Numéro du rôle : 1959. Arrêt n 124/2001 du 16 octobre 2001 A R R E T



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Numéro du rôle : 1959 Arrêt n 124/2001 du 16 octobre 2001 A R R E T En cause : la question préjudicielle relative à l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, posée par la Cour d'appel de Mons. La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges L. François, R. Henneuse, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Moerman, et, conformément à l article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d arbitrage, du président émérite H. Boel, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 13 avril 2000 en cause de la s.c. I.D.E.A. contre la Région wallonne, dont l expédition est parvenue au greffe de la Cour d arbitrage le 28 avril 2000, la Cour d appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante : «L article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, interprété en ce qu il exempte les intercommunales de toutes contributions ou de toutes impositions établies par les Régions, viole-t-il les règles établies par la Constitution ou en vertu de celleci, en vigueur en 1992, pour déterminer les compétences respectives de l Etat, des Communautés et des Régions, et plus particulièrement l article 110 [désormais l article 170], 1er et 2, alinéa 1er, de la Constitution?» II. Les faits et la procédure antérieure La s.c. I.D.E.A. (Intercommunale de développement économique et d aménagement de la région Mons- Borinage) forme appel, devant le juge a quo, d'un jugement du Tribunal de première instance de Mons par lequel elle a été déboutée de son opposition à une contrainte délivrée par la Région wallonne, visant à récupérer une somme de 3.717.716 francs dus à titre de taxe sur les déchets non ménagers pour l'exercice 1992. L'appelante ayant fait état, pour justifier sa non-soumission à la taxe précitée, de l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, le juge a quo soulève la question de la conformité avec les règles de compétence de l exemption générale et pose à la Cour la question précitée. III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 28 avril 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique. La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 août 2000. L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 2 septembre 2000. Des mémoires ont été introduits par : - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 9 octobre 2000; - la s.c. I.D.E.A., dont le siège est établi à 7000 Mons, rue de Nimy 53, par lettre recommandée à la poste le 10 octobre 2000; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 12 octobre 2000;

3 - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 12 octobre 2000. Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 avril 2001. Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la s.c. I.D.E.A., par lettre recommandée à la poste le 18 mai 2001; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 19 mai 2001; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 21 mai 2001. Par ordonnances du 28 septembre 2000 et du 29 mars 2001, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 28 avril 2001 et 28 octobre 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. Par ordonnances du 20 mars 2001 et du 22 mai 2001, la Cour a complété le siège respectivement par le juge A. Alen et par le juge J.-P. Moerman. Par ordonnance du 13 juin 2001, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 12 juillet 2001 après avoir reformulé la question préjudicielle comme suit : «L article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, interprété en ce qu il exempte les intercommunales de toutes contributions ou de toutes impositions établies par les régions, viole-t-il les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci, en vigueur en 1992, pour déterminer les compétences respectives de l Etat, des communautés et des régions, et plus particulièrement l article 110 [désormais l article 170], 1er et 2, alinéa 1er et alinéa 2, de la Constitution?» Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 14 juin 2001. A l'audience publique du 12 juillet 2001 : - ont comparu :. Me E. Balate, avocat au barreau de Mons, pour la s.c. I.D.E.A.;. Me E. Orban de Xivry, avocat au barreau de Marche-en-Famenne, pour le Gouvernement wallon;. Me M. Mahieu, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil des ministres;. Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré. La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

4 IV. En droit - A Position du Conseil des ministres A.1. Après avoir relevé qu'il aurait été de «bonne justice» de joindre cette affaire à l'affaire n 1833, le mémoire fait le relevé des dispositions constitutionnelles et légales en cause en l'espèce, dispositions dont il dégage ensuite trois lignes de forces. Tout d'abord, le Conseil des ministres relève l'autonomie des compétences fiscales dont disposent l'etat fédéral et les régions par rapport aux compétences matérielles qui relèvent, respectivement, de ces collectivités. Le mémoire souligne ensuite que, en matière fiscale, le législateur fédéral garde la prééminence par rapport aux autres collectivités, prééminence en vertu de laquelle il peut exclure certains impôts de ceux susceptibles d'être établis par les collectivités fédérées ou encore supprimer des impôts que ces dernières auraient institués. Enfin, il n est pas contesté que, au fur et à mesure des phases successives de la réforme de l'etat, la compétence régionale s'est accrue en ce qui concerne les intercommunales. A.2. Le mémoire examine ensuite la question de l'état dans le temps des normes de références citées ci-dessus, au regard desquelles devrait être contrôlé l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986. A.3.1. A titre principal, - thèse qu il confirme dans son mémoire en réponse - le Conseil des ministres estime que c'est au regard des normes en vigueur en 1986 que devrait être contrôlé l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986, thèse d ailleurs conforme, selon lui, à la jurisprudence de la Cour en la matière. A.3.2. Cet article 26 constitue une application de l'article 170, 2, alinéa 2, en ce qu'il prohibe, à l'égard des intercommunales, une taxation régionale. Dès lors que, en application du principe d'autonomie entre compétences matérielles et fiscales, il n'y a pas lieu de prendre en considération la compétence régionale en matière d'intercommunales, l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 doit être déclaré conforme aux règles de compétences, telles qu'elles étaient en vigueur lors de l'adoption de cette loi. Dans son mémoire en réponse, le Conseil des ministres, s en référant à la position de la s.c. I.D.E.A., expose que l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 est fondé, à titre principal, sur l article 108, alinéa 4, et, à titre accessoire, sur l article 110, 2, alinéa 2, de la Constitution, tels qu ils étaient en vigueur en 1986. Le Conseil des ministres souligne en outre que l'appréciation de la nécessité de l'exemption générale en cause est une question d'opportunité qui échappe à la compétence de la Cour; il conteste par ailleurs, dans son mémoire en réponse, l interprétation, jugée trop restrictive, que donnent les Gouvernements flamand et wallon à la disposition constitutionnelle précitée. A.4. A titre subsidiaire, le mémoire examine l'incidence de l'octroi aux régions, par la loi du 23 janvier 1989, de la compétence de lever des impôts en matière d'eau et de déchets ainsi que de l'extension, par la loi du 16 juillet 1993, de la compétence régionale en matière d'intercommunales à la législation organique de celles-ci, matière auparavant de compétence fédérale. Selon le Conseil des ministres, la prise en considération de ces deux législations, postérieures à 1986, n'implique pas davantage d'excès de compétence, le mémoire étayant cette thèse par les avis, plus ou moins nuancés, de différentes personnalités académiques consultées en 1996 par le législateur wallon. Position de la s.c. I.D.E.A. A.5.1. Après un rappel des éléments de fait du dossier, le mémoire expose que la loi du 22 décembre 1986 trouve son fondement, sur le plan des compétences, dans l'article 108 (le mémoire utilisant l'ancienne numérotation de cette disposition - article 162 nouveau) de la Constitution. Il en est de même de son article 26, en cause en

5 l'espèce, qui, à tout le moins, relève des «compétences implicites» que confère à l'etat fédéral sa compétence en matière d'organisation légale des intercommunales. Ce n'est donc pas l'article 110 (ancienne numérotation - article 170 nouveau) qui fonde en droit l'article 26, dès lors qu'il n'est «pas question de l'établissement d'un impôt au profit de l'etat mais seulement d'une immunisation d'une catégorie déterminée de contribuables, sous-tendue par un objectif premier d'organisation et de réglementation du fonctionnement des intercommunales». A.5.2. Analysant ensuite le partage de compétence entre l'etat fédéral et les régions en matière d'intercommunales, la s.c. I.D.E.A. déduit de l'article 6, 1er, VIII, 1, de la loi spéciale et de l'arrêt de la Cour du 28 juin 1985 que, «en 1992», les régions ne disposaient d'aucune compétence normative en matière de fiscalité des intercommunales mais étaient, au contraire, tenues d'appliquer la loi organique sur les intercommunales, dont son article 26. A.5.3. Le mémoire relève enfin, comme l'a fait le Conseil des ministres, que l'article 26 en cause est l'application de la compétence conférée au législateur par l'article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution, ce que confirme, comme le rappelle le mémoire en réponse, l'avis émis par le Conseil d'etat sur le décret wallon, alors en projet, du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales. Position du Gouvernement flamand A.6. Le Gouvernement flamand examine en premier lieu si l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 a pour effet d exempter les intercommunales des impositions établies par les communautés et les régions. Malgré le constat que les communautés et les régions sont des «personnes de droit public» et certaines déclarations faites à ce sujet au cours des travaux préparatoires, le Gouvernement flamand estime que l article 26, à l examen, n est pas sans équivoque. Non seulement le législateur ne s est guère soucié du titre de compétence pour exempter les intercommunales d impositions communautaires et régionales, mais l extension de l exemption d impôt, qui, à l origine à savoir dans la loi du 1er mars 1922, s appliquait uniquement aux impositions propres du législateur fédéral et aux impositions établies par les pouvoirs subordonnés, ne coule pas davantage de source, étant donné que les communautés et les régions ne sont pas des pouvoirs subordonnés, mais des entités fédérées, à l autonomie desquelles le législateur ordinaire ne peut, en principe, porter atteinte. A.7. Selon le Gouvernement flamand, l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 règle le statut financier des intercommunales, lequel relevait à ce moment de la compétence résiduelle du législateur fédéral; en effet, les régions n étaient compétentes, à cette époque, que pour «les modalités de fonctionnement, le contrôle et la fixation du ressort des associations de communes dans un but d utilité publique, ainsi que l application des lois organiques relatives à ces associations», dont le statut financier ne faisait pas partie. Toutefois, depuis la loi spéciale du 16 juillet 1993, les régions sont compétentes pour «les associations de provinces et de communes dans un but d utilité publique, à l exception de la tutelle spécifique en matière de lutte contre l incendie, organisée par la loi»; il s ensuit que le statut et donc également le statut financier relève, à l estime du Gouvernement flamand, de la compétence des régions. Cela signifie, premièrement, que seules les régions peuvent adapter l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 en tant que cette disposition exempterait les intercommunales des impositions régionales et, deuxièmement, que l établissement, postérieurement au 16 juillet 1993, d une imposition communautaire ou régionale déterminée sans que le législateur décrétal ait prévu une exemption en faveur des intercommunales, contredit l exemption générale visée à l article 26. Le Gouvernement flamand relève toutefois que cette problématique n est pas pertinente, puisque la question porte uniquement sur l éventuelle violation des règles répartitrices de compétences au moment de l adoption de la disposition litigieuse, c est-à-dire au 22 décembre 1986. A.8. Le Gouvernement flamand poursuit en relevant que l article 26 de la loi du 22 décembre 1986, dans l interprétation qui en est faite en l espèce, limite fondamentalement l autonomie fiscale des communautés et des régions, prévue à l article 170, 2, de la Constitution, ce qui est en principe possible eu égard à l alinéa 2 de cette disposition. Toutefois, l exemption de toute une catégorie de redevables d impositions communautaires ou régionales n est pas une «exception» au sens de l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution et la «nécessité» de cette exemption n est pas davantage démontrée, en sorte qu il n est pas satisfait aux conditions d application de l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution.

6 A.9.1. Le Gouvernement flamand estime que, contrairement à l article 170, 3 et 4, à chaque fois alinéa 2, de la Constitution, qui déroge à la règle «no taxation without representation», en permettant au législateur fédéral d établir des impositions locales sans l accord des conseils communaux ou provinciaux, l article 170, 2, de la Constitution a pour objet d habiliter le législateur fédéral à se réserver une matière fiscale propre. Cette disposition constitutionnelle, puisqu elle fait exception à l autonomie fiscale des communautés et des régions, est de stricte interprétation et n autorise rien d autre. Le Gouvernement flamand renvoie à ce sujet à des travaux de doctrine qui corroborent sa thèse, à des avis du Conseil d Etat ainsi qu à la jurisprudence de la Cour. Etant donné que l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 n entend pas «se réserver une matière fiscale propre», mais exempte toute une catégorie de redevables de toutes les impositions communautaires et régionales possibles, lesquelles doivent être acquittées par d autres contribuables, cette disposition ne peut être considérée comme étant une «exception» au sens de l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution, en sorte que la disposition litigieuse excède la compétence du législateur fédéral. A.9.2. Même si l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution doit être interprété en ce sens que le législateur fédéral peut limiter comme bon lui semble l autonomie fiscale des communautés et des régions et qu il peut donc exempter certains redevables d impositions communautaires et régionales, le Gouvernement flamand estime qu il n est pas satisfait à la condition de «nécessité», notion qui doit être interprétée restrictivement, au sens d «indispensable». Non seulement aucune justification n a-t-elle été donnée à ce sujet au cours des travaux préparatoires, mais le Gouvernement flamand ne voit pas davantage pourquoi une exemption des intercommunales de toutes les impositions communautaires et régionales serait «nécessaire», eu égard notamment à la non-exemption des communes, qui assument par hypothèse les mêmes tâches. A.10. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand expose les conséquences qu il y aurait lieu de tirer des considérants B.5.3 à B.5.6 de l arrêt de la Cour n 66/2001 du 17 mai 2001, et notamment le fait que la question préjudicielle serait devenue partiellement sans objet. Position du Gouvernement wallon A.11.1. Après avoir relevé que, à son estime, la question préjudicielle pose également la question de la violation éventuelle de l'article 110, 2, alinéa 2, de la Constitution, le mémoire décrit la triple finalité (budgétaire, incitative et redistributrice) poursuivie par l'instauration, par le décret wallon du 25 juillet 1991, d'une taxation des déchets. Le Gouvernement wallon relève ensuite que l'article 13 de ce décret, relatif à la taxation des déchets non ménagers, est applicable à toute personne physique ou morale exerçant une activité d'exploitant de décharge, sans qu'un régime particulier n'ait été réservé aux intercommunales qui exercent l'activité précitée. A.11.2. S'agissant de l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986, tout en reconnaissant notamment la qualité de personne de droit public des régions, le mémoire souligne toutefois qu'elles ne peuvent être comparées aux provinces et communes que vise également cette disposition. Pour le Gouvernement wallon, l'article 26 a seulement entendu maintenir la réglementation en vigueur sous l'ancienne législation (à savoir l'article 17 de la loi du 1er mars 1922) et doit dès lors être interprété comme ne s'appliquant pas aux impositions édictées par les régions. Dans cette interprétation, il ne viole pas les règles de compétence et, plus précisément, l'article 110, 1er et 2, alinéa 1er, de la Constitution. A.12. Si, à l'inverse, l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 doit être interprété comme s'appliquant aux impositions régionales, sa compatibilité avec l'article 110, 2, alinéa 2, doit être examinée. En se référant à différents extraits des travaux préparatoires de la révision de cette disposition constitutionnelle, le Gouvernement wallon expose que l'article 110, 2, alinéa 2, «se rapporte à des matières imposables dans le seul but d'éviter une fiscalité écartelée entre différents niveaux de pouvoir avec pour résultat un démantèlement de l unité du pays». Or, tel n'est pas l'objet de l'article 26, qui «vise seulement l'immunisation d'une catégorie de contribuables, immunisation qui ne réserve pas à l'autorité fédérale une matière fiscale propre».

7 De surcroît, relève le mémoire, au titre d'exception à l'autonomie fiscale des communautés et des régions, l'article 110, 2, alinéa 2, est d'interprétation restrictive : or, les travaux préparatoires de l'article 26 n'apportent nullement la preuve de la nécessité de faire application de cette exception. Dans cette seconde interprétation, l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 viole en conséquence l'article 170 (anciennement 110), 2, alinéa 2, de la Constitution. - B B.1. La question préjudicielle porte sur l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, qui énonce : «Sans préjudice des dispositions légales existantes, les intercommunales sont exemptes de toutes contributions au profit de l Etat ainsi que de toutes impositions établies par les provinces, les communes ou toute autre personne de droit public.» Cette disposition remplace l article 17 de la loi du 1er mars 1922 relative à l association de communes dans un but d utilité publique, en y ajoutant les mots «ou toute autre personne de droit public». Il ressort clairement des travaux préparatoires que cet ajout vise aussi les communautés et les régions (Doc. parl., Chambre, 1985-1986, n 125/11, p. 82). La disposition en cause commande d exempter les intercommunales non seulement d impositions fédérales et locales mais également d impositions communautaires et régionales. B.2. La question revient donc à savoir si la disposition en cause, dans la mesure où elle dispose de manière générale que les intercommunales sont exemptes de toutes impositions, en ce compris les impositions futures, est contraire à l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution. La question préjudicielle se réfère à l'année 1992, exercice d'imposition auquel se rattache la taxe en cause devant le juge a quo. Cette référence n implique pas que la Cour ne doive exercer son contrôle de constitutionnalité qu'au regard des normes de référence en vigueur à cette date.

8 B.3. L article 170, 2, de la Constitution dispose : «Aucun impôt au profit de la communauté ou de la région ne peut être établi que par un décret ou une règle visée à l article 134. La loi détermine, relativement aux impositions visées à l alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée.» En vertu de cette disposition, les communautés et les régions disposent d une compétence fiscale propre, sauf quand la loi a déterminé ou détermine ultérieurement des exceptions dont la nécessité est démontrée. B.4. Les travaux préparatoires font apparaître que l article 170, 2, de la Constitution doit être considéré comme «une sorte de mécanisme de défense [de l Etat] à l égard des autres niveaux de pouvoir, de manière à se réserver une matière fiscale propre» (Doc. parl., Chambre, S.E., 1979, 10, n 8/4, p. 4). Des amendements proposant d établir une liste des matières pouvant faire l objet d une imposition par les communautés et les régions ont été rejetés (Ann., Chambre, 1979-1980, séance du 22 juillet 1980, pp. 2705-2713). Il a été souligné à plusieurs reprises que l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution devait être considéré comme «un mécanisme régulateur. [ ] C est un instrument indispensable. La loi doit être ce mécanisme régulateur et doit pouvoir déterminer quelle matière imposable est réservée à l Etat. Si on ne le faisait pas, ce serait le chaos et cet imbroglio n aurait plus aucun rapport avec un Etat fédéral bien organisé ou avec un Etat bien organisé tout court.» (Ann., Chambre, 1979-1980, séance du 22 juillet 1980, p. 2707; voy. également Ann., Sénat, 1979-1980, séance du 28 juillet 1980, pp. 2650-2651). Par l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution, le Constituant a dès lors entendu établir la primauté de la loi fiscale sur le décret fiscal et permettre des exceptions à la compétence fiscale des communautés et des régions, laquelle est consacrée par l alinéa 1er de l article 170, 2. Dès lors, le législateur fédéral peut non seulement excepter certaines matières fiscales de la fiscalité propre des communautés et des régions, mais il peut en outre prévoir que cette fiscalité ne s applique pas à certaines catégories de contribuables. De

9 surcroît, le législateur peut tant interdire la perception d une imposition régionale a priori que prévoir des exceptions aux impositions régionales déjà établies. B.5.1. Aux termes de la Constitution, l exercice de cette compétence est toutefois lié à la condition que la «nécessité» en soit démontrée. Un amendement visant à ajouter que la loi visée à l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution est une loi adoptée à la majorité spéciale a, certes, été rejeté (Doc. parl., Chambre, S.E., 1979, 10, n 8/2, p. 1; Ann., Chambre, 22 juillet 1980, p. 2706), mais, au cours des travaux préparatoires, il a été souligné que «la loi qui est visée à l article 110, 2, alinéa 2, est une loi organique et [qu ] il ne sera pas facile pour le législateur d imposer des restrictions aux communautés et aux régions» (Doc. parl., Chambre, S.E., 1979, 10, n 8/4, p. 4). Au cours des travaux préparatoires de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, le ministre a relevé que «le deuxième alinéa, article 110, 2, de la Constitution permet cependant au législateur national de déterminer des exceptions à cette compétence générale et complète [des communautés et des régions]. Cette possibilité pour le législateur national est néanmoins limitée : il doit pouvoir démontrer la nécessité de ces exceptions. En outre, il faut souligner que les exceptions doivent être interprétées restrictivement selon les règles d interprétation généralement acceptées» (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n 635/17, p. 175). B.5.2. En adoptant l article 26 de la loi du 22 décembre 1986, le législateur fédéral a fait usage du pouvoir que lui donne l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution pour éviter que le statut favorable qu il avait accordé aux intercommunales par la loi du 1er mars 1922 ne soit compromis par les impôts dus à d autres pouvoirs taxateurs. Il a pu considérer, en 1986, que, comme en 1922, la nécessité de maintenir cette exemption était démontrée. B.6. En ce que la question préjudicielle vise l exemption, au bénéfice des intercommunales, de «toutes contributions ou de toutes impositions établies par les régions», elle soumet également à la Cour la constitutionnalité de l article 26 en cause en ce qu il s applique aux

10 nouveaux impôts instaurés par les régions postérieurement à l entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 1986. Cet aspect de la question invite la Cour à examiner si, en adoptant ultérieurement des lois qui traitent de la fiscalité des régions, le législateur fédéral n a pas lui-même estimé, de manière implicite mais certaine, que, dans des matières déterminées, la nécessité de cette exemption n était plus démontrée. B.7. La loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l Etat modifie l intitulé de la loi du 23 janvier 1989 «portant application de l article 110, 2, alinéa 2, de la Constitution» en «loi relative à la compétence fiscale visée à l article 110 [actuellement 170], 1er et 2, de la Constitution». Elle ajoute un article 2 qui dispose que l Etat et les communautés ne sont pas autorisés à lever des impôts «en matière d eau ni de déchets, à percevoir des centimes additionnels aux impôts et perceptions sur ces matières, à accorder des remises sur ceux-ci». Il s ensuit que, depuis l entrée en vigueur de la loi du 16 juillet 1993, le législateur fédéral, en renonçant à toute compétence fiscale dans ces matières, renonçait implicitement à juger cette exemption nécessaire. B.8. En ce que l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 exempte les intercommunales, pour la période postérieure à l entrée en vigueur de l article 356 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l Etat, des impositions régionales en matière d eau et de déchets, il viole l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution. Dans cette mesure, la question appelle une réponse positive. Elle appelle une réponse négative pour le surplus.

11 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. En ce que l article 26 de la loi du 22 décembre 1986 exempte les intercommunales, pour la période postérieure à l entrée en vigueur de l article 356 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l Etat, des impositions régionales en matière d eau et de déchets, il viole l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution. 2. Pour le surplus, l article 26 précité ne viole pas l article 170, 2, alinéa 2, de la Constitution. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d arbitrage, à l audience publique du 16 octobre 2001. Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux M. Melchior