Secrétariat du Grand Conseil M 1343 Proposition présentée par les députés: M mes et MM. Christine Sayegh, Charles Beer, Christian Brunier et Véronique Pürro Date de dépôt: 13 avril 2000 Messagerie Proposition de motion sur les mesures à prendre face à la pénurie de spécialistes dans le domaine de l'informatique et des nouvelles technologies Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : les besoins énormes de spécialistes dans le secteur de l'informatique et des nouvelles technologies dans la plupart des régions du monde, en Europe et en Suisse en particulier ; l'existence de ce phénomène à Genève, mis en exergue notamment dans l'étude publiée en août 1999 par le Conseil économique et social (CES) sur les attentes des entreprises et des organisations internationales établies dans le canton ; l'incapacité de la Suisse, essentiellement par manque de moyens alloués à la formation dans ce domaine, à répondre aux besoins croissants de spécialistes ; le faible pourcentage de femmes se dirigeant vers des filières de formation techniques ; les enjeux économiques et sociaux liés à une pénurie de spécialistes ou au développement d un pôle de compétence dans notre région ; la responsabilité des autorités en matière de développement économique, de politique de l'emploi et de la formation, et les prérogatives des cantons dans ces domaines ; 05.2000 SRO-Kündig 650 ex. M 1343
2 invite le Conseil d'etat à développer l'offre de formation scolaire, professionnelle, universitaire et continue dans le domaine de l'informatique et des nouvelles technologies ; à renforcer l'information sur les formations offertes et les débouchés professionnels dans ce secteur et à encourager en particulier l'accession des femmes à ce type de formations ; à créer un observatoire de la formation aux technologies, en collaboration avec l Observatoire technologique, afin de déterminer les besoins stratégiques en termes de connaissances et de compétences des futurs diplômés et d encourager les institutions à adapter leurs programmes ; à créer un «centre pour le développement de la société de l'information» en partenariat avec l'université, les HES, l Observatoire technologique, le SITG, les SIG, les partenaires PME, la Chambre de commerce, les responsables syndicaux et patronaux, les organisations internationales et les entreprises multinationales afin de développer un pôle de compétence dans la région lémanique.
3 EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames et Messieurs les députés, Le développement rapide de l'informatique et des nouvelles technologies entraîne une sérieuse pénurie de spécialistes dans la plupart des régions de la planète. L'Europe et la Suisse ne font pas exception. Selon l'international Data Corporation, 510'000 postes informatiques étaient vacants en Europe de l'ouest à fin 1998 et 1'600'000 travailleurs devraient manquer d'ici 2002 1. En Suisse, l'insuffisance d'informaticiens est actuellement estimée à 10'000, et ce nombre pourrait doubler d'ici 2002. 2 Le constat est désolant. Alors que la main-d œuvre qualifiée manque dans ce secteur, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont à la recherche d'un emploi en Suisse. Plus grave, le système de formation ne s'étant pas adapté, essentiellement par manque de moyens et de volonté politique, la situation va sans doute s'aggraver. Selon l'office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), seuls 4'800 informaticiens sortent des différentes filières de formation chaque année, alors qu'il en faudrait le double pour répondre aux besoins du marché. 3 La situation risque donc bien d'empirer. Il s'agit d'un véritable gâchis dans la mesure où le déséquilibre actuel et futur du marché du travail de ce secteur était et reste prévisible, mais aussi parce que cette pénurie pourrait avoir des conséquences néfastes sur le développement économique et la capacité d'innovation de la Suisse. A Genève, si les chiffres font défaut, une étude qualitative sur les attentes des entreprises et des organisations internationales 4 fait apparaître le même phénomène. 1 Chiffres fournis par l International Data Corporation in Computer World (http://computerworld.com/global/9812france/europe.html). 2 Chiffres fournis par l International Data Corporation in Le Temps, 20 juillet 1999. 3 Le Temps, «Cri d'alarme à Berne: la pénurie devient grave» par Gabriel Sigrist, 9 février 2000. 4 Conseil Economique et Social, Besoins en qualifications et compétences dans le secteur international à Genève: Quelles possibilités pour les jeunes?, Août 1999.
4 La situation est donc très inquiétante. La seule consolation, si cela peut en être une, est que de nombreux autres pays connaissent des problèmes similaires. Il est donc urgent et impératif d'agir. Même si les autorités politiques ne sont pas restées les bras croisés, avec notamment deux arrêtés fédéraux sur les places d'apprentissage et la création de quelques filières d'informatique dans les écoles professionnelles et à l'université, les moyens mis en œuvre sont notoirement insuffisants. Or, la révolution technologique n'attend pas. Le Conseil d'etat semble en être conscient. Lors de son discours d'investiture à la Cathédrale Saint-Pierre, il avait présenté le réseau Smart Geneva comme un enjeu important de cette législature : «De nouvelles technologies de communication déclenchent une révolution la révolution de l'information qui sera au XXI e siècle ce que la révolution industrielle a été au XIX e siècle. Il est donc primordial de construire des réseaux de communication à haute capacité pour permettre aux nouvelles technologies de l'information de se développer pleinement, en créant les emplois et les richesses de demain. SMART GENEVA n'est cependant pas qu'un réseau. C'est surtout la création d'un nouveau système d'information et de formation dont les applications sont infinies. Derrière un projet apparemment technique, il y a, en réalité, un concept, celui d'une Genève créatrice d'idées et d'innovations.» 5 L'idée de Smart Geneva est prometteuse. Mais une infrastructure a-t-elle un sens si les compétences nécessaires à son utilisation font défaut? En reprenant l'exemple de la révolution industrielle, aurait-il été rationnel de bâtir des voies de chemins de fer sans jamais former des cheminots? Telle est la question que nous devons nous poser. Le rôle de l'etat ne se limite pas à la construction d'infrastructures, mais ses prérogatives portent également sur la formation. A ce niveau, il doit agir et de surcroît dans ce cas précis très rapidement. Or, les impulsions politiques données actuellement ne sont pas très importantes et les moyens dégagés restent insuffisants. Si nous ne doutons pas que le canton de Genève utilisera la manne qui lui est réservée par le deuxième arrêté fédéral sur les places d'apprentissages pour proposer quelques projets, nous souhaitons que le Conseil d Etat aille plus loin et développe une politique offensive, en explorant des voies proposées dans cette motion ou en ouvrant de nouvelles. 5 Discours d'investiture du Conseil d'etat prononcé à la Cathédrale Saint-Pierre le 8 décembre 1997.
5 Tout d'abord, il faut accroître les moyens alloués à l'enseignement de l'informatique dans les programmes de formation scolaires, professionnels, universitaires ou de formation continue. Aujourd'hui, le nombre de personnes formées dans ces institutions se compte en dizaines, et les moyens matériels et humains sont souvent insuffisants. Parallèlement, il faut renforcer l'information sur les possibilités de formation et de débouchés professionnels. En particulier, l'accession des femmes à ce type de formations, où elles sont encore très largement sous représentées, doit être encouragée. Nous pensons que le canton de Genève devrait se doter d'un observatoire de la formation aux nouvelles technologies en synergie avec l Observatoire technologique. Il serait chargé de conseiller les établissements de formation en définissant les besoins stratégiques futurs de connaissances. En effet, entre le moment où un jeune entreprend, par exemple, l'apprentissage d'un langage ou d un système informatique et celui où il se présente sur le marché du travail, une partie de ses connaissances deviennent parfois désuètes. Un organe qui se tiendrait au courant des plus récents développements et ainsi pourrait anticiper les besoins futurs dans les domaines des technologies nouvelles (informatique, robotique, domotique, etc.) pourrait être très utile, même si l adéquation parfaite aux besoins ne sera jamais atteinte. Enfin, en parallèle au développement de Smart Geneva, tenant compte de l essor gigantesque des technologies de l information et face aux problèmes de formation actuels, on pourrait imaginer la création d'un centre pour le développement de la société de l'information. Lors de la préparation de cette motion, nous avons en effet rencontré des professionnels de la formation (Université, EPFL, HES) qui travaillent sur un projet de ce type dans le cadre de la proposition d'un programme national de recherche. Leur idée serait de rassembler les forces présentes dans la région lémanique au sein d un pôle de compétence de l'informatique et des nouvelles technologies au service du «monde vivant». Il ne s'agirait donc pas d'un centre de recherche classique, mais plutôt d'un centre de recherche au service des utilisateurs des technologies de l'information. Des enseignants pourraient y effectuer des cours de remise à niveau sur les méthodes d'apprentissage (relation enseignant - enseigné), des PME pourraient s'informer et se former sur le développement du commerce électronique (relations entreprises - clients) ou encore des décideurs pourraient se familiariser aux dernières technologies. Un projet de ce type, en adéquation directe avec le monde vivant, pourrait apporter des éléments concrets de soutien au développement des technologies de l'information dans l'économie locale.
6 Or, on pourrait imaginer que l'etat avec ces institutions et d'autres partenaires comme les SIG, les organisations internationales, les entreprises multinationales, les syndicats, les partenaires PME, la Chambre de commerce, et pourquoi pas d'autres collectivités, s'engagent dans un projet de ce type. La situation actuelle est inquiétante et les prévisions sont plutôt pessimistes. C est pourquoi les autorités politiques doivent agir vite et développer une politique volontariste. Les propositions qui vous sont soumises ne sont que quelques pistes de réflexion, et nous espérons que le Conseil d Etat viendra également avec ses propositions. Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette motion.