La substitution des véhicules à carburant fossile par le véhicule électrique en agglomération.



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Transcription:

Faculté des Sciences Economiques et Sociales Institut des sciences de l environnement La substitution des véhicules à carburant fossile par le véhicule électrique en agglomération. Enjeux et propositions de mesures au regard du développement durable. TRAVAIL DE CERTIFICAT DE FORMATION CONTINUE UNIVERSITAIRE EN DEVELOPPEMENT DURABLE AVRIL, 2010 Jean-François Tedesco Contact : jf.tedesco@lugudunum.com Jean-François TEDESCO 1/88 Université de Genève

Jean-François TEDESCO 2/88 Université de Genève

La vie vaut bien plus que nos habitudes Photo couverture source : www.formeco37.com Jean-François TEDESCO 3/88 Université de Genève

Résumé La prise de conscience de la dégradation de l environnement dont une majeure partie est indubitablement liée à des origines anthropiques ; l augmentation du prix du pétrole ; le réchauffement climatique ; le relais de cette prise de conscience «environnementale» par les médias ; le développement économique «vert» ; l intégration du concept du développement durable dans la manière de gérer nos sociétés, via les agendas 21, contribuent, depuis quelques mois, à un engouement subit pour le véhicule électrique (V.E.) au niveau mondial. Pourtant, le V.E. n est pas une invention récente, il a accompagné l histoire de l automobile dès les premiers mouvements de roue! Et les fabuleux concepts de changement de batteries de traction des V.E. en quelques minutes ou de stations de recharge électrique, qu on nous présente aujourd hui comme novateurs, existaient déjà à la fin du XIXe siècle! Dans un monde de plus en plus urbain, où les distances ne se comptent plus vraiment en kilomètres mais en temps, le V.E. a toutes les raisons «logiques» de s imposer et d enfin reprendre, tout du moins, sa place citadine que lui avait spoliée le véhicule à carburant fossile (V.C.F.). Cependant, cette logique renaissance du V.E. sera toujours perturbée par les divers groupements d intérêts tels que les lobbies des industries pétrolières, des constructeurs de V.C.F. (réfractaires au changement et installés dans un modèle économique suranné), des pays producteurs de pétrole, et d autres, comme elle a pu l être auparavant Et c est ainsi que devant le peu de documentation réellement consacrée au V.E., j ai mené mon travail de mémoire en choisissant une démarche exploratoire. Elle m a paru la plus appropriée. J ai alors articulé mon mémoire en quatre parties : - la première partie fait office d introduction et est dédiée à l histoire du V.E., de sa «naissance», au milieu du XIXe siècle, jusqu à la tentative française, à la fin du XXe siècle, de relancer le V.E. à une échelle nationale, pour les particuliers et les entreprises, en milieu urbain ; - une deuxième et courte partie présente ma question, les raisons de la méthodologie choisie ainsi qu un préambule que j ai jugé nécessaire ici. - la troisième partie est consacrée au face-à-face «V.C.F. - V.E.» dans le contexte du développement durable. Outre les enjeux intrinsèques au développement durable, j ai choisi d approfondir plus particulièrement les enjeux de santé publique (avec une approche autant sociale qu économique), enjeux qui me semblent primordiaux au regard de la problématique. On verra pourquoi, d ailleurs, la mise en place rapide d une politique urbaine en faveur du V.E s avère nécessaire tant le bruit mais surtout les gaz d échappement des V.C.F. se révèlent hautement délétères ; Jean-François TEDESCO 4/88 Université de Genève

- La quatrième partie propose donc des types de mesures possibles à mettre en œuvre pour une politique de transport en faveur du V.E. dans les agglomérations, en essayant de ne pas reproduire les erreurs de la tentative française des années nonante. Ce travail m a finalement amené à une conclusion non-préméditée et sans équivoque : la nécessité de favoriser au plus vite le développement du V.E. en agglomération! Cependant, j attire l attention dans cette conclusion que ce recours urgent au V.E. en agglomération ne résout pas directement le problème de trafic et d engorgement des villes. Il permettra seulement d avoir des embouteillages «propres» et donc non dommageables pour la santé publique, ce qui n est pas rien! La gestion du trafic des véhicules particuliers et utilitaires en ville s accompagnera, indéniablement, de nécessaires péages urbains et de nécessaires limitations de trafic, le tout accompagné d un renforcement des transports collectifs (chaussées dédiées, maillage plus dense pour les flux radiaux mais aussi pour les flux périphériques, etc.). Cette conclusion me permet aussi de souligner que si le V.E. peut être un des symboles du développement durable, il peut néanmoins voir son développement freiné voire annihilé par le pouvoir tacite, mais bien réel, des lobbies, notamment dans les pays occidentaux, ce qui pourraient d ailleurs favoriser les pays «émergents» qui, eux, ont déjà parié sur l industrie du V.E. Même si les ONG, et les représentants de la société civile arrivent, peu ou prou, à se faire un peu plus entendre, les groupements d intérêts économiques et privés ont pris une place non-négligeable dans notre société et souvent même au détriment de la démocratie. Ils ne représentent qu une minorité de citoyens mais leurs méthodes de manipulation, dont l objectif n est que l intérêt financier à court terme, arrivent à changer les lois dans nos démocraties! Cet amer constat m amène à citer Pétrone, auteur latin du 1 er siècle après J.C., qui, dans Satiricon, fait demander à l un de ces personnages : «à quoi servent les lois où seulement l argent règne?»... Soulignons, à titre d exemple, qu à Bruxelles, à côté du parlement européen, un bâtiment abrite désormais les divers lobbies. On ne peut que s alarmer de la place qu ils prennent dans nos démocraties et notamment au regard d une décision prise récemment au sein de l UE. En effet, si 70% des citoyens européens sont opposés à la culture d OGM en Europe, une des premières préoccupations de la nouvelle commission européenne a été d autoriser, en avril 2010, la culture de certains OGM sur le sol européen afin de contenter certaines firmes! La boîte de Pandore a donc été grande ouverte Si ce mémoire m a amené à mettre en exergue l urgence de la substitution du V.C.F. par le V.E. en agglomération, et conséquemment l urgence de l application du concept de développement durable dans nos sociétés, il m a permis d appréhender le poids des lobbies et leurs méthodes de propagande afin de manipuler tacitement l opinion publique en démocratie au détriment du bien commun. C est à la fois choquant quant à l essence même de nos démocraties et quant à l attitude de certains de nos représentants politiques, et alarmant quant à l avenir de nos démocraties! Jean-François TEDESCO 5/88 Université de Genève

C est pourquoi la mise en place, rapide (entre 2010 et 2012), d une politique audacieuse en faveur du V.E. associée à un développement tout aussi rapide, sera non seulement salvateurs dans nos agglomérations mais apparaîtra aussi comme un indicateur de la bonne santé de nos démocraties Jean-François TEDESCO 6/88 Université de Genève

RESUME... 4 REMERCIEMENTS... 9 ABREVIATIONS UTILISEES... 10 DEFINITIONS UTILES... 11 I- INTRODUCTION : LE VEHICULE ELECTRIQUE, DEFINITION GENERALE ET PETITS HISTORIQUES... 12 I-1 LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE : DÉFINITION... 12 I-2 LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE : UN CONCEPT RÉCENT?... 12 I-2-a Des stations de recharge et d échange de batteries de traction en 1898 à Paris... 13 I-2-b Le jour où l automobile dépassa les 100 km/h... 15 I-3 LE RENOUVEAU DU VÉHICULE ÉLECTRIQUE EN FRANCE IL Y A 15 ANS... 16 I-3-a Les véhicules à carburant fossile, source non-négligeable d émission de CO2... 17 I-3-b Le véhicule électrique : le Phénix de l automobile... 18 II- QUESTION, METHODOLOGIE ET PREAMBULE... 20 II-1 QUESTION... 20 II-2 MÉTHODOLOGIE... 20 II-3 PRÉAMBULE... 20 III- ANALYSE DES ENJEUX «VEHICULE A CARBURANT FOSSILE FACE AU VEHICULE ELECTRIQUE», EN AGGLOMERATION, SUR LES PLANS ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET ECONOMIQUES.... 22 III-1 POURQUOI LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE EN AGGLOMÉRATION?... 22 III-2 L ENJEU ENVIRONNEMENTAL... 24 III-2-a Les deux pollutions majeures urbaines et périurbaines... 24 III-2-b Les véhicules à carburant fossile et les gaz à effet de serre (CO2, )... 25 III-2-c D autres impacts environnementaux mais difficiles à cerner... 27 III-2-c-1 La production d énergie... 27 III-2-c-2 Petit aparté sur l électricité «nucléaire»... 28 III-2-c-3 Le véhicule électrique : plus d électricité à produire?... 29 III-2-c-4 De la matière première au produit fini jusqu à sa fin... 30 III-2-c-5 L impact sur la santé humaine, la faune, la flore, les bâtiments... 31 III-3 L ENJEU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL... 32 III-3-a La vie en agglomération : plus de kilomètres, plus de dépenses... 32 III-3-b Quid du poids économique du véhicule à carburant fossile versus véhicule électrique? 34 III-3-c Le véhicule à carburant fossile ou la «main invisible» d Edward Bernays... 35 III-3-d Le véhicule électrique : un enjeu économique mais aussi politique?... 36 III-3-e Le véhicule électrique : un enjeu économique pour les pays dit «émergents»?... 37 III-3-f Le véhicule électrique : un enjeu économique et une nouvelle géopolitique?... 39 III-4 L ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE... 40 III-4-a Le véhicule à carburant fossile ou le «bon» air du pot d échappement... 41 III-4-b Le véhicule à carburant fossile ou le «syndrome» de la cigarette... 44 III-4-b-1 «Rouler en véhicule à carburant fossile tue»... 45 III-4-b-2 Les coûts de santé : précisions... 46 III-4-b-3 Les coûts de l asthme et du cancer... 47 III-4-b-4 Véhicule à carburant fossile et cigarette : le même chemin mais pas les mêmes embûches? 48 III-5 QUINTESSENCE... 49 IV- LES TYPES DE MESURES POSSIBLES POUR METTRE EN ŒUVRE UNE POLITIQUE DE TRANSPORT ELECTRIQUE DANS LES AGGLOMERATIONS... 50 IV-1 IL Y A 15 ANS, UN PAYS, DEUX CONSTRUCTEURS, DES MESURES ET L ÉCHEC DU VÉHICULE ÉLECTRIQUE... 50 IV-1-a Une initiative uniquement politique?... 50 IV-1-b Quelques mesures et des changements d habitude... 51 IV-1-g Des groupes de pression et d intérêts?... 54 IV-2 LES TYPES DE MESURES, LEURS POSSIBILITÉS ET LIMITES... 55 IV-2-a Les contrôles directs... 56 IV-2-b Les instruments incitatifs... 56 Jean-François TEDESCO 7/88 Université de Genève

IV-2-c Les accords volontaires... 56 IV-2-d Les instruments d information et d éducation... 57 IV-2-e Efficacité et acceptabilité... 57 IV-3 RÉFLEXIONS SUR LES MESURES POSSIBLES À METTRE EN PLACE POUR FAVORISER LA SUBSTITUTION DU VÉHICULE À CARBURANT FOSSILE PAR LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE EN AGGLOMÉRATION... 59 IV-3-a Préambule... 59 IV-3-b Les mesures d information et d éducation... 60 IV-3-b-1 Informer... 60 IV-3-b-2 Contrer... 61 IV-3-b-3 Préparer... 62 IV-3-c Des mesures incitatives... 63 IV-3-c-1 Soutenir et montrer l exemple... 63 IV-3-c-2 Des flottes administratives et changer les habitudes par une formation!... 64 IV-3-c-3 Une prime à l achat d un véhicule électrique nécessaire... 64 IV-3-c-4 Des places et de l énergie pour les véhicules électriques offertes par les véhicules à carburant fossile... 66 IV-3-d Mesures de contrôle direct... 66 IV-3-d-1 Les revenus de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et les infrastructures routières... 67 IV-3-d-2 L interdiction des véhicules à carburant fossile en ville ou agglomération... 67 IV-3-d-3 Le véhicule à carburant fossile et la liberté... 68 IV-3-d-4 Une infrastructure sinon rien!... 68 IV-3-e Des mesures d accords volontaires... 70 IV-3-e-1 Des accords volontaires pour les flottes de véhicules utilitaires d entreprise... 70 IV-3-e-2 La substitution des véhicules utilitaires à carburant fossile par des véhicules utilitaires électriques contre une non-application de certaines mesures de contrôle direct.... 71 IV-3-e-3 Si les entreprises ne respectent pas les accords... 72 IV-3-f Les mesures dans le temps... 72 IV-3-f-1 Pourquoi aller rapidement?... 72 IV-3-f-2 Utopie?... 74 IV-3-f-3 Le rôle d un pouvoir politique fort face aux lobbies, pour l intérêt général et pour une application rapide des mesures... 75 IV-4 LA VIE EN VÉHICULE ÉLECTRIQUE EN AGGLOMÉRATION, UNE AUTRE PROBLÉMATIQUE?... 76 V- CONCLUSION... 80 V-1 LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE, UN SYMBOLE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE?... 80 V-2 LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE OUVRE LA RÉFLEXION SUR D AUTRES PROBLÉMATIQUES... 81 V-3 Ô ESPOIR, Ô DÉSESPOIR... 82 EPILOGUE... 84 ENTRETIENS... 86 BIBLIOGRAPHIE... 87 Jean-François TEDESCO 8/88 Université de Genève

Remerciements Je tiens à remercier le Centre d Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU) et particulièrement Robert Clavel, Chargé de projets transports innovants, ainsi que Michel Cenut, Chef du département environnement et systèmes d'information, pour leur aide dans ma quête aux informations, leur disponibilité ainsi que pour m avoir fait partager leurs points de vue. Je remercie également : - Didier Delorme, Directeur de cabinet de Jean-Louis Touraine, 1er adjoint au Maire de Lyon, vice-président du Grand-Lyon chargé des déplacements urbains, qui m a fait prendre conscience de la complexité des interactions entre tous les acteurs d une ville ; - Bruno Charles, Vice-Président en charge du Développement Durable au Grand- Lyon, qui m a fait remarquer que la ville en véhicule électrique (V.E.) ou en véhicule à carburant fossile (V.C.F.) ne changeait pas grand chose au regard d autres problématiques urbaines, elles aussi liées au développement durable ; - François Gindre, Directeur Général de Lyon Parc Auto, pour avoir partagé ses réflexions, m avoir éclairé sur d autres problématiques connexes mais aussi démontré que des initiatives personnelles et motivées peuvent faire avancer les choses en ce qui concerne le V.E. ; - Jocelyne Célard, responsable du pôle documentation au CERTU, pour m avoir aidé et facilité la recherche d ouvrages connexes à ma problématique ; - les chercheurs du Commissariat à l Energie Atomique (CEA) de Grenoble, Daniel Chatroux et Bruno Béranger, pour leur accueil, leur disponibilité et le partage de leur expérience sur le V.E. ; - Dr Sylvain Perret de l Université de Genève, Institut des sciences de l environnement, qui, par ses conseils avisés, m a grandement aidé à ne pas trop m éloigner de ma problématique et à la structurer ; - et enfin, ma mère, pour son aide lors des relectures et corrections du document. Jean-François TEDESCO 9/88 Université de Genève

Abréviations utilisées - V.E. : véhicule électrique. - V.C.F. : véhicule à carburant fossile (essence, diesel, GNV, GPL). Notion qui doit être comprise au sens large : voitures particulières, véhicules utilitaires et deux roues motorisés. - AFSSE : l agence française de sécurité sanitaire environnementale (France : F) - AFSSET : Agence Française de Sécurité Sanitaire de l'environnement et du Travail. (F) - ALD : Affectation de longue durée APHEIS : Air Pollution and Health: a European Information System - BPCO : broncho-pneumopathie chronique obstructive - CEA : Commissariat à l énergie atomique (F) - CERTU : Centre d Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'urbanisme et les constructions publiques - Ministère de l Ecologie, de l Energie, du Développement Durable et de l Aménagement du Territoire - (F). - CIRC : Centre international de Recherche sur le Cancer - CITES : Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction - CNAMTS : Caisse nationale d assurance maladie des travailleurs salariés (F) - CSBM : Consommation de soins et de biens médicaux - CT : Court terme - D4E : Direction des études économiques et de l évaluation environnementale (F) - DALY : Disability adjusted life years - DD : développement durable - DRAST : Direction de la Recherche et de l'animation Scientifique et Technique (France) - ENTPE : Ecole Nationale des Travaux Publics de l Etat. (F) - EPA : Environmental Protection Agency - GES : Gaz à effet de serre - HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques - INRETS : Institut Nationale de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (F) - INVS : Institut Nationale de Veille Sanitaire (F) - INSEE : Institut Nationale de la Statistique et des Etudes Economiques (F) - LET : Laboratoire d'economie des Transports (F) - LPA : Lyon Parc Auto - LT : Long terme - OCDE : Organisation de coopération et de développement économique - OMS : Organisation mondiale de la Santé - ONU : Organisation des Nations Unis - PA : Pollution atmosphérique - PREDIT : programme de recherche et d innovation dans les transports terrestres (F) - RIVM : Institut national de santé publique de l environnement hollandais -SESP : Service Economie Statistiques et Prospective - Ministère de l Ecologie, de l Energie, du Développement Durable et de l Aménagement du Territoire - (F) - T.I.P.P. : Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (F) Jean-François TEDESCO 10/88 Université de Genève

Définitions utiles UE-15 (ou UE15) : l Union européenne des quinze qui correspond à l'ensemble des pays qui appartenaient à l'union européenne entre 1995 et 2004 Voyageurs-kilomètres : Unité de trafic de voyageurs, qui représente le déplacement d un voyageur sur une distance d un kilomètre. C est une unité multiplicative : on évoque des voyageurs-kilomètres et non pas des voyageurs par kilomètre. Ainsi, trois voyageurs qui parcourent chacun 10 km et un voyageur qui parcourt 200 km représentent au total un trafic de : 3 fois 10 + 1 fois 200 = 230 voyageurs-km. Cette unité permet de tenir compte de la distance parcourue par chaque voyageur. (source : INSEE - www.insee.fr) Véhicules-kilomètres : distance parcourue par les véhicules sur route. (source : Statistique Canada - www.statcan.gc.ca) Jean-François TEDESCO 11/88 Université de Genève

I- Introduction : le véhicule électrique, définition générale et petits historiques On perçoit via les médias, depuis quelques mois, un engouement pour le véhicule électrique (V.E.) au niveau mondial. Encore plutôt politique qu industriel, peut-être plus réactif au prix du pétrole qu aux soucis environnementaux, cet intérêt prononcé pour le VE nous fait imaginer, qu à terme, des flottes de taxis ou de véhicules utilitaires rouleront dans les villes où le bruit des moteurs à explosions et leurs gaz d échappement disparaîtront enfin! Des stations de recharge électrique voire même des stations d échange de bloc de batteries «minutes» seront implantées au cœur des villes! Fabuleux concept novateur Cependant, il convient juste de se remémorer l histoire de l automobile : elle a débuté avec ce concept! I-1 Le véhicule électrique : définition Qu entend-on par véhicule électrique? Un véhicule électrique est un véhicule mu par la force électromotrice d un ou plusieurs moteurs électriques alimentés par l énergie électrique délivrée par des batteries d accumulateurs. En dehors des batteries, il y a d autres types de sources possibles, (pile à combustible approvisionnée en hydrogène, panneaux solaires, batteries alimentées par un moteur générateur d électricité lui-même alimenté par un combustible fossile ou non (biodiesel ou éthanol), ou un système associant plusieurs des sources citées). Cependant, la batterie d accumulateurs reste aujourd hui la technologie retenue pour une industrialisation rapide du véhicule électrique. I-2 Le véhicule électrique : un concept récent? L «Histoire» du V.E. naît avec l histoire de l automobile et n est donc pas récente. Un petit historique va nous permettre de l apprécier. Les différentes littératures datent l apparition des premiers prototypes de V.E. vers 1830. Mais la locomotion électrique est intimement liée à l'amélioration du fonctionnement des batteries d accumulateurs, et donc parler de l histoire du véhicule électrique c est y associer Gaston Plante. En effet, il faut attendre l'amélioration du fonctionnement des batteries par Gaston Plante en 1865 puis Camille Faure en 1881 pour que les voitures électriques prennent réellement leur essor. Jean-François TEDESCO 12/88 Université de Genève

En 1881, Charles Jeantaud, aidé de l inventeur de batteries Camille Faure, construit le premier véhicule électrique français, avec un moteur Gramme et une batterie Fulmen. Cependant, la première voiture électrique est aussi attribuée à Gustave Trouvé (inventeur du bateau électrique) puisqu en novembre 1881, il présente aussi une automobile électrique à l'exposition internationale d'électricité de Paris (source : www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=962). Ci-dessous, la voiture électrique de Charles Jeantaud de 1881. (source :http://evworld.com/blogs/index.cfm?authorid=46&blogid=202&archiv.e.=1) Aussi, «la voiture électrique connaît un succès certain dans la dernière décennie du XIX e siècle, tant en Europe qu'aux Etats-Unis. [ ] Il s'agit notamment de flottes de taxis pour le service urbain, en lieu et place des fiacres et autres voitures de louages à cheval. Ces voitures étaient munies de batteries au plomb pesant plusieurs centaines de kilogrammes qui étaient rechargées la nuit dans des stations spécialisées.» (source : www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=962). «En 1881, Nicolas-Jules Raffard avait déjà motorisé un omnibus qui allait être à l origine de la première expérience de transport en commun routier doté d une motorisation électrique et l on connaît aussi le tramway à accumulateurs qui faisait le service «Madeleine-Courbevoie» aux environs de 1897. [ ]» (source : http://comiteducentenaire.over-blog.com/article-la-voiture-electrique-45912936.html) I-2-a Des stations de recharge et d échange de batteries de traction en 1898 à Paris «A Paris, [l ingénieur français et constructeur] Krieger fut [aussi] le premier à implanter des stations de recharge pour ses voitures à accumulateurs et ce, dès 1898. On pouvait y faire recharger les batteries ou, plus simplement, les échanger contre des batteries chargées, ce qui ne prenait que quelques minutes. Un an plus tard, la quasi-totalité des taxis parisiens était dotée d électromobiles.» ( source : http://comiteducentenaire.over-blog.com/article-la-voiture-electrique-45912936.html) Jean-François TEDESCO 13/88 Université de Genève

Phot La substitution des véhicules à carburant fossile par le véhicule électrique en agglomération. Enjeux et propositions de mesures au regard du développement durable Ci-dessous, une station de recharge électrique destinée aux flottes des sociétés de taxis qui exploitaient les «électromobiles» Krieger à Paris en 1898. (source : http://comiteducentenaire.over-blog.com/article-la-voiture-electrique-45912936.html) Ci-dessous des taxis électriques dans les rues de New York City à la fin du XIXe siècle. Photo 1 Photo 2 (photo 1, source : http://blog.hemmings.com/index.php/2009/01/06/new-yorks-21-passenger-electricduallies-of-the-oughts/) (photo 2, source : http://tecno12-14.info/miscel_lania.htm) Il est important de souligner qu à l époque, posséder une automobile était un luxe et que la notion de voitures «individuelles» ou «particulières» pour toute la population n existait pas vraiment. La voirie était souvent partagée entre transport en commun (tramway, omnibus..) et taxis qui représentaient la plupart des voitures de l époque. Comme leur usage était majoritairement urbain, le choix de l électrique s imposa. Jean-François TEDESCO 14/88 Université de Genève

En quelques années, l autonomie des V.E. s améliora. D ailleurs, on peut lire que si «en 1896, Louis Krieger [ ] créa un fiacre électrique qui participa avec succès au premier concours de parcours en ville : 12 jours de circulation et 50 km par jour.[ ] Quelques années plus tard, en 1901, de nouveau Krieger, avec une voiture électrique emportant trois voyageurs, portait le rayon d action à 307 km en reliant Paris à Châtellerault, sans recharge, à une moyenne horaire de 40 km». (Lebrun, P., 2003) I-2-b Le jour où l automobile dépassa les 100 km/h Le 29 avril 1899, à Achères, en France, pour la première fois dans l histoire de l automobile, un véhicule automobile dépassa les 100km/h (105,88 km/h précisément). Ces 105,88 km/h, furent atteints sans émanation de gaz d échappement et donc sans émission de polluants atmosphériques, le tout sans bruit, puisque cette voiture française, qui se nommait la «Jamais-Contente», et qui était conduite et conçue par l'ingénieur belge Camille Jenatzy, était 100% électrique! Camille Jenatzy et la «Jamais Contente». (Les 2 photos ci-dessus : http://fr.wikipedia.org/wiki/camille_jenatzy) Finissons, enfin, ce petit historique sur une anecdote et l extrait d un article journalistique empreint de discernement. Un «concours des «voitures de place» de 1898 (organisé par l Automobile club de France du 1 er au 12 juin) avait amené les concurrents à couvrir, à travers Paris, neuf itinéraires de 60 km. Douze véhicules étaient inscrits mais un seul de ces véhicules était «à pétrole» (un coupé Peugeot) [ ]. Les onze autres voitures étaient des «électromobiles», presque toutes de fabrication Jeantaud et Krieger (si l on excepte un coupé de la Compagnie générale des transports automobiles). (http://comiteducentenaire.over-blog.com/article-la-voiture-electrique-45912936.html) A la suite de ce concours, M. E. Hospitalier écrira (dans «La Nature», 9 juillet 1898) : «Désormais, il est acquis que le fiacre à moteur à essence de pétrole ne saurait constituer un système d exploitation de voitures publiques dans une grande ville». (http://comiteducentenaire.over-blog.com/article-la-voiture-electrique-45912936.html) Jean-François TEDESCO 15/88 Université de Genève

Presque 130 plus tard, on est en droit de se demander pourquoi présente-t-on toujours le véhicule électrique en prototypes, et ceci quasiment lors de chaque salon de l auto depuis des décennies, en projets avortés, en velléités flagrantes de quelques constructeurs de véhicules à carburant fossile (V.C.F.) «classiques» ayant pour seul objet de donner une image «verte» à leur marque ou de suivre quelques recommandations étatiques, empreintes, ellesaussi, d autant de velléités I-3 Le renouveau du véhicule électrique en France il y a 15 ans Au milieu des années nonante, sous l impulsion de l Etat français, sensibilisé aux problèmes de pollutions urbaines, les constructeurs français relevaient le défi de «re»lancer la voiture particulière et petit utilitaire 100% électrique. Ce furent des modèles pourvus d une autonomie comprise entre 70 et 100km. Dans le même temps, afin de compléter une offre «tout électrique» destinée à l usage citadin, Peugeot lançait aussi un scooter électrique 100% électrique d une autonomie de 40 km. Ces modèles, de par leur autonomie, furent tout à fait adaptés à un usage urbain et périurbain. Et ils le sont finalement toujours! En effet, une étude du CERTU (2008), liée à la mobilité, met en évidence que la voiture (donc V.C.F.) est utilisée pour de très courtes distances au détriment des modes doux. Voici les données extraites de cette fiche (part d utilisation de la voiture (V.C.F.) en fonction de la longueur et du type de déplacement) que j ai choisi de représenter sous une forme synoptique : longueur et type de déplacement part d usage de la voiture par déplacement donné Petits déplacements (journal, pain, crèche, école ) moins de 1 km 28% 1 à 3 km 60% Flux radiaux (à destination ou à l origine du centre) de 3 à 7 km 62% supérieurs à 7 km 72% Flux périphériques (dans l agglomération sans passer par le centre ville) supérieurs à 3 km 86% Jean-François TEDESCO 16/88 Université de Genève

Au regard de ces données, qui n indiquent pas, cependant, le pourcentage des citoyens qui sont tributaires de leur véhicule pour diverses raisons (handicap, etc.), on note une forte dépendance à l usage de la voiture (V.C.F.) au détriment des modes doux dès les tous premiers kilomètres! On remarque aussi immédiatement que ces déplacements «très courtes distances» sont largement compatibles avec l autonomie des V.E. (voitures et scooters) des années nonante, qui était, rappelons-le, de 70 à 100km pour les voitures et de 40km pour les scooters. Et en ce qui concerne la voiture électrique, son autonomie couvre également les déplacements «courtes distances». Rappelons que «les déplacements courtes distances sont ceux effectués à moins de 80 km à vol d'oiseau du domicile, soit à moins de 100 km environ en distance réelle.» (CERTU, 2007, p.9). I-3-a Les véhicules à carburant fossile, source non-négligeable d émission de CO2 Et toujours, selon le document du CERTU (2007), ces déplacements «courtesdistances» sont extrêmement générateurs d émissions de CO2. On peut ainsi lire : «selon la situation de référence de 1990, les déplacements des personnes à courtes distances représentaient 447 milliards de voyageurs-km, 85 % étant effectués en voiture et 11 % en transports collectifs. La circulation automobile «courtes distances» peut être évaluée à 262 milliards de véhicules-km. Ces déplacements automobiles représentent environ 64 % de l'ensemble des voyageurs-km effectués en voiture en France et 72 % des véhiculeskm. Ils constituent donc un enjeu important pour la réduction des émissions de CO2. [Notons que] les déplacements en voiture à courte distance représentaient en 1990 une émission annuelle de 60 millions de tonnes de CO2 [en France] que l'on peut répartir comme suit : - centres urbains : 10 millions de tonnes - banlieue : 16 millions de tonnes - périurbain : 14 millions de tonnes - rural : 20 millions de tonnes» (p.9) Enfin, J.-P. Lavielle (2008) rajoute que «La mobilité quotidienne, ou mobilité locale prend en compte les déplacements effectués dans un rayon de 80 km autour du domicile. Elle représente la presque totalité des déplacements (96 %) et la majorité des distances parcourues. Cette mobilité est essentiellement urbaine [ ].» (p.35) Jean-François TEDESCO 17/88 Université de Genève

I-3-b Le véhicule électrique : le Phénix de l automobile Et c est cet environnement, tout à fait propice au développement du V.E., qui a permis aux constructeurs français, principalement Peugeot-Citroën, de devenir, il y a 15 ans, premiers constructeurs au monde de V.E. avec, grosso-modo 10.000 véhicules électriques produits. Cependant, contre toute attente, l année 2003 sonna le glas de la production française des V.E. et la fin de ce renouveau éphémère! Bien qu il soit mis en avant, généralement, que c est l autonomie des V.E. et la gestion de la charge des batteries qui soient responsables de cet échec ; ce qui est, par ailleurs, probablement un des facteurs importants ; il faut sérieusement appréhender cet arrêt brutal sous divers angles que nous aborderons plus en détail dans la partie IV-1. On peut toutefois en énumérer quelques-uns : - une initiative politique forte qui ne fut peut-être pas véritablement soutenue par les constructeurs ; - le manque d engagement étatique promouvant et favorisant l usage des V.E. en milieu urbain et périurbain (infrastructures, information et éducation, etc.) ; - le non-respect de l engagement de l Etat sur l acquisition d un nombre conséquent de V.E. pour les administrations (nombre conséquent qui aurait pu agir comme mesure d exemplarité) ; - le manque de formation du personnel administratif à la conduite des V.E. et à la gestion des charges des batteries ; - de forts facteurs culturels et sociaux. N oublions pas que sont associées à la voiture (son bruit, sa puissance, sa forme, etc.) des campagnes de communication «commerciales» qui jouent, depuis des décennies, sur la sémantique de l image, la réussite, la puissance mais aussi de la «liberté», etc. ; - et sans oublier, bien sûr, l action de groupes d intérêts et de pression divers et variés. Même si l on perçoit un nouveau regain d intérêt pour le V.E. en France ; il est extrêmement important de souligner que cet arrêt de la production industrielle du V.E. en 2003 mais surtout cet abandon politique, toujours en France, apparaissent aujourd hui comme à contre-courant de l Histoire. A contre-courant car la prise de conscience mondiale de l épuisement des ressources planétaires, des liens entre pollution et santé humaine, pollution et réchauffement climatique, notamment à cause de la combustion des énergies fossiles, le tout d origine anthropique, n est pas récente. Le rapport du Club de Rome (rapport Meadow) 1972, la conférence de Stockholm 1972, le rapport Brundtland de 1987, la conférence de Rio en 1992 et le protocole de Kyoto en 1996, le sommet de Copenhague de décembre 2009 et bien d autres, auraient dû entraîner des politiques industrielles et des politiques de déplacements urbains fortement engagées en faveur du V.E. à travers le monde. Jean-François TEDESCO 18/88 Université de Genève

Car le V.E., nous le verrons plus loin en détail, se trouve être une clef pour répondre à certains enjeux de type environnementaux, de santé publique, économiques et sociaux mais aussi géopolitiques. Alors, l industrie automobile française, mais bien plus encore, l industrie européenne, aurait-elle raté la marche du V.E., afin de satisfaire, à court terme, quelques groupes de pression et d intérêts pour suivre un modèle économique suranné? La Chine, elle, a annoncé faire le choix de l électrique (objectif : 50% de ses véhicules en 2020). Une volonté clairement exprimée de pousser la voie des véhicules à motorisation électrique et de tous leurs composants (projet «863», un des 12 programmes clefs nationaux). Et il y a trois raisons impérieuses pour ce choix : - moindre dépendance énergétique du pays vis-à-vis du pétrole ; - lutte contre pollution urbaine (dans contexte de coût prohibitif de modernisation des raffineries) ; - souhait de bâtir un nouvel outil industriel au service d une mutation énergétique. Et la Chine n est pas la seule! L industrie automobile indienne propose aussi des V.E. depuis quelque temps Jean-François TEDESCO 19/88 Université de Genève

II- Question, méthodologie et préambule II-1 Question Dans ce contexte de prise de conscience du lien entre dégâts environnementaux et origines anthropiques, en quoi la substitution du V.C.F. par le V.E. dans les agglomérations peut-elle résoudre certains enjeux de développement durable? II-2 Méthodologie La méthodologie concernant ce sujet a été de suivre une démarche exploratoire, tant j ai pu constater de la paucité des données et études directement dédiées au véhicule électrique. Je tiens à souligner que c est à ma très grande surprise que j ai constaté cette rareté d information, notamment en France, où une politique industrielle en faveur du développement du V.E. en agglomération avait été initiée par l Etat avec le concours des constructeurs automobiles français dans le début des années nonante. J ai donc effectué des entretiens avec des acteurs publics et privés, contacté institutions publiques et mené des recherches documentaires afin d étudier des données et recherches connexes (AFSSET, CERTU, LET, PREDIT, INRET, INSEE, UE, internet, ). Il allait de soi que je choisisse de traiter mon sujet avec la France en «toile de fond». C est le seul pays où il y a eu une tentative récente (et européenne) de vouloir développer le V.E. en agglomération à grande échelle mais qui s est traduite par un échec. Aussi, au regard de ma question de recherche, j ai articulé le document sur deux parties principales : les enjeux inhérents à la substitution du V.C.F. par le V.E. dans le contexte du développement durable et les propositions de mesures pour sa mise en place en agglomération. II-3 Préambule Au départ, ma problématique me sembla simple et facile à structurer. En avançant dans mes lectures et mes entretiens ; cette problématique s est élargie à de nombreux domaines et est devenue beaucoup plus complexe. Il devenait fort difficile de dissocier les enjeux tant ils interfèrent les uns avec les autres! Jean-François TEDESCO 20/88 Université de Genève