ARCHÉOLOGIE EN NORD - PAS-DE-CALAIS SAINS-EN-GOHELLE, RUE LAMARTINE, NÉCROPOLE ET CIMETIÈRE DU MOYEN-ÂGE - 1000 ANS D INHUMATIONS



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L ÉTAT ET LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE Le Ministère de la Culture, en application du livre V du Code du Patrimoine, a pour mission d inventorier, protéger et étudier le patrimoine archéologique, de programmer, contrôler et évaluer la recherche scientifique tant dans le domaine de l'archéologie préventive que dans celui de la recherche programmée. Il assure également la diffusion des résultats. La mise en œuvre de ces missions est confiée aux Directions régionales des affaires Culturelles (Services régionaux de l Archéologie). ARCHÉOSPHÈRE Créée en septembre 005, Archéosphère est une société agréée par le Ministère de la Culture pour la réalisation de fouilles préventives dans le domaine de l anthropologie funéraire et pour le Paléolithique. La société a réalisé une vingtaine d opérations archéologiques (nécropoles et cimetières de la protohistoire à l époque moderne) sur l ensemble du territoire national. La société réalise également des inventaires de mobilier archéologique pour le compte des services régionaux d archéologie, et participe à la recherche en organisant des fouilles archéologiques programmées et en collaborant à des programmes scientifiques. Biblio : Demolon et alii 006 : P. Demolon, J. Blondiaux, E. Compagnon, M. Dhenin, E. Louis, H. Masurel, V. Prévost, La nécropole mérovingienne de Hordain (nord), VI e -IX e siècles après J.-C., Archeologica Duacensis, Douai 006. Catteddu et alii, 009 : I. Catteddu, F. Gentili, Fl. Carré, Exemples d édifices religieux ruraux dans les campagnes altomédiévales de la moitié nord de la France. Les églises rurales mérovingiennes et carolingiennes de Saleux (Picardie), de Serris (Ile-de-France) et Tournedos (Haute Normandie) in : Paris- Poulain et alii, 009. D. Paris-Poulain, D. Istria et S. Nardi Combescure, Les premiers temps chrétiens dans le territoire de la France actuelle. Hagiographie, épigraphie et archéologie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 009, 5p. ARCHÉOLOGIE EN NORD-PAS-DE-CALAIS Publication de la DRAC Nord-Pas-de-Calais Service régional de l Archéologie Ferme Saint-Sauveur Avenue du Bois 59650 Villeneuve d Ascq. Coordination : Karine Delfolie (SRA). Collaborateur : Philippe Hannois (SRA). Auteur : Cédric Beauval (Archeosphere). Crédits photographiques ARCHÉOSPHÈRE sauf plan p. : (ARCHÉOPOLE) et photos p.3 (ARCHÉOPOLE). (Société coopérative de production, opérateur d'archéologie préventive agréé). Vue d ensemble de la chapelle p.9 : cliché de Bernard-Noël Chagny. Fermoir p.0 : Dessin de Mickael Brunet. Photo de couverture : Cliché de Bernard-Noël Chagny. Réalisation : Agence Linéal : 03 0 4 40 76 ISSN 765-8X Dépôt légal : Septembre 0. Diffusé gratuitement par le SRA sur demande écrite dans la limite des stocks disponibles. 7 0 ARCHÉOLOGIE EN NORD PAS-DE-CALAIS ARCHÉOLOGIE EN NORD - PAS-DE-CALAIS SAINS-EN-GOHELLE, RUE LAMARTINE, NÉCROPOLE ET CIMETIÈRE DU MOYEN-ÂGE - 000 ANS D INHUMATIONS

Sains en Gohelle LE SITE. Plan général.. Carte de la région. 3. Plan cadastral napoléonien, limite de la zone fouillée. 4. Fouille d une sépulture. 3 LE PASSÉ MÉDIÉVAL RÉAPPARAÎT Alors que les travaux de l autoroute A6, située à 700 m à l est, avaient fait resurgir des vestiges protohistoriques, l aménagement du lotissement «Chemin de campagne» au nord est de la commune a permis de découvrir un vaste ensemble médiéval. Ce site est caractérisé par des bâtiments, des structures d ensilage et d artisanat de la fin du haut Moyen-Âge, ainsi que par une aire funéraire ayant fonctionné durant un millénaire, du VII e au XVII e siècle. Au VIII e ou IX e siècle, un premier édifice en bois s implante au milieu de la zone funéraire. Ce bâtiment est transformé et agrandi à la fin du X e ou au début du XI e siècle. Cette nouvelle église en pierre perdure jusqu au XVIII e siècle puis tombe en ruine. Cet ensemble archéologique majeur, connu sur plus de,5 hectare a été diagnostiqué par Jennifer Lantoine (Inrap), puis fouillé par Hélène Assémat (SCOP-SARL Archéopole) et Cédric Beauval (SARL Archéosphère) de 007 à 009. 4 Le site s articule autour d un axe de communication qui le traverse du sud-est au nord-ouest (voie Béthune- Arras). De part et d autres, des secteurs dédiés à l élevage, au pacage, à l artisanat, au stockage, au monde des morts et peutêtre à l habitat ont été observés. Avec le développement de l occupation, cette voie est élargie et recouvre les premières structures artisanales. Un réseau fossoyé borde ce chemin et encercle les zones de pacage et d élevage. Ce dernier secteur se caractérise par une bergerie, certaines structures internes rappelant des barrières de contention. L élevage des ovins est prépondérant et semble s orienter vers la production et le commerce de viande et de laine. Il s accompagne de l exploitation du porc, du bœuf, et d oiseaux de basse-cour. Cette société agropastorale pratique également la chasse (cerf, lièvre) et la pêche. Les silos, de taille et de forme variées, renfermaient essentiellement des céréales telles que le blé, l orge, le seigle ou l avoine. Des pois, lentilles, féveroles, sont aussi présents. Toutefois, ces graines ne résultent pas d un stockage massif mais reflètent les pratiques agricoles voisines. Une zone située en vis-à-vis, presque totalement dépourvue de structures, est interprétée comme un secteur de pacage. La zone artisanale a livré cinq fonds de cabanes semblables à celles des tisserands. Un four à pain d une surface de chauffe de 4 m, peut-être destiné à un usage collectif a été mis au jour. Dans la partie proche du chemin, la nécropole est bordée au nord et au sud par une série de silos et de fosses. Les quelques recoupements entre structures démontrent que les limites entre l aire funéraire et l aire de stockage ont fluctué.. Vue des ornières du chemin central.. Série de fosses silos associées au four domestique. (Photos Archéopole).

. Tombe baignoire du haut Moyen-Âge.. Fouille d un squelette. DE LA NÉCROPOLE DU HAUT MOYEN-ÂGE AU CIMETIÈRE La nécropole, localisée dans l angle sud-est de la zone fouillée, est connue sur environ 900 m. Plus de 500 sépultures ont été étudiées livrant environ 400 squelettes plus ou moins complets. Ce secteur, qui ne correspond probablement qu à la moitié voire au tiers de la superficie totale de l aire funéraire, a fonctionné durant près d un millénaire. La nécropole a été implantée au VII e siècle. Elle est donc plus ancienne que les aires agricole, artisanale et domestique découvertes. Les premières sépultures correspondent à de grandes tombes rectangulaires, creusées profondément dans le substrat crayeux. Elles sont alignées en rangées et les défunts sont inhumés sur le dos, jambes et bras en extension. À de rares exceptions, aucun dépôt mobilier ou offrande n accompagne le mort. L attrait pour cet espace est important car dès le VIII e siècle, les premiers cas de recoupements sont observés. Au VIII e ou au IX e siècle, un premier édifice funéraire construit en bois est implanté au sud de la parcelle. Il n a laissé que peu d indices résumés à quelques trous de poteaux. Dès lors, une nouvelle gestion de l aire funéraire se met en place. Les tombes se concentrent autour de l édifice et s orientent suivant son orientation. Ainsi, la partie la plus occidentale de cet espace est abandonnée et un fossé, accompagné peut-être d une palissade, est creusé pour marquer les limites du nouveau cimetière. Au cours du X e et du XI e siècle, cette église primitive est transformée. Un chœur en pierre est construit dans la partie orientale, puis une nouvelle nef maçonnée, plus grande, y est adossée pour remplacer la construction en bois. Le creusement de la nouvelle chapelle entaille de nombreuses fosses, provoquant une collecte d ossements réinhumés au sein d un ossuaire au centre de la nef. La grande quantité d ossements le composant témoigne de l attraction du premier édifice cultuel. Cet attrait est sans commune mesure avec celui de la nouvelle église. Pendant deux siècles, plusieurs centaines de personnes seront enterrées dans et autour de l édifice. Au XIII e siècle, de très jeunes enfants, âgés de moins de an, sont inhumés en grand nombre le long des murs de la nef. Ce comportement est probablement à mettre en relation avec le développement du répit qui permet de baptiser de très jeunes enfants afin qu ils puissent trouver une place dans l espace sacré du cimetière. À partir du XIV e siècle, l inhumation en cercueil, puis en linceul, devient majoritaire. Cette période marque également l amorce d un déclin dans le nombre d inhumations qui aboutira, au tout début du XVIII e siècle, à l abandon du cimetière.. Succession de sépultures sur différents niveaux.. Fouille d un ossuaire dans la chapelle.

m 0.5 m Etat : Eglise en bois et squelettes associés 0.5 Etat : Choeur en craie et squelettes associés Etat 3 : Eglise maçonnée et squelettes associés 3 Autres squelettes Silo Ossuaire 4 L ÉGLISE CIMETÉRIALE. Plan du site.. Tête de la chapelle. 3. Abside MR 40 (0700). Le premier édifice construit remonte au VIII e ou IX e siècle. Il s agit d un bâtiment sur poteaux, rectangulaire, mesurant au moins 6 m de longueur pour une largeur de 4,5 m. Les vestiges de cette construction sont peu nombreux car les inhumations successives dans ce secteur ont détruit la plupart des vestiges. Trois trous de poteaux indiquent l axe du bâtiment tandis qu un quatrième, fortement perturbé, renseigne sur sa largeur. Ces creusements ont provoqué le remaniement de tombes et la troncature de certains squelettes ce qui démontre que l aire funéraire était déjà densément occupée. La présence de deux trous de poteaux à l est, plus petits mais très réguliers, pourrait indiquer l existence d une abside remplacée par une construction maçonnée avant la fin du IX e siècle. Lors de cette construction, les poteaux en bois du chevet précédent ont été ôtés et des crânes furent déposés dans leurs fosses de fondation. Ce nouveau chœur mesure environ 5,5 m de côté et s implante dans le prolongement de l église en bois. Ses fondations en craie damée se développent sur 0,85 m de profondeur. Au X e ou au début du XI e siècle, l ensemble du bâtiment subit des modifications. Le chœur est renforcé par deux piliers, son orientation est modifiée de quelques degrés, et les angles sud-est et nord-est sont tronqués. Une nef maçonnée est construite à l emplacement de l église en bois et vient s adosser au chœur existant. Les tranchées de fondation de cette nouvelle nef sont aussi profondes que celles du chœur. Enfin, à l est, une abside centrale est bâtie dans l axe de la nef. L évolution de l architecture de cette église rurale est comparable à ce qui a été observé à Saleux (Picardie) et Tournedos-sur- Seine/Portejoie (Normandie) [Catteddu et alii, 009]. Seuls trois individus ont été inhumés dans le chœur entre sa construction et la fin de fonctionnement du cimetière. Le premier l a été peu après la construction du chœur en craie et le second juste après sa rénovation. Le dernier a été déposé plus de trois siècles plus tard. La faible occupation de cette partie de l église indique qu un obstacle, peut-être la présence d un autel, empêchait les inhumations à cet emplacement. Cette église perdure jusqu au début du XVIII e siècle, date à laquelle elle est mentionnée comme «chapelle ruinée de Sains» sur les cartes. 4. Vue d ensemble de la chapelle. 5. Vue des sarcophages autour du chœur de l église. 5

3 LES CONTENANTS 3. Exemple de sépulture.. Sépulture avec coffrage en bois. 3. Exemple de fosse anthropomorphe, le défunt est déposé sur le dos, les mains sur le bassin ou l'abdomen. LES SÉPULTURES La fouille de l aire funéraire a livré plus de 500 tombes. Leurs caractéristiques ont changé au cours du millénaire d utilisation de cet espace funéraire au rythme de l évolution des pratiques funéraires et liturgiques. En fonction de l architecture, du contenant et des modes d inhumation, au moins cinq grandes catégories tendent à se succéder dans le temps : les grandes tombes rupestres, les tombes rupestres anthropomorphes, les coffrages en pierre, les cercueils et les linceuls. Grandes tombes rupestres Ce sont les plus anciennes tombes reconnues sur le site ; la plupart datent du VII e au X e siècle. Ces grandes fosses rupestres sont creusées sur plusieurs dizaines de centimètres (jusqu à 85 cm) dans le substrat. Leurs dimensions dépassent m de longueur pour 60 à 0 cm de largeur pour les plus anciennes ; les dernières tombes rupestres rectangulaires semblent en effet avoir des dimensions plus modestes. Au sein de ces fosses, les défunts étaient inhumés, les membres en extension, dans des coffrages en bois dont il ne subsiste que des empreintes et les éléments de calage. La mise à plat des côtes, caractéristique d une décomposition en espace vide, confirme l existence de ce type de contenant périssable. Les tombes anthropomorphes Construites entre le X e et le XIII e siècle, les fosses anthropomorphes sont celles dont le creusement épouse la forme du corps. Elles sont plus étroites au niveau de la tête et des pieds, mais ne possèdent pas systématiquement d alvéole céphalique. La majorité d entre d elles est creusée dans le substrat. Le contour anthropomorphe est décaissé sur une vingtaine de centimètres de profondeur. Au-dessus, le creusement est rectangulaire ou ovalaire, ce qui permet de dégager des banquettes sur lesquelles pourront s appuyer des couvercles en bois. Pour certaines tombes, le creusement est ajusté aux dimensions du défunt, ce qui laisse entendre un creusement «sur mesure» ; pour d autres, il est plus ample. Les coffrages en pierre Datés du X e au XIII e siècle, ces contenants ont été observés dans le sud-est du site, en périphérie du chevet. Sur dix-huit coffrages, huit présentaient encore leur couvercle. Leur présence pour quatre d entre eux était signalée en surface par de grandes dalles. Les couvercles sont constitués de blocs de craie taillés, rectangulaires ou triangulaires, accolés les uns aux autres. Un seul de ces couvercles était maçonné. Le coffrage en lui-même est composé de pierres disposées sur chant, jointes par un mortier, et dont la face interne au moins est taillée. Des logettes céphaliques y sont aménagées. Les cercueils L emploi de cercueil commence à la fin du XII e siècle. Il est caractérisé par la présence de traces de bois, souvent charbonneuses, ainsi que de clous. Ces contenants sont en général assez étroits et les défunts sont contraints par les parois pour la partie supérieure de leur corps. Les fosses qui les ont accueillis sont en général peu profondes. Les linceuls En l absence de conservation des tissus, l existence des linceuls est attestée par la découverte d épingles dans la fosse et/ou par la mise en évidence de contraintes causées par le suaire sur les parties anatomiques du défunt. Notons qu une agrafe à double crochet a probablement joué le même rôle que les épingles. C est dans ce type de contenant que la position des corps est la plus variable. L inhumation en linceul ne semble pas apparaître avant le XV e siècle. L homme au crâne fendu et. Inhumation avec coffrages en pierre avant et après ouvertures. 3. Epingles de linceul (dessins : Mickael Brunet). 4 et 5. Crâne fendu : sp 83. Un homme adulte inhumé dans un cercueil à m au nord du chevet présente un traumatisme remarquable. Son crâne a reçu un coup transversal par un objet tranchant ayant fendu les deux os pariétaux et provoqué une ouverture de cm de longueur pour,7 cm de largeur. Malgré ce coup, l homme âgé de 0 à 39 ans a survécu suffisamment longtemps pour que l os se remodèle. Cet individu présente également un orifice près de la suture sphénotemporale. L hypothèse d une perforation traumatique à cet endroit est écartée car elle aurait probablement entraîné la mort de l individu, il s agit plus probablement d un phénomène lié à une maladie kystique inflammatoire. 4 5

MOBILIERS 3. Vestiges d activités agricoles.. Fragment de peigne. 3. Fermoir. Le mobilier osseux, métallique, céramique, ou en verre est peu abondant, tant dans la partie funéraire que dans la zone de stockage ou d artisanat. Si l on trouve quelques objets de parure (fibule, boucle d oreille, bague, pendentif), quelques éléments d armement ou des vestiges des activités domestiques (clés, couteaux, meule, fragment de peigne), artisanales ou agricoles (lissoir, fers à cheval, harnachement, outils de tisserands), ainsi que des monnaies, ce sont surtout des épingles et des clous liés aux différents modes d inhumation qui ont été découverts. Les restes fauniques sont tous résiduels. Aucune pièce n a été intentionnellement déposée auprès d un défunt, ces restes ne nous renseignent donc en rien sur les pratiques funéraires. En revanche, on constate que ces vestiges apparaissent plus fréquemment dans le comblement des fosses anthropomorphes, contemporaines de l édification de l église et de l installation de l aire d habitat voisine. Les restes de moutons, de chèvres, de bœufs et de poules témoignent donc de l établissement d un groupe d éleveur au cours du X e siècle à proximité de l aire funéraire. La céramique, qui se présente essentiellement sous forme de tessons de pots à cuire, est aussi majoritairement d origine résiduelle. Un pot a pourtant été volontairement déposé dans une grande tombe rectangulaire datée du VII e ou VIII e siècle. Il s agit d un pot globulaire à fond lenticulaire et lèvre éversée. Il a été découvert à gauche de la tête du défunt, à l extérieur du coffrage en bois. Il renfermait des fragments de charbons. S il est impossible de tirer des conclusions de cette unique observation, nous pouvons émettre l hypothèse d un rite de fumigation comme cela a été proposé pour les cimetières du haut Moyen-Âge d Hordain ou de la rue d Arras à Douai (Demolon et al., 006). Les endotaphes Les endotaphes sont de petites tablettes de craie déposées dans la tombe et sur lesquelles sont gravées des inscriptions permettant d identifier le défunt. Trois tablettes de ce type ont été découvertes : deux dans le comblement de sépultures (et probablement en position secondaire) et une autre en position primaire dans l alvéole céphalique d une tombe anthropomorphe. Ces pièces mesurent une dizaine de centimètres de longueur et à 3 cm d épaisseur. Les inscriptions de deux tablettes permettent d identifier des prêtres [Sacerdos] nommés Fulbert et Rohbertus. La calligraphie laisse supposer que ces deux tablettes datent de la première partie de la période carolingienne. La dernière pièce est énigmatique. Contrairement aux deux autres cas, aucune date n est mentionnée et nous ne reconnaissons pas non plus la mention à un prêtre. Cette pièce est associée à un squelette qui a été daté entre 030 et 0 de notre ère ; cet objet pourrait cependant être plus ancien et avoir été recueilli dans une autre tombe.. Endotaphes (traduction inconnue).. Endotaphe du prêtre Rohbertus.