Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n 07/13947



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COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 25 NOVEMBRE 2009 Pôle 5 - Chambre 1 Numéro d'inscription au répertoire général : 08/07235 Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n 07/13947 APPELANTES SA LABORATORIOS ALMIRALL agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal Ronda del General Mitre 151 08022 BARCELONE représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULA Y, avoués à la Cour assistée de Me Isabelle R, avocat au barreau de Paris, toque P24, plaidant pour la SCP VERON & associés SAS ALMIRALL agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal 1 B Victor 75015 PARIS représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULA Y, avoués à la Cour assistée de Me Isabelle R, avocat au barreau de Paris, toque P24, plaidant pour la SCP VERON & associés INTIMEES Société MYLAN SAS VENANT AUX DROTS MERCK GENERIQUES prise en la personne de son représentant légal Siège social; [...] 69800 SAINT PRIEST Société MERCK FARMA Y QUIMICA prise en la personne de son représentant légal Poligon Merck 08100 MOLLET DEL VALLES - BARCELONE SAS QUALIMED prise en la personne de son représentant légal 34 rue saint Romain 69008 LYON SAS PHARM'DEPO prise en la personne de son représentant légal Zone d'activités Pré-Mil Ion 2

38660 LA TERRASSE COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Président Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller Madame Anne-Marie GABER, Conseiller qui en ont délibéré GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL ARRET : CONTRADICTOIRE - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Nous, Brigitte CHOKRON, Conseiller le plus ancien ayant délibéré, en l'empêchement de Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. Vu le jugement contradictoire du 22 février 2008, par lequel le tribunal de grande instance de Paris (3 ème chambre 2 hm section) a en particulier : -rejeté la fin de non recevoir, tirée du défaut de qualité à agir des sociétés LABORATORIOS ALMIRALL SA (anciennement dénommée ALMIRALL PRODES- FARMA SA) et SAS ALMIRALL, dites sociétés ALMIRALL, soulevée par les sociétés MERCK GENERIQUES, QUALIMED, MERCK FARMA Y QUIMICA et PHARM'DEPO, -prononcé la nullité du certificat complémentaire de protection (CCP) n 98 C 0017 et débouté en conséquence, «de l'ensemble de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon», les sociétés ALMIRALL, -condamné ces dernières à payer aux sociétés MERCK GENERIQUES, QUALIMED, MERCK FARMA Y QUIMICA et PHARM'DEPO des dommages et intérêts pour concurrence déloyale, Vu l'appel interjeté le 10 avril 2008 par les sociétés ALMIRALL, Vu les dernières conclusions du 7 septembre 2009, par lesquelles la société de droit espagnol Laboratorios Almirall SA, désormais dénommée Almirall SA, et la société Almirall SAS, (dites sociétés ALMIRALL), demandent essentiellement à la cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de recevoir et dit que leur action n'était pas abusive, et le réformer en ce qu'il a prononcé la nullité du CCP, rejeté leurs demandes et les a condamnées à des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (CPC),

-statuant à nouveau, dire que les intimées se sont rendues coupables de contrefaçon du CCP, les condamner in solidum à réparer le préjudice en résultant à dire d'expert en leur accordant avant dire droit une provision, ordonner la publication «du jugement à intervenir» et leur accorder une somme au titre de l'article 700 du CPC, Vu les dernières conclusions du 22 septembre 2009, par lesquelles les société MYLAN (anciennement MERCK GENERIQUES), QUALIMED, PHARM'DEPO et MERCK FARMA Y QUIMICA, appelantes incidentes, demandent à la cour : -au principal, réformant le jugement déféré, de : dire que le titulaire du CCP est la société de droit espagnol PRODES SA et qu'en conséquence les sociétés ALM1RALL sont sans qualité pour agir en contrefaçon de ce CCP, les débouter de leurs demandes, -subsidiairement et en tout état de cause, confirmant le jugement entrepris, de : prononcer la nullité du CCP communautaire comme ayant été délivré à une personne n'ayant pas qualité pour le solliciter, n'étant ni titulaire ni ayant droit du brevet de base et débouter en conséquence les sociétés ALMIRALL de leurs demandes, dire que le CCP est expiré compte tenu de la date de première autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la Communauté européenne, ordonner la rectification de la mention relative au CCP aux frais de la société LABORATORIOS ALMIRALL, débouter les sociétés ALMIRALL de leurs demandes et les condamner in solidum à des dommages et intérêts compte tenu de leur attitude abusive (multiplication des procédures, intimidations et dénigrement) ayant retardé et désorganisé la mise sur le marché des produits de MYLAN et QUALIMED ainsi qu'aux frais de procédure, Vu l'ordonnance de clôture du 29 septembre 2009, SUR CE, LA COUR II est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties. Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon du CCP, Les sociétés intimées opposent le défaut de qualité à agir des sociétés Almirall sur le fondement de la contrefaçon du CCP communautaire n 98 C 0017. Il sera rappelé que : -la société de droit espagnol PRODES SA a déposé le 19 mars 1984 une demande de brevet européen n 1119 932 désignant notamment la France (et portant en particulier sur un médicament constitué par un composé dénommé acéclofénac), puis cédé cette demande de brevet le 25 janvier 1985 à la société de droit espagnol

PRODESFARMA SA, qui a fait l'objet le 16 juillet 1997 d'une fusion absorption par la société ALMIRALL PRODESFARMA SA (dénommée Laboratorios Almirall depuis le 27 novembre 2006), -le brevet européen n 1119 932 a été délivré le 13 mai 1987 et les transferts de propriété du brevet (venu à expiration le 20 mars 2004) ont été inscrits au Registre national des brevets (RNB) le 24 février 2006. Il n'est pas contesté que : -le règlement CE n 1768/92 a créé un CCP de portée nationale pour les médicaments permettant de prolonger la durée de protection conférée par le brevet, -le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base en application de l'article 6 de ce règlement, -la société PRODES SA a déposé le 16 juin 1998 une demande de CCP n 98 C 0017 sur la base du brevet européen susvisé, d'une première autorisation de mise sur le marché (AMM) ayant effet en France en date du 17 décembre 1997 et d'une première AMM dans la CE (en Grande Bretagne) du 24 avril 1995, pour le produit ACECLOFENAC, ledit CCP ayant été délivré le 24 mars 2000. Le 24 février 2006 la société ALMIRALL PRODESFARMA SA a demandé l'inscription au RNB d'une rectification du CCP, remplaçant les noms et adresse de la société PRODES SA par les siens (au vu des actes de cession et de fusion absorption des 25 janvier 1985 et 16 juillet 1997 susvisés), puis le 15 décembre 2006 la société LABORATORIOS ALMIRALL SA a demandé de remplacer le nom d'almirall PRODESFARMA SA par le sien compte tenu du changement de dénomination de la société. Il sera précisé que : -la dissolution de la société PRODES SA, ayant pour associé unique la société ALMIRALL-PRODESFARMA SA (selon inscription du 15 janvier 1998), a été inscrite au registre du commerce de Barcelone le 11 février 1999, -la société LABORATORIOS ALMIRALL SA se nomme depuis le 1 er juillet 2009 ALMIRALL SA, -la société ALMIRALL SAS créée en 2001 exploite en France le CCP sous la forme de la spécialité pharmaceutique Cartrex selon contrat de licence (inscrit au RNB le 2 mai 2006 à la demande de la société ALMIRALL-PRODESFARMA). Le litige porte sur la validité de la rectification du CCP inscrite le 24 février 2006, faisant suite à la double inscription du même jour pour le brevet européen de base alors expiré de la cession de PRODES SA à PRODESFARMA SA et de la fusion absorption de cette dernière par ALMIRALL PRODESFARMA SA, à la demande de cette dernière (propriétaire non inscrit du brevet européen de base à la date du dépôt du CCP communautaire). Les premiers juges ont retenu que la modification de l'identité du déposant du CCP a pu être valablement effectuée par la voie de la rectification d'erreur matérielle mais que le CCP est nul (relevant qu'il a été demandé par une société qui n'était plus titulaire du brevet de base depuis le 25 janvier 1985 et qu'il a été délivré à cette même société alors que celle-ci n'avait plus d'existence légale depuis le 11 février 1999).

Certes en l'état des inscriptions à la date de l'introduction de l'instance les sociétés Almirall pouvaient apparaître à l'égard des tiers comme titulaire du CCP communautaire en cause ou licenciée dudit CCP, et pouvaient ainsi être présumées avoir qualité pour agir en contrefaçon sur le fondement de ce CCP. Cependant, contrairement à ce qui est soutenu par ces sociétés, les intimées auxquelles ce titre de propriété industrielle est opposé sont recevables à en critiquer la portée et partant à contester la validité de la demande d'inscription de modification (faite par le propriétaire du brevet expiré venant d'en inscrire la transmission au RNB) comme ne constituant pas une simple rectification d'erreur matérielle. Les appelantes prétendent à cet égard que : -l'erreur de la société Prodesfarma, qui n'aurait mentionné le nom du titulaire inscrit du brevet au RNB (savoir la société Prodes A, qui lui avait en fait transmis la propriété de ce brevet) que «pour respecter les consignes données antérieurement pour le Royaume Uni par l'office britannique des brevets, qui avait demandé de viser la société inscrite comme titulaire du brevet de base au Registre national des brevets» (page 45 des conclusions), est manifeste, -la voie de la rectification d'erreur matérielle était appropriée «pour rétablir l'identité exacte du déposant» (page 28 des écritures), produisant le courrier d'un conseil en propriété industrielle du 15 novembre 2007 (pièce 27) précisant que l'inpi lui a indiqué «qu'il convenait défaire une correction matérielle du titulaire du dépôt prenant en compte le titulaire des droits à la date de dépôt du CCP». Toutefois, il ne peut être considéré que c'est par suite d'une simple erreur matérielle de la société Prodesfarma, que la société PRODES SA, dont les intimées rappellent ajuste titre qu'elle avait une personnalité morale distincte de la société Prodesfarma, a déposé en son nom la demande de CCP et est ainsi apparue aux yeux des tiers comme titulaire à la fois du brevet et du CCP. Au contraire, cette situation résulte du fait que la société Prodesfarma, qui n'a informé les tiers du transfert de propriété du brevet qu'après l'expiration de sa durée de validité (ne régularisant l'inscription de ce transfert que près de 2 ans après, alors même qu'elle avait été informée plus de 10 ans auparavant du risque qu'un CCP ne puisse être délivré qu'au seul titulaire inscrit du brevet) s'est volontairement abstenue de demander en temps utile la délivrance du CCP à son nom (alors que la publicité est nécessaire pour agir en contrefaçon) afin de bénéficier de la protection facultative, d'interprétation stricte, conférée par ce titre. Aucune erreur manifeste d'inscription du CCP, qui relèverait d'une rectification matérielle et non d'une revendication du titre, n'étant ainsi établie, il ne peut être retenu que la société Almirall Prodesfarma SA est valablement inscrite comme titulaire du CCP, dont elle a ensuite cédé l'exploitation exclusive à Almirall SAS. Il en résulte que les intimées opposent à bon droit aux sociétés appelantes une fin de non recevoir tirée de leur défaut de qualité à agir en contrefaçon sur le fondement

du CCP communautaire en cause et que les sociétés ALMIRALL doivent en conséquence être déclarées irrecevables en toutes leurs demandes. La poursuite de l'annulation du CCP à l'encontre des appelantes s'avère dès lors sans objet. Sur les manoeuvres abusives II n'est pas contesté que les sociétés MERCK GENERIQUES et QUALIMED ont chacune obtenu la délivrance d'une AMM le 27 février 2006 pour un générique de la spécialité Cartrex et que la commercialisation en France du générique acéclofénac Qualimed a débuté en mai 2007 et celle du générique Acéclofénac Merck en avril 2008. Ces sociétés font valoir que les appelantes n'ont eu pour but que de prolonger abusivement un monopole d'exploitation et d'empêcher l'entrée sur le marché de produits concurrents pour une spécialité pharmaceutique "très prescrite" par diverses manoeuvres : -présentation abusive d'une titularité du CCP (et, subsidiairement, de son caractère non expiré, devenu sans objet du fait de l'irrecevabilité à agir retenue par la cour), -dénigrement auprès de pharmaciens officinaux, (outre l'envoi d'un courrier "du 28 octobre 2006" à un membre du comité exécutif du groupe Allemand Merck, étant observé que la cour ne peut pas plus que le tribunal apprécier la teneur ou la portée de ce document en langue anglaise dont aucune traduction n'est produite), -double action en contrefaçon, les appelantes s'étant précédemment désistées (le 25 janvier 2007) d'une première action en contrefaçon (intentée le 2 juin 2006 devant le tribunal de grande instance de Lyon). Le recours, dans les conditions précédemment rappelées, à la rectification d'erreur matérielle pour obtenir la modification du titulaire inscrit du CCP et pouvoir agir en contrefaçon est fautif et le jugement entrepris doit être infirmé sur ces points. En revanche, si les premiers juges ne se sont pas prononcés sur une première lettre circulaire adressée aux pharmaciens par les société ALMIRALL de novembre 2006, c'est à bon droit qu'ils ont retenu le caractère fautif d'une lettre circulaire postérieure de mars 2007. En réalité, ce second courrier reprend les termes du premier (mentionnant simplement le changement de dénomination d'almirall Prodesfarma) et les deux envois apparaissent comme une information sur les droits de propriété industrielle des sociétés ALMIRALL sur la molécule acéclofénac et une mise en garde contre la mise sur le marché d'une autre spécialité à base d'acéclofénac qui constituerait un acte de contrefaçon, sans effectivement citer nommément les intimés ni la dénomination de leurs spécialités, et en adoptant le mode conditionnel. Cependant une telle mise en égard, réitérée après le désistement d'une précédente action en contrefaçon et avant même d'engager une nouvelle action de ce chef, pour attirer l'attention de partenaires (qui sont également ceux de leurs concurrents) sur

une éventuelle contrefaçon en invoquant, sans la moindre réserve de ce chef, la pleine titularité des droits sur un CCP dont les sociétés Almirall ne pouvaient ignorer les conditions discutables de son obtention constituent suffisamment à leur encontre des actes de concurrence déloyale. Même si la commercialisation du générique Qualimed a pu débuter 2 mois après la seconde lettre circulaire, il n'est pas sérieusement contestable que le retard ou le frein apporté à la commercialisation de génériques d'une spécialité générant des chiffres d'affaires non négligeables, à raison des démarches fautives des sociétés Almirall tendant à la prévenir ou la faire cesser, est dommageable. Par ailleurs, l'envoi par les sociétés Almirall de deux mises en garde successives pour des spécialités ensuite commercialisées par les intimés, qui en avaient obtenu les AMM, a nécessairement porté atteinte à leur image dans le milieu concerné des professionnels de santé avertis. L'indemnité allouée en première instance (100.000 euros) répare justement l'entier préjudice subi par les sociétés MYLAN (anciennement MERCK GENERIQUES) et QUALIMED du fait de l'ensemble des agissements fautifs retenus à rencontre des appelantes, lesquelles doivent être condamnées in solidum à son paiement. PAR CES MOTIFS Infirme la décision entreprise sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués aux sociétés MERCK GENERIQUES (actuellement MYLAN) et QUALIMED, les frais irrépétibles et les dépens, Et statuant à nouveau dans cette limite, Déclare les sociétés LABORATORIOS ALMIRALL SA, actuellement dénommée ALMIRALL SA, et ALMIRALL SAS irrecevables en toutes leurs demandes fondées sur la contrefaçon du CCP n 98 C 0017, Les condamne in solidum à payer aux sociétés MYLAN, anciennement MERCK GENERIQUES, et QUALIMED les dommages et intérêts alloués, en réparation du préjudice subi du fait de leurs agissements fautifs, Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation, Condamne in solidum les sociétés LABORATORIOS ALMIRALL actuellement dénommée ALMIRALL SA, et ALMIRALL SAS aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître OLIVIER, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser aux sociétés MYLAN (anciennement MERCK GENERIQUES), QUALIMED, PHARM'DEPO et MERCK FARMA Y QUIMICA une somme complémentaire globale de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.