Séminaire sur le Renforcement de l Intégrité dans les Marchés Publics RÉFLEXIONS CRITIQUES SUR CERTAINES RÈGLES PROBLÉMATIQUES DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS Mustapha BOUBAYA UTICA Tunis, 13-14 février 2012
Ce sont des règles et des pratiques jugées inefficaces, et qui sont souvent entachées de non-transparence. Le manque de transparence est considérée, de notre part dans ce domaine, comme favorable à la corruption, sinon à la mauvaise gouvernance. Pour chaque insuffisance, on tentera de proposer des pistes de solution(s) ou de réflexion(s). 14/02/2012 2 Séminaire sur le Renforcement de l Intégrité dans les Marchés Publics
1 ère insuffisance : Les textes conçus et adoptés sans concertation avec les partenaires directement concernés. - Une vraie inflation juridique galopante : 8 modifications entre 2003 et 2009, dont 3 fois seulement en 2008. Soit une réforme tous les 10 mois en moyenne durant cette période. - Outre la récente réforme de mai 2011. Avec les difficultés d application de toute nouvelle règle. Piste de solution - réflexion : Mettre en place un cadre institutionnalisé pour une concertation élargie avant toute réforme. Les réformes réussies sont celles qui impliquent tous les partenaires concernés par leur application. 14/02/2012 3 Séminaire sur le Renforcement de l Intégrité dans les Marchés Publics
2 ème insuffisance : Les études préalables de définition ne sont quasiment pas utilisées. Pourtant ces études permettent : - de bien cadrer les besoins, - d économiser les dépenses inutiles, - et d éviter que les besoins soient dévoyés par des cahiers des charges orientés vers une entreprise ou une marque commerciale. Pistes de solution - réflexion : - Étendre les études de définition à tous les marchés publics, et pas uniquement aux marchés d études ; - Exiger ces études pour tout nouveau besoin et tout nouveau projet. 4
3 ème insuffisance : Le système des "cautions provisoire et définitive" est complexe à gérer pour les entreprises, et constitue une source d importants financiers. Et pas uniquement pour les entreprises d études. Pistes de solution - réflexion : Activer la mise en place de la Banque de Données des Entreprises, afin de répertorier toutes les entités économiques, par secteur, et mettre en ligne leur fiche d identité et leurs produits ; Envisager, quand toutes les entreprises sont en ligne, de supprimer la caution provisoire de soumission, notamment pour les entreprises d études, et se contenter de la retenue de garantie au lieu de la caution définitive. 5
4 ème insuffisance : En dehors des réponses écrites aux demandes d information, l étape préparatoire aux offres est caractérisée par une passivité regrettable. Piste de solution - réflexion : Instaurer une relation d échange avec les entreprises durant l étape de soumission, et faire en sorte que, dans tous les appels d offres non répétitifs, le dépôt des soumissions soit précédé d une conférence préalable avec les candidats intéressés par l AO. 6
5 ème insuffisance : La règle du "moins disant" est une cause de régression de la qualité des prestations dans un grand nombre de marchés publics, ainsi que d exclusion des offres économiques les plus avantages. Piste de solution - réflexion : On devrait réhabiliter la règle du "mieux-disant" pour la grande majorité des appels d offres, et réserver celle du "moins disant" aux commandes répétitives et non intellectuelles. 7
6 ème insuffisance : L expérience du dépouillement en 2 étapes, appliqué à tous les appels d offres, n était pas une réussite et son impact a alourdi la passation des marchés. Le processus s est trouvé allongé parfois de plusieurs mois. Piste de solution - réflexion : La réforme de mai 2011 a mis fin à cette expérience, mais elle a maintenu le délai d ouverture des plis (5 jours), qui est injustifié et considéré comme une source de suspicion. 8
7 ème insuffisance : L opacité des résultats du processus de sélection était une anomalie. Même l affichage se faisait rarement. Depuis le décret de mai 2011, une seule publication dans la Presse a été vue. Quand aux motifs d élimination, les gestionnaires publics ne sont pas encore disposés à les fournir aux soumissionnaires! Piste de solution - réflexion : Il est temps de publier l attribution des marchés dans le journal officiel ou dans la presse, pour que les citoyens et les opérateurs sachent les entreprises attributaires de la commande publique. Outre, bien sûr sur, la publication sur les sites web et par affichage. 9
8 ème insuffisance : L engagement sur l honneur de non corruption est un non-sens. C est un document sans effet sur les sanctions pénales. - Que vaut un engagement de n'avoir pas fait et de ne pas faire des promesses, des dons ou des présents en vue d influer la conclusion d un marché? Pistes de solution - réflexion : Outre ces actes, il faudrait considérer toute malversation pour obtenir un marché comme corruption : manœuvres «frauduleuses» : visant à dénaturer des situations ou à éviter de mentionner des informations pour influencer l attribution d un marché ; manœuvres «collusoires» : ententes ou arrangements entre soumissionnaires pour fixer des prix non réels ou déloyaux ; manœuvres «coercitives» : consistant à porter préjudice ou à proférer des menaces, directes ou indirectes, sur des personnes en vue d influencer le processus d attribution de marchés ou d affecter leurs conditions d exécution. 10
9 ème insuffisance : Les sanctions prononcées contre les fraudeurs et corrupteurs ne servent pas d exemple, parce que non portées à la connaissance de tous. Piste de solution - réflexion : Publier en ligne la liste des entreprises reconnues coupables de corruption, en indiquant leurs identités, leurs dirigeants, le motif de la sanction et la sanction elle-même. 11
10 ème insuffisance : Les commissions de marché (CM) sont d une lenteur excessive, et leurs avis peuvent être transgressés par l autorité politique qui prend une décision d attribution différente. Pistes de solution - réflexion : Rendre les décisions des CM opposables à la fois aux gestionnaires publics et aux autorités politiques. Assouplir les règles relatives aux CM pour alléger leur charge de travail et les rendre plus efficaces : les rapporteurs doivent être habilités à décider (après avis des présidents) les marchés à soumettre à la commission, et renvoyer les autres marchés aux gestionnaires pour qu ils les passent sous leur responsabilité. Ne plus soumettre les contentieux aux CM (elles sont "juge et partie"). 12
11 ème insuffisance : Le circuit de paiement des factures et celui du couple «réception-règlement définitifs» sont une anomalie et une vraie source de corruption. Pistes de solution - réflexion : Agir de façon draconienne sur les délais pour les ramener à 2 ou 3 semaines au maximum. Et 2 mois au maximum pour le règlement final. En cas de problème d exécution, le gestionnaire public doit utiliser uniquement les retenues de garantie. 13
12 ème insuffisance : Le contrôle a priori actuel retarde souvent, sans valeur ajoutée, la passation des marchés. Et on peut toujours contourner sa vigilance. En plus, il est sans effet sur la responsabilité du gestionnaire. Piste de solution - réflexion : Charger les contrôleurs d auditer a posteriori tous les marchés passés à partir d un seuil donné (c est plus dissuasif pour les 2 parties tentés par la corruption). 14
13 ème insuffisance : L énorme paperasses des marchés : un réel handicap en coûts de production et en délais de traitement. Piste de solution - réflexion : Mettre en place dès cette année la passation des marchés en ligne, pour : dématérialiser les documents, simplifier les formalités, réduire les coûts, instaurer des procédures transparentes et sûres. 15
14 ème insuffisance : Le caractère administratif appliqué aux marchés publics est source d importantes anomalies : contrat d adhésion, clauses contraignantes non négociables, omnipuissance de l acheteur public, déséquilibre économique du contrat. Anomalies auxquelles s ajoute le refus de l arbitrage (à cause du CCRA, organe jugé lent et partial). C est une situation anormale pour des contrats d achat et de vente. Piste de solution - réflexion : Étant des contrats d achat et de vente, les marchés publics doivent relever du régime commercial. À l instar des marchés internationaux financés par les bailleurs de fonds. C est là une réforme juste, qui va rééquilibrer les contrats de marché et faciliter le recours à l arbitrage commercial. 16
14/02/2012 17 Séminaire sur le Renforcement de l Intégrité dans les Marchés Publics