Miniature Scène de petit format peinte sur un manuscrit et qui décore le texte. Monogramme Composition calligraphique formée de plusieurs lettres accolées ou entrelacées. Neume Signe servant à la notation du plain-chant entre le IXe et le XIIIe siècle. Palimpseste (du grec palin «en arrière» et psao «râcler»). Parchemin dont la première écriture a été grattée et effacée pour être remplacée par un nouveau texte (généralement par souci d économie). La première écriture transparaît souvent derrière celle qui la recouvre. Phonème Son d une langue. Pictogramme Signe représentant une chose ou un être. Plein Partie épaisse d une lettre tracée à la plume métallique par opposition au délié. Réglure Opération consistant à tracer des lignes droites parallèles, verticales et horizontales, sur une page afin de guider l écriture. Rotulus Rouleau où le texte est tracé perpendiculairement à l axe d enroulement en une seule colonne. Sceau Cachet officiel dont l empreinte est apposée sur un acte pour l authentifier ou le sceller. Scribe Spécialiste chargé d écrire à la main les actes officiels, sacrés, les livres, la correspondance, les comptes, etc. Vergeure Fil de cuivre ou de laiton attaché horizontalement sur le châssis où l on coule la pâte à papier ; chacune des petites raies laissées par ces fils, visibles par transparence, notamment dans le papier vergé. Volumen Rouleau où le texte est tracé parallèlement à l axe d enroulement.

1. Le parchemin Les procédés de fabrication C est du nom de la ville de Pergame (actuellement Bergama, en Turquie) que vient le français «parchemin». La matière première est la peau d animal. La qualité du parchemin fini dépend de l espèce de l animal dont la peau a été utilisée pour le fabriquer. Celle de très jeunes veaux, ou de veaux morts-nés, permet d obtenir du «vélin», variété supérieure de parchemin ; au Moyen Âge, les parcheminiers travaillent le plus souvent des peaux de mouton. L âge et la santé de la bête, ou encore les blessures qu elle a reçue, jouent un rôle dans le résultat final. La peau est trempée dans un bain de chaux, ce qui facilite l élimination des poils. Sur l autre face, elle peut conserver des traces de chair ou de graisse que l on gratte soigneusement avec un instrument métallique. Ensuite, elle est tendue sur un cadre pour sécher. Cette préparation terminée, le parchemin présente une différence de couleur et de texture, entre le «côté poil» (dit «côté fleur») et le «côté chair». Les parcheminiers peuvent continuer le travail par un ponçage minutieux ou un ajout de craie sur la surface, jusqu à ce que les deux côtés aient la même apparence. Document n 1 : Parchemin non recoupé Ce plan de la censive de l abbaye Sainte- Colombe à Sens a été dessiné sur une peau non recoupée ; il suit les contours qu elle impose. Signé Dapremont et Cortel, peintres à Sens, il mesure 0,74 0,95 cm. Plan de la censive de l abbaye Sainte- Colombe à Sens (1623), arch. dép. Yonne, H 145.

Pour fabriquer le codex, la peau était pliée une fois, ou deux, ou trois selon les dimensions que le copiste souhaite donner à la page. Ce procédé met en vis-à-vis des côtés de même nature («chair contre chair» et «poil contre poil»), ce qui joue sur l harmonie de lecture du livre ouvert. 2. Le papier La fabrication manuelle du papier La fabrication du papier débute en France au XIVe s. La matière première était alors la «chiffe», c est-à-dire des chiffons de lin et de chanvre (ou plus rarement de coton, ce matériau ne devenant d un usage courant qu au XVIIIe s.). Les chiffons étaient collectés dans les centres urbains par des ramasseurs constitués en réseaux : les chiffonniers. Ils triaient les chiffons avec lesquels ils constituaient des balles acheminées jusqu aux moulins à papier. Une fois lavés, les chiffons étaient débarrassés de leurs boutons et agrafes, découpés en lanières égales, puis triés selon leur qualité (fin, moyen, grossier) et leur couleur (blanc ou noir). C était le travail des femmes. On mettait ensuite les chiffons à tremper et à fermenter dans l eau du «pourrissoir», durant deux à six semaines. On les découpait ensuite finement au «dérompoir». Placés dans des «piles» remplies d eau où battaient des maillets tranchants, ils étaient déchiquetés pendant six à douze heures. La pâte obtenue était raffinée pendant douze à vingt-quatre heures. On la plaçait alors dans une cuve constamment chauffée pour être maintenue à température tiède. Pour être mise en feuilles, elle était déposée sur un châssis rectangulaire en bois, sorte de tamis fait de fils : les vergeures (dans le sens de la longueur, très rapprochées) et les pontuseaux (dans le sens de la largeur, plus espacés). Souvent ce treillage comportait un fil de laiton fixé à la trame, qui représentait soit une ou plusieurs lettres, soit un dessin (écu, couronne, grappe de raisin ) : c est le filigrane. Son empreinte inscrite dans la pâte s aperçoit par transparence dans la texture du papier. C est la marque du fabricant : elle pouvait indiquer le nom du moulin, celui du papetier, ses initiales, la région ou la date de fabrication. Document n 2 : un exemple de filigrane Cette feuille a pour filigrane les initiales A. et L. et un blason figurant un lion. Elle provient des archives de la commune d Accolay. Feuille manuscrite, Arch. dép. Yonne, E-dépôt 1.

Les ouvriers papetiers travaillent par équipe de deux. Le premier était l ouvrier «plongeur» ou «ouvreur».pour commencer, il plaçait sur la forme la «couverte», cadre de bois mobile à bords débordants qui marquait les bords et déterminait l épaisseur de la feuille en permettant de doser la quantité de pâte à étendre sur la forme. Il trempait ainsi la forme dans la cuve et la ressortait couverte de pâte. Pour répartir celle-ci également sur toute la surface, il secouait horizontalement la forme dans un mouvement de va-et-vient comme pour tamiser. L eau s écoulait à travers la forme et les fibrilles de la cellulose contenue dans les fibres textiles commençaient à s enchevêtrer. Enfin, il enlevait la couverte et tendait la forme au second ouvrier. Le «coucheur» renversait la forme pour déposer la feuille sur un feutre destiné à la séparer de la feuille précédente. La pile de feuilles et de feutres était placée sous une presse à vis pour éliminer l excédent d eau. Cela permettait aux fibrilles de s enchevêtrer plus étroitement. Après égouttage, les feuilles étaient séparées des feutres, puis, encore humides, pressées de nouveau avant d être mises à sécher sur des cordes dans les étendoirs. Cette opération délicate, à cause de la fragilité des feuilles humides, était confiée aux femmes. Le collage permettait à la feuille de recevoir de l encre d écriture sans «boire» l eau contenue dans celle-ci. La colle d abord utilisée était de la colle de peau ou de la colle animale (gélatine) ; elle fut ensuite remplacée par de la colle végétale (amidon). Les feuilles étaient plongées dans un bain chaud de colle. Pour enlever l excédent de colle, elles étaient mises sous presse, avant d être étendues pour sécher. Les femmes assuraient aussi la dernière opération, qui consistait à lisser la feuille. Il fallait passer sur les feuilles un grattoir pour faire disparaître les aspérités ou les polir avec un morceau de bois ou une pierre dure qui égalisait le grain du papier. Au cours de cette opération, on éliminait les feuilles défectueuses ; les bonnes étaient triées en fonction de leur qualité. Ce mode de fabrication explique les bords irréguliers des feuilles. Si l on regarde par transparence une feuille de papier, on s aperçoit qu elle garde l empreinte des vergeures (d où l'appellation «vergé»), des pontuseaux et du filigrane. On constituait des paquets de cinq cents feuilles, les «rames», qui étaient l unité de vente. C est encore le terme employé actuellement. Les feuilles étaient rectangulaires. Leurs dimensions étaient imposées par la forme (d où le nom format). Elles correspondent à ce qu un homme pouvait facilement manier. La fabrication de papier nécessitait la proximité d une chute d eau pour actionner la roue du moulin, et la présence d une eau claire pour préparer la pâte. Les plus anciens moulins à papier français sont apparus à Troyes, en Champagne, en 1348 et à Ambert, en Auvergne, en 1396. Aujourd hui, la fabrication papetière artisanale se poursuit en Auvergne, région qui fut longtemps la première de France par le nombre de ses fabriques, en Aquitaine, en Provence et en Bretagne. Ce papier est sensible aux dégradations dues à l humidité, la température, la lumière (agents physiques), la pollution atmosphérique (agents chimiques), aux agents biologiques (microorganismes : bactéries et champignons, insectes, rongeurs). Enfin il peut être altéré par une catastrophe naturelle ou par l action humaine.

Document n 3 : Papier chiffon dégradé Ces feuilles du registre paroissial de Jouancy portent des marques de dégradation. Elles ont été tachées par l'humidité et grignotées par des rongeurs. Registre paroissial de Jouancy (1674), arch. dép. Yonne, 4 E 208/ E 1-1 Le papier industriel Le développement de l imprimerie fait que la production de papier chiffon devient insuffisante pour subvenir aux besoins. Il faut trouver une matière fibreuse de remplacement. À partir du XVIIIe siècle, différents essais ont lieu à partir de fibres végétales :paille, écorce de tilleul, etc Le bois s impose toutefois très vite. Les espèces à papier sont diverses (pins, sapins, épicéas, peupliers, etc.), mais on ne se sert que des parties de l arbre inutilisables en menuiserie.

À partir de 1850, on incorpore dans la pâte de chiffon des quantités de plus en plus importantes de fibres de bois. Vers 1880, le papier est fabriqué à partir du seul bois : c est la pâte mécanique. La pâte mécanique est obtenue par frottement des rondins de bois sur une meule en présence d eau, ou par défibrage des copeaux entre deux disques broyeurs. La chaleur dégagée ramollit la lignine qui cimente les fibres entre elles. Cette pâte contient tous les éléments du bois, donc son rendement est très élevé (supérieur à 90 %), ce qui explique son faible coût : on l utilise surtout dans la fabrication de papier journal et dans l édition bon marché. La pâte chimique est obtenue en dissolvant la lignine à l aide de réactifs chimiques, pour récupérer des fibres constituées de cellulose. Ce traitement s effectue à température et pression élevées. D un rendement relativement plus faible (de 45 à 55 %), elle coûte plus cher : on la réserve au papier d édition et d écriture. L encollage est toujours indispensable pour empêcher le papier de trop absorber l encre. La méthode à la gélatine est remplacée au début du XIXe siècle par l encollage à la colophane, moins coûteuse et plus facile. Elle se généralise à partir de 1826. L encollage se réalise en introduisant de la résine directement dans la pâte à papier. Actuellement, la résine de pin est remplacée par des résines synthétiques. Aujourd hui, le papier recyclé représente la part la plus importante de papier fabriqué. Cela est dû à un souci environnemental et à des progrès techniques. Ce papier est de composition inconnue et non constante ; contenant une proportion importante de pâte mécanique, ses fibres ont été plusieurs fois raffinées, dispersées, mélangées à des adjuvants et séchées à haute température : leur résistance est moindre, et ce papier vieillit moins bien ce qui pose des soucis pour l archivage. Les causes de dégradation du papier fabriqué industriellement sont les mêmes que pour le papier chiffon ; s y ajoute toutefois la dégradation chimique due aux procédés de fabrication utilisés. Ces dégradations ont entraîné la création du papier permanent. La première norme internationale ISO 9706 a été publiée par l International Organization for Standardization (Organisation internationale de normalisation, désignée par l abréviation ISO) en mars 1994. Elle fixe «les prescriptions pour qu un papier destiné à l établissement de documents soit permanent», c est-à-dire qu il reste chimiquement et physiquement stable pendant une longue période. C est le papier que doivent notamment utiliser les communes pour imprimer les délibérations des conseils municipaux.

Object 3 Classe de seconde. L évolution de l écriture à travers les archives départementales de l Yonne L a boite à outils Bibliographie L écriture dans tous ses états, brochure n 20 du service éducatif des Archives départementales de l Yonne, 1998. Clerc (Anne-Bénédicte), Cros (Céline), Les signes de marque, Intervention pour le forum du patrimoine, Auxerre, 2007. André (Béatrice), L Invention de l écriture, Paris : Nathan, 1986, coll. «Poche Nathan». Calvet (Louis-Jean), Histoire de l écriture, Paris : Plon, 1996. L Aventure des écritures. Matières et formes, Breton-Gravereau (Simone), Thibault (Danièle) dir., Paris : Bibliothèque nationale de France, 1998. Histoire de l écriture : de l idéogramme au multimédia, Christin (Anne-Marie), dir., Paris : Flammarion, 2001, 405 p. Jean (Georges), L écriture, mémoire des hommes, Paris : Gallimard, 1987, coll. «Décourvertes». Gasparri (F.), Introduction à l histoire de l écriture, Tournai : Brepols, 1994. Giry (A.), Manuel de diplomatique, Paris : Hachette, 1894. Hasenohr (G.), «Le manuscrit médiéval», Grand Atlas des littératures, Encyclopaedia universalis, 1980. Higounet (Charles), L Écriture, Paris : PUF, 1993, coll. «Que sais-je?» n 653, 127 p. L Aventure des écritures : la page, Zali (Anne), Trunel (Lucile) dir., Paris : Bibliothèque nationale de France, 1999. Mediavilla (Cl.), Histoire de la calligraphie française, Paris : Albin Michel, 2006. L'ABCdaire des écritures, Paris : Flammarion/Bibliothèque nationale de France, 2000. Le Grand Atlas des littératures, Paris, Encyclopaedia Universalis, 1990. http://classes.bnf.fr/ http://www.musee-ecole-charente.com http://www.museedeslettres.fr Pour aller plus loin On peut compléter le travail par des visites de musées comme Le musée de l'abbaye de Saint-Germain d Auxerre et son scriptorium Le musée des Lettres et Manuscrits de Paris Le Scriptorial d'avranches, musée des manuscrits du Mont-Saint-Michel.