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Transcription:

Page 1/6 f\ A voix haute - " JEAN-DOMINIQUE GIUUANI, président de la Fondation Robert Schuman "LEurope a la force de rétablir h confiance mais pas le mode d'emploi, il lui reste l'audace" De la probabilité d'un sursaut "merkozien" pour une sortie de la crise par le haut, par un fin connaisseur de l'allemagne et des politiques européennes Par Jacques Second! Pour le président de la Fondation Schuman, laboratoire d'un certain nombmd'acquis,œmrnel'eumetlapmspénté." d'idées sur les politiques européennes, la crise a déséqui- Pour faire face, le système, qui n'a pas été conçu pour les libre la "bicyclette européenne" à un moment où chacun situations d'urgence comme la crise de confiance actuelle, s'étaitarrêté de pédaler. "UEumpe, qui ne fonctionne qu'en n'est plus adapté, comme d'ailleurslesh" 1 1^ auil'animouvement,s'étaitassoupiesurla œrtitudedel'irréversibilité ment...

A voix haute Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman "L'Europe a la force de rétablir la confiance mais pas le mode d'emploi, il lui reste l'audace" De la probabilité d'un sursaut "merkozien" pour une sortie de la crise par le haut, par un fin connaisseur de l'allemagne et des politiques européennes Page 2/6 "L'Europe, qui ne fonctionne qu'en mouvement, s'est assoupie sur la certitude de l'irréversibilité d'un certain nombre d'acquis, comme l'euro et ta prospérité." "Pour faire face, le système, qui n'a pas été conçu pour les situations d'urgence, n'est plus adapté" Par jacques Second! Pour le président de la Fondation Schuman, laboratoire d'idées sur les politiques européennes, la crise a déséquilibré la "bicyclette européenne" à un moment où chacun s'était arrêté de pédaler. "L'Europe, qui ne fonctionne qu'en mouvement, s'était assoupie sur la certitude de l'irréversibilité d'un certain nombre d'acquis, comme l'euro et la prospérité." Pour faire face, le système, qui n'a pas été conçu pour les situations d'urgence comme la crise de confiance actuelle, n'est plus adapté, comme d'ailleurs les hommes qui l'animent, affirme ce nostalgique de la commission Delors. Il faut à présent choisir, poursuit Jean-Dominique Giuliani, comme l'avaient fait ceux qui, dans les années cinquante, pouvaient décider d'un futur ou d'un autre pour le Vieux Continent ruiné. Schuman et Monet avaient opté pour l'audace d'un rapprochement très ciblé, le charbon et l'acier, obtenu presque par effraction. Jean- Dominique Giuliani espère voir Nicolas Sarkozy et Angela Merkel renouveler l'exploit aujourd'hui autour d'une union budgétaire et fiscale entre la France et l'allemagne qui ramènerait la confiance et relancerait la dynamique du projet européen.

Page 3/6 Le grand mouvement d'intégration déclenché à la fin des années cinquante s'est révélé extrêmement productif pour la France qui a connu des périodes de croissance à 6 % par an. Cette phase, qui a aussi permis la reconstruction des pays européens dévastés par la guerre, s'est appuyée sur la création progressive du marché unique. Elle est devenue problématique au fur et à mesure que l'on s'approchait du seuil de partage des souverainetés politiques, dans des domaines comme les affaires étrangères, la fiscalité, le budget, la défense. "Cette phase est devenue problématique au fur et à mesure que l'on s'approchait du seuil de partage des souverainetés politiques" Au tournant du siècle, après la chute du mur de Berlin, l'achèvement du processus s'est matérialisé dans la monnaie unique, sorte de sceau de garantie d'une amitié franco-allemande irréversible et d'une Europe pacifiée définitivement, modernisée et ouverte au commerce international. En matière de politique, nous avions eu des débats passionnés, Maastricht en France, mais tranchés démocratiquement. Il y avait eu aussi la réunification allemande et les élargissements successifs et même le Royaume-Uni, ou d'autres pays réticents, trouvaient finalement plus d'intérêt à être en dedans qu'en dehors de l'europe. Hélas, à partir de cette époque, chacun a relâché l'effort. Excès de confort Cette pause a été favorisée par le caractère protecteur de l'euro qui donnait aux Européens le sentiment d'être définitivement riches et prospères, y compris ceux qui l'étaient moins que les autres. L'Europe, qui ne fonctionne qu'en mouvement, s'est assoupie sur la certitude de l'irréversibilité d'un certain nombre d'acquis, comme l'euro et la prospérité. On reproche souvent au Parlement européen et à la Commission de ne s'occuper que de peccadilles, mais la réalité est que l'essentiel, le processus d'intégration, est grippe depuis un certain temps. Les 10 traités et la jurisprudence qui régissent les relations européennes ont un effet cliquet qui engage : impossible de revenir en arrière. Inversement, ce processus donne le sentiment d'acquis irréversibles et ne pousse pas à aller de l'avant. L'exemple type est la directive sur les services : comment faire un marché unique sans un marché des services financiers qui se superpose au marché unique? En même temps, l'europe est restée ouverte au monde car cela représentait sa signature d'origine. "Les traités ont un effet cliquet : impossible de revenir en arrière. Inversement, ce processus donne le sentiment d'acquis irréversible et ne pousse pas à aller de l'avant" Le continent avait intérêt à la libéralisation des échanges. De ce point de vue, le parcours était presque parfait. En 2011, le contexte a changé et l'union, ses institutions, ses gouvernements ont beaucoup de mal à agir. C'est le résultat d'une conjonction entre le grippage institutionnel, le basculement comme ailleurs dans la période de finance débridée, l'absence de perspective et de réflexion stratégiques sur des transformations de l'économie mondiale que pourtant tout le monde avait vu venir, comme la montée en puissance de la Chine ou de l'inde, et par-dessus tout donc de ce confort dans lequel l'europe s'est assoupie. Volonté amollie L'élargissement a participé à ce phénomène. Contrairement à l'opinion la plus répandue, les derniers arrivés ne sont pas les pays qui posent le plus de problèmes. L'Estonie, la Bulgarie sont plutôt exemplaires. La Pologne est en phase de rattrapage rapide. Il en va différemment avec certains Etats qui ont adhéré à partir de 1973 : le Royaume-Uni ou l'irlande qui reçoit 89 milliard d'euros de solidarité parce qu'elle a échoué dans son modèle économique et financier mais refuse de voir remise en cause sa "fiat tax" à 12 % qui introduit des distorsions dans l'union. C'est "unfair" comme diraient nos amis britanniques. Si vous souhaitez parler d'harmonisation fiscale avec les pays d'europe du Nord, Finlande ou Suède, ce sera également une fin de non-recevoir. Cette mauvaise volonté a tendance à être contagieuse chez les derniers arrivés, mais là, l'europe a des moyens de pression : la Pologne par exemple devrait recevoir 62 milliards d'euros de "L'Union européenne a été trop laxiste, elle s'est plus conduite comme une ONU régionale que comme un pouvoir politique" transferts financiers de l'union sur la période 2007-2013, ce qui représente un argument fort pour la convaincre de se comporter en bon élève. L'erreur concerne plutôt les conditions de l'élargissement, accordé sans imposer certaines conditions aux nouveaux venus, en particulier au Royaume-Uni : que soit accepté une politique étrangère commune, que soit accepté l'euro. Même le président tchèque qui se répand contre la monnaie unique a signé le traité qui lui impose d'adopter l'euro. L'Union européenne a été trop laxiste, elle s'est davantage conduite comme une ONU régionale que comme un pouvoir politique. Un système et des dirigeants à bout Concentrer les critiques sur la Commission n'a pas de sens. Avec moins de fonctionnaires que la ville de Paris, la Commission est une administration non pas d'exécution, mais de conception, destinée à harmoniser et à réglementer. Elle a été réformée à la fin des années quatre-vingt-dix sous l'influence du commissaire britannique Neil Kinnock, processus endossé ensuite par MM. Prodi et Barroso. Aujourd'hui on est en présence d'une administration extrêmement déstabilisée où les services et les directions générales sont responsables collectivement devant le collège et la Cour

Page 4/6 des comptes sans que l'on sache véritablement où se situe le pouvoir politique. Les commissaires ne sont pas des ministres. Ils ont un vague rôle collectif de décision. Cela conduit à des erreurs de communication. En pleine crise, on voit la Commission poursuivre plusieurs grands Etats dont la France parce que le grand hamster d'alsace n'est pas assez bien protégé. Ce type de décalage alimente un manque de confiance dans les institutions européennes. Le traité de Nice, en 2001, puis le traité de Lisbonne avaient fait évoluer la donne. On a vu alors apparaître un nouvel équilibre à travers par exemple le service diplomatique sous contrôle de la Commission pour le budget mais surtout sous la tutelle du Conseil européen des chefs d'etat et de gouvernement. Il n'empêche que, en matière fiscale ou financière, lorsque des mesures exceptionnelles s'imposent, lors de la chute de Lehman Brothers par exemple ou aujourd'hui sur la question de l'aide à la Grèce, les chefs d'etat se retrouvent à la table du Conseil, au nom de leurs pays, qui représentent les garanties de dernier ressort, sans que l'u- "Un commissaire par Etat membre, comme stipulé par le traité de Nice, c'est une erreur" nion européenne ne se soit dotée d'un budget significatif. Celuici représente I % du PIB, 138 milliards d'euros par an, quand la Chine peut mobiliser 600 milliards de dollars pour son plan de relance. Le problème c'est que, malgré le Parlement européen, la légitimité démocratique de l'europe fait encore défaut. Promouvoir le principe "un électeur, une voix?" Le Parlement européen est tenu par le respect de la double légitimité : celle des Etats, tout d'abord, qui fait que le Luxembourg dispose de 8 députés, et celle du peuple. Le passage par les Etats reste obligé pour les grandes décisions. Par contre, lorsque chacun s'est engagé collectivement, il reste nécessaire qu'un organe supranational, la Commission, se charge de rappeler à chacun ses engagements. Or, celle-ci est fragilisée. Les hommes, certainement, sont en cause. Oh se prend parfois à rêver du temps de la Commission dirigée par Jacques Delors qui avait une véritable autorité et une capacité d'engagement, arrivant toujours à la table des négociations avec une solution. Des personnalités comme Raymond Barre ont également marqué cette époque. Cela dit, le système lui aussi semble au bout du rouleau, lin commissaire par Etat membre, comme stipulé par le traité de Nice, c'est une erreur. Il faudrait revenir au dispositif précédent, qui tenait compte du poids de chacun. L'organe gagnait en indépendance, parce qu'il pouvait plus difficilement être contesté. C'était tout aussi peu démocratique mais plus légitime. Mode d'emploi en blanc La crise est venue heurter de plein fouet ce système usé. A présent on est face à une crise de doute qui prospère sur une situation économique et financière que l'on pourrait comparer, en moins grave, à celle des Etats-Unis : dette publique élevée, déficit courant très important, problèmes de disparités régionales importants. Il semble évident que l'absence de gouvernance commune au nom de la liberté individuelle de chaque nation pose problème et qu'une véritable réponse à la crise passe par un rapprochement, même à quelques-uns, pour valoriser notre force commune. Le PIB de la zone euro équivaut à celui des Etats-Unis. L'Europe a la force de rétablir la confiance, mais n'a pas prévu la procédure, il lui faudra faire preuve d'audace. On manque aussi d'un message à faire passer. Affirmer avec force que l'intégration va se poursuivre, sur les services financiers, sur le principe d'un "L'Europe a la force de rétablir la confiance, mais n'a pas prévu la procédure" ministre des Finances commun, sur des procédures de décision rapides en cas de problèmes bancaires par exemple, aurait pour effet de rassurer les investisseurs. Seule la Banque centrale, par défaut, en outrepassant son mandat juridique, a donné ce signal volontaire. C'est le sens des décisions d'un Jean-Claude Trichet, qui a eu les réflexes et le courage de prendre des décisions comme le rachat de dettes publiques, parfois contre l'avis de son conseil. II a agi en Européen responsable, avec une vision mondiale, là où les chefs d'etat n'apportaient pas de réponse. On reproche àtrichet de n'avoir de comptes à rendre à personne, mais au final il a agi au bon moment et c'est ce qu'il faut retenir. On peut aussi reprocher à Nicolas Sarkozy et à Angela Merkel de prendre des initiatives au nez de leurs partenaires. En l'absence de procédures adéquates, il n'y a guère d'autres possibilités. C'est le résultat qui compte. Inversement, on peut s'attrister que la perspective de voir 200 milliards d'euros partir en fumée le lendemain sur les marchés, n'aient pas été suffisants pour débloquer le dernier versement de fonds prévu pour la Grèce. Les sauts qualitatifs possibles On sait donc à peu près ce qui devrait être mis en place, les marchés réclament un fédéralisme budgétaire, mais le passage aux actes pose problème en raison du déficit démocratique et parce que, politiquement, tout le monde n'y est pas prêt. Le f édéralisme budgétaire cela consiste à discuter avec ses partenaires avant de faire voter un budget. C'est à l'ordre du jour, dès le mois de janvier prochain, au niveau européen : les six textes législatifs qui viennent de passer prévoient des sanctions automatiques, pénalités et sanctions financières, si le plan budgétaire qui aura été soumis à la Commission et au Conseil européen n'est pas respecté. C'est un vrai saut qualitatif, inimaginable il y a deux ans. Plus novateur encore, le Fonds européen de stabilité financière suit des principes de solidarité - porter secours à un Etat membre dé- "Le principe d'un plan budgétaire soumis à la Commission et au Conseil européen aurait été

Page 5/6 inimaginable il y a deux ans" f aillant - contraires aux traités, qu'il est nécessaire de modifier et de faire entériner par les Parlements. Lorsque Nicolas Sarkozy affirme qu'un Fonds monétaire européen a été créé, doté en l'occurrence de 400 milliards d'euros, c'est la réalité. On a donc acte le principe de la solidarité et d'une discipline budgétaire renforcée. L'importance de ces changements n'a sans doute pas été assez soulignée. En France, la marge de manœuvre sera très réduite pour le prochain président de la République : avec ces nouvelles règles, le déficit primaire de la France est condamné dans l'année qui vient car nous dépensons plus en fonctionnement que ce que nous dégageons de recettes pérennes. Mais, c'est cela ou la ruée au guichet des banques. Coup d'audace ou coup de grâce La comparaison avec les années cinquante semble utile. A l'époque où Robert Schuman fait sa déclaration, les pays européens sont ruinés. Schuman et Jean Monet analysent le problème à résoudre de manière très pointue. Il faut reconstruire en évitant l'- hyperinflation. L'intelligence de la solution retenue, consistant à mutualiser des postes essentiels dont le charbon et l'acier, tient dans sa précision. Il faudrait faire la même démarche aujourd'- "La priorité absolue est de rétablir la confiance. Deux ou trois annonces spectaculaires montrant que l'on a la volonté de continuer à travailler ensemble" hui en partant de ce qu'est le problème principal, à savoir le manque de confiance. Les investisseurs du monde entier et une partie des Européens doutent de la solidité de la zone euro. C'est sur ce seul point qu'il faut donc se concentrer en remettant à plus tard les grands débats idéologiques. La priorité absolue est de rétablir la confiance. Deux ou trois annonces spectaculaires montrant que l'on a la volonté de continuer à travailler ensemble peuvent suffire, pas forcément d'ailleurs à 27, ni même à 17 mais peut-être d'abord à deux, entre la France et l'allemagne. C'est un peu ce que tentent de faire Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. L'impôt commun sur les sociétés, par exemple, au même taux et sur la même assiette, est prévu pour 2013, donc demain. davantage les esprits que la règle d'or" favorisant le prélèvement à la source, gage d'une ressource constante. Ces sujets où l'allemagne et la France sont d'accord pourraient être inscrits, c'est notre proposition, dans un traité bilatéral. Lel6 août dernier, les deux Etats ont exprimé leur intention de se concerter sur leurs budgets respectifs, avant même d'aller les soumettre à Bruxelles. C'est une avancée considérable. Après un tel processus, il est probable que les budgets seront votés différemment en pensant un peu moins aux intérêts corporatistes et un peu plus à l'europe, lin traité entre deux grands pays du cœur de la zone euro réaffirmant ces principes de rigueur et de solidarité, ouvert aux autres, aurait certainement un fort effet d'entraînement. Avant l'élection presidentielle cela frapperait bien davantage les esprits que la règle d'or. Idées reçues sur l'allemagne On entend souvent évoquer les réticences de l'allemagne. Notre voisin est dans un état d'esprit beaucoup plus ouvert qu'on ne le pense. Simplement, les Allemands sont attachés à la règle. Quand celle-ci est franchie, y compris d'ailleurs parfois par eux-mêmes, "Les Allemands savent se laisser convaincre par de bons arguments, mais à condition d'obtenir des garanties" ils en sont extrêmement meurtris. Cela leur rappelle immédiatement des événements bien plus graves, lorsque dans le passé, par effraction,le peuple allemand est sorti de la démocratie. Comment un peuple ordonné et de si grande culture a pu s'abandonner au premier dictateur venu reste un sujet de perplexité pour Propositions II faudrait aller plus loin, parler de TVA, rapprocher les taux, sinon les aligner, au niveau du noyau dur de la zone euro entre Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique. La même recherche d'harmonisation devrait être suivie pour l'impôt sur le revenu, en "Un traité entre deux grands pays du cœur de la zone euro réaffirmant les principes de rigueur et de solidarité, frapperait bien

de ce que sera leur pays darts vingt ou trente ans, et donc sur le sort de leurs enfants" Page 6/6 PIB que la Chine avec une population dix fois inférieure. Les différentiels de croissance sont également de I à 10, mais cela laisse une trentaine d'années pour se retrousser les manches et se repositionner dans les meilleures conditions.vu sous cet angle, l'intérêt de se mettre ensemble redevient évident. En attendant il faut bannir les débats idéologiques et saisir l'importance des enjeux : on ne parle certes pas de guerre ou de paix, mais au minimum de la prospérité et de l'avenir de nos enfants. L'heure est au moins aussi grave qu'au lendemain de la guerre à un moment où en fonction des décisions prises l'europe allait ou pas retrouver une prospérité économique. Aux hommes politiques, évidemment, de transformer cette analyse en quelque chose d'entraînant. Cela passe peut-être par des coups d'audace comme celle dont avait fait preuve Schuman en déclenchant le processus d'unification presque à la sauvette, en allant chercher un soutien devant le peuple. C'est certainement ce que les gens attendent aussi aujourd'hui. "Une véritable réponse à la crise passe à un rapprochement, même à quelques-uns, pour valoriser notre force commune." chaque citoyen auemand.toute une série de comportements codifiés sont sortis de là, dont une partie inscrits dans la Constitution. Les Allemands savent se laisser convaincre par de bons arguments, mais à condition d'obtenir des garanties. Par exemple celle que la France s'engage à mieux gérer ses finances publiques. Forts de cette conviction, ils préféreront passer un marché avec la France plutôt qu'à 27 pays ou avec la Commission qui ne jouit guère de leur confiance. Cela ne les empêche pas de penser à l'europe avec des voix qui s'élèvent outre-rhin pour brusquer les Etats-Unis d'europe. En France on entretient à tort cette idée que l'allemagne est tournée vers le Nord. C'est inexact. Les Français, eux, comprennent facilement l'intérêt de se rapprocher de l'allemagne pour parler de finance et d'économie. C'est une perspective rassurante à un moment où les gens commencent à s'inquiéter pour leur épargne. Bio express L'ami du couple franco-allemand Jean-Dominique Giuliani, 55 ans, dirige depuis 2000 la fondation Schuman, définie comme 'Tunique think tank entièrement consacré à l'étude des politiques européennes", financé à 50 % par une subvention annuelle du Premier ministre votée par le Parlement au titre de l'aide à la démocratie depuis 2000. C'est un homme de cabinet, qui a passé de longues années au Sénat, comme secrétaire général de l'union centriste puis comme directeur de cabinet de René Monory. D a développé une activité de consultant international après avoir intégré la direction générale de TNS Sofres en 2002. C'est un Européen modèle, sûr de ses racines -un village du Cap Corse, île dans l'île s'il en est - mais germanophile et convaincu du renouveau possible de l'idée d'une communauté de destin entre les pays du Vieux Continent. Vision Les citoyens attendent une vision de ce que sera leur pays dans vingt ou trente ans, et donc sur le sort de leurs enfants. Aujourd'- hui, ils les voient au chômage, au bout d'un déclin inéluctable. Si on leur montre l'intérêt d'une mutualisation plus poussée des forces européennes, de l'efficacité à court terme d'un rapprochement avec l'allemagne pour construire une vision stratégique de la place de l'europe dans le monde, cela peut changer ce ressenti négatif. La France et l'allemagne génèrent ensemble le même "Les citoyens attendent une vision