La naissance d un service public : l Inventaire forestier national (1960-1963)



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Transcription:

LIBRE EXPRESSION La naissance d un service public : l Inventaire forestier national (1960-1963) LE CADRE GÉNÉRAL Àla naissance de ce qui est devenu, en ce troisième millénaire, un grand service public, nous n étions que trois ingénieurs forestiers, tous de l ancien Corps des Eaux et Forêts, pour animer et diriger l Inventaire forestier national (IFN). Pour l exécution du travail, nous n étions assistés que de quelques personnels de bureau et de terrain. Nous commençâmes nos travaux en 1960, il y adonc de cela plus de quarante ans. En France, nous partions de zéro et l idée d un inventaire forestier national venait àpeine de naître. Celle-ci enavait été retenue par legroupe Forêts chargé de l élaboration du III e plan de modernisation et d équipement (1956-1960) et officialisée par l ordonnance n 58-880 du 24 septembre 1958, incluse dans le Code forestier. L Ingénieur général E. Lachaussée avait reçu la mission officielle (parmi d autres) de promouvoir cet inventaire. Aucun organisme officiel distinct de l administration n existait encore pour exécuter les travaux. Nous étions simplement un service rattaché àla Direction générale des Eaux et Forêts du ministère de l Agriculture. Ce service paraît bien modeste avec ses trois ingénieurs et une quarantaine d agents de terrain ou de bureau, par rapport à ce qu il est actuellement devenu : un établissement public àcaractère administratif, autonome, groupant 25 ingénieurs ou cadres supérieurs et 157 agents de tous niveaux. LE PERSONNEL D ENCADREMENT Le maître d ouvrage qui, dès le début, avait conçu l IFN était Lucien Brenac (1907-1989), Conservateur des Eaux et Forêts (un titre prestigieux et chargé d histoire qui, depuis lors, adisparu). À une profonde culture aussi bien générale que forestière, Brenac ajoutait une grande connaissance des bases statistiques et d échantillonnage sur lesquelles tout inventaire forestier moderne est forcément fondé. Les deux autres cadres, signataires du présent article, étaient Ingénieurs des Eaux et Forêts. Huguet venait tout juste d effectuer au Mexique, comme expert de l Organisation des Nations Unies pour l Agriculture et l Alimentation (FAO/OAA), un inventaire forestier sur les mêmes bases que celles que devaient (forcément) utiliser l IFN, à savoir les photographies aériennes et les relevés statistiques au sol. Àcette différence près qu au Mexique il ne s agissait pas d un inventaire forestier national, mais d un inventaire destiné àasseoir un aménagement et une mise en valeur de 500 000 hectares de forêt de Pins et de quelques Sapins subtropicaux devant appro- Rev. For. Fr. LIV - 3-2002 289

R OGER B ALLEYDIER - L OUIS H UGUET visionner un important complexe industriel (sciage, contre-plaqué et pâte àpapier). Huguet avait appris ces techniques d un expert canadien de lamême FAO/OAA, dont le pays d origine les utilisait couramment. Il fallait, cependant, les adapter aux buts propres de l IFN et aux conditions très variables des forêts françaises. Quant à Balleydier, il abordait l IFN sans aucune idée préconçue, après avoir été détaché auprès de l UNESCO pour être mis à la disposition de l UICN (Union internationale pour la Conservation de lanature), en tant qu écologiste attaché au secrétariat titre peu galvaudé àl époque et en tous cas dénué de toute implication partisane. Antérieurement, il avait passé quelques années dans le service forestier ordinaire du Maroc, détaché cette fois auprès du ministère des Affaires étrangères. LA MISE EN ŒUVRE Il fut décidé de commencer les travaux de terrain, et de se faire la main, dans la région forestière la plus importante (un million d hectares), mais aussi la plus homogène du point de vue forestier, àsavoir la région landaise. Notre quartier général de terrain serait donc tout naturellement Bordeaux où Huguet, responsable des travaux de terrain, dut passer de longues semaines, sa résidence officielle restant Paris où se trouvait sa famille et où il retrouvait le patron, L.Brenac, pour rendre compte et ajuster les méthodes. À Bordeaux, il fallut tout créer à partir de zéro, trouver un terrain, y installer et équiper des bureaux, y garer une quinzaine de voitures, former du personnel de tous niveaux (y compris les cadres, à savoir nous-mêmes). Toutes tâches exaltantes pour des jeunes ingénieurs à l esprit pionniers. Le Bureau d abord Pressés que nous étions de démarrer, il n était pas question de bâtir des bureaux en dur, ce qui aurait pris trop de temps. Nous nous installâmes donc rapidement dans des préfabriqués en bois où nous eûmes très chaud au cours des étés humides bordelais, sur un terrain prêté par ce qui était alors la station de recherches forestières régionale créée par l École nationale des Eaux et Forêts puis rattachée plus tard àl INRA le 1 er janvier 1964. Avec le terrain attenant, nous pûmes loger notre personnel de bureau, accueillir les équipes de terrain de passage au bureau et les voitures de terrain. La photo-interprétation Au siège de Bordeaux, nous dûmes former le personnel de bureau et, en particulier, les deux photo-interprètes capables de distinguer sur les photographies au 1/15 000 en panchromatique noir et blanc (et, ensuite, en infra-rouge) les différents types de forêts, (si possible) les essences dominantes, la hauteur, la grosseur et la densité des peuplements, etc. Tous éléments qui, très classiquement, constituent le fondement d une classification des peuplements en strates plus ou moins homogènes. Le but de cette stratification ou classification en 290 Rev. For. Fr. LIV - 3-2002

Libre expression strates étant de réduire, au sein de chaque strate, la variance statistique et donc, corrélativement, le coût de l inventaire au sol. Il tombe en effet sous le sens que l estimation du volume sur pied et la distribution diamétrique d un mauvais taillis de Chênes verts ne justifient pas lamême précision que celle souhaitée, par exemple, pour la très riche forêt de Bercé ou la sapinière des Vosges. Détail intéressant et significatif, l un des photo-interprètes était un étudiant de l école forestière de Sopron en Hongrie, qui avait dû fuir son pays àla suite de l invasion de celui-ci par l armée soviétique. Cette photo-interprétation était conduite selon un échantillonnage dit systématique :il consistait à étudier un grand nombre de points définis par un quadrillage complet du département, au moyen d une grille de points transparente placée sur lasérie de photographies aériennes couvrant ce département, àraison d un point pour 30 à 40 hectares de terrain. Chaque point était étudié sous stéréoscope et classé d abord selon le mode d utilisation du sol (notamment forêt, lande, agriculture). Les points situés en forêt étaient classés ensuite selon toute la série de critères (essences, densité de couvert, dimension des arbres, etc.) déjà mentionnée ci-dessus, permettant la constitution de stra tes (groupant les points àclassification identique ou voisine). Ensuite, pour chaque strate, en fonction notamment de son intérêt forestier, étaient tirés au hasard les points à visiter au sol pour y procéder le cas échéant aux vérifications, observations et mesures constituant l inventaire forestier proprement dit. Par la suite, les photo-interprètes, dotés de véhicules, procéderont eux-mêmes aux vérifications des points douteux. Ces points échantillon-sol désignés par un code (numéro de la photographie plus numéro du point de lagrille) étaient localisés sur les photographies par une piqûre d épingle. Les équipes de terrain apprirent très vite àretrouver sur le terrain les points d échantillon par un cheminement topographique simple, àpartir de points repères bien visibles sur les photographies. Ces points échantillons étaient matérialisés au sol par unpiquet rouge constituant le centre des placettes de sondage. Àl origine, le dispositif d échantillonnage, en chaque point visité au sol, était constitué de trois placettes circulaires, centrées sur les sommets d un triangle équilatéral de 40 mètres de côté, triangle lui-même centré sur le piquet rouge. Le rayon de ces placettes était fonction de lanature des peuplements et notamment de la grosseur moyenne des arbres,avec trois choix possibles : 4,5 mètres pour des petits bois, 7,5 mètres pour des bois moyens et 9 mètres pour des gros bois. En outre, chaque placette comportait une couronne extérieure de 3 m de largeur sur laquelle n étaient mesurés que les diamètres ou circonférences. Ce système permettait d étendre le volume cubé dans le cercle intérieur àcelui situé dans le cercle extérieur par le seul rapport des surfaces terrières, donc de disposer d un cubage plus représentatif que celui des seules placettes intérieures. Après expérimentation et analyse des résultats, on simplifia radicalement le dispositif en n utilisant plus qu une seule série de placettes concentriques de rayon 6,9 et 15 mètres, respectivement vouées au cubage des petits, moyens et gros bois du peuplement. Rev. For. Fr. LIV - 3-2002 291

R OGER B ALLEYDIER - L OUIS H UGUET L EXÉCUTION PRATIQUE DE L INVENTAIRE AU SOL Sur le terrain, les équipes relevaient les informations classiques de tout inventaire forestier, à savoir composition (arbres et autres végétaux), nature du sol, hauteur et diamètre des arbres, accroissement de ces diamètres, etc. L équipe de terrain était composée de quatre personnes :le chef d équipe qui tenait le calepin, les deux manipulateurs d une perche (ou d un ruban) qui tournaient autour du piquet central, et l énumérateur qui exécutait les mesures et les criait au chef d équipe, lequel les inscrivait sur son calepin. Au bout de quelque temps, ces travaux devinrent presque rituels et furent célébrés avec un jargon inventé par les équipes elles-mêmes. Par exemple, l opérateur placé près du piquet central, et qui faisait tourner la perche àson entour, avait été baptisé (affectueusement et sans dérision) l idiot, en considération du caractère bien peu intellectuel de sa tâche. Tant il est vrai qu il n y a pas de communauté unie sans rite. Le travail des équipes de terrain était contrôlé périodiquement, sans préavis, par un contrôleur technique de niveau ingénieur (J.-P. Naudet) qui faisait recommencer les mesures sur certaines placettes déjà mesurées. En outre, les imprimés sur lesquels étaient consignées les mesures et observations relevées par les chefs d équipes faisaient l objet d un contrôle formel très strict au bureau par un vérificateur. Au bout de quelque temps, le travail des équipes atteignit l excellence. Les règles qui étaient imposées aux équipes étaient au début d une grande simplicité et tenaient dans quelques feuilles volantes qui leur étaient remises. Ces règles se compliquèrent ensuite à la lumière de l expérience acquise, jusqu à constituer un véritable Manuel du Chef d Équipe dont la complexité et l épaisseur ne firent que croître au fil du temps. De même, les règles de photo-interprétation durent faire l objet d une Instruction pour laphotointerprétation qui connut plusieurs éditions successives pour suivre les progrès de laméthode. De lamême façon qu ils s étaient adaptés àla formation initiale, les agents de terrain comme de bureau s adaptèrent à cette évolution. La formation sur le tas à partir de zéro rappelle celle à laquelle durent se livrer les autorités des États-Unis pour former les capitaines des innombrables navires transportant les troupes et l abondant matériel qui libérèrent la France en 1944. On dit que la profession qui donna les meilleurs résultats fut celle de dentiste Notre conclusion àpartir de toutes ces activités nouvelles est que, dans notre vieux pays, il est plus facile d innover que de réformer,évitant ainsi de se heurter àdes intérêts existants et figés. EXPLOITATION DES DONNÉES. CARTOGRAPHIE C est l échelon de Nancy, créé en 1962, (dit échelon de calcul ) qui en était chargé ; il comprenait, outre l ingénieur chef d échelon, une secrétaire, 3 dessinateurs (dont 2 cartographes) et 4 agents spécialisés dans le traitement des données (on dirait actuellement informaticiens, mais le terme n existait pas àl époque) dont un de niveau ingénieur. 292 Rev. For. Fr. LIV - 3-2002

Libre expression Il fallut très vite faire face à une avalanche de données. La solution fut d opter pour les techniques de pointe, c est-à-dire pour le calcul électronique par ordinateur. Le matériel informatique était encore rare à l époque. Il n était présent ni dans la station de recherche, ni àl École forestière, ni au ministère de l Agriculture, ce qui fit dire au Ministre en visite à Nancy que ce choix lui paraissait prématuré, mais celui-ci se laissa vite convaincre. Les formules de calcul furent développées par L. Brenac. Nous les mîmes en œuvre d abord avec l aide du centre universitaire de calcul numérique du professeur Legras ànancy et celle de la compagnie IBM, qui assura la formation du personnel, la mise au point et l exécution de la chaîne de traitement et ensuite lalocation du matériel. Ce matériel était si lourd àl époque qu il fallut renforcer la dalle de lasalle de calcul pour en supporter le poids. Aujourd hui, un simple mini-ordinateur a remplacé la plus grande partie de ces machines. Nous disposions heureusement à Nancy d un bâtiment neuf àdeux étages construit pour nos besoins en prolongement de celui de lastation de recherche. Au 2 e étage se situait l atelier de dessin où était élaborée la carte forestière. Cette carte faisait partie des tâches assignées à l IFN par la Direction générale des Eaux et Forêts. On opta pour une carte traditionnelle au 1/100 000 représentant la localisation des forêts et des landes, en distinguant pour les forêts les catégories de propriété (domaniale, communale, privée) et la structure des peuplements (futaie, taillis, mélange). Cette carte principale était complétée par deux cartons au 1/400 000 donnant l un les essences, l autre les sites (sorte de zonation écologique du territoire, notamment selon la nature du sol, la topographie, le climat). Ces données étaient tirées de l examen des photographies aériennes et de différentes sources de documentation, notamment les cartes géologiques et cartes de la végétation, en collaboration entre les échelons de Nancy et de Bordeaux. Par exemple, la lande gasconne au sol sableux constituait un site particulier, les plateaux calcaires un autre, et les alluvions de rivières un troisième. À Nancy, ce travail cartographique fut la tâche principale de Paul Galmiche, Ingénieur des Eaux et Forêts affecté à l IFN en 1963. La première carte fut éditée par l Institut géographique national (IGN) en 19 feuilles (selon le découpage de lacarte topographique au 1/100 000 de cet organisme), toutes relatives au Sud- Ouest de lafrance. Elle fut par lasuite remplacée par d autres types de cartes, informatisées, et par une base de données cartographiques. CONCLUSIONS Les utilisateurs de laforêt landaise qui, rappelons-le, couvre de l ordre d un million d hectares dont 90 %de futaie de Pin maritime, attendaient avec le plus grand intérêt les résultats de l inventaire. Ils ne furent pas déçus, mais plutôt heureusement surpris, car l inventaire fournit rapidement deux résultats capitaux pour eux : Rev. For. Fr. LIV - 3-2002 293

R OGER B ALLEYDIER - L OUIS H UGUET une estimation de lasurface et du volume des gros bois exploitables et celle des bois moyens vraisemblablement à éclaircir ; et, grande surprise, une estimation de laproduction courante annuelle par ha(ou de la possibilité moyenne) :elle était, avant l inventaire, estimée à trois ou quatre m 3 par hectare et par an et l inventaire démontra qu elle était en réalité de près du double. Elle n a fait que continuer àcroître depuis lors en raison de l intensification de lasylviculture (et du réchauffement climatique?). Roger BALLEYDIER Ingénieur général du Génie rural, des Eaux et des Forêts (er) 29, Plan du Château d O MAURIN F-34970 LATTES Louis HUGUET Ingénieur général du Génie rural, des Eaux et des Forêts (er) 3, rue Laennec F-29950 BENODET BIBLIOGRAPHIE NDLR : en complément, le lecteur intéressé pourra utilement parcourir les références bibliographiques suivantes publiées par la Revue forestière française. BAZIRE (P.). L Inventaire forestier national français. Revue forestière française, vol. XXXVI, n spécial Dialogue forestier par-dessus le Rhin. Forstlicher Dialog über den Rhein hinweg, 1984, pp. 14-24. BRENAC (L.). Connaissances statistiques des forêts françaises avant l Inventaire forestier national. Revue forestière française, vol. XXXVI, n 1, 1984, pp. 77-90. BRENAC (L.). L Inventaire forestier national français. Revue forestière française, vol. XXXI, n 3, 1979, pp. 253-267. DEHEEGER (J.-C.). Une synthèse partielle des données de l Inventaire forestier national. Revue forestière française, vol. XLI, 1 re partie :Résultats par essence, n 1, 1989, pp. 51-59. 2 e partie :Résultats par catégorie de propriétaires, n 2, 1989, pp. 116-123. 3 e partie :Résultats généraux, n 3, 1989, pp. 217-226. PARDÉ (J.). La première publication du Service de l Inventaire forestier national (Ch.). Revue forestière française, vol. XVII, n 4, 1965, p. 304. 40 ans (les) de l Inventaire forestier national : utilisation et valorisation des données collectées. Revue forestière française, vol. LIII, n 3-4, 2001, pp. 233-488. ROUSSEAU (P.). L Évolution des forêts françaises métropolitaines d après les statistiques forestières. Revue forestière française, vol. XLII, n 1, 1990, pp. 56-68. 294 Rev. For. Fr. LIV - 3-2002