Neige et. Neige et. PREVENTION > Réflexions autour de la DOSSIER



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Neige et Neige et A VALANCHES Revue de l Association Nationale pour l Etude de la Neige et des Avalanches ARevue de l'association Nationale pour l'etude de la Neige et des Avalanches valanches ARevue de l'association Nationale pour l'etude de la Neige et des Avalanches SEPTEMBRE DECEMBRE DéCEMBRE 2008 n 122 n 124 PREVENTION > Réflexions autour de la préparation > Secours en d'une avalanche randonnées à skis DOSSIER Accidentologie > Quand est-ce qu'on creuse? > Anciens et nouveaux Détecteurs de Victimes d Avalanche : incompatibilité? TECHNIQUE Trimestriel trimestriel : prix 6,50 - ISSN 124765327

Sommaire DECEMBRE 2008 n 124 Edito Nous voici rentrés dans l hiver! Cette année, les premières chutes de neige ont été précoces et abondantes. Pour les amoureux de l Alpe enneigé, ce sera l aubaine pour de belles randonnées en raquettes ou à skis, ou pour trouver une ressource importante d eau qui alimentera les cascades de glace et les goulottes déjà pratiquées! Pour les opérateurs de domaines skiables, les professionnels et la vie des vallées, cet important manteau neigeux sera la garantie d une activité économique stable pour le début de saison. Toutefois, qu ils soient amateurs ou professionnels, tous les usagers de la montagne enneigée auront conscience du pendant de cette situation a priori favorable à la pratique des activités : le risque important de départ d avalanches. A l heure où ces lignes éditoriales sont rédigées, l ANENA a déjà recensé dix-sept accidents d avalanche dont six ont causé le décès de six personnes. Aussi, l ANENA et ses partenaires assurent-ils une politique énergique pour enrayer cette liste d accidents. Accompagnée par les maires des stations de montagne, les collectivités territoriales, les organismes professionnels, les entreprises partenaires et les associations animées par un même objectif de prévention et d actualisation des connaissances, l ANENA améliore sa formation des pisteurs-artificiers, conduit les réflexions sur l enseignement des techniques cynophiles de recherche en avalanche, édite des outils nouveaux de communication sur les risques pour les usagers, diffuse la connaissance par son réseau de conférences. «Mieux informé, mieux protégé», ces mots raisonneront comme l écho de nos actions. Celles-ci ne sont possibles que par l énergie, le soutient et la confiance de nos adhérents et amis, soyez en tous chaleureusement remerciés. Bon hiver à tous! Jean Faure Président de l ANENA Sénateur de l Isère D O S S I E R > Secours en avalanche 6 Hors-piste de proximité au Collet d Allevard (Isère). Photo : Daniel GOETZ ACCIDENTOLOGIE 2 > Bilan 2007/08 de l Enquête Permanente sur les Avalanches-EPA (N. ECKERT, M. DESCHATRES, L. BELANGER, J.M. DECOUD, O. MARCO) dossier 6 > Secours en avalanche 8 Les maîtres-chiens : constats et enjeux (B. AIRENTI) 10 L action des organismes de secours de l état sur le domaine skiable et en zone de montagne (D. LE GALL, D. LETANG, V. SAFFIOTI) 13 La montagne, miroir de vie. Hommage à Jean-Jacques Mollaret (B. AGRESTI, C. G., D. GOETZ) 18 Si près des pistes! (F. SIBLER, G. BRUNOT) 22 Gestion de la sécurité du domaine skiable : le point de vue du Maire, constats et enjeux. Le cas de Chamonix-Mont-Blanc (J.M. BONINO) TECHNIQUE 23 > Anciens et nouveaux Détecteurs de Victimes d Avalanche : incompatibilité? (F. JARRY, D. LE GALL) ASSOCIATION 28 > ISSW 2008 à Whistler (F. JARRY) NEIGES 29 > Petit QCM de nivologie (D. GOETZ) t e c h n i q u e 23 > Anciens et nouveaux Détecteurs de Victimes d Avalanche : incompatibilité 31 > Bloc-notes 32 > Abstracts Le catalogue ANENA 2009 est inséré dans cette revue. >> NEIGE ET AVALANCHES N 124 - Décembre 2008 Trimestriel >> ISSN : 1247-5327 - N de commission paritaire : 1110 G 87244 - dépôt légal : décembre 2008 > > Publication A.N.E.N.A. - Directeur de la publication : Jean FAURE ; Rédacteur en chef : Didier LE GALL - Mise en page : Monique GOLETTO. > Commission revue : Christophe ANCEY ; Jacques COMPARAT ; Sébastien ESCANDE ; Daniel GOETZ ; Jean-Louis TUAILLLON ; Jean-Paul ZUANON - A Collaboré à ce numéro : Rikke JARRY-SMEDEBOL > Abonnement : 4 numéros par an : 24 - Tarif préférentiel pour les membres de l ANENA : 12 - A.N.E.N.A. - 15 rue Ernest Calvat - 38000 Grenoble - Tél. 04.76.51.39.39 - Fax 04.76.42.81.66 - Site : www.anena.org - Revue : monique. goletto@anena.org > Composition : ANENA > Réalisation graphique : Hepcom : BP 40 CD 10 13580 La Fare les Oliviers > Impression : Imprimerie Bastianelli - 86 av. du Vercors - 38600 Fontaine - La revue «Neige et Avalanches» est imprimée sur papier recyclé, non blanchi au chlore. >> La reproduction, même partielle, de tous les articles parus dans la revue Neige et Avalanches est interdite sauf accord écrit de la rédaction. Les opinions émises dans la revue Neige et Avalanches sont celles de leurs auteurs. Elles n expriment pas nécéssairement le point de vue de l ANENA. La rédaction reste libre d accepter, d amender ou de refuser les manuscrits qui lui sont proposés. Les auteurs conservent la responsabilité entière des opinions émises sous leur signature.

NIVO-météo " L activité au cours de l hiver 2007/08 est assez étalée mais globalement ordinaire. " Bilan 2007/08 de l Enquête Permanente sur les Avalanches-EPA L enquête permanente sur les avalanches (EPA) permet de suivre depuis plus d un siècle l activité avalancheuse de près de 3 800 couloirs des Alpes et des Pyrénées. L observation, encadrée par la Direction Technique du RTM, est réalisée par les agents de terrain de l Office National des Forêts (ONF) que les auteurs tiennent à remercier. Les données sont traitées par le Cemagref. Cet article présente un bilan des avalanches enregistrées au cours de l hiver 2007/08. Il complète les articles sur les conditions nivo-météorologiques et sur le bilan des accidents d avalanche parus dans le numéro de septembre. Un rapport plus détaillé, ainsi que les informations complètes sur toutes les avalanches de l hiver, sont également disponibles sur www.avalanches.fr Répartition géographique des événements. Au 1 er juin 2008, 853 événements avalancheux d origine naturelle ont été observés : 52 % d entre eux en Rhône-Alpes, 36 % en Provence-Côte-d-Azur (PACA) et 12 % dans les Pyrénées. Au niveau des départements, la Savoie domine, comme chaque année, avec 33 % des événements. Les Hautes-Alpes se distinguent également, de même qu à un degré moindre l Isère et les Alpes-Maritimes. La Haute-Savoie a enregistré seulement 7 % des événements, soit à peine plus que les Alpes-de-Haute-Provence. Au sein des Pyrénées, les Pyrénées-Atlantiques dominent légèrement, mais une activité significative s observe également dans les Hautes-Pyrénées, en Haute- Nombre Effectif % Garonne et en Ariège. En contrepartie, comme souvent, l activité est quasi nulle dans les Pyrénées-Orientales, avec un seul événement (voir tableau 1). Selon le découpage en massifs opéré au sein de la P.R.A (Prévision du Risque d Avalanche), trois massifs des Alpes du Nord enregistrent plus de 80 événements : l Oisans, la Vanoise et la Haute-Tarentaise. Dans le reste des Alpes du Nord, l activité est très contrastée : bien marquée en Haute-Maurienne, Belledonne, Mont-Blanc et Chablais, Sites en cours d observation % de Nombre de sites Nombre total sites avec avec événements de sites événements Nombre moyen d événements/ site Total 853 100% 608 3839 16% 0,22 Rhône Alpes 444 52% 287 2106 14% 0,21 74-Haute Savoie 61 7% 43 538 8% 0,11 73-Savoie 282 33% 179 1096 16% 0,26 38-Isère 101 12% 65 472 14% 0,21 Provence Alpes Côte d Azur 309 36% 236 1114 21% 0,28 05-Hautes Alpes 178 21% 135 777 17% 0,23 04-Alpes de Haute Provence Bilan départemental 45 5% 36 107 34% 0,42 06-Alpes Maritimes 86 10% 65 230 28% 0,37 Pyrénées 100 12% 85 619 14% 0,16 64-Pyrénées Atlantiques 34 4% 26 118 22% 0,29 65-Hautes Pyrénées 24 3% 24 181 13% 0,13 31-Haute Garonne 25 3% 19 59 32% 0,42 09-Ariège 16 2% 15 225 7% 0,07 66-Pyrénées Orientales 1 0% 1 36 3% 0,03 2 Neige et A VALANCHES

nivo-météo Légende Limites de départements Nb d'événements par massif 0 1-20 21-40 41-65 66-88 1:2 000 000 Pays Basque 2 Evnts 1 Site Nombre d événements et de sites par massif Belledonne Vercors Oisans Dévoluy Champsaur Bauges Chartreuse Embrunais-Parpaillon 0 25 50 100 150 km 32 Evnts 25 Sites Aspe - Ossau 20 Evnts 20 Sites Haute Bigorre Aure - Louron Aravis 1 Evnt 1 Site 88 Evnts 64 Sites 15 Evnts 15 Sites 3 Evnts 3 Sites 25 Evnts 19 Sites 11 Evnts 8 Sites 34 Evnts 18 Sites mais inférieure à 15 événements partout ailleurs. Elle est en particulier quasi nulle en Chartreuse et Vercors. Les massifs des Alpes du Sud présentent une homogénéité spatiale bien plus forte, tous leurs massifs enregistrant au moins 15 événements. Dans les Pyrénées, l activité est concentrée dans trois massifs : Aspe- Ossau, Luchonnais et Haute-Bigorre. Elle est également notable en Haut-Ariège mais très faible dans tous les autres massifs de la chaîne (figure 1). Les événements se sont produits dans Couserans Luchonnais 23 Evnts 13 Sites 7 Evnts 6 Sites 32 Evnts 22 Sites 9 Evnts 7 Sites 13 Evnts 11 Sites 87 Evnts 46 Sites 20 Evnts 17 Sites 35 Evnts 27 Sites 10 Evnts 10 Sites 80 Evnts 48 Sites Haute Ariège Chablais 48 Evnts 34 Sites 25 Evnts 22 Sites 49 Evnts 32 Sites 28 Evnts 16 Sites 37 Evnts 28 Sites 5 Evnts 5 Sites 30 Evnts 26 Sites 10 Evnts 9 Sites Capcir-Puymorens Mont-Blanc Beaufortin Haute-Tarentaise Maurienne Vanoise Grandes Rousses Thabor 1 Evnt 1 Site Haute-Maurienne Pelvoux Queyras Ubaye Haut-Var - Haut-Verdon 1 Evnt 1 Site Mercantour 65 Evnts 48 Sites Orlu St Bartélémy Cerdagne-Canigou 168 communes, c est-à-dire environ une commune suivie dans l EPA sur trois. Dans les Alpes, 19 communes ont enregistré plus de 10 événements, avec un maximum annuel de 60 événements à Pralognan-la-Vanoise et des totaux également élevés à Val-d Isère (37 événements) et Bessans (45 événements). Plus généralement, les communes actives sont majoritairement concentrées dans les massifs de l Oisans, Belledonne, Pelvoux, Champsaur, Vanoise, Haute Maurienne, Haute-Tarentaise ainsi que du Mercantour. Quelques communes isolées ressortent aussi : Chamonix (74) et Saint-Paul-sur-Ubaye (04), sans surprise car elles sont toujours de grosses contributrices de l EPA, mais également, ce qui est plus inhabituel, Taninges (74) ou les Crots (05). Il n y a au contraire que très peu d événements dans la majorité des communes de Haute-Savoie, de la Chartreuse, du Vercors ainsi que du Queyras. Dans les Pyrénées, la majeure partie de l activité est concentrée dans les communes du centre et de l ouest de la chaîne, avec seulement deux communes ayant enregistré plus de 10 événements : Laruns et les Eaux-Bonnes. Les événements observés concernent 608 sites. Au total, 16 % des sites en cours d observation ont enregistré des événements, avec une moyenne de 0,22 événement par site. à titre de comparaison, en 2005/06, 26 % des sites en cours d observation avaient enregistré un ou plusieurs événements, tandis qu ils étaient au contraire seulement 11 % en 2006/07. à l échelle de la région, c est en PACA que la proportion des sites ayant enregistré des événements est la plus forte. L activité par site est plus faible dans les Pyrénées et conforme à la moyenne nationale en Rhône-Alpes. Cette tendance se retrouve au niveau départemental, avec toutefois quelques contrastes notables : l activité par site est en effet très forte dans les Alpes-de-Haute-Provence, la Haute-Garonne et les Alpes-Maritimes. Elle est par contre faible à très faible dans le reste des départements des Pyrénées et faible en Haute-Savoie (tableau 1). Comparaison avec les hivers précédents L activité observée en 2007/08 est globalement ordinaire, le nombre d événements étant à peine inférieur à celui d une année moyenne. Toutefois, si elle est réellement médiane dans les Pyrénées, l activité est relativement plus forte en PACA (7 ème total le plus élevé enregistré sur les 20 derniers hivers) qu en Rhône-Alpes (13 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers). Cela confirme que l activité a été plus marquée dans les Alpes du Sud que dans celles du Nord. Seuls trois départe- n 124 DECEMBRE 2008 3

NIVO-météo ments enregistrent une activité s écartant nettement de la médiane interannuelle. Les Alpes-Maritimes se distinguent avec une activité forte (2 ème total enregistré sur les 20 dernières hivers, représentant deux fois et demie celui d un hiver moyen), de même que la Haute-Garonne (5 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers). Au contraire, la Haute-Savoie connaît une activité faible, avec plus de deux fois moins d événements que pour un hiver moyen. Nombre dévénements par jour pour la campagne 2007/08 En termes de massifs, les résultats sont plus disparates. Les massifs connaissant une activité forte sont : dans les Alpes, le Dévoluy (2 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers), le Mercantour (2 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers) et l Embrunais (5 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers), et, dans les Pyrénées, le Luchonnais (2 ème total enregistré sur les 20 dernièrs hivers) et le Pays Basque (2 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers, mais avec seulement 2 événements!). Les massifs connaissant une activité faible sont : dans les Alpes, les Aravis (18 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers), La Maurienne (17 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers), les Grandes Rousses (18 ème total enregistré sur les 20 derniers hivers), la Chartreuse (un seul événement) et le Vercors (0 événement) et, dans les Pyrénées, uniquement Cerdagne-Canigou (0 événement). Partout ailleurs, l activité est ordinaire. Répartition temporelle des événements Sur l ensemble de la France, il y a eu 121 jours à événements (jours où il s est produit un ou plusieurs événements), ce qui représente environ un tiers de l année calendaire, proportion conforme à la moyenne depuis 1900 (figure 2). Dans les Pyrénées, la quasi-totalité de l activité a été tardive : 94 événements sur 100 se sont produits entre le 25 mars et le 28 avril. Globalement, les départements pyrénéens ayant connu une activité notable (tous sauf les Pyrénées-Orientales) ont eu un fonctionnement très similaire entre eux. Dans les Alpes, les événements ont été assez étalés sur tout l hiver, avec un premier événement le 29 novembre 2007 et un dernier événement le 29 mai 2008. Toutefois, l essentiel de l activité a été concentrée sur deux périodes d un mois : la première entre le 5 janvier et le 6 février (42 % des événements) et la seconde entre le 25 mars et le 28 avril (33 % des événements). Entre ces deux périodes, l activité a été très peu soutenue durant six semaines. Plusieurs séquences de plusieurs jours consécutifs sans aucun événement ont même été observées en plein mois de février, ce qui est rare puisqu il s agit habituellement de la période de l année la plus avalancheuse. L activité est en particulier totalement nulle en Haute-Savoie durant le mois de février, ce qui est rarissime. Ce fait découle de conditions nivo-météo associées particulièrement clémentes (voir le bilan nivométéo de l hiver 2007/08 dans le précédent numéro de la revue). Au contraire, le «creux» a été moins marqué en Savoie, même s il a existé. Enfin, la deuxième période d activité s est prolongée plus tardivement dans les Hautes-Alpes que dans le reste des Alpes, avec des événements enregistrés tout au long du mois de mai. étude des pics d activité Dans les six départements des Alpes, le maximum d activité a été observé durant la première moitié du mois de janvier : les 7 et 8 pour les trois départements des Alpes du Nord ainsi que pour les Hautes-Alpes et une semaine plus tard dans les Alpes-Maritimes et les Alpes de Haute-Provence. Dans les Pyrénées, le pic d activité n a été enregistré que le 28 mars. Par rapport à une année moyenne, 4 Neige et A VALANCHES

nivo-météo les Alpes du Nord ont donc connu un pic d activité précoce et les Pyrénées un pic d activité au contraire très tardif. Si on définit une crue avalancheuse comme un nombre d avalanches ayant une période de retour empirique d au moins deux ans, le maximum journalier n atteint le seuil de crue dans aucun des départements. Cela confirme que l activité avalancheuse a été globalement assez étalée dans le temps au cours de l hiver, bien que concentrée sur deux périodes d un mois. Sur une échelle de temps plus longue de trois ou sept jours, une crue de faible ampleur s est produite dans les Alpes-Maritimes et les Alpes-de- Haute-Provence. Sa période de retour est à peine supérieure à deux ans. Déclenchement, propagation et intensité des événements 96 % des événements avalancheux sont d origine naturelle. Au cours des trois jours précédant ces départs, aucun contexte nivo-météorologique n a dominé très nettement. L hiver 2007/08 a donc été caractérisé par des conditions de déclenchement assez hétérogènes, probablement liées au grand étalement de l activité de novembre à mai. Par rapport à la moyenne sur 2001-2005, on observe relativement moins de déclenchements en contexte de pluie, de neige faible ainsi qu à la suite de fortes chutes de neige. En outre, 19 % seulement des événements se sont produits à la suite d un épisode de vent fort, contre 29 % en moyenne sur la période 2001-2005. Ces faibles proportions des contextes de vents forts et fortes chutes de neige sont vraisemblablement à relier aux conditions météorologiques relativement clémentes de l hiver. Au niveau du mode de propagation, 9 % seulement des événements ont présenté un aérosol, contre 20 % en moyenne sur la période 2001-2005. Cette proportion faible est cohérente avec le faible nombre d événements consécutifs à de fortes chutes de neige ainsi qu avec le faible nombre d événements observés durant le mois de février, mois durant lequel les conditions sont généralement propices aux avalanches en aérosol. Par contre, 22 % des observations font état de la présence de neige sèche dans la zone de départ, contre 24 % en moyenne sur la période 2001-2005. Il n y donc pas de déficit d avalanche de neige sèche. Le fond de la vallée n a été atteint que pour 2 % des événements. C est cinq fois moins que sur la moyenne sur 2001-2005. Pour l hiver 2007/08, peu d événements extrêmes ont donc été enregistrés. Plus généralement, la variabilité des altitudes d arrêt enregistrées est faible, avec une prépondérance marquée des événements d ampleur moyenne. Quant aux volumes de dépôt enregistrés, ils correspondent majoritairement à des avalanches de dimension faible ou moyenne, avec toutefois 9 événements de plus de 100 000 m 3 et un maximum annuel de 450 000 m 3. Victimes et dégâts Au cours de l hiver 2007-2008, quatre des quatorze accidents mortels recensés par l ANENA se sont produits sur des sites EPA, occasionnant cinq décès. Un cinquième accident a fait un blessé grave. C est beaucoup plus que pour l hiver 2006-2007 (un seul décès sur site EPA), mais un chiffre aussi élevé a déjà été observé a plusieurs reprises au cours des vingt derniers hivers. Les cinq accidents se sont tous déroulés en Savoie (4) et Haute-Savoie (1) entre le 9 janvier et le 18 mars. Ils ont concerné des pratiquants de sports de montagne dans des zones de haute altitude (2 200 à 2 900 m), qui ont tous déclenché eux-mêmes les avalanches qui les ont emportés. Les cinq événements se sont tous produits à la suite des chutes de neige moyennes et ont presque tous mobilisé de la neige sèche. Trois d entre eux ont comporté une phase aérosol. La proportion des écoulements secs et aérosols est donc bien plus importante dans les événements ayant occasionné des accidents que dans l ensemble des événements de l hiver. Enfin, les volumes des dépôts enregistrés correspondent à des événements petits à moyens (600 à 6 000 m 3 ). 86 % des événements n ont pas concerné des enjeux matériels. Les enjeux touchés sont essentiellement les routes (6 % des événements), les cours d eau (3 % des événements) et les forêts (2 % des événements). 16 événements ont atteint des constructions, c est-à-dire des bâtiments de toutes natures. Ils se sont tous produits à Val-d Isère et Tignes (73). Pour onze d entre eux, les constructions atteintes sont connues : huit tournes, deux autres paravalanches et une piste de ski. Selon les informations disponibles, il n y aurait pas de dégâts significatifs. L absence de dégâts matériels et la prépondérance des ouvrages paravalanches au sein des constructions touchées sont à relier avec le faible nombre d altitudes d arrêt basses et de volumes de dépôts importants enregistrés. N. Eckert, M. Deschatres et L. Belanger UR ETNA/Cemagref Grenoble J.M. Decoud, O. Marco Direction Technique RTM/ONF Grenoble Photo : Hervé WADIER n 124 DECEMBRE 2008 5

DOSSIER Secours Celui qui est dessous la coulée et qui survit attend, souvent dans l inconscience Il attend et espère que les gestes de ses compagnons seront les bons, entre alerte et délivrance espérée. Aussi s agit-il de toute une chaîne complexe qui existe pour aboutir à l acte de secours : depuis les règlements et législations sur les politiques de sécurité des zones de montagne jusqu aux formations des secouristes et leur doctrine d emploi. Ce dossier met en valeur l envers de l évènement avalancheux : Un éclairage particulier a été porté sur le travail des équipes de secours professionnelles, qu elles fassent partie des opérateurs de domaine skiable, ou des services de secours en montagne de l état. Au travers d une expérience heureuse, chacun pourra s apercevoir de l enchaînement des éléments constitutifs d un accident aux termes duquel un épilogue souriant l emporte : entraînement des secouristes, équipements, chance. Par ailleurs, l appréciation des maires, responsable de la sécurité sur leur commune, en particulier quant à la mise en place d une politique de sécurité des domaines skiables, présente un intérêt non négligeable pour la cohérence de la sécurité sur l ensemble des zones de montagne : La commune de Chamonix Mont-Blanc livre sa vision. Enfin, la capacité actuelle de la société à porter secours aux victimes d avalanche est le fruit d un passé riche d histoires d accidents et d accidents historiques dans lequel des hommes d exception ont œuvré pour la survie d autres. Un regard sera posé sur la vie de Jean-Jacques Mollaret, précurseur du fonctionnement des unités de secours en montagne qui interviennent actuellement sur tous les massifs français. Le terme de son exigeant parcours sera tragiquement conclu par un accident fatal d avalanche. 6 Neige et A VALANCHES

dossier en avalanche Sommaire 8 Les maîtres-chiens : constats et enjeux Bernard AIRENTI 10 L action des organismes de secours de l état sur le domaine skiable et en zone de montagne Didier LE GALL, Dominique LETANG, Vincent SAFFIOTI Photo : Didier LE GALL 13 La montagne, miroir de vie. Hommage à Jean-Jacques Mollaret Blaise AGRESTI, C. G., Daniel GOETZ 18 Si près des pistes! François SIBLER, Gilles BRUNOT 22 Gestion de la sécurité du domaine skiable : le point de vue du Maire, constat et enjeux. Le cas de Chamonix-Mont-Blanc Jean-Marc BONINO n 124 DECEMBRE 2008 7

dossier «Le cœur de leur engagement est avant tout la motivation, voire la passion que tous ces maîtres-chiens vouent au travail cynophile pour accomplir l une des plus belles missions de service public, le sauvetage.» Les maîtres-chiens : constats et enjeux Le temps a passé! Depuis ce jour de 1978 où, attaché d administration à la direction de la sécurité civile du ministère de l Intérieur, je mettais la dernière main au décret portant création du brevet national de maître-chien d avalanches avant de conduire celui qui institutionnalisera le brevet national de pisteur secouriste. C était l ère des pionniers (De Marliave, Blaffa, Gouzon, Bouteloup, etc.), dans un tout autre contexte. Depuis, les équipes cynophiles ont fait leur chemin et ont rendu les services que l on sait dans les situations avalancheuses accidentelles. Le cœur de leur engagement est avant tout la motivation, voire la passion que tous ces maîtres-chiens, hommes mais aussi femmes désormais, vouent au travail cynophile, à la complicité de tous les instants avec leur chien, et tout cela pour accomplir l une des plus belles missions de service public, le sauvetage. Ils sont pour la très grande majorité des professionnels, pisteurs secouristes, des services de sécurité et des pistes sur les domaines skiables des stations de sports d hiver. Des équipes cynophiles accompagnent également les unités spécialisées de secours en montagne (PGHM, CRS, sapeurs-pompiers). Et il y a encore quelques rares bénévoles passionnés. La formation d une équipe repose sur des fondamentaux, désormais bien connus des spécialistes et formateurs : une bonne entente maître et chien, dans le quotidien comme dans le travail, une sélection exigeante dès l origine tant pour le chien que pour le maître, une complicité «opérationnelle» à constituer solidement et à faire perdurer au fil du temps. En outre, cette équipe doit s intégrer ou être très proche au quotidien d un environnement montagnard et s appuyer sur les réelles capacités physiques et techniques du maître d évoluer en milieu neige et haute montagne, dans les conditions les plus extrêmes. Les règles et structures mises en place dans notre pays pour former et accompagner les maîtres-chiens d avalanches ont peu ou prou permis au fil de ces trente années de garantir aux maires, préfets et responsables des opérations de secours, et bien sûr aux victimes, la présence quasi systématique d une ou plusieurs équipes cynophiles sur une avalanche. Il y a en moyenne en France une centaine de chiens d avalanches opérationnels sur les territoires montagnards lors d une saison d hiver. Le bilan est donc globalement satisfaisant. Tournons-nous à présent vers les enjeux d aujourd hui pour le devenir de ces équipes cynophiles. La plupart ont subi leur formation initiale lors du stage annuel 8 Neige et A VALANCHES

dossier organisé par l ANENA, habituellement fin novembre, mi-décembre. Ce stage a connu au fil des années de multiples fortunes, a suscité nombre d appréciations et de commentaires, pas toujours positifs. Il a eu le mérite de perdurer, même si ces dernières années, il s est déroulé dans le contexte très difficile que l on connaît du fonctionnement de l ANENA. Il doit beaucoup, voire l essentiel, à l engagement et à la motivation des équipes pédagogiques qui l ont conduit toutes ces années. Il doit aussi aux acteurs de la montagne, maires et responsables des services des pistes, exploitants des remontées mécaniques, sans oublier la fédération des maîtres chiens, animée avec pugnacité et détermination sans faille par son président Gilles Limonne. Tous l ont soutenu malgré les soubresauts. Aujourd hui, comme toutes les actions et formations placées sous l égide de l ANENA, une mise à plat du dispositif de formation, de suivi et de recyclage des équipes cynophiles s impose. Elle devra associer tous les acteurs précités réunis conformément aux textes autour de l ANENA, dont par ailleurs le statut devra être précisé au regard des nouvelles dispositions concernant les associations agréées de sécurité civile. Dans les départements, ce sont les préfets et les services de protection civile qui auront la charge de prendre le relais et ils seront ainsi également partenaires. Au-delà de la remise à plat de la formation initiale, des conditions de sélection des candidats jusqu à l examen final, se pose avec acuité aujourd hui la question du dispositif de suivi et de recyclage des équipes cynophiles. Chacun sait que c est le cœur du métier des professionnels de la montagne. Maintien de l efficacité opérationnelle, maintien des qualités physiques et techniques du maître et du chien, acquisition de compétences et d expérience en étroite relation avec l ensemble des équipes cynophiles de son secteur voire de son département, suivi vétérinaire rigoureux, etc. Jusqu à présent, conformément au dispositif conçu en 1979, il appartient aux préfets d organiser les sessions de recyclage des maîtres-chiens d avalanches dans leur département. Je veux ici saluer, au terme de ces trente ans, l intérêt que les collègues directeurs de protection civile et leurs collaborateurs ont porté, souvent dans des conditions difficiles, à cette mission départementale. Enfin, et cela apparaît désormais crucial, rien de tout cela n aurait pu perdurer sans le véritable apostolat des moniteurs de maîtres-chiens d avalanches. Poignée de quelques hommes et femmes, ils ont porté au fil des années cet objectif majeur du maintien de la capacité opérationnelle des équipes cynophiles de notre pays. Directeur de la Protection Civile d un département qui compte la moitié des équipes opérationnelles de notre pays, je puis témoigner et leur faire part au nom de tous de ma reconnaissance pour ce travail colossal accompli. Nous avons en Savoie engagé depuis deux ans une réflexion sur la pérennité de cette action primordiale de suivi, d entraînement et de recyclage des maîtreschiens d avalanches. Nous l avons fait avec les représentants des maires, des services de sécurité et des pistes, des exploitants des remontées mécaniques et bien sûr de l équipe pédagogique du département. Le constat, né de cette concertation, revêt plusieurs aspects ; en tout premier lieu, le positionnement de l État dans le domaine des formations et associations agréées de sécurité civile, tel qu il se dégage du nouveau texte de loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 ; un État garant du contenu et du contenant des actions de formation initiale et continue des acteurs opérationnels de la sécurité ; mais un État qui n est plus et qui ne sera plus un acteur premier de ces actions ; il en sera le régulateur et le contrôleur ; non pas lointain et désintéressé, mais avec un nouveau rôle en pleine adéquation avec l ensemble des réformes générales des politiques publiques engagées dans l Administration. Par ailleurs, force est de constater, nous le disions en ce début de propos, qu environ 80 %, voire plus, des équipes cynophiles sont constituées de pisteurs secouristes professionnels des stations de sports d hiver. Je ne veux pas, loin s en faut, négliger et mettre à part dans la réflexion les bénévoles ou autres équipes exerçant cette activité cynophile et qui proviennent souvent de «petits» massifs. Notre réflexion s est simplement accordée sur ce premier point pour concevoir l économie générale du dispositif de demain pour le suivi et l entraînement des équipes cynophiles opérationnelles. Un nouveau positionnement de l État, une place majeure des exploitants et responsables des services des pistes des stations vis-à-vis des équipes cynophiles, en majorité employés de ces structures consolidées. Nous avons donc conçu dans le département, à titre tout à fait expérimental, une économie et un dispositif de gestion des équipes cynophiles nouveaux. Notre préoccupation première fût de nous concerter avec les moniteurs, entendre leur point de vue, partager avec eux un constat, définir en commun de nouvelles orientations. à l issue de cette démarche, nous avons présenté à l ADSP et au SNTF dans leur configuration départementale un nouveau dispositif. La préfecture définit les objectifs de suivi et de recyclage des équipes cynophiles. Elle associe l ADSP et le SNTF à l organisation des sessions qui se succèdent tout au long de l hiver. Ces deux organismes perçoivent de leurs adhérents une participation pour l organisation des sessions et surtout pour la prise en charge du coût de l intervention des moniteurs, dont le calendrier de présence aux sessions est défini très en avance à l automne par la réunion de tous les moniteurs, les représentants de l ADSP et ceux de la préfecture. Le premier bilan de cette organisation partenariale a été jugé satisfaisant par l ensemble des partenaires. Il reste à l institutionnaliser, à l expliquer et à nouveau à le concerter, pour qu il constitue le fondement des nouveaux enjeux qui se présentent désormais à nous. L expérience savoyarde peut constituer un premier point d appui et de réflexion au plan national. Ce n est pas à moi d en décider. La volonté des partenaires concernés doit s exprimer pleinement. Volonté de consolider la cynophilie opérationnelle «avalanches», qui a fait ses preuves et à laquelle je suis fier d avoir pu contribuer. Bernard AIRENTI Directeur Départemental de la Protection Civile de la Savoie n 124 DECEMBRE 2008 9

dossier " Pour nous secouristes, une alerte d accident d avalanche résonne toujours comme la probabilité de survenance d un événement grave. " L action des organismes de secours de l état sur le domaine skiable et en zone de montagne Interviews du lieutenant Dominique Letang, commandant adjoint du PGHM de l Isère, guide de haute montagne et de Vincent Saffioti, pilote et chef de la base hélicoptère de la Sécurité Civile à Grenoble, réalisées le 3 novembre 2008. par Didier Le Gall ANENA ANENA : Inconsciemment, les usagers de la montagne marquent une différence entre le domaine skiable d une station et la zone de montagne, bien qu il n y ait pas de définition juridique du domaine skiable (1). Y-a-t-il une différence entre vos actions de secours sur chacun de ces deux domaines? Dominique LETANG: d abord, je voudrais rappeler que, pour nous secouristes, une alerte d accident d avalanche résonne toujours comme la probabilité de survenance d un événement grave. L incertitude initiale sur les bilans humains nous conduit à considérer un déplacement immédiat de moyens de secours. Ainsi, sur le plan du secours à la personne, à partir de la réception de l alerte, il n est pas fait de différence entre les lieux de survenance de l accident d avalanche, quant à l opportunité de la projection de moyens. En revanche, ce qui diffère entre un site de montagne et un domaine skiable, ce sera la gestion de crise, assumée seulement par les services de l État en montagne. Sur le domaine skiable, le chef d opération initial est le directeur de la sécurité des pistes. Le commandant de PGHM ou de CRS n arrive avec ses moyens qu en adjoint technique, et ne prendra la pleine et entière direction des opérations qu en cas de défaillance du service de sécurité des pistes. Aussi, il faut bien comprendre que, sur le domaine skiable, doivent s accorder sans délai, sous peine de nuire aux intérêts des victimes, deux visions du secours : celle coordonnée par la station avec ses usages codifiés par l entreprise ou la régie et celle de l État, nécessairement élargie, qui peut prendre en compte Note (1) La définition donnée par le code de l urbanisme ne s applique pas aux questions de sécurité. Art R.145-4 du code de l urbanisme. 10 Neige et A VALANCHES

dossier une montée en puissance des moyens, mais aussi l implication des actes d enquêtes administratives et/ou judiciaires. L accident d avalanche n est d ailleurs pas nécessairement rattaché à une faute (au sens pénal et civil du terme). En ce sens, les actes d enquêtes permettent d instruire, s il y a lieu de le faire, objectivement à charge comme à décharge la procédure attachée aux circonstances de l accident d avalanche. Pour le directeur de la sécurité des pistes, la présence des auxiliaires de justice et représentant de l État est un atout pour faire l interface avec les autorités administrative (préfecture) et judiciaire (procureur de la République) qui cherchent à être renseignées. Il paraît donc important que les hommes de chaque entité se connaissent avant le temps de crise, pendant laquelle la mutualisation des moyens et la compréhension des impératifs de chacun ne doivent être ni découvertes, ni improvisées. ANENA : dans le cas de votre intervention sur une coulée d avalanche, quelles sont les actions que vous jugez nécessaires et qui méritent d être conduites par les témoins, les personnes indemnes avant votre arrivée? DL : pour pouvoir porter secours ou assistance, il faut d abord rester vivant : il s agit donc pour celui qui est en capacité d agir, de se protéger d autres coulées s il le peut. Typiquement, dans le cas où il y a plusieurs personnes indemnes, positionner un guetteur capable d alerter ceux qui recherchent est la bonne stratégie. Le temps pour retrouver une ou plusieurs victimes est compté, le seuil des 15 minutes vite atteint. Aussi, ce qui nous est nécessaire est la préservation des indices, qui faciliteront les recherches : se souvenir du nombre d ensevelis confirmer le port d ARVA ou de pastille RECCO par les victimes se rappeler les derniers indices visuels de surface aperçus se remémorer les positions des victimes avant l accident Ces indications sont primordiales pour le premier secouriste. Par ailleurs, dans le temps de l alerte, la description donnée de l ampleur de l avalanche permettra d anticiper la montée en puissance potentielle des moyens de recherche (équipes cynophiles, moyens héliportés, personnels ). Quant aux actions de secours proprement dites potentiellement réalisables par les personnes indemnes, il nous sera utile de savoir si une première recherche par DVA a été faite, par qui et si l information est fiable. Sans présager des capacités de chacun à réaliser une telle recherche, la qualité de celle-ci sera conditionnée par plusieurs facteurs : une victime indemne mais choquée n aura pas toutes ses capacités ; une recherche réalisée par un professionnel, peut, a priori, être une base de travail fiable ; un signal DVA peut avoir été ignoré par un appareil de recherche s il est ancien Ces indications orientent la tactique mise en œuvre pour, au final, gagner du temps. En outre, chaque élément qui nous sera donné sera lui-même acté, dans l optique d un compte rendu fidèle des circonstances de l accident et du déroulement de l opération de secours. En effet, au-delà de l accident, la conduite de l opération de secours est par essence un engagement de responsabilités qui demande des justifications des choix effectués. ANENA : comment se déroule la gestion du secours en avalanche par l équipe du PGHM, une fois celle-ci arrivée sur place? DL : dans une première phase assimilable à la première rotation de l hélicoptère, on trouvera dans la première équipe un secouriste (dont la mission est d effectuer la première recherche DVA après obtention des indices), une équipe cynophile composée d un maître-chien (MCA) et de son chien, et un médecin. La présence de ce dernier se justifie en première rotation si le lieu de l accident est éloigné du premier poste médicalisé. Le terrain vierge post-accident sera le terrain le plus favorable à la recherche canine. La deuxième phase voit intervenir des personnes en nombre, arrivées au fil des rotations héliportées, ou par tout autre moyen. Le chef local des opérations de secours (placé sous les ordres d un Commandant des Opérations de Secours COS, situé au Poste de Commandement, traditionnellement en station ou en vallée) se met en place ; il met en oeuvre le contenu du «sac avalanche» suivant la tactique qu il choisit. Son œil nouveau sur la zone est un atout. Il est assisté d un secrétaire qui acte le déroulement des Photo : Didier LE GALL n 124 DECEMBRE 2008 11

dossier opérations et qui répertorie les entrées et sorties de chaque individu sur la zone de recherche préalablement balisée. Il est également garant de la vérification de port de DVA en fonction, en entrée de zone (sauf consignes particulières). Il est donc mis en place une zone possédant une porte d entrée-sortie unique par laquelle entrent des secouristes destinés aux vagues de sondage et aux opérations de déblaiement, des MCA, des médecins... Le «sac avalanche» est conçu pour contenir tout l équipement de balisage des zones sondées. Il permet un quadrillage matériel de zone afin de ne pas oublier une parcelle de terrain. Le chef d opération doit faire préparer une DZ adaptée et il met en place un guetteur de sur-avalanches. Il transmet des consignes claires à chaque chef d équipe travaillant dans la zone, en cas de suravalanche. Numéros d alerte du secours en montagne Numéro international : 112 Alpes Alpes-de-Haute-Provence : 04 92 81 07 60 Hautes-Alpes : 04 92 22 22 22 Alpes-Maritimes : 04 97 22 22 22 Isère : 04 76 22 22 22 Savoie (Tarentaise) : 04 79 08 29 30 Savoie (Maurienne) : 04 79 05 11 88 Pyrénées Ariège : 05 61 64 22 58 Haute-Garonne : 05 61 79 28 36 Pyrénées-Altantiques : 05 59 10 02 50 Hautes-Pyrénées : 05 62 92 41 41 Pyrénées-Orientales - CRS : 04 68 61 79 20 Pyrénées-Orientales - PGHM : 04 68 04 51 03 ANENA : les équipes de secours de l État sont dotées du nouvel hélicoptère EC 145. Quel est votre opinion sur ce nouvel outil en terrain neigeux? DL : indéniablement, cette nouvelle machine plus rapide et de plus grande capacité d emport permet un gain d efficacité logistique de l opération de secours. On parvient à monter sur zone davantage de personnes et de matériel, et en moins de temps qu en Alouette III. L évacuation des blessés gagne elle aussi en confort et rapidité. Toutefois, le souffle du rotor de cet appareil est capable de perturber grandement les opérations de secours au sol, bien plus que ne le faisait un Écureuil ou une Alouette III. Les sacs de secours et tout matériel non arrimés s envolent sous l effet de ce souffle. La recherche avec DVA depuis l hélicoptère n est pas encore optimisée et interdit dans le même temps une recherche cynophile ou DVA au sol si la zone est petite. En conclusion, on privilégiera pour l instant cette formidable capacité à transporter rapidement des moyens et des hommes, bien que la machine et l inventivité des secouristes n attendent qu à faire murir de nouvelles capacités de secours. ANENA : quel est l avis du pilote chevronné que vous êtes, Vincent Saffioti? (Vincent Saffioti est ancien pilote de chasse ; en tant que pilote d hélicoptère de la Sécurité Civile, il a passé huit ans comme pilote d Alouette III à Chamonix et onze ans à Grenoble ; il vole aujourd hui sur EC 145) Vincent Saffioti : l EC 145 est une machine avec laquelle il faut acquérir encore de l expérience : il va plus vite et prend beaucoup plus rapidement de l altitude qu un Écureuil B2 ou une Alouette III. à titre de comparaison, quand une alouette III atteint 150 km/h, l EC 145 dans les mêmes conditions gagne les 235 km/h. Dans la vallée de l Isère entre 500 m et 1 500 m d altitude, 40 minutes d autonomie avec l Alouette III permettaient la réalisation d un à deux secours. Dans une même durée d autonomie, ce sont quatre ou cinq secours qui sont accomplis en EC 145. Avec peu de carburant embarqué (machine allégée), entre 1 500 m et 3 000 m d altitude, la capacité d emport de l EC 145 est de cinq à six personnes, soit trois fois celle de l Alouette III. Malgré tout, l emploi de ce nouvel appareil impose de nouvelles stratégies en terrain neigeux. Le souffle rotor, qui peut atteindre quatre tonnes de poussée/ m², a une influence importante dans une demi-sphère sous l appareil de 26 m de diamètre. Aussi, en cas de vol à basse altitude, il affecte d abord le sol et tout ce qui y est posé dessus (traces et indices de surface, odeurs, sacs ). Par neige poudreuse, il y a risque non négligeable de perte de repères pour le pilote en cas de création d une colonne de neige entourant l appareil. Ainsi, quand avec l Alouette III, on pouvait se permettre d aller sur le premier indice de surface pour y réaliser une recherche par DVA, l EC 145 impose d utiliser ses performances pour optimiser le temps d arrivée des équipes de secours sur site, et pourquoi pas d optimiser leurs temps de déplacement sur place si la zone est de grande dimension ou avec forte dénivelée. Photo : Didier LE GALL 12 Neige et A VALANCHES

dossier " Il a été emporté comme il a vécu, en premier de cordée. " La montagne, miroir de vie Hommage à Jean-Jacques Mollaret Le 22 décembre 1991 à la Foux d Allos, une rupture de plaque à vent allait couter la vie à l un des témoins les plus marquants de l histoire du secours en montagne, et du développement de l activité du Val d Allos. Retour sur le parcours de Jean-Jacques Mollaret, officier de gendarmerie d abord puis montagnard attaché au développement des vallées (des Alpes à La réunion) qui apporta sa contribution forte aux questions de sécurité dans les massifs. D. LG. ANENA Jean-Jacques Mollaret fut emporté en 1991 par une avalanche sur la croupe des Ubaguets dans cette combe des Agneliers entre Ubaye et Verdon ; là où les mélèzes prennent cette teinte mordorée à l automne ; là où l été les moutons cèdent la place aux chamois et aux bouquetins ; là, enfin, où les anciens craignaient, de ces vallons situés sous le vent, les accumulations de neige si propices aux coulées. Pourtant, il fallait bien aller sécuriser les lieux et déclencher les avalanches à l aide d explosifs pour permettre aux skieurs de relier les stations de la Foux d Allos et de Pra-loup. Jean-Jacques était un chef des pistes consciencieux : il a été emporté comme il a vécu, en premier de cordée. Cette foisci, l expérience acquise plusieurs années auparavant à la tête du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix ne lui a pas été d un grand secours. La plaque, invisible, a cédé insensiblement sous ses skis. Les risques, il les connaissait parfaitement, lui qui, sa vie durant, s est battu pour développer l information du public et la prévention des accidents, lui qui a toujours lutté pour préserver des vies et améliorer la performance des secours. Son parcours est guidé par cette passion constante pour la montagne. Originaire de Megève, en Haute-Savoie, Jean-Jacques Mollaret avait gardé de son passé d instituteur la clarté du propos et la rigueur des mots. Concis dans son écriture, ses textes traduisent une personnalité riche et complexe d un homme en quête permanente de soi, soucieux des hommes et peu sensible aux circonvolutions administratives qu il abhorre. Devant Dame Nature, l homme doit s effacer, surtout ne pas provoquer, respecter à la lettre les règles non écrites connues des seuls montagnards. Celui qui s aventure trop souvent à dépasser ces limites immatérielles le paye de sa vie. Dans son ouvrage «Au-delà des cimes», le lecteur perçoit cette alliance des forces contraires qui organisent la complexité de cet univers montagnard, souvent indéchiffrable, d une dureté impitoyable. L introduction du livre est ciselée à la pointe du piolet et porte la signature éclatante de son auteur. Tour à tour, poéti- n 124 DECEMBRE 2008 13

DOSSIER La montagne a dit : «Jusque-là mais pas plus loin.» Suite Montagnarde, Jean Proal, Éditions de l Envol. Photos : Blaise AGRESTI Photos : D.R. que, visionnaire et engagé, ce texte est un credo pour le secours en montagne, dont il fut une forme d égérie. La montagne est le fil rouge de son existence. Son enfance à Megève lui a inculqué un profond amour pour les sommets enneigés. Ses études le conduisent vers l école normale à Bonneville, puis à son premier poste d instituteur. Quelle motivation le pousse alors à présenter le concours de l école des officiers de la gendarmerie? Qu attend-t-il de ce métier fait d ordre et de dévouement? A-t-il déjà en tête le secret espoir de prendre la tête d une de ces unités de secours en montagne qui viennent d être récemment créées? C est alors qu il arrive à Chamonix à la tête du peloton spécialisé de haute montagne (PSHM) le 1 er octobre 1965. Il est lieutenant, jeune pour ce poste difficile : il y restera huit années, une durée exceptionnelle pour un officier de gendarmerie. Très vite, il va être confronté à des histoires incroyables : le secours des Allemands aux Drus et le crash du Kangchenjunga de la compagnie Air India en 1966, l accident du téléphérique d Helbronner dont le câble tracteur est coupé par un avion de chasse de l armée de l Air et, peut-être l histoire la plus délicate et polémique : le drame de Gousseault et Desmaison aux Grandes Jorasses en 1971. Drus 1966, Grandes Jorasses 1971 : deux sauvetages historiques qui resteront dans la mémoire collective et qui vont précipiter l his- 14 Neige et A VALANCHES

dossier toire, puisque les gendarmes prendront petit à petit la main sur les secours. Il faut bien reconnaître que Jean-Jacques Mollaret fut le personnage central de cette évolution. Au quotidien, les secouristes sont confrontés à la mort, et leur chef perçoit ces instants difficiles avec des mots empreints de sensibilité : «Après-midi lourd et orageux, sommets encapuchonnés d épais cumulus, bouffées de vent chaud. L hélicoptère a déposé la caravane de secours sur le glacier. Les hommes s encordent, silencieux. Neige profonde, progression malaisée. Couloir menaçant. Enfin les corps, restes pitoyables, vite enfermés dans les sacs de jute, arrachés à la montagne à grands renforts de manœuvres de cordes. La marée de la nuit monte, submerge les vallées et les pentes tandis que la clarté expire déjà sur les cimes. Lumière et nuit, c est le drame qui se dénoue en cette fin du jour.» Chamonix, l époque est aux innovations, le secours en est encore à ses balbutiements : il faut inventer des matériels pour secourir des alpinistes coincés au fond des crevasses, organiser les réseaux radio, développer les formations, renforcer la coopération avec le Val d Aoste et le Valais. Jean-Jacques Mollaret est de tous les combats, passionnément. Au fil du temps, il va nouer des amitiés fortes, notamment avec Gérard Devouassoux, Franco Garda (le fondateur des secours dans le Val d Aoste), Lorenzino Cosson, Maurice Herzog, maire de Chamonix et ministre... Avec le docteur Foray et Robert Petitprestoud, ils seront de toutes les expérimentations médicales et technologiques pour faire progresser l organisation des sauvetages. Les gendarmes inventent des matériels (treuils, sac à avalanche, liquide déglaçant, perche télescopique, traîneaux...) qui contribuent à améliorer la performance des secours. Il contribue aussi à développer les échanges techniques avec les valdôtains (Italie) et les valaisans (Suisse) lors d une rencontre annuelle baptisée «la triangulaire du secours en montagne» qui ouvre la voie à des interventions conjointes. Il sera aussi à l origine de la création d une maison de la montagne à Chamonix en 1972, avec Gérard Devouassoux, puis, quelques années plus tard, en 1987, il réitèrera à Cilaos sur l île de la Réunion. Ce lieu d échange d informations, ouvert gratuitement et librement aux alpinistes et aux randonneurs, permet de s enquérir des conditions en montagne, de trouver un itinéraire adapté et un compagnon de cordée. La modernité de ce concept n apparaîtra que plus tard, comme toujours. Au moment de quitter le PGHM en 1972, il peut avoir le sentiment du devoir accompli, puisque l unité assume désormais la responsabilité pleine et entière des sauvetages dans le massif du Mont-Blanc, grâce à la maturité technique gagnée lors d opérations de secours particulièrement engagées qui valent aux gendarmes la reconnaissance de la communauté des guides. D ailleurs, avec «ses» gendarmes, la relation forgée dans l action est forte, presque fusionnelle. Il sait décrire leur quotidien avec des mots qui sonnent juste : «Pour eux, rares sont les sommets vierges de souvenirs tragiques. Que de peines, que de risques pour arracher à la montagne un blessé, un alpiniste en perdition! la joie aussi est sans mesure : une vie n a pas de prix. De ces inconnus, de ces étrangers, arrachés à la mort, ramenés parfois de l au-delà de la vie apparente, bien peu connaîtront leurs sauveteurs et rares sont ceux qui reviendront remercier simplement d une poignée de main. D ailleurs la joie de la victoire sur la mort n est pas là, elle est intérieure, incommunicable aux êtres les plus proches.» Promu au grade de capitaine en 1973, il est «muté à Chamonix», où il va diriger la compagnie de gendarmerie départementale, créée la même année. Malgré ses nouvelles fonctions, il gardera, à travers son rôle de secrétaire de la société chamoniarde de secours en montagne, une part active dans le secours en montagne, dont il cherchera toujours à parfaire le système complexe. Mais si sa contribution au secours en montagne peut paraître satisfaisante pour beaucoup, elle ne l est pas pour lui. Il pense que tout n a pas été fait : «où en sont la création d un SMUR les travaux de la D.Z. des Bois, l installation de radiotéléphones dans les refuges non gardés?» En juillet 1981, alors âgé de 42 ans, il quitte Chamonix pour l île de la Réunion où il va être l instigateur avec d autres passionnés du premier cross du Piton des Neiges, puis de la première traversée complète de l île de la Réunion, «trail» qui deviendra vite fameux. En 1987, il quitte la gendarmerie pour une retraite anticipée, avec le grade de lieutenant-colonel. Mais l appel des montagnes est le plus fort, et il s installe alors dans les Alpes du Sud, où le destin le rattrape à la Foux d Allos. Victime d une avalanche le 22 décembre 1991 lors d une inspection technique dans cette station de ski dont il était le directeur, Jean-Jacques Mollaret décède le 10 mars 1992, sans jamais être sorti du coma dans lequel il était plongé. Il avait 53 ans : «La montagne n est pas un miroir complaisant des activités fébriles de l homme, ni de ses performances ; maintes fois gravie, jamais possédée, elle est l indéchiffrable». NoteS Blaise Agresti officier de gendarmerie et guide de haute montagne, ancien commandant du PGHM de Chamonix 1. Au-delà des cimes, Cerf 1974 ; Le Mont-Blanc, jadis aujourd hui, Cerf ; Missions insolites, Cerf ; Mont-Blanc, refuge de l éternité, Hachette 1978. 2. Le GSHM de Chamonix, ancêtre du PGHM, fut créé en 1958 3. Au-delà des cimes, CERF, 1974. 4. Au-delà des cimes, CERF, 1974. 5. SMUR : Service Médical d Urgence et de Réanimation. 6. La marche des cimes : 6000 mètres de dénivelée et 112 kilomètres. n 124 DECEMBRE 2008 15

Photos : Charly GRAC Après son départ de la gendarmerie de montagne, Jean-Jacques Mollaret n en est pas moins resté un montagnard passionné. Le 1 er juin 1990, il prend de nouvelles fonctions à la SEFA (Société d Équipement de la Foux d Allos), comme directeur, avec pour mission la coordination et le pilotage des services en charge du développement du Val d Allos. à ce titre, il lie des relations d amitiés fortes et sincères avec «les montagnards» de la vallée du Haut Verdon, comme Charly Grac. Expert auprès de la SEFA de la sécurité des domaines skiables du Val d Allos, ce dernier transmet à Jean-Jacques Mollaret sa passion du déclenchement préventif des avalanches et sa connaissance des problématiques d enneigement si particulières des massifs du sud : une année avec de fortes chutes de neige, une année sans Amoureux de la montagne, comme on le ressent dans la sensibilité de son ouvrage «Au-delà des cimes», Jean-Jacques Mollaret fait l unanimité quant à la qualité de son apport aux stations du Val d Allos : dynamisme pour le tourisme, richesse dans les relations humaines, technicité dans les décisions. Aussi, comme il le faisait en tant que gendarmesecouriste, il met en avant son savoir-être de dirigeant de terrain afin de partager les conditions difficiles des tirs préventifs de déclenchement, afin de se représenter les enjeux des inspections techniques des remontées. Mais ces déplacements au cœur du domaine de montagne dont il avait la responsabilité n étaient-ils pas tout simplement une façon de faire vibrer son amour des cimes? Il se sentait bien au sommet des Evêchés ou de la Séolane (sommet du massif du Haut Verdon). C est au cours d une de ces inspections de remontées mécaniques, celle du télésiège des Ubaguets, qu il fut victime d une «anodine» plaque à vent. 16 Neige et A VALANCHES

DOSSIER En ce mois de décembre 1991, le massif du Haut Verdon était très peu enneigé, à l exception de quelques pentes exposées au nord et au nord-est au-dessus de 1 500 m. Trois mètres en dessous de la ligne de crête portant le télésiège, il est emporté avec Charly Grac par une plaque de neige dure sur une cinquantaine de mètres. Blessé aux vertèbres cervicales lors de cet accident dans lequel Charly Grac sortira miraculeusement indemne, Jean-Jacques Mollaret décèdera trois mois plus tard, en mars 1992, des suites de ses blessures. Ce tragique évènement fut pour le Val d Allos la prise de conscience de la perte d un homme hors du commun qui a été l un des acteurs des moments les plus intenses de l histoire du secours en montagne en France : catastrophe aérienne du Kangchenjunga dans le massif du Mont- Blanc, affaire Gousseault-Desmaison aux Grandes Jorasses. Il manifesta dans cette dernière toute sa force de caractère et ses convictions. Après la disparition de Serge Gousseault en 1971, dont Jean-Jacques Mollaret fut le témoin en tant que commandant du PGHM à Chamonix et qui marqua également le cœur des montagnards de la Foux d Allos (Serge Gousseault, guide et pisteur, faisait partie du service des pistes de la Foux d Allos), celle de Jean- Jacques Mollaret, vingt ans plus tard, grave dans les schistes du Haut Verdon l empreinte de cette étrange coïncidence des lieux d attache des deux hommes ainsi que la passion des cimes que Jean- Jacques Mollaret avait su transmettre dans cette ultime étape sur les domaines skiables du Val d Allos. C. G. L accident d avalanche de La Foux d Allos du 22 décembre 1991 (secteur Les Agneliers) Analyse nivo-météorologique 1) Conditions nivologiques générales :- À la date du 20 décembre, l enneigement est faible dans le massif du Haut-Verdon : quasi absente des versants sud, la neige n atteint que la modeste épaisseur d une vingtaine de centimètres à 2 000 m. Au-dessus, l enneigement est très irrégulier, et seules les zones abritées présentent 20 à 30 cm de neige, composée de gobelets ou de faces planes qui se sont formées pendant la longue période de beau temps qui dure maintenant depuis un mois (depuis le 20 novembre). 2) Conditions météorologiques durant les 24 h précédant l accident : Changement de temps le 21 : une perturbation, d activité modérée, apporte au cours des 24 h qui suivent 10 à 30 cm de neige. Mais ces quantités de neige fraîche concernent essentiellement les zones de haute altitude, car la limite pluie-neige, d abord basse (vers 1 100 m), remonte progressivement jusque vers 2 500 m. Cette perturbation est accompagnée de vents de nord-ouest violents. 3) Évolution des conditions nivologiques : Les chutes de neige modérées mais très ventées débutent tôt dans la journée du 21. Elles se déposent dans de nombreuses pentes sur un sol nu ou sur une vieille neige regelée ou bien compactée par le vent. En revanche, dans les versants peu ensoleillés (nord-ouest à nord-est), elle se dépose sur une couche de neige sans cohésion de type faces planes/gobelets, présente dès 1 700 m d altitude environ. Ainsi, dans ces pentes, le risque de déclencher accidentellement une avalanche de plaque devient rapidement important. Au fil des heures, c est-à-dire durant la nuit du 21 au 22 puis durant la matinée du 22, les précipitations se poursuivent, mais le redoux s accentue. La limite pluie-neige remonte alors jusqu à des altitudes élevées, temporairement jusque vers 2 500 m dans la matinée du 22. En conséquence, l instabilité des plaques en cours de formation augmente encore d un cran au début du redoux, du fait de leur radoucissement, de la surcharge qu occasionne la pluie, puis de la déstabilisation des couches fragiles lors de leur humidification par la pluie. Cette instabilité diminue ensuite, une fois les grains fins constituant la plaque et les grains anguleux de la couche fragile transformés en grains ronds par la pluie. Daniel Goetz Météo-France / Centre d Études de la Neige n 124 DECEMBRE 2008 17

dossier " Deux facteurs sont déterminants pour la réussite d une opération de recherche en avalanche : la localisation précise du lieu de l avalanche et un délai minimal d intervention. " Si près des pistes! Le 8 janvier 2008, à proximité du domaine skiable de la station de La Plagne (Savoie), un accident en ski hors-piste se produit. Un jeune homme est enseveli sous une coulée d avalanche : celle-ci s est déclenchée lors de son passage sur une «plaque à vent». Toutefois, la fin heureuse de cet événement ainsi que la rapidité de l action de sauvetage par le service des pistes incitent à mettre en avant la chronologie de l accident et du secours, ainsi que les commentaires des protagonistes. François SIBLER chargé de la sécurité des pistes et de la sécurité entreprise à la Sté d Aménagement de La Plagne Didier Le Gall Directeur ANENA A14 h 50, une alerte est diffusée par le poste de secours du secteur «Dos Rond» : «Une coulée de neige, en plaque, s est déclenchée sur le secteur «Lanche Ronde», une personne remonte à pied sur le dépôt». Deux équipes binômes de pisteurs secouristes se rendent sur les lieux par gravité depuis le glacier. La «faible» ampleur de l avalanche permet d effectuer rapidement la recherche après un bilan sur place : trois personnes évoluaient en ski au moment de l accident. La première est indemne et a pu porter assistance au deuxième skieur partiellement enseveli. La troisième personne manque à l appel et a disparu sous la coulée. À l aide du système de recherche «RECCO», Patrick, pisteur secouriste, détecte un signal qui permet la localisation. La victime, Nicolas, est dégagée après 19 minutes d ensevelissement : il est 15 h 09. Cette avalanche de plaque s est produite dans un versant orienté nord-est, à 2 520 m d altitude. L épaisseur à la cassure est de 40 cm. La coulée, longue de 200 m et large de 35 m, peut être considérée comme de dimension moyenne. L organisation et les méthodes professionnelles mises en œuvre par les opérateurs de domaines skiables face au risque d avalanche sont similaires dans tous les massifs. Deux facteurs, qui sont déterminants pour la réussite d une opération de recherche en avalanche, ont été dans ce cas réunis : la localisation précise du lieu de l avalanche lors de l alerte et un délai minimal d intervention. La victime a pu être libérée rapidement de la coulée malgré son absence de port de DVA (Détecteur de victimes d avalanches). Les entraînements fréquents à la recherche de victimes, à l aide des systèmes de DVA et «RECCO», sont fondamentaux pour optimiser les temps de secours. Pour les opérateurs de domaines skiables, les systèmes de recherche parallèles, qui s ajoutent aux DVA, tels que le 18 Neige et A VALANCHES