Les recherches du CEA sur les batteries pour véhicules électriques 14 septembre 2010 CONTACTS PRESSE : CEA / Service Information-Media Tuline LAESER Tél. : 01 64 50 20 97 - tuline.laeser@cea.fr Stéphane LAVEISSIERE Tél. : 01 64 50 27 53 - stephane.laveissiere@cea.fr CEA Saclay / Siège Direction de la Communication Service Information-Média 91191 Gif-sur-Yvette Cedex Tél. : (33) 01 64 50 20 11 Fax : (33) 01 64 50 28 92 www.cea.fr/presse
Sommaire : Les recherches du CEA sur les batteries pour véhicules électriques 3 4 6 7 8 10 10 13 15 17 19 20 Introduction La R&D sur le véhicule électrique répond aux enjeux énergétiques du futur Une R&D en appui des industriels de l automobile Quelques repères sur les accumulateurs Principe de fonctionnement des accumulateurs (Lithium-ion) Les données caractéristiques d un accumulateur Les avantages de la filière Lithium-ion Bref historique des technologies d accumulateurs De la technologie nickel-métal hydrure (NiMH) à la technologie Lithium-ion (Li-ion) La R&D du CEA pour les véhicules électriques / hybrides La R&D sur les accumulateurs La R&D sur l électronique et les organes de sécurité La R&D sur la mobilité durable Perspectives d évolution à moyen/long terme Présentation de la plate-forme STEEVE Une plate-forme conçue pour travailler avec les industriels Une offre cohérente pour répondre à tous types de besoins 22 23 25 26 ANNEXES Comment fabrique-t-on un accumulateur? Présentation de l Institut Liten Présentation de l INES Photos de couverture, de gauche à droite : - Fabrication d électrodes pour batteries lithium-ion (étape de calandrage) PF.Grosjean/CEA - Salle anhydre au CEA Grenoble - PF.Grosjean/CEA - Instrumentation d une Renault Kangoo électrique - CEA
Introduction En soutien des politiques visant à renforcer l indépendance énergétique et à accroître la part des énergies décarbonées dans le bilan énergétique français, le CEA développe depuis une dizaine d années un programme de recherche en faveur des Nouvelles technologies de l énergie (NTE). Le savoir-faire acquis historiquement dans des domaines connexes à l énergie nucléaire sciences des matériaux et microélectronique, en particulier explique l implication de l organisme dans les NTE. De plus, le CEA est devenu début 2010 le «Commissariat à l énergie atomique et aux énergies alternatives», traduisant ainsi cette évolution et la volonté de l Etat de soutenir davantage encore l essor des énergies renouvelables. Les objectifs du programme NTE se situent à trois niveaux différents : - autour de la production d électricité, proposer des sources complémentaires de production d énergies renouvelables, et des solutions de stockage et de gestion des réseaux ; - viser des solutions technologiques viables à échelle industrielle ; - cibler les usages qui font l objet des contraintes les plus fortes : bâtiment et transports. Sur la problématique transports, le CEA mène ainsi depuis les années 2000 une R&D sur les batteries et les piles à combustible pour les véhicules électriques et hybrides. La R&D sur le véhicule électrique répond aux enjeux énergétiques du futur En France, les transports sont responsables pour une part importante de la dépendance énergétique. En 2009, la consommation d énergie finale du secteur des transports était de près de 50 Mtep, dont 46,2 Mtep de produits pétroliers majoritairement importés, soit près de 70% de la consommation finale de pétrole. Par ailleurs, le transport routier est à l origine de plus de 90% des émissions de CO 2 du secteur des transports, et à hauteur de 50% pour les seuls véhicules particuliers. Cela équivaut, en millions de tonnes de CO 2 émis, à 110/120 MtCO 2, sur un total, tous secteurs confondus (énergie, bâtiment, industrie, agriculture ) de près de 380 MtCO 2 (sources : chiffres du MEEDDM 2007 et 2008). C est pourquoi le développement du véhicule propre fait partie des priorités des politiques publiques, en réponse aux défis de l énergie et du réchauffement climatique. Le Conseil européen de mars 2007 a annoncé les objectifs climatiques dits «3 x 20» à l horizon 2020 : 20% d énergies renouvelables dans les énergies consommées, amélioration de 20% de l efficacité énergétique, et réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. En France, le Grenelle de l environnement a rappelé l objectif de diviser par 4 les émissions de GES d ici 2050 («facteur 4»), notamment en développant les transports peu émetteurs de GES et via une politique énergétique incitant à la réduction des consommations. 3/26
La Stratégie nationale de développement durable 2010-2013, adoptée en juillet 2010, souligne la nécessité, pour le secteur des transports, d «encourager la recherche et le développement sur les motorisations avec un objectif de véritable rupture technologique.» photo : visite de M. Sarkozy à l INES, en juin 2009. Service photo Elysée D.Noizet Il semble très difficile d obtenir, même à moyen terme, les performances du moteur thermique sur les nouvelles motorisations hybrides ou 100% électriques. Cela étant, le concept de mobilité durable, où différentes solutions technologiques sont proposées en parallèle pour différents usages, est retenu par les pouvoirs publics comme par la plupart des industriels de l automobile. Le CEA s inscrit dans cette évolution et propose une R&D adaptée aux besoins des industriels, prenant en compte notamment les contraintes d utilisation du produit final. Une R&D en appui des industriels de l automobile Les activités de R&D sur le véhicule électrique font l objet de nombreux échanges entre les acteurs de la recherche et de l industrie : la coordination des moyens est un souhait de l ensemble des acteurs, soutenu par les politiques publiques. Côté recherche, le CEA fait partie du «Réseau national de recherche et technologie sur les batteries», créé en juillet 2010 pour favoriser l innovation sur les technologies de stockage électrochimique. Ce réseau regroupe les principaux acteurs de la recherche publique (CEA, CNRS et universités, IFP Energies nouvelles, INERIS 1, INRETS 2 ) et les industriels, autour de deux «centres» : - l un sur la recherche amont coordonné par le CNRS ; - l autre sur la recherche technologique, piloté par le CEA. Le réseau permet aux industriels d accéder directement à l ensemble des découvertes et des brevets et de nouer des partenariats avec un ou plusieurs laboratoires qui y participent. Le volet «recherche technologique» du réseau se fonde en grande partie sur le centre CEA de Grenoble. Les recherches et les infrastructures qui y sont développées depuis une dizaine d années bénéficient en effet de l expérience acquise dans les sciences des matériaux : métalliques, polymères ou organiques, solides ou liquides, jusqu à l échelle nanométrique. Depuis 2009, le CEA est engagé dans un fort développement de ces activités de R&D sur les véhicules électriques et hybrides. Actuellement, près de 150 personnes travaillent sur cette thématique au CEA-Liten (Laboratoire d innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux). De nouvelles infrastructures sont mises en place, dans un but prioritaire de soutien aux industriels de l automobile. 1 INERIS : Institut national de l environnement industriel et des risques. 2 INRETS : Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité. 4/26
Ainsi, une plate-forme de R&D a été créée en 2009 pour faciliter les partenariats avec l industrie. La plate-forme STEEVE (pour Stockage d Energie Electrochimique pour Véhicules Electriques), installée au CEA Grenoble et à l INES (Institut National de l Energie Solaire, à Chambéry), a été conçue pour ouvrir aux industriels intéressés la R&D de toute la filière batteries électriques, depuis la synthèse des matériaux en passant par la conception et la fabrication des batteries, jusqu aux tests de performances et démarches de certification. Parallèlement, des collaborations sont engagées avec des industriels de l automobile : accord de R&D avec Renault, partenariat sur la mobilité solaire avec Toyota, recherches sur la pile à combustible avec le groupe PSA. La stratégie du CEA consiste à proposer aux industriels des programmes de R&D sur toute la filière du véhicule électrique/hybride, afin que ceux-ci puissent retenir les solutions techniques les plus abouties. Ce dossier présente donc l organisation et les moyens mis en place par le CEA pour accélérer l industrialisation des batteries pour véhicules électriques, les pistes privilégiées par les chercheurs et les perspectives de développement. 5/26
Quelques repères sur les accumulateurs Li-ion Les accumulateurs et les piles sont des systèmes permettant de stocker de l énergie électrique sous forme chimique. L accumulateur est basé sur un système électrochimique réversible, c est-à-dire qu il est rechargeable, contrairement à la pile. Le pack batterie est un assemblage de modules identiques, eux-mêmes assemblages de cellules élémentaires. Au sein du pack batterie, les accumulateurs sont reliés et gérés par une électronique de contrôle qui permet d optimiser la charge et la décharge et de prolonger la durée de vie. Photo : assemblage d un pack de batteries lithium. P.Avavian/CEA Principe de fonctionnement des accumulateurs (Lithium-ion) : Les accumulateurs / batteries contiennent des réactifs chimiques qui, une fois activés, permettent de fournir de l électricité à la demande. L énergie électrique fournie par ces réactions électrochimiques est exprimée en watt*heure (Wh). Ces réactions sont activées au sein d une cellule élémentaire, entre deux électrodes baignant dans un électrolyte, lorsqu une charge électrique est branchée à ses bornes (un moteur électrique par exemple). Le courant circulant à partir des bornes de l accumulateur constitue le «circuit externe». La technologie Li-ion consiste à utiliser la circulation électrochimique de l ion lithium dans deux matériaux et à des valeurs de potentiel différentes : l électrode positive et l électrode négative constituent les deux potentiels d oxydoréduction, et la différence de potentiel crée la tension au sein de la batterie. En cours d utilisation (l accumulateur se décharge), l électrode négative relâche le lithium sous forme ionique Li+ : les ions Li+ migrent vers l électrode positive, via l électrolyte conducteur ionique ; le passage de chaque ion Li+ au sein de l accumulateur est compensé par le passage d un électron dans le circuit externe, en sens inverse : c est ce qui crée le courant électrique faisant fonctionner le moteur du véhicule. Il y a courant électrique jusqu à ce qu il n y ait plus de lithium au sein de l électrode négative : l accumulateur est alors déchargé et son rechargement se fait selon le processus inverse. Dossier de presse : Les recherches du CEA sur les batteries pour véhicules électriques, 30/09/2010. 6/26
Les données caractéristiques d un accumulateur : Les principales caractéristiques d un accumulateur sont les suivantes : - la tension, exprimée en volts (V), correspond au potentiel d oxydo-réduction entre les deux électrodes de la batterie. - la charge électrique est la quantité d électrons que peut contenir l accumulateur, elle se mesure en ampère-heure (Ah). La capacité de charge électrique correspond à la charge maximale fournie par l accumulateur, c est-àdire entre le moment où il est chargé à sa pleine capacité et le moment où il est complètement déchargé (cycle complet de décharge) ; pour certaines technologies employées, cette capacité diminue progressivement au fur et à mesure des cycles de l accumulateur (vieillissement). - alors que la charge électrique n est comparable que pour des tensions égales, la notion d énergie stockée permet de comparer différents types d accumulateurs / batteries de tensions différentes ; elle se mesure en wattheure (Wh). Les performances d un accumulateur, quelle que soit la technologie utilisée, sont pour l essentiel définies par trois critères : La densité d énergie massique (ou volumique), en wattheure par kilogramme, Wh/kg (ou en wattheure par litre, Wh/l), correspond à la quantité d énergie stockée par unité de masse (ou de volume) d accumulateur. Elle va définir son autonomie. La densité de puissance massique, en watt par kilogramme (W/kg), représente la puissance (énergie électrique fournie par unité de temps) que peut délivrer l unité de masse d accumulateur. Ce critère donne une idée de la conductivité intrinsèque de l'accumulateur, qui doit offrir le moins de résistance possible au courant. La cyclabilité, exprimée en nombre de cycles, caractérise la durée de vie de l accumulateur, c est-à-dire le nombre de fois où il peut restituer un niveau d énergie supérieur à 80 % de son énergie nominale, cette valeur étant celle la plus souvent demandée pour les applications mobiles. 7/26
Les avantages de la filière Lithium-ion Bref historique des technologies d accumulateurs : Jusqu à la fin des années 1980, les deux principales technologies répandues sur le marché étaient les accumulateurs au plomb (pour le démarrage des véhicules, notamment) et les accumulateurs nickel-cadmium NiCd. Dans la technologie au plomb, les réactions chimiques impliquent l oxyde de plomb constituant l électrode positive et le plomb de l électrode négative, toutes deux plongées dans une solution d acide sulfurique qui constitue l électrolyte. La technologie au plomb comprend plusieurs inconvénients : poids, fragilité, utilisation d un liquide corrosif. Cela a conduit au développement d accumulateurs alcalins, de plus grande capacité (quantité d électricité restituée à la décharge) mais développant une force électromotrice moindre (différence de potentiel aux bornes du système en circuit ouvert). Leurs électrodes sont soit à base de nickel et de cadmium (technologie NiCd), soit à base d oxyde de nickel et de zinc, soit à base d oxyde d argent couplé à du zinc, du cadmium ou du fer. Toutes ces technologies utilisent une solution de potasse comme électrolyte. Elles se caractérisent par une grande fiabilité, mais leurs densités d énergie massique restent relativement faibles (30 Wh/kg pour le plomb, 50 Wh/ kg pour le nickel-cadmium). Au début des années 1990, avec la croissance du marché des équipements portables, deux nouvelles filières technologiques ont émergé : les accumulateurs nickel-métal hydrure (NiMH) et les accumulateurs au lithium (Li). Les premiers, utilisant une électrode positive à base de nickel et une électrode négative constituée d un alliage absorbant l hydrogène, toutes deux plongées dans une solution de potasse concentrée, atteignent une densité d énergie massique de +/- 80 Wh/kg, supérieure d au moins 30% à celle des accumulateurs NiCd. La technologie NiMH, qui équipe aujourd hui la plupart des véhicules hybrides en circulation - Honda et Toyota notamment -, offre plusieurs avantages par rapport aux technologies précédentes : - elle ne contient ni cadmium ni plomb, deux matériaux très polluants ; - elle permet de stocker plus d énergie que le NiCd ; - elle est moins sensible à l effet mémoire. De la technologie nickel-métal hydrure NiMH- à la technologie Lithium-ion -Li-ion- : La filière Lithium a fait l objet de travaux vers la fin des années 1970, dans la perspective de trouver des «couples électrochimiques» présentant de meilleures performances que les accumulateurs au plomb ou au nickelcadmium employés jusque-là. Les premiers modèles ont été conçus avec une électrode négative à base de lithium métallique (filière lithium-métal). Cette technologie s est heurtée à des problèmes liés à une mauvaise reconstitution de l électrode négative de lithium au cours des charges successives. Vers le début des années 1980, des recherches ont été entreprises sur un nouveau type d électrode négative à base de carbone, utilisé comme composé d insertion du lithium. Les fabricants d équipements portables, en particulier les industriels japonais, ont considéré cette source d énergie comme faisant partie des composants stratégiques pour l avenir. Au début des années 1990, ces premiers accumulateurs «Lithium-ion» offraient des performances limitées à 8/26
environ 90 Wh/kg. Depuis, celles-ci se sont notablement améliorées (jusqu à 200 Wh/kg aujourd hui), grâce, d une part, aux progrès technologiques réalisés (diminution de la part inutile dans le poids et le volume des accumulateurs) et, d autre part, à l optimisation des performances des matériaux. De tous les systèmes de stockage d énergie rechargeables, les accumulateurs Li-ion sont aujourd hui ceux qui offrent les meilleures performances : 400 à 550 Wh/L et 140 à 200 Wh/kg pour une tension nominale d environ 3,7 V, et dans une gamme de température de fonctionnement étendue (- 20 à + 65 C). Ni-Cd (nickelcadmium) Ni-MH (nickel métal hydrure) Pb (plomb) densité d'énergie massique (Wh/kg) 30 30-50 70-80 160-200 temps de charge (minutes) 300-600 180-300 180-300 90-120 Densités d énergie massique et temps de charge comparés des principales familles d accumulateurs. La filière Li-ion s élargit ainsi aux applications transports. Les premières voitures hybrides équipées de cette technologie ont été commercialisées en 2009-2010 ; il s agit de voitures haut de gamme des constructeurs Mercedes-Benz et BMW, car cette technologie est encore chère. Elle équipera également la Nissan Leaf (avec oxyde de manganèse Cf. plus loin par. sur les électrodes) ou la Mitsubishi IMiev (avec cobalt - Cf. plus loin). Les accumulateurs Li-ion présentent ainsi plusieurs avantages : ils présentent une haute densité d énergie pour un poids relativement faible ; ils offrent une meilleure sécurité que la filière lithium-métal ; ils ne présentent aucun effet mémoire, contrairement aux accumulateurs à base de nickel, ainsi qu une faible autodécharge (5 à 10% par mois) ; comme les accumulateurs NiMH, ils ne nécessitent pas de maintenance, à la différence des accumulateurs acide-plomb. 100000 Li-ion HEV Specific Power (W/kg) 10000 1000 100 10 Supercapacitors Wound Lead/acid Ni-Cd Ni-MH Li-ion (Power) Li-polymer Li-ion (Energy) EV Lead/Acid 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Specific energy (Wh/kg) Le graphique ci-dessus montre les bonnes performances de la technologie Lithium-ion, en termes de densité de puissance massique (ordonnées) et de densité d énergie massique (abscisses). Deux zones correspondent au Li-ion, en jaune. Cela est dû au fait que différentes chimies d électrodes et différents designs existent, qui correspondent à différentes applications : on privilégiera la densité de puissance pour des véhicules hybrides (pour une recharge plus rapide), et la densité d énergie pour des véhicules 100% électriques (recherche d autonomie). 9/26
La R&D du CEA pour les véhicules électriques / hybrides Très répandue pour les applications portables, la technologie lithium-ion commence à arriver sur le marché automobile. La plupart des batteries lithiumion commercialisées sont composées d'une électrode positive à base d'oxyde de lithium et de cobalt et d'une électrode négative en graphite. Cela permet d'emmagasiner des quantités intéressantes d'énergie à chaque charge, mais cette combinaison a un coût élevé et l utilisation de cobalt n est pas optimale en termes de sécurité. En vue d abaisser le coût de ces technologies, de les rendre sûres et les plus fiables possible, le CEA développe de nouveaux couples électrochimiques (électrode positive/électrode négative). Ces travaux de recherche doivent respecter un cahier des charges très contraignant en termes de performances : - une durée de vie de plusieurs milliers d heures de fonctionnement ; une donnée moyenne pourrait être de 1 000 cycles en 5 000 heures (charge et décharge de 2h30 chacune) mais les objectifs visés dépendent du régime de charge / décharge et peuvent aller au-delà ; - une autonomie, pour le véhicule tout électrique, de 300 km pour 100 kg de batteries. 1- La R&D sur les accumulateurs : Pour les accumulateurs Lithium-ion, deux voies de recherche peuvent être distinguées selon les objectifs visés : D une façon générale, le gain en densité d énergie s obtiendra en jouant sur la nature chimique des matériaux d électrodes. La densité d énergie déterminera en particulier l autonomie des batteries : ce critère profitera donc surtout aux véhicules 100% électriques. En parallèle, le gain en puissance bénéficiera davantage des avancées sur l architecture et la structuration de la batterie. Cette notion de densité de puissance détermine, elle, la vitesse à laquelle l accumulateur va se recharger. Ici, c est plutôt la motorisation hybride qui est visée : on cherche à ce que le moteur thermique puisse recharger le plus rapidement les batteries pour passer en mode électrique dès que nécessaire. Le CEA-Liten a déposé plusieurs brevets concernant le développement de matériaux comme le phosphate de fer et l oxyde de titane. Il peut ainsi proposer de nouvelles générations d accumulateurs lithium-ion bas coût à forte sécurité intrinsèque, pour des besoins soit de forte densité d'énergie (véhicule électrique), soit de forte puissance (véhicule hybride). Développement de nouveaux matériaux d électrodes Actuellement, le coût matière d un accumulateur Li-ion (environ 80 % du coût de la batterie) est affecté à 25 % par le coût de l oxyde de cobalt (LiCoO 2, matériau à l électrode positive de l accumulateur) et à 25 % par les organes de sécurité, rendus nécessaires par la forte réactivité à haute température de ce composé. - Pour l électrode positive, la voie privilégiée est donc de développer le matériau «phosphate de fer lithié» (LiFePO 4 ). Son utilisation dans une nouvelle génération d accumulateurs conduirait à une réduction de 50% du coût du 10/26
KWh : en raison d une part de son coût (1/3 de celui du cobalt), qui permet de réaliser de fortes économies sur des packs batteries automobile destinés à être fabriqués en série ; grâce d autre part à la suppression de certains organes de sécurité du fait de sa grande stabilité chimique et électrochimique : la stabilité thermique des accumulateurs au phosphate de fer lithié, éprouvée sur les bancs de tests du CEA-Liten et de l INES, est supérieure à celle des autres composés, un avantage primordial pour les véhicules électriques dont la quantité de batteries est importante. En revanche, un verrou important de cette famille de composés réside dans sa faible conductivité électronique, rendant difficile son utilisation en batterie. En optimisant sa composition et le procédé de fabrication, le CEA-Liten a réussi à stabiliser les performances du phosphate de fer à température ambiante (160 mah/g à 23 C à comparer à la référence LiCoO 2 à 150 mah/g). Pour atteindre ces résultats, le CEA-Liten a mis aux points différentes méthodes de synthèse du matériau, qui font l objet de dépôts de brevets. Les méthodes proposées par le CEA répondent aux exigences de modularité et de forte capacité de stockage propres à la technologie Lithium-ion ; surtout, ces matériaux sont non-toxiques, moins chers (bien que dépendant des cours des métaux), et ne créent pas d'emballement thermique dans les accumulateurs. Au CEA Grenoble, les chercheurs testent en conditions réelles ces types d accumulateurs. Sur une Citroën AX équipée de trois packs batteries nickelcadmium (NiCd) d un poids de 280 kg, les conducteurs parvenaient à rouler sur 60 km en usage urbain (l autonomie théorique de la voiture était de 100 km). En remplaçant ces trois packs batteries par deux packs LiFePO 4, d un poids total de 140 kg, la voiture parvient à rouler sur 90 km dans les mêmes conditions de circulation. Photo : deux chercheurs analysent des données sur la Citroën AX. P.Avavian/CEA - Au niveau de l électrode négative, le CEA-Liten cherche à développer les accumulateurs Li-ion au-delà de 300 Wh/kg (doublement de la capacité actuelle) en exploitant des matériaux d électrodes nanostructurés, notamment à base de silicium. Ces nouveaux matériaux permettent d augmenter l autonomie des batteries sans conséquence sur le coût, alors que les électrodes actuelles en graphite ne répondent pas aux exigences de durée de vie pour les applications automobile. Pour les véhicules hybrides, le CEA-Liten travaille à l introduction d un oxyde de titane à l électrode négative en remplacement du graphite, pour permettre des charges rapides complètes en quelques minutes (il s agit d une recharge par le moteur thermique, en cours d utilisation). Les résultats obtenus sont probants : stabilité de l accumulateur soumis à 2000 cycles charge rapide (70 % de la capacité chargée en 3 minutes) décharge rapide (2 minutes). 11/26
Une architecture plus performante Par ailleurs, pour remédier aux faibles tensions observées avec ces matériaux, le CEA a développé et breveté une architecture «bipolaire» qui augmente la tension aux bornes de l'accumulateur. Cette configuration permet la mise en série d'éléments en utilisant un collecteur de courant commun entre l'électrode positive et l'électrode négative, les collecteurs de courant délimitant par ailleurs des compartiments électrolytiques distincts. L intérêt des nanomatériaux pour les accumulateurs Dans tous les types d accumulateurs, la composition et la structuration des matériaux «actifs» des cellules élémentaires (les deux électrodes et l électrolyte, où ont lieu les réactions électrochimiques) déterminent les performances de l ensemble. Depuis plusieurs années, les fabricants ont de plus en plus recours aux nanomatériaux, qu il s agisse de matériaux nanométriques le matériau est lui-même à l échelle nanométrique ou matériaux nanostructurés le matériau est d une plus grande taille mais ses propriétés sont modifiées par des inclusions, des revêtements ou une structure particulière de taille nanométrique -. Les nanomatériaux apportent différents avantages : - Augmentation de la surface de contact électrode/électrolyte, pour permettre de forts régimes de charge/décharge ; - Raccourcissement des «parcours» électrochimiques, permettant l utilisation de matériaux faiblement conducteurs ioniques et/ou l application de régimes charge/décharge importants ; - Meilleure résistance mécanique des particules aux changements de volume induits par l insertion/désinsertion des ions Li+ (charges/décharges) : cela est particulièrement vrai pour l emploi du silicium en électrode négative. Au-delà de cet effet de taille, l intérêt des nanomatériaux est considéré selon les critères suivants : - Les changements de comportement observés sur un même matériau lorsque l on descend à l échelle nanométrique ; - Les facilités/contraintes de fabrication liées au passage à l échelle nanométrique ; - La nécessité de conserver une certaine densité d énergie massique et volumique pour les accumulateurs lithium : les chercheurs doivent trouver l équilibre entre nanomatériaux et matériaux «périphériques» (liants polymères, carbone ). De fait, l utilisation de nanomatériaux dans les accumulateurs Li-ion devient incontournable, mais pas systématique ; elle intervient pour résoudre certaines limitations de matériaux «massifs» ou pour mieux exploiter certaines de leurs propriétés. 12/26
La R&D au niveau de l électrolyte L électrolyte (liquide le plus souvent) est le solvant qui assure le transport des ions. Les électrolytes commercialisés actuellement offrent déjà une fiabilité satisfaisante, sur une gamme de températures allant de -20 C à +50 C. Endeçà, l électrolyte aura tendance à se cristalliser, au-delà il aura tendance à se dégrader (formation de gaz). Les progrès réalisables ne constituent donc pas un enjeu prioritaire, hormis en vue de leur tenue dans certaines régions aux climats extrêmes. Le CEA travaille également sur des électrolytes stables à haute tension, de l ordre de 5 V, à comparer aux valeurs de 3,5 à 4 V obtenues à partir des électrodes actuelles. En parallèle des recherches sur des tensions d électrodes plus élevées au CEA de Grenoble, qui permettraient d emmagasiner davantage d énergie (autonomie), les chercheurs du centre CEA du Ripault 3 travaillent avec leurs collègues de Grenoble à la mise au point des solvants plus stables. 2- La R&D sur l électronique et les organes de sécurité Autour des éléments électrochimiques des accumulateurs, une part importante de la R&D du CEA cible l électronique de gestion des accumulateurs, ce que les chercheurs appellent le «Battery Management System» (BMS). Photo : développement de l électronique sur l un des véhicules électriques du parc CEA / INES. CEA-Liten Les enjeux d un «Battery Management System» : L électronique installée dans un pack batteries doit répondre à différents impératifs en vue de l utilisation courante d un véhicule électrique : tout d abord garantir la sûreté des accumulateurs, optimiser leurs performances, permettre la maintenance du système et donner les informations pertinentes au conducteur. - Garantir la sécurité des accumulateurs : un accumulateur est un système au sein duquel se produisent en continu des réactions chimiques. A côté de la sélection des meilleurs «couples électrochimiques», il est nécessaire d instrumenter le système afin de prévenir toute réaction dangereuse. Le CEA étudie et développe par exemple des capteurs permettant d anticiper une surchauffe du système. - Optimiser les performances : la principale tâche de l électronique consiste ici à équilibrer le niveau de charge de tous les accumulateurs durant les cycles charges/décharges que va subir le pack batteries. Celui-ci est en effet constitué d une série d accumulateurs, qui peuvent avoir un comportement en charge/décharge différent de l un à l autre ; il faut s assurer qu un élément ne va 3 Le centre CEA du Ripault est situé près de Tours (Indre-et-Loire) ; ce centre de la Direction des applications militaires est spécialisé, notamment, dans les matériaux. 13/26
pas bloquer les autres en seuil de tension haute (charge) ou de tension basse (décharge). L objectif final est d optimiser le rendement du pack batteries : l électronique a ici une fonction économique. - Permettre la maintenance : il s agit ici d instrumenter les packs batteries pour informer le garagiste de leur degré d usure et des éventuelles défaillances. Des programmes sont également développés pour permettre, le cas échéant, de mettre «hors circuit» un élément défaillant sans bloquer les autres pour autant (le choix de réparer ou de remplacer l élément défaillant relève ensuite de la stratégie du constructeur automobile). - Informer l utilisateur : l autonomie du véhicule, liée à la quantité d énergie que peut délivrer le pack batteries, dépend d un nombre de paramètres beaucoup plus important que pour un véhicule thermique. Doivent être pris en compte le type de trajet (urbain, autoroute ), le profil de la route (plat, montagne), les conditions météo et l environnement (fonctions d essuie-glaces, de chauffage, d éclairage qui vont fortement influencer les consommations électriques). Il s agit donc de renseigner au mieux l utilisateur, en toutes circonstances, des performances qu il peut attendre du véhicule. Pour illustration, la seule optimisation du «Battery Management System» de la Citroën AX testée à Grenoble permet de faire passer l autonomie du pack batteries (140 kg LiFePO 4 ) de 90 km à 100 km, soit un gain de plus de 10%. Les moyens mis en œuvre : Trois instituts du CEA sont mis à contribution sur ces problématiques : le CEA- Liten qui coordonne les activités de R&D sur le véhicule électrique et hybride, le CEA-Léti (Laboratoire d électronique et de technologies de l information) pour son expertise en électronique, en capteurs et en miniaturisation, le CEA-List (Laboratoire d intégration des systèmes et des technologies) pour les capteurs, les logiciels et les systèmes. Il s agit : de développer des capteurs de tension, de courant, de température, et de les intégrer dans le pack batterie (miniaturisation) ; de mettre au point des dispositifs de pilotage du pack batterie, pour assurer la sécurité et optimiser les performances ; de développer de «l intelligence embarquée» pour renseigner sur l état de charge (énergie disponible) et pour faciliter la maintenance. Sur ce point, il faut notamment mettre au point des logiciels dont les algorithmes sont basés sur des modèles physiques et mathématiques particulièrement complexes. Photo : instrumentation d une voiture électrique. P.Avavian/CEA 14/26