ACTUALITÉS EUROPÉENNES



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ACTUALITÉS EUROPÉENNES 3 juin 2013 Commission des affaires européennes LA NON APPLICATION DU DROIT DE L UNION : QUELLES SANCTIONS PÉCUNIAIRES? Le Berlaymont, siège de la Commission européenne La condamnation prononcée le 18 avril par la Cour de justice de l Union européenne à l encontre de la France à propos des transports ferroviaires fournit l occasion de faire le point sur les sanctions encourues par les États membres qui ne transposent pas correctement le droit de l Union ou n appliquent pas les dispositions transposées. Concrètement, il n existe qu un seul instrument juridique utilisable : le «recours en manquement», régi par les articles 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l Union européenne (TFUE). Ce recours vise à faire reconnaître qu un «État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité». Le recours en manquement n est pas réservé à la non transposition du droit de l Union : il s applique aussi lorsque ce droit n est pas ou mal appliqué. En revanche, une procédure accélérée de sanctions peut être mise en œuvre en cas de non ou de mauvaise transposition, ce qui est la principale source de procédures. La saisine de la Cour de justice est strictement encadrée (I), mais, si l action est fondée, la seule véritable défense de l État membre mis en cause consiste à satisfaire la Commission européenne (II). I La saisine de la Cour de justice est strictement encadrée ACTUALITÉS EUROPÉENNES N 36 3 JUIN 2013 L encadrement joue principalement sur le droit de saisine (A), sur les étapes de procédure à respecter (B) et sur les griefs susceptibles d être invoqués devant le juge (C). A. Le droit de saisine est en pratique réservé à la Commission européenne, qui apprécie souverainement son opportunité. 1. Les particuliers et les États membres ne peuvent agir que par le truchement de la Commission européenne. Exclus du droit de saisine, les particuliers peuvent néanmoins saisir la Commission européenne. En chiffres arrondis, les violations du droit de l Union détectées par la Commission se répartissent ainsi : 80 % tiennent à la non-communication par les gouvernements des dispositions nationales

ACTUALITÉS EUROPÉENNES 2. transposant des directives, 20 % font suite à des plaintes déposées par des particuliers. Dans ce dernier cas, la Commission apprécie de manière souveraine les suites à donner. Même une violation flagrante du droit de l Union ne peut imposer à la Commission de saisir la Cour de justice. Théoriquement, les États membres peuvent saisir la Cour de justice de l Union européenne (art. 259, al. 1 du TFUE), mais cette procédure est quasiment bloquée par un frein puissant : l État membre à l origine de l action doit impérativement commencer par saisir la Commission européenne (art. 259, al. 2 du TFUE). Ainsi, le différend ne débouchera sur un contentieux entre États membres que dans l hypothèse où la Commission estime qu il n y a pas de manquement ou que des négociations bilatérales auraient permis d aboutir à une solution satisfaisante. 2. La Commission européenne dispose d une très large faculté d agir. Soulignons tout d abord que la simple existence du droit de saisine est une exception au droit international, qui réserve de façon générale aux États l initiative d une action contentieuse motivée par l inexécution au moins partielle d un traité. Agissant au nom de l Union européenne, la Commission est dispensée de justifier un intérêt pour agir. Au demeurant, son pouvoir d appréciation est discrétionnaire : la Commission «peut saisir la Cour de justice de l Union européenne» (art. 259, al. 2, du TFUE) ; rien ne l y contraint. En revanche, elle doit respecter un formalisme rigoureux pour que le recours en manquement aboutisse. B. Le recours à proprement parler est précédé, sauf exception, par une phase précontentieuse très organisée. À la seule exception du recours dirigé contre un État membre accusé d usage abusif de ses pouvoirs (1), le recours en manquement est impérativement précédé par une phase précontentieuse en deux temps (2). 1. La phase précontentieuse est facultative lorsque l action est motivée par un abus de pouvoir. L article 114 du TFUE accorde aux États membres une certaine souplesse dans l harmonisation législative, mais ce même article autorise la Commission européenne et tout État membre à saisir directement la Cour de justice d un recours dirigé contre un État membre accusé de faire «un usage abusif des pouvoirs prévus» par cet article ( 9). 2. Dans tous les autres cas, la phase contentieuse comporte deux temps. Véritable débat contradictoire entre la Commission européenne et l État concerné, la phase précontentieuse organise un échange d observation entre la Commission européenne et l État membre concerné (art. 258, al. 1 du TFUE). Si le désaccord persiste, la Commission émet un avis motivé, qui doit nécessairement comporter un délai permettant à l État mis en cause de se conformer en conformité (art. 258, al. 2 du TFUE). Les délais sont laissés à la discrétion de la Commission européenne, mais la Cour de justice a jugé excessivement brefs les délais de huit ou quinze jours impartis par la Commission dans deux affaires l ayant opposée en 1988 au Royaume de Belgique. La Commission respecte habituellement un délai de deux mois minimum, pour chacune des deux phases précontentieuses. Tout au long de cette procédure, la charge de la preuve repose sur la Commission, qui ne peut invoquer dans l avis motivé un grief omis au cours de la première phase. En revanche, la Commission est habilitée à détailler dans l avis motivé un grief énoncé précédemment de manière plus succincte. Si l État membre ne se conforme pas intégralement aux injonctions formulées dans l avis motivé, la Cour de justice peut être saisie.

ACTUALITÉS EUROPÉENNES 3. 3. Le recours n est que le prolongement de la phase précontentieuse. Cet enchaînement s impose à la Commission dans la formulation des griefs, mais aussi à la Cour de justice lorsqu elle examine le droit national mis en cause. Le recours devant la Cour doit reprendre l avis motivé, avec des griefs déjà formulés dans celui-ci. La Commission européenne peut donc abandonner un grief qu elle avait formulé par exemple dans l hypothèse où l État mis en cause se serait partiellement conformé à ses obligations telles que la Commission les conçoit mais sa liberté d action ne va pas au-delà. La Commission européenne ne peut même pas formuler différemment un même grief. Si un État est mis en cause pour ne pas avoir transposé une directive, mais que la transposition intervient pendant la phase précontentieuse, la Commission n a pas la faculté de saisir immédiatement la Cour de justice d une éventuelle mauvaise transposition : il s agirait là d un nouveau grief, imposant de reprendre toute la procédure ab initio. De son côté, la Cour de justice se prononce sur la situation existant à l expiration du délai accordé à l État par l avis motivé. Par suite, le recours n est pas recevable si l État membre mis en cause a modifié ses règles nationales avant l expiration du délai fixé dans l avis motivé. En revanche, lorsque la régularisation du droit interne est trop tardive, le recours demeure recevable ; la Commission européenne peut se désister, mais n est pas tenue de le faire. La salle des pas perdus de la CJUE II Si l action est juridiquement fondée, l État membre ne peut que se conformer au plus vite à la volonté de la Commission européenne La Cour de justice de l Union européenne se montre restrictive sur les moyens de défense envisageables (A) et peut infliger un chapelet de sanctions, surtout dans le contentieux de la transposition (B). A. La jurisprudence de la Cour de justice n admet que de façon restrictive les moyens de défense présentés par les États membres. 1. Qu est-ce qu un manquement? Le texte du TFUE exige seulement que la Commission prouve que l État membre mis en cause «a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités». C est donc la jurisprudence de la Cour de justice qui a tracé les contours généreux du recours en manquement : l origine du droit à respecter est très large, puisqu un État peut être mis en cause pour avoir manqué aux accords externes liant l Union européenne ; le manquement peut viser un acte juridique ou l abstention de prendre un tel acte (l exemple typique est précisément la non transposition d une directive) ; le manquement peut être imputable à l État, à une collectivité territoriale, voire à certaines personnes de droit privé (par exemple, les conventions collectives signées par des entreprises doivent être compatibles avec le droit de l Union européenne).

ACTUALITÉS EUROPÉENNES 4. Dans tous les cas de figure, le recours est dirigé contre le gouvernement, qui assure seul la défense. Une tâche parfois ardue, vu les moyens limités laissés à la défense. 2. Des moyens de défense limités. Hormis le cas très particulier de l irrecevabilité, l État membre ne dispose guère que de moyens juridiques très délimités pour se défendre avec quelque efficacité. L examen des arguments susceptibles d être invoqués le montre : souvent invoqué, le cas de force majeure n est jamais reconnu en pratique. Même une difficulté constitutionnelle insurmontable comme la dissolution de l Assemblée nationale ou le changement de gouvernement n est pas admise (ce moyen a été invoqué sans succès par le Portugal dans le contentieux relatif aux marchés publics) ; l autonomie locale, même lorsqu elle est garantie par la constitution de l État membre, n est pas un moyen admis par la Cour, l État ne pouvant «exciper de dispositions pratiques ou situations de son ordre juridique interne» (le 25 avril 2013, la Commission européenne a adressé un avis motivé à l Allemagne, fondé sur l application incorrecte de la directive 2005/65 dans le port de Rostock, qui dépend du Land de Mecklembourg-Poméranie antérieure et non de l État fédéral) ; le caractère non intentionnel et non délibéré de la violation reste sans effet ; malgré son caractère habituel en droit international, l exception d inexécution est inopérante en droit de l Union européenne. Le fait qu un autre État membre commette une violation analogue ne peut donc être ici de quelque utilité ; même l illégalité de l acte de l Union ne peut être invoquée dans ce cadre : il aurait fallu agir dans le délai du recours en annulation dirigé contre l acte en question. Au demeurant, le recours en annulation n étant pas suspensif, il ne dispense pas en principe de transposer l acte enfin, la survenance d une nouvelle directive remplaçant celle qui n avait pas été transposée à temps ne fournit aucun argument utile à l État membre mis en cause. B. Le recours en manquement peut déboucher sur un chapelet de condamnations. Dès lors que l analyse de la Commission européenne est validée par la Cour de justice, celle-ci peut délivrer une injonction en référé (1), puis prononcer un arrêt de manquement, éventuellement assorti d une sanction pécuniaire lorsque le contentieux porte sur la transposition d un acte de l Union (2). 1. En référé, la Cour de justice peut délivrer une injonction, à la demande de la Commission. L injonction se traduit par un sursis à exécution, conduisant à suspendre l application des dispositions nationales en cause, comme la perception de droits d inscriptions spéciaux imposés en Belgique aux étudiants étrangers (25 octobre 1985) ou la perception de la taxe routière sur les poids lourds en Allemagne (12 octobre 1990). Une injonction ne peut être prononcée que dans le cadre du référé. 2. L arrêt de manquement peut aboutir à des sanctions financières, notamment dans le contentieux de la transposition. La Cour de justice se borne pour l essentiel à constater que l État membre mis en cause a ou non manqué à l une de ses obligations. La Cour ne peut ni supprimer des mesures nationales, ni condamner l État membre à réparer un préjudice. En principe, la Cour ne peut pas énoncer les dispositions à prendre, mais l arrêt qui donne raison à la Commission n est souvent pas loin de valider ses prescriptions

ACTUALITÉS EUROPÉENNES 5. Depuis le traité de Lisbonne, la Cour de justice de l Union européenne peut introduire une sanction pécuniaire dès son arrêt de manquement. Cette possibilité nouvelle est soumise à deux conditions : l objet du litige doit concerner la non communication des mesures de transposition d une directive adoptée conformément à la procédure européenne en vigueur ; la Commission européenne doit avoir demandé le prononcé d une sanction pécuniaire, qui peut prendre la forme d une amende ou d une astreinte (art. 260, 3, du TFUE). Depuis l affaire dite des «poissons sous-taille» ayant donné lieu en 2005 à la plus forte astreinte prononcée par la CJUE contre un État membre soit 57,8 millions d euros par semestre, dont la France s est acquittée une fois la jurisprudence de la Cour de justice admet le cumul de ces deux formes de sanctions : la France a également payé une amende forfaitaire de 20 millions d euros pour ne pas avoir appliqué un premier arrêt de 1991, qui portait déjà sur les «poissons soustaille». La Commission bénéficie d un pouvoir discrétionnaire pour déclencher la procédure et proposer une sanction. Elle a cependant publié le 12 janvier 2012 une communication exposant sa philosophie sur le sujet : le calcul prend en compte la gravité de l infraction, sa durée, la nécessité d un effet dissuasif. La Cour de justice peut modifier à la baisse le montant proposé par la Commission, sans être tenue de respecter la forme suggérée (amende ou astreinte). La Cour attribue à l astreinte une vertu persuasive, alors qu une amende serait dissuasive. En persévérant, l État membre poursuivi à juste titre peut se voir infliger des peines pécuniaires considérables. Parmi les 13 condamnations pécuniaires prononcées à ce jour sur le fondement de l article 260 du TFUE : trois arrêts ont sanctionné le caractère tardif de transpositions : le 10 janvier 2008, le Portugal s est vu infliger une astreinte quotidienne de 19 392 euros pour n avoir pas transposé à temps une directive sur les marchés publics ; le 9 décembre 2008, la France s est vue infliger une amende forfaitaire de 10 millions d euros pour transposition tardive de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d OGM ; le 31 mars 2011, la Cour a condamné la Grèce à une somme forfaitaire de 3 millions pour transposition tardive de la directive relative à l indemnisation des victimes de la criminalité ; quatre arrêts ont sanctionné des transpositions non conformes : le 14 mars 2006, la France a été condamnée à une astreinte journalière de 31 650 euros pour transposition non conforme de la directive relative à la responsabilité civile du fait des produits défectueux (la France s est acquittée d une somme totale de 759 600 euros correspondant à la période écoulée entre le prononcé de l arrêt et l achèvement de la transposition, le 6 avril 2006) ; le 4 juin 2009, la Grèce a été condamnée à une amende forfaitaire de 1 million d euros pour avoir maintenu des restrictions à l ouverture de magasins d optique ; ce même 4 juin 2009, la Grèce a également été condamnée à une astreinte journalière de 31 536 euros et à une somme forfaitaire de 3 millions pour avoir maintenu le monopole des casinos en matière de jeux ; le 20 décembre 2012, l Irlande a été condamnée à une somme forfaitaire de 2 millions d euros et à une astreinte journalière de 12 000 euros pour transposition incorrecte de directives sur les déchets relatives à l élimination des eaux usées domestiques en milieu rural au moyen de fosses septiques et d autres systèmes de traitement individuels des eaux usées ; quatre arrêts ont sanctionné des violations du droit européen, indépendamment de tout problème de transposition : le 4 juillet 2000 la Grèce a été condamnée à une astreinte journalière de 20 000 euros pour application incorrecte du droit environnemental ; l Espagne a été condamnée le 25 novembre 2003 à une astreinte annuelle de 624 150 euros par pourcentage de zone de baignade non conforme ; la condamnation de

ACTUALITÉS EUROPÉENNES 6. la France dans l affaire des «poissons sous-taille», le 2 juillet 2005, a déjà été mentionnée supra ; enfin, l Irlande a été condamnée le 20 décembre 2012 à une somme forfaitaire de 1,5 million d euros pour violation de la directive relative à l évaluation environnementale ; enfin, deux arrêts ont concerné des aides publiques jugées incompatibles avec le marché commun : en 2009, la Grèce a dû payer une somme forfaitaire de 2 millions d euros et une astreinte journalière de 16 000 euros ; en décembre 2012, l Espagne a été condamnée à une amende forfaitaire de 20 millions d euros, outre une astreinte journalière de 50 000 euros. Les sommes dues font l objet d une demande de paiement, sous forme d une décision de la Commission. La grande salle d audience de la CJUE UNE PROCÉDURE EFFICACE La force de persuasion caractérisant cette procédure est attestée par une proportion simple : dans neuf cas sur dix, les États membres mettent à profit la phase précontentieuse pour satisfaire les desiderata de la Commission européenne. Ainsi, la Commission européenne avait envoyé, le 26 janvier 2012, un avis motivé à 13 États membres qui n avaient pas mis en œuvre l interdiction des cages en batterie pour les poules pondeuses, introduite par la directive 1999/74 du 19 juillet 1999 et entrée en vigueur le 1 er janvier 2012. Parmi les 13 États membres concernés, 11 ont rectifié la transposition de la directive ou ont concrétisé l interdit. La Grèce et l Italie s étant abstenues de le faire, la Commission vient d engager des poursuites devant la CJUE le 25 avril 2013. La procédure la plus dissuasive concerne la non transposition d une directive, qui peut déboucher sur une sanction financière dès l instance constatant le manquement. Le maintien et l application de dispositions nationales incompatibles avec un règlement européen sont sanctionnés par une procédure bien plus longue : le contentieux provoqué par le non-respect d un règlement européen donc d un droit directement applicable dans chaque État membre ne peut être sanctionné que si la mise en œuvre fautive d un premier arrêt constatant le manquement conduit la Commission européenne à saisir la Cour de justice pour qu elle prononce une sanction pécuniaire. Logo de la CJUE Commission des affaires européennes du Sénat 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 tel : 01 42 34 24 80 fax : 01 42 34 32 92 www.senat.fr/europe/index.html